Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le Mali et la Russie: Aminata TRAORÉ et Andrei Doultsev (vidéo)

Andrei Doultsev nous envoie ce passionnant dialogue avec une intellectuelle, militante altermondialiste malienne Aminata TRAORE, une première vidéo tournée au Mali et qui devrait être suivie d’une autre.

Dans un moment où Macron accuse la Russie de s’implanter au Mali en profitant de la guerre, tous deux s’affirment “pacifistes” et s’entendent sur l’idée que tout n’est pas circonscrit à la question de la guerre comme le prétendent les politiciens et médias français.

Notons d’ailleurs que dans ce dialogue, Andrei adopte une double perspective : premièrement, il ne peut s’empêcher en bon Russe d’éprouver une espèce d’admiration pour la France, celle des Révolutions mais aussi de l’indépendance par rapport aux USA dans la guerre froide. ET il souligne le désarroi éprouvé par les mêmes Russes devant les fautes très graves de ces dernières années (l’intervention de Sarkozy en Libye et le retour dans le commandement de l’OTAN). Deuxièmement, il se sent proche des pays qui ont subi l’esclavage colonial, et il montre que le tsarisme non seulement a pratiqué le servage des slaves mais ont eu des élites qui se voulaient plus françaises ou allemandes que russes. La révolution a eu aussi cette dimension anti-impérialiste…. Et il montre comment la fin de l’URSS a été l’équivalent d’une humiliation coloniale, la misère et la destruction du pays et la balkanisation… Mais je vous laisse découvrir cet échange qui va au-delà de l’interview classique.

Cet échange démarre sur le constat d’un déficit de communication sur la Russie et le Mali. Nous avons connu l’URSS mais si on écoute les médias, nous sommes encore dans la même période dit Aminata… Nous ne sommes pas des naïfs dit Aminata, nous savons que Poutine ce n’est pas l’URSS. (1)

Tout n’est pas circonscrit à la question à la guerre… Nous sommes dans la guerre anti-terroriste, au coût très élevé: le résultat de l’intervention française, dit Aminata TRAORE est que le phénomène jadis circonscrit au nord du MALI en couvre aujourd’hui les 2/3 et les pays voisins.

Personne n’a envie d’être dans la guerre, il y a d’autres perspectives auxquelles réfléchir y compris pour éviter les guerres dit Aminata TRAORE, et je vous laisse là aussi découvrir ce passionnant dialogue dans lequel il est question de la France très souvent…

Mais qui est Aminata qui nous présente ce visage passionnant de l’Afrique et du MALI ?

Militante altermondialiste, elle s’est engagée dans le combat contre le libéralisme, qu’elle considère comme responsable du maintien de la pauvreté au Mali et en Afrique en général. Aminata Dramane Traoré souhaite que les États africains cessent de suivre les injonctions des pays occidentaux qui se traduisent par « les plans et programmes des banquiers internationaux et des grandes puissances du Nord » et qui conduisent à la pauvreté des populations et engendrent les phénomènes de violence et l’émigration vers l’Europe d’une grande partie de la jeunesse désabusée. Elle demande aux gouvernants africains de réagir face au néocolonialisme.

Son parcours est passionnant et pourrait être considéré comme atypique si on ignore ce qu’est l’Afrique et le rôle des femmes africaines : née en 1947 dans une famille modeste de douze enfants, Aminata Traoré est titulaire d’un doctorat de 3e cycle en psychologie sociale et d’un diplôme de psychopathologie de l’université de CAEN. Chercheuse en sciences sociales, elle a enseigné à l’Institut d’ethnosociologie de l’université d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et travaillé pour plusieurs organisations régionales et internationales1. Nommée ministre malienne de la Culture et Tourisme sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré entre 1997 et 2000, elle a démissionné pour pouvoir être libre de ses positionnements.

Non seulement dans les compromis intérieurs avec la France, mais au plan international, si elle ne parle pas de communisme tout en insistant sur le rôle joué jadis par l’URSS, comme elle le dit dans l’interview, elle voit dans les rapports avec la Russie actuelle, comme de l’Iran, ou même de la Chine non pas le choix d’une perspective exportée mais bien un panafricanisme qui permette à l’Afrique de se débarrasser de tuteurs comme la France et les USA qui sont incapables de développer d’autres pays et le leur.

C’est en fonction de cette même approche qu’Aminata Dramane Traoré a pris position en faveur du président zimbabwéen Robert Mugabe dans la gestion de son pays, considérant que ce qu’on reproche au dictateur (la faillite de l’économie, le non-respect des droits de l’Homme, l’appauvrissement de la population) serait dû en grande partie à la politique menée par l’ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, et au non-respect de ses engagements. Elle renvoie les « donneurs de leçons », c’est-à-dire selon elle les pays “occidentaux”, à leurs propres manquements (guerre contre l’Irak, crise économique, politique migratoire…). Un dictateur dit-elle on s’en débarrasse, mais quand le colonialisme sous couvert de vous en débarrasser s’implante il détruit tout et ne laisse plus aucun espoir.

L’Afrique n’est pas naïve, la Russie n’est pas l’URSS mais il y a la possibilité d’un monde multipolaire dans lequel l’Afrique peut trouver sa propre voie.

Actuellement Aminata Dramane Traoré est chef d’entreprise à Bamako. Elle est propriétaire d’un restaurant-galerie de luxe, le San-Toro, et d’une maison d’hôtes pour touristes ou riches Maliens, le Djenné, qu’elle a fait construire avec des matériaux locaux.

Elle coordonne les activités du Forum pour un autre Mali et était responsable de l’organisation du troisième volet à Bamako du Forum social mondial polycentrique de 2006.

En mai 2018, elle participe à la conférence internationale « Bandung du Nord », organisée par le Decolonial International Network afin de « questionner la mémoire coloniale ».

En janvier 2020, Aminata Dramane Traoré et une cinquantaine d’intellectuels publient une déclaration demandant l’ouverture d’un débat «populaire et inclusif» sur la réforme du Franc CFA en cours et rappelant que « la question de la monnaie est fondamentalement politique et que la réponse ne peut être principalement technique ».

(1) Au téléphone, Andrei me raconte en riant que la veille il a répondu à des gens de gauche en France qui lui demandaient ce qu’il pensait de Poutine : je le critique mais pas pour les mêmes choses que vous… Vous vous prétendez que c’est un autocrate, un dictateur, en temps que pour moi sa simple erreur est d’être resté sur le modèle capitaliste”

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 195

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.