Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

«Qu’elle soit nationaliste, républicaine ou socialiste, virons la droite.»

Voilà une mobilisation qui mériterait un soutien qui pour le moment lui fait défaut, ou du moins n’est pas à la hauteur du scandale que constitue le choix d’une mairie “socialiste” qui a succédé aux communistes, prétendre mettre dehors une telle compagnie. Mais la mobilisation va monter, déjà je vous signale que le 20 janvier à Marseille nous présentons une intiaitive qui grâce à France Cuba, le cercle Manouchian présente le départ de cette compagnie pour Cuba. Que les Marseillais et tous les gens de Provence Côte d’Azur retiennent cette date, nous vous expliquerons en quoi nos projets concernant Cuba se mélent à notre souhait d’une démocratisation de la culture sans baisser pour autant les exigences, une des grandes réussites de l’île. (note et traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

La compagnie Jolie Môme.© Livia Saavedra

 Cette banderole ne trônera peut-être plus, fièrement accrochée dans le théâtre de la Belle Etoile, à Saint-Denis, d’ici une semaine ou deux. Alors que son bail avec la mairie de la ville de Seine-Saint-Denis arrive à échéance le 31 décembre, la compagnie Jolie Môme – occupante des lieux et célèbre pour ses actions militantes d’extrême gauche – se doit de quitter les lieux, après dix-neuf ans de présence et en pleine saison culturelle. «Avant, le quartier ici, c’était des terrains vagues…» se souvient Flô, comédienne au sein du groupe. Aujourd’hui, le directeur parcourt les quelque 1 200 m2 du site en associant chaque détail à un souvenir, comme le bar construit par un ancien scénographe avec des grillages de fenêtre, ou la couleur des murs, verte, pour le plaisir de l’impertinence – ici, on ne croit pas à la superstition qui veut que cette couleur porte malheur aux comédiens.

La compagnie est arrivée dans ce théâtre de briques blanches en 2004, à peine quitté par les derniers squatteurs, leur laissant des locaux en friche. Michel, Flô, Claire, Clément, Pascale, Cyril et une demi-douzaine d’autres membres de la troupe en ont depuis rénové chaque partie. Aujourd’hui, des chapeaux sont soigneusement suspendus dans la cave, où les costumes sont classés, sur cintres, et le matériel organisé. «Nous ne jetons rien, à chaque nouveau spectacle, nous essayons de faire de la bidouille avec ce que nous avons», partage Michel, le directeur.

«Ils voulaient nous dégager pour des raisons politiques»

Après plusieurs années à la Belle Etoile, la troupe a vu son bail expirer une première fois en juin, mais il avait alors été reconduit par la mairie, qui avait annoncé mettre sa place en concurrence via un appel à projets. Une «obligation légale», explique Mathieu Hanotin, maire PS de Saint-Denis. Parmi les six dossiers présentés au jury de cet appel d’offres, celui de la compagnie Jolie Môme était jugé «le moins bon», rapporte l’édile. Alors la place a été attribuée à la compagnie du Tambour des limbes. Ironie de la situation, cette dernière est dirigée par Rémi Prin, ancien directeur technique des Déchargeurs, et elle-même chassée de son théâtre du Ier arrondissement de Paris après avoir été liquidée. Le Tambour des limbes est une autre compagnie modeste, qui veut donner sa place aux jeunes compagnies émergentes, notamment «des créations totales, soit des textes mis en scènes par leurs auteurs et autrices», 

Pour les artistes de Jolie Môme, la raison serait tout autre. «La mairie voulait nous dégager pour des raisons politiques mais a utilisé l’appel à projets pour se donner une raison», avance la troupe qui programmait hebdomadairement des réunions politiques et associatives, en prêtant sa cuisine à des collectifs de maraude ou en organisant une «soirée de solidarité avec Gaza». «Nous avons le sentiment que ce qui est davantage reproché à Jolie Môme, c’est son positionnement militant, déplore Vincent Brengarth, avocat de la compagnie. On voit bien qu’il y a une opacité totale dans la manière dont ça a été mené.» Une idée à laquelle adhère la directrice du théâtre du Soleil (XIIe arrondissement), Ariane Mnouchkine, dans une lettre adressée au maire de Saint-Denis, et publié dans l’Obs jeudi 28 décembre : «Je reconnais que leur radicalisme entêté peut être exaspérant pour ne pas dire insupportable, mais, cela justifie-t-il une telle rudesse dans la séparation ? Une telle «mise à la porte» plus digne d’un Laurent Wauquiez que d’un maire socialiste ?»

De son côté, la mairie dément toute forme de stigmatisation de la compagnie, mais reconnaît que son militantisme a joué dans la décision de ne pas les reconduire. «Ce n’est pas une punition politique, assure Mathieu Hanotin. Mais si dans un théâtre privé, vous faites bien ce que vous voulez, je crois que dans un théâtre public tout le monde doit se sentir le bienvenu.» Celui qui a remporté les élections municipales de 2020, mettant fin à une lignée de plus de soixante-quinze ans de maires communistes, ne peut être plus clair : «Le théâtre ne doit pas devenir un théâtre uniquement pour un groupe de personnes anarchosyndicalistes.»

Esprit de concession

Pour la troupe Jolie Môme, il n’a jamais été question de fermer les portes à ceux qui n’approuvent pas leurs positions, bien au contraire. «Nous sommes conscients de la réalité, que ce sont toujours les mêmes qui vont au théâtre en France. Mais ici, les habitants de Saint-Denis peuvent nous confier leurs enfants et venir dans des moments de difficultés sociales. Nous sommes à leur service.» La compagnie avait notamment rénové une cuisine, ainsi qu’un bar, en plus de la scène théâtrale.

Un «esprit de quartier» que les nouveaux occupants entendent bien maintenir, et ce dès leur arrivée le 4 janvier, dans un esprit de concession. «Nous pouvons devenir deux compagnies précaires qui s’affrontent, mais ce n’est pas mon but ni celui de Jolie Môme. C’est un petit milieu, nous nous connaissons entre nous et nous avons tous envie que cela se passe bien», assure Rémi Prin. Sa compagnie souhaite devenir «un théâtre municipal complémentaire du théâtre Gérard-Philipe, une alternative pour débuter». Mathieu Hanotin partage cette aspiration : «La compagnie du Tambour des limbes connaît d’expérience la gestion d’un lieu qui doit pouvoir faire la promotion de jeunes compagnies de théâtre. Ils pourront faire émerger les prochains metteurs en scène d’Avignon.»

«Deux façons différentes de voir le théâtre»

Pour Jolie Môme, la nouvelle troupe aurait plutôt été choisie pour sa promesse de donner cinq représentations par semaine, grâce à l’accueil de petites productions. Jusque-là, le théâtre ne proposait pas autant de représentations, consacrant une partie de sa semaine aux ateliers et événements militants. La compagnie déplore cette manière de concevoir l’administration de la Belle Etoile, surtout pour son public, «pas des consommateurs, mais des camarades. Nous, nous sommes une troupe qui tient un lieu avec une philosophie… Ce sont deux façons différentes de voir le théâtre». Avec la nouvelle gestion, exit les conférences régulières animées par des journalistes du Monde Diplo, les réunions politiques… A la place, la mairie promet un «déploiement des activités d’éducation artistique et culturelle». La troupe pour enfant Tamèrentong peut donc se rassurer, Rémi Prin exprime déjà son désir de la reprendre.

En attendant, Jolie Môme demande à la mairie, via son avocat, de mettre à sa disposition un lieu pour entreposer son matériel et pouvoir répéter. «Nous proposer une alternative après avoir interrompu la saison serait la moindre des choses, avance l’avocat Vincent Brengarth. Sans décision à l’amiable, nous envisageons d’entamer des procédures pour faire recours à la décision de l’appel à projets auprès d’un juge administratif.» De leur côté, les membres de Jolie Môme se désolent : «Nous voulons continuer à créer, c’est cela qu’il nous faut.» Avant d’ajouter : «C’est dur de risquer de mourir dans cette situation.» Dans l’immédiat, le Tambour des limbes leur propose de cohabiter en attendant de trouver une solution plus stable.

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