Pour le sociologue Christian Laval, le scandale autour de la nouvelle ministre de l’Éducation naît du fait « qu’une ministre qui est là pour réparer l’école et la rendre plus égalitaire dit, au fond, qu’elle préfère la fuir ». Par Marie Telling
Le HuffPost. La nomination d’Amélie Oudéa-Castéra au ministère de l’Éducation nationale fait polémique, notamment parce que la nouvelle ministre a placé ses trois enfants dans le privé pendant leur scolarité. Un tel choix de ministre vous surprend-il de la part d’Emmanuel Macron et Gabriel Attal ?
Christian Laval. Je ne suis pas plus étonné que ça, c’est tout à fait dans la logique des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. C’est le choix des vieilles lunes néolibérales. C’est-à-dire, au fond, d’avantager ceux qui disposent des atouts sociaux, économiques, culturels…
Mais ce genre de politique s’avance souvent masquée. Là, ce qui est étonnant, c’est que rien n’est dissimulé, c’est le caractère absolument manifeste, voire caricatural, de ce genre de personne au poste où on la met. Il y a une franchise, si je puis dire, d’un gouvernement par les riches et pour les riches.
En matière scolaire, ça paraît tout à fait évident. L’histoire personnelle de la ministre, son milieu social, là où elle habite, les choix qu’elle a faits sont autant d’indices sociologiques d’une appartenance de classe, de laquelle on peut déduire un certain nombre de comportements en matière de choix stratégiques scolaires.
Est-ce que les choix faits par la ministre pour ses enfants nous disent quelque chose de sa vision de l’Éducation nationale ?
Quand on est dans cette situation-là, comment s’extirper de son point de vue de classe ? Cela me paraît difficile de s’identifier à d’autres groupes sociaux. Et puis, et c’est peut-être encore plus grave, il y a le fait d’avoir foi dans l’intérêt général et dans la règle républicaine de la loi égale pour tous. Puisqu’au fond, ce sont des comportements de séparatisme social. Ce sont des comportements d’évasion scolaire.
Comment dans la politique publique que l’on va mener, contrecarrer les comportements personnels que l’on a ? Parce que si on veut faire une politique réellement républicaine, il faut évidemment que la loi soit la même pour tous et que le privé soit aligné dans ses règles de fonctionnement, dans ses règles de recrutement, qu’il obéisse à des règles de mixité sociale, ce à quoi le privé s’oppose de façon virulente.
Comment attendre d’une ministre de ce genre qu’elle fasse absolument tout le contraire de ce qu’elle fait dans le privé ? D’une certaine façon, la seule manière qu’elle aura de s’en sortir, me semble-t-il, c’est de suivre la ligne qui est celle de Macron et de son Premier Ministre, c’est-à-dire de faire oublier les processus inégalitaires qui rongent l’école par une rhétorique d’autorité et d’ordre, d’inspiration sarkozyste. On va parler d’uniforme, on va parler de Marseillaise, on va parler de service civique universel. On va parler de toutes ces choses-là pour ne pas parler de ce qui cause des fractures sociales, c’est-à-dire précisément ce genre de comportement des classes dominantes.
Vous pensez qu’Amélie Oudéa-Castéra et le gouvernement actuel sont en mesure de comprendre ces fractures sociales et de faire un travail pour compenser les inégalités à l’école ?
On dit souvent qu’ils sont totalement déconnectés, qu’ils vivent dans une autre sphère. C’est le cas depuis très longtemps. Ils sont issus des formations d’élites. C’est tout leur milieu qui les empêche d’accéder à un certain nombre de vérités sociales, qu’ils voient avec un regard biaisé. Voir le monde autrement qu’à la manière de son milieu, c’est extrêmement difficile.
Bourdieu avait montré il y a des années que les milieux de hauts fonctionnaires étaient complètement convertis à la logique du privé, qu’ils avaient perdu tout sens du service public authentique, de l’intérêt général. Si l’état social et éducatif disparaît et s’effondre, c’est aussi parce qu’il est dirigé par des gens qui vivent dans cet univers-là où, j’imagine, l’école publique n’est pas très valorisée. Où on cherche à la fuir, plus qu’à l’améliorer.
C’est ça qui fait scandale aujourd’hui : qu’une ministre qui est là pour réparer l’école et la rendre plus égalitaire dise, au fond, qu’elle préfère la fuir. Et qu’elle légitime par là même l’évasion scolaire, plutôt qu’une stratégie de transformation égalitaire de l’école.
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Michel BEYER
Avec ce type de personnage, nous sommes loin de ce que doit être un ministre de la République. Nous sommes loin de la probité du ministre communiste Ambroise Croisat. Bien que ministre, il avait fait poser des compteurs particuliers, eau, électricité etc….à la porte des appartements. Il ne mélangeait pas vie de famille et vie de ministre.
Mme Oudéa-Castera s’était faite donneuse de leçons de morale lors de l’affaire Noël Le Graet, ex-président de la FFF. Il n’y a pas grand’chose à retenir de son passage aux sports. Si elle ose se maintenir comme ministre à l’Education Nationale, je crains le pire.
Avec la nomination de plusieurs ministres, qui, cela semble évident, n’ont pas qualité pour être ministre, que veulent mettre en place Macron et Attal?
Daniel Arias
Notre pauvre ministre de l’Éducation Nationale a un accueil bien singulier alors qu’au final elle ne fait que suivre une longue tradition.
Elle est accusée injustement de promouvoir le “séparatisme scolaire”.
Un nouveau sujet de querelle entre français, mais qu’y avait il avant le “séparatisme scolaire” ?
L’enseignement catholique ou privé n’a jamais disparu de nos Républiques Françaises et souvent a formé nos dirigeants et les enfants de l’aristocratie-bourgeoisie qui trouve son compte dans les valeurs de ces établissement et une sécurité de vivre d’entre soi dans ce Beau Monde parmi les Gens de Biens.
La modernité avec la lutte pour la Laïcité n’implique pas l’abandon d’un choix d’éducation dans des Lycées “publics” des beaux quartiers où exercent les “meilleurs” enseignants, certains se vantant d’avoir 100% d’agrégés et même des enseignants d’Université, pour le prolétaire tu attendra les remplacements.
Ces Lycées de l’Égalité des chances offrent aux très, très, chers propriétaires des grandes maisons bourgeoises des écoles gratuites financés par les impôts, vous voyez bien que la bourgeoisie aussi peut apprécier l’éducation publique, surtout quand elle commence à coûter très cher dans les Grandes Écoles.
Un petit tour des CV, très instructifs, des présidents de la cinquième.
Charles De Gaulle est fils d’Henri.
Henri de Gaulle est un enseignant de l’école Jésuite Sainte-Geneviève, “monarchiste de regret et républicain de raison”, il enseignera également à Stanislas, il est formé par le Jésuite Olivaint qui sera fusillée par les Communards en tant qu’otage pendant la Semaine Sanglante de la Commune. Il entrera au service de Auguste Élisabeth Joseph Bon-Amour de Talhouët-Roy Maréchal lors de la Restauration et actionnaire de la Banque de France.
Côté maternel c’est les industriels du tissage et de la Manufacture des Tabacs.
Charles est éduqué à l’école des Frères des écoles chrétiennes, pendant que son père enseigne au Collège de l’Immaculée-Conception avant de fonder l’école Louis de Fontanes (aristocrate), Charles est inscrit chez les Jésuites en Belgique au Collège du Sacré Cœur.
Charles entrera à l’école militaire de Saint-Cyr après une année préparatoire à Stanislas.
Giscard issu de familles bourgeoises et aristocratiques fait ses études dans l’enseignement catholique puis au Lycée “public” Janson de Sailly dans le 16ème, à Blaise Pascal à Clermont-Ferrand (Lycée public de grande réputation locale), puis à Louis le Grand.
François Mitterrand issus d’une famille de négociants et producteurs de vinaigre, catholique et conservateurs. François est éduqué dans l’école privée Sainte Marie de Jarnac puis au collège privé catholique Saint-Paul d’Angoulême, il deviendra membre de la jeunesse étudiante chrétienne parmi d’autres Jécistes célèbres comme Alsthusser ou Jean Marie Lustiger qui s’opposera à la Loi Savary en 1984 sous le gouvernement du même François Mitterrand. François Mitterrand sera hébergé au foyer catholique “Réunion des Étudiants” chez les Maristes quand il entrera à la faculté des lettres et de droit à Paris, foyer qui hébergera également Édouard Balladur, André Bettancourt, Max Guazzini (dirigeant de NRJ radio issue de la libération des ondes radio par Mitterrand) ou encore François Dalle Pdg de l’Oréal(1957-1984) qui sera aussi l’auteur du rapport Dalle sur la restructuration de l’industrie automobile française sur le modèle japonnais. (Industrie automobile comme lieu de la lutte des classes dans les années 80.)
Jacques Chirac, petit fils d’instituteurs et fils d’Abel François Chirac, financier et collaborateur des avionneurs Henri Potez et Marcel Dassault.
Jacques Chirac commence à l’école communale de Sainte-Féréole, Corrèze, puis au Lycée
Hoche (public), au cours Hattemer (privé) où passent également de nombreuses personnalités, Christine Ockrent, Anne Sinclair, Christophe Dechavanne, Birgitte Bradot, Jean Paul Sartre, les Debré, Jean d’Ormesson, quelques Monacos, un Aga Khan, Giscard aussi, bref là encore du Beau Monde des magazines et des écrans, puis Chirac continue au Lycée Carnot très réputé et ancienne institution privée et pour privilégiés, en faillite et concurrencé par une autre institution privée Janson de Sailly, il sera racheté par le parlement en 1895 pour l’équivalent de 12 millions d’euros. L’État a parfois du bon surtout quand les classes primaires restent payantes en 1895. Le Lycée est le lieu de formation de nombreuses personnalités de Louis Aragon aux Daft Punk ou Dominique Strauss Khan, Maurice Couve de Murville, Patrick Timsit,.., Jacquot finira à Louis le Grand. Visiblement il est un lycéen nomade.
Nicolas Sarkozy est élève au Lycée Chaptal (public), avant de redoubler sa sixième au cours privés Saint-Louis de Monceau ou il obtiendra au rattrapage un bac B.
François Hollande, notre président est lui aussi normal, enfance à Rouen puis dans les quartiers aisés de Bois-Guillaume, il est élève au pensionnat Jean-Baptiste-de-La-Salle avant que son père ne vende en 1968 sa clinique, quelques appartements, la maison de Bois-Guillaume pour trouver de l’air frais à Neuilly-sur-Seine où il se lancera dans l’immobilier, c’est a Neuilly où enfin un Président fera sa scolarité dans le public de cette très, très chère ville de Neuilly au Lycée Pasteur où enseigneront Jean Paul Sartre et Fernand Braudel, mais aussi Aurélie Filipetti (fille de communiste). Parmi les célébrités formées nous trouverons l’équipe du Splendid, BHL, Jean Sarkozy (fils de son père), Renaud Donnedieu de Vabres ou Pierre Tchernia.
Emmanuel Macron, fils de fonctionnaires, père médecin et professeur au CHU d’Amiens et mère ,médecin conseil à la sécu qui formeront de futurs médecins sauf Emmanuel, un des grands pères est cadre à la SNCF, et une grand mère institutrice, la famille est plutôt d’origine “modeste”. Emmanuel Macron sera élève de la 6e à la 1ère au Lycée jésuite La Providence avant d’en être éloigné, ou plutôt de Brigitte, par ses parents qui l’envoient d’Amiens à la Capitale, au Lycée Henri IV, comme Marcel Déat, Jorge Semprun, Laurent Wauqiez, Léon Blum, Alexandre Millerand,… Ce Président agnostique a décidé contre son père de se faire baptiser à l’âge de 12 ans.
Les bibliographies sur Wikipédia sont assez instructives sur qui sont nos dirigeants et démontre encore que la lutte des classes n’est pas une illusion, un discours ou une opinion mais bien une réalité sociale.
Il semble que le creuset dans lequel se forgent nos dirigeants tient dans quelques établissements Parisiens des beaux quartiers et quand ils sont ouverts au public ce n’est pas toujours le cas des logements qui les voisinent excluant de fait les élèves les plus représentatifs de la société française, déjà exclus par le capital culturel familial.
Aucun employé, aucun ouvrier n’a encore réussi à franchir le seuil de l’Élysée, même avec une solide formation syndicale ou politique.
Ce monde des grands dirigeants de nos Républiques est celui des hommes d’affaire, de la presse et du spectacle, celui aussi de la production intellectuelle, celui des descendants de l’aristocratie de l’Ancien Régime ou Restaurée par l’alliance avec la haute bourgeoisie, celui des mariages entre présentateurs politistes télé et personnalités politiques, celui également du pantouflage et de la proximité avec une certaine internationale bourgeoise et parfois ses agents très discrets et très actifs des fondations diverses et ONG et aujourd’hui autres cabinets de consultants.
Dans ces fiches il n’est pas rare de trouver des liens familiaux plus ou moins lointains entre certains de ces démocrates et les milieux réactionnaires ou fascistes des années 20 où déjà une idée bien précise de l’unité européenne devenait réalité dans la tête de nos aristocrates et bourgeois. Révélation d’une certaine continuité d’un Monde bien ordonné, malgré les apparences de changement. Tous au final ont servi les intérêts d’une même classe qu’ils en soient issus ou qu’ils en soient des parvenus. Tous servent les mêmes intérêts hier comme aujourd’hui il n’y a pas de conversion de ces hauts serviteurs, ils sont des variations du même.
Un point commun semble se dessiner il semble que pour devenir représentant de la République Française il faille obtenir d’abord l’accord de Dieu. L’importance de la formation catholique hier des Rois aujourd’hui des présidents n’est pas sans rappeler l’alliance du Glaive et du Goupillon au service hier de l’aristocratie et aujourd’hui de la bourgeoisie y compris quand elle se veut laïque, de gauche, et même radicalement anticléricale celle dont le Tigre en sera un représentant et qui ne s’interdira pas d’envoyer la troupe contre les travailleurs des mines, l’autre partisan de la laïcité et opposant au Tigre est Jules Ferry qui entend civiliser les sauvages des colonies françaises au nom d’une République toute puissante contre les civilisations non catholiques, rêvant d’une France qui brille autant que celle du Roi Soleil.
Tous servent les intérêts de la classe des propriétaires dans une étrange continuité où les institutions archaïques persistent avec juste le nécessaire de modernisation.
Finalement la pauvre Amélie Oudéa Castera fait presque pitié elle en prend plein la gueule pour avoir fait comme les autres, elle démarre fort et a déjà son heure de gloire dans la presse ; tiens, la même presse formée dans les mêmes moules de la République qui laisse passer d’autres scandales bien plus graves, enfin Gérard peu enfin se reposer un peu. Il faut croire que nos communicants ont besoin de nous offrir régulièrement des têtes à claques comme défouloir. Tant que le peuple ne s’occupe pas de s’organiser pour revendiquer du pain, un toit et la paix ces spectacles sont profitables.
À qui le prochain tour ? Espérons que cette pratique du lynchage ne se démocratise pas tant elle nous éloigne de la lutte pour un nouveau mode de production, pour le socialisme, pour un nouvel État où enfin seront mis aux responsabilités des personnes issues du monde normal et formés dans les écoles de l’égalité réelle.
Liens:
Charles de Gaulle:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Gaulle
https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_de_Gaulle#Enseignant_et_affaire_Dreyfus
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Enseignant_au_coll%C3%A8ge_Stanislas_de_Paris
Giscard d’Estaing:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Val%C3%A9ry_Giscard_d%27Estaing
https://www.whoswho.fr/decede/biographie-valery-giscard-d-estaing_14696
François Mitterrand:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Mitterrand
Jacques Chirac
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Chirac
Nicolas Sarkozy
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Sarkozy
François Hollande:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Hollande
Emmanuel Macron
https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Macron
Janson de Sailly:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lyc%C3%A9e_Janson-de-Sailly
https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-du-pere-pierre-olivaint-1816-1871-religieux-jesuite-fusille-le-26
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000005866/la-mobilisation-des-partisans-de-l-ecole-privee-provoque-l-echec-de-la-loi-savary.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hattemer_Bilingue
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lyc%C3%A9e_Carnot_(Paris)