Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La contradiction comme une catégorie de la logique dialectique, par Evald Ilyenkov

Photographie : Evald Ilyenkov avec son père durant la Grande Guerre Patriotique

Au stade où nous en sommes, il faut se replonger dans les fondements de la dialectique matérialiste afin de développer et d’analyser les contradictions auxquelles parvient l’impérialisme sous sa forme actuelle, qui n’est plus déjà, celle qu’avait analysée Lenine en 1915.

Pour ce faire, je propose ce texte d’Evald Ilyenkov, qui expose en s’appuyant sur l’exemple de l’analyse marxiste de la valeur, les fondements de la catégorie logique de la contradiction, “le noyau de la dialectique”.

Ewald Ilyenkov était un important philosophe soviétique. Né en 1924 à Smolensk, il a combattu dans l’armée rouge au cours de la Grande Guerre Patriotique et a été un des éminents acteurs de la philosophie marxiste soviétique dans les années 60 et 70, avant son suicide en 1979. N’ayant pas trouvé de version française de cet article, mais seulement une version anglaise, je vous propose cette version traduite par deepl à partir de la version anglaise.

L’analyse de l’impérialisme nous place dans un double terrain contradictoire : d’une part, il rejoint l’analyse marxiste de la valeur, de sa contradiction interne et des développements qu’opère, de crise en crise le capitalisme pour résoudre cette crise de réalisation de la valeur et résister à la baisse tendancielle du taux de profit. Lenine a montré, à la suite de Marx que la résolution des crises et la lutte contre la baisse tendancielle du taux de profit pousse le capitalisme à nier la concurrence (qui est pourtant son fondement) à travers la constitution des monopoles. Passé un certain stade, les monopoles parviennent à la fusion du capital industriel et du capital bancaire et financier, puis à la fusion avec l’état.

Mais l’analyse de l’impérialisme nous conduit également à la contradiction entre l’organisation internationale des forces productives (caractère international de plus en plus développé et important) et la structure socio-anthropologique de type national de l’état capitaliste. Cela a conduit l’impérialisme à développer le colonialisme et a mené à la lutte mondiale pour le contrôle du monde par les monopoles. L’impérialisme n’est donc pas seulement une catégorie économique. Il soulève aussi la question politique, sociale et philosophique de la souveraineté. C’est pour cela, dans une interprétation réductrice de l’impérialisme, on en est venu à utiliser de manière principale la notion de “pays impérialiste”, simplification abusive, qui pousse un certain nombre d’analystes à tenter de classer les pays en deux catégories : les oppresseurs qu’il faut condamner et les victimes qu’il faut défendre.

Une telle interprétation vulgaire conduit inévitablement à d’invraisemblables contradictions. Ainsi, la situation ukrainienne devient inextricable. La Russie semble oppresser l’Ukraine, mais quid alors des populations du Donbass bombardées par Kiev depuis 2014 ? Pour s’en sortir, la plupart des politiciens ferment simplement les yeux sur cette réalité et s’alignent ainsi sur la politique de l’OTAN. Mais l’OTAN n’est-elle pas elle-même “impérialiste” ?

La méthode matérialiste dialectique que nous expose ici avec pédagogie Evald Ilyenkov nous est nécessaire pour parvenir au terme de l’analyse de l’impérialisme, non seulement tel que Lénine l’a exposé en 1915, ce qui l’a conduit à formuler la nécessité de la révolution socialiste, mais tel qu’il s’est développé au cours du 20ème siècle. Ainsi que le souligne Evald Ilyenkov “le mouvement de la pensée investigatrice (consiste) à révéler cette nouvelle réalité qui se (développe) en vertu de l’impossibilité de résoudre la contradiction objective divulguée à l’origine.”

Ainsi, la solution de Lénine à la contradiction de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme fut la révolution socialiste comme tâche pratique, révolution qui fut d’abord russe mais avec une visée internationale. Mais cette révolution socialiste a rencontré dans son propre développement des contradictions nouvelles, un développement nouveau de la contradiction. La révolution s’est en particulier révélée impossible ou en tous cas infructueuse dans les grands pays capitalistes développés. Il ne s’est donc pas opéré une conclusion finale du processus, mais une étape nouvelle de son développement. Dans l’enchaînement rapide des événements tout au long du 20ème siècle, une nouvelle réalité s’est développée. Comme je le soulignais dans un commentaire, ceci n’est nullement un échec, c’est inévitablement une étape nécessaire que le mouvement de la pensée doit révéler pour mettre à jour les nouvelles formes de la contradiction sur et dans lesquelles nous devons désormais agir.

De fait, si l’URSS a disparu en tant que forme d’état socialiste nouveau, la dynamique révolutionnaire enclenchée par la révolution russe n’a jamais cessé. Au contraire, d’une part, les formes socialistes se sont développées à des degrés divers y compris de manière travestie et partielle au sein même des grands états capitalistes. De plus, des bases nouvelles ont été crées pour une nouvelle étape avec la transformation radicale des rapports mondiaux, la disparition du colonialisme originel et l’ascension de la Chine comme nouveau centre industriel dominant.

Ce faisant, l’impérialisme lui-même s’est développé selon des formes nouvelles, à la fois dans sa contradiction internationale avec le socialisme et dans sa contradiction interne. Le passage de l’article qui concerne l’articulation entre contradiction interne et contradiction externe est très éclairant : “La dialectique ne réduit nullement l’une (la contradiction interne) à l’autre (la contradiction externe). Elle reconnaît l’objectivité des deux. Cependant, il ne s’agit pas de réduire une contradiction externe à une contradiction interne, mais de dériver la première de la seconde et de comprendre ainsi l’une et l’autre dans leur nécessité objective. La dialectique ne nie d’ailleurs pas le fait qu’une contradiction interne apparaît toujours dans les phénomènes sous la forme d’une contradiction externe.

La contradiction interne à l’impérialisme est première, elle est le développement des contradictions propres au mode capitaliste d’accumulation. Elle apparaît sous la forme d’une contradiction externe dans les rapports impérialistes de domination de l’état et au final (c’est mon hypothèse de travail à ce stade) dans la liquidation de la souveraineté des états bourgeois, dominés d’abord mais dominants ensuite.

Nous sommes donc toujours au stade de la transition vers une société socialiste et de la contradiction entre le capitalisme finissant et le socialisme émergeant. Aujourd’hui, cette contradiction prend des formes nouvelles et s’approche d’un nouveau stade. Ces formes nouvelles résultent de la transformation polaire, contradictoire (et pourtant unique et identique au sens dialectique) du socialisme et du capitalisme impérialiste. C’est cela qu’il nous faut approfondir, en remontant aux origines et en suivant tout le cours du développement afin de cerner les dimensions réelles du combat d’aujourd’hui.

Note de Franck Marsal pour Histoire et Société

La contradiction comme une catégorie de la logique dialectique, par Evald Ilyenkov

Traduction Deepl à partir de la version anglaise :

La contradiction en tant qu’unité concrète de contraires qui s’excluent mutuellement est le véritable noyau de la dialectique, sa catégorie centrale. Sur ce point, il ne peut y avoir deux points de vue parmi les marxistes ; mais une difficulté non négligeable surgit immédiatement dès que l’on aborde la “dialectique subjective”, la dialectique en tant que logique de la pensée. Si un objet quelconque est une contradiction vivante, quelle doit être la pensée (l’énoncé sur l’objet) qui l’exprime ? Une contradiction objective peut-elle et doit-elle se refléter dans la pensée ? Et si oui, sous quelle forme ?

La contradiction dans les déterminations théoriques d’un objet est avant tout un fait constamment reproduit par le mouvement de la science, et n’est pas nié par la dialectique, ni par les matérialistes, ni par les idéalistes. Le point qu’ils contestent est autre, à savoir : quel est le rapport de la contradiction de la pensée à l’objet ? En d’autres termes, peut-il y avoir une contradiction dans la pensée vraie, correcte ?

Le logicien métaphysique tente de démontrer l’inapplicabilité de la loi dialectique de la coïncidence ou du concours des contraires, qui équivaut à leur identité, au processus même de la pensée. Ces logiciens sont parfois même prêts à reconnaître que l’objet peut, en accord avec la dialectique, être en lui-même contradictoire. La contradiction est dans l’objet mais ne doit pas être dans les idées qui le concernent. Le métaphysicien, cependant, ne peut toujours pas se permettre de reconnaître la vérité de la loi qui constitue le noyau de la dialectique, par rapport au processus logique. Le principe de contradiction est transformé en critère absolu et formel de vérité, en canon a priori indiscutable, en principe suprême de la logique.

Certains logiciens s’efforcent d’étayer cette position, qu’il est difficile de qualifier autrement que d’éclectique, en invoquant la pratique de la science. Toute science, lorsqu’elle se heurte à une contradiction dans les déterminations d’un objet, s’efforce toujours de la résoudre. N’agit-elle pas alors conformément aux recettes de la métaphysique, qui considère que toute contradiction dans la pensée est inadmissible, et qu’il faut s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre ? C’est ainsi que le métaphysicien de la logique interprète des moments similaires dans le développement de la science. La science, dit-il, s’efforce toujours d’éviter les contradictions, mais la dialectique a une tendance opposée.

Ce point de vue repose sur un malentendu, ou plutôt simplement sur l’ignorance d’un fait historique important : la dialectique est née là où la pensée métaphysique (c’est-à-dire la pensée qui ne connaît ni ne désire connaître aucune autre logique que la logique formelle) s’est finalement trouvée prise dans les contradictions logiques qu’elle avait mises en lumière uniquement parce qu’elle observait de manière persistante et cohérente l’interdiction de toute forme de contradiction dans les déterminations. La dialectique en tant que logique est le moyen de résoudre ces contradictions, de sorte qu’il est stupide de l’accuser de vouloir accumuler les contradictions. Il est irrationnel de voir la cause de la maladie dans la venue du médecin. La question ne peut être que de savoir si la dialectique réussit à guérir les contradictions dans lesquelles la pensée tombe, en fait, à la suite d’un régime métaphysique des plus rigoureux qui interdit inconditionnellement toute contradiction. Et si elle y parvient, pourquoi ?

Passons à l’analyse d’un exemple frappant, un cas typique de la façon dont des montagnes de contradictions logiques ont été empilées uniquement au moyen de la logique formelle absolutisée, et résolues rationnellement uniquement au moyen de la logique dialectique. Nous pensons à l’histoire de l’économie politique, à l’histoire de la désintégration de l’école ricardienne et à l’essor de la théorie économique de Marx. La sortie de l’impasse des paradoxes et des antinomies théoriques dans lesquels l’école ricardienne s’était engagée n’a été trouvée, comme nous le savons, que par Karl Marx, et elle a été trouvée précisément au moyen de la dialectique en tant que logique.

Le fait que la théorie de Ricardo contienne une masse de contradictions logiques n’a pas du tout été découvert par Marx. Malthus, Sismondi, McCulloch et Proudhon l’avaient bien vu. Mais seul Marx a été capable de comprendre le caractère réel des contradictions de la théorie de la valeur du travail. Considérons, à la suite de Marx, l’une d’entre elles, la plus typique et la plus aiguë, l’antinomie de la loi de la valeur et de la loi du taux moyen de profit.

La loi de la valeur de David Ricardo établissait que le travail humain vivant était l’unique source et substance de la valeur, affirmation qui constituait un énorme progrès sur la voie de la vérité objective. Mais le profit est aussi une valeur. En essayant de l’exprimer théoriquement, c’est-à-dire à travers la loi de la valeur, on obtient une contradiction logique évidente. Le fait est que le profit est une valeur nouvelle, nouvellement créée, ou plutôt une partie de cette valeur. Il s’agit là d’une détermination analytique incontestablement vraie. Mais seul le travail nouveau produit de la valeur nouvelle. Mais comment cela s’accorde-t-il avec le fait empirique tout à fait évident que la quantité de profit n’est pas du tout déterminée par la quantité de travail vivant dépensée pour sa production ? Elle dépend exclusivement de la quantité de capital dans son ensemble, et en aucun cas de l’importance de la partie consacrée aux salaires. Et il est encore plus paradoxal que plus le profit est élevé, moins la quantité de travail vivant consommée pour sa production est importante.

Dans la théorie de Ricardo, la loi du taux moyen de profit, qui établissait la dépendance de l’échelle du profit par rapport à la quantité de capital dans son ensemble, et la loi de la valeur, qui établissait que seul le travail vivant produisait de la valeur nouvelle, se trouvaient dans une relation de contradiction directe, s’excluant mutuellement. Pourtant, ces deux lois déterminent un seul et même objet (le profit). Cette antinomie a été relevée en son temps par Malthus avec une délectation malveillante.

Voilà donc un problème qu’il est impossible de résoudre avec les principes de la logique formelle. Et si la pensée avait abouti ici à une antinomie, et s’était heurtée à une contradiction logique, il était difficile d’en imputer la responsabilité à la dialectique. Ni Ricardo ni Malthus n’avaient la moindre idée de la dialectique. Tous deux ne connaissaient que la théorie lockienne de l’entendement et la logique (et celle-ci formelle) qui lui correspond. Ses canons étaient pour eux indiscutables, et les seuls. Cette logique ne justifiait une loi générale (en l’occurrence la loi de la valeur) que lorsqu’elle était démontrée comme une règle empirique immédiatement générale sous laquelle tous les faits quels qu’ils soient étaient subsumés sans contradiction.

Or, il s’est avéré qu’il n’y avait en fait aucune relation entre la loi de la valeur et les formes de sa manifestation. Dès que l’on tente de traiter le profit de manière théorique (c’est-à-dire de le comprendre à travers la loi de la valeur), il s’avère soudain une contradiction absurde. Si la loi de la valeur est universelle, le profit est en principe impossible. Par son existence, il réfutait l’universalité abstraite de la loi de la valeur, la loi de sa propre existence particulière.

Ricardo, le créateur de la théorie de la valeur du travail, était principalement préoccupé par l’accord entre les énoncés théoriques et l’objet. Il exprimait sobrement, et même cyniquement, l’état réel des choses ; et celui-ci, criblé d’antagonismes insolubles, se présentait naturellement à la pensée comme un système de conflits, d’antagonismes, de contradictions logiques. Cette circonstance, que les théoriciens bourgeois considéraient comme une preuve de la faiblesse et de l’incomplétude de sa théorie, était au contraire une preuve de sa force et de son objectivité.

Lorsque les disciples et les successeurs de Ricardo n’ont plus fait de la correspondance de la théorie à l’objet leur principale préoccupation, mais plutôt de l’accord des déterminations théoriques développées avec les exigences de la cohérence logique formelle, avec les canons de l’unité formelle de la théorie, la théorie de la valeur du travail a commencé à se désintégrer. Marx a écrit à propos de James Mill : “Ce qu’il essaie de réaliser, c’est la cohérence formelle et logique. La désintégration de l’école ricardienne commence donc avec lui”.

En fait, comme Marx l’a montré, la loi générale de la valeur se trouvait dans une relation de contradiction mutuellement exclusive avec la forme empirique de sa propre manifestation, avec la loi du taux moyen de profit. Il s’agissait d’une contradiction réelle d’un objet réel. Et il n’était pas surprenant qu’en essayant de subsumer une loi directement et immédiatement sous l’autre, on obtienne une contradiction logique. Mais quand, néanmoins, on continuait à vouloir faire concorder directement et sans contradiction la valeur et le profit, on obtenait alors un problème qui était, selon les termes de Marx, “beaucoup plus difficile à résoudre que celui de la quadrature du cercle….”. Il s’agit simplement d’une tentative de présenter ce qui n’existe pas comme existant réellement”.

Le théoricien métaphysicien, confronté à un tel paradoxe, l’interprète inévitablement comme le résultat d’erreurs commises plus tôt dans la pensée, dans l’élaboration et la formulation de la loi universelle. Et il cherche naturellement à résoudre le paradoxe par une analyse purement formelle de la théorie, en précisant les concepts, en corrigeant les expressions, etc. A propos de cette approche de la résolution du problème, Marx écrit : “Ici, la contradiction entre la loi générale et les développements ultérieurs dans les circonstances concrètes doit être résolue non pas par la découverte des liens de connexion, mais par la subordination directe et l’adaptation immédiate du concret à l’abstrait. En outre, cela doit être réalisé par une fiction verbale, en changeant les vocabulaires vera rerum. (Il s’agit bien de “disputes verbales”, mais elles sont “verbales” parce que les contradictions réelles, qui ne sont pas résolues de manière réelle, doivent être résolues par des phrases).

Lorsque la loi générale contredit la position empirique commune des choses, l’empiriste voit immédiatement la solution dans la modification de la formulation de la loi générale de manière à ce que la position empirique générale soit directement subsumée par elle. A première vue, il devrait en être ainsi : si la pensée contredit les faits, la pensée doit être modifiée de manière à s’aligner sur les phénomènes généraux qui se manifestent immédiatement à la surface. En fait, c’est théoriquement faux, et en l’adoptant, l’école ricardienne est parvenue à un rejet complet de la théorie de la valeur du travail. La loi générale révélée par Ricardo a été sacrifiée à l’empeiria (expérience) brute, mais l’empirisme brut a été inévitablement converti en une “fausse métaphysique, la scolastique, qui s’efforce péniblement de déduire des phénomènes empiriques indéniables par simple abstraction formelle directement de la loi générale, ou de montrer par une argumentation astucieuse qu’ils sont en accord avec cette loi”.

La logique formelle, et la métaphysique qui en fait un absolu, ne connaît que deux façons de résoudre les contradictions de la pensée. La première consistait à ajuster la loi générale à l’état de fait directement général, empiriquement évident. Comme nous l’avons vu, cela entraînait la perte du concept de valeur. La seconde méthode consistait à représenter la contradiction interne, à exprimer la pensée comme une contradiction logique, comme une contradiction externe de deux choses, chacune d’entre elles étant, en soi, non contradictoire, une procédure connue sous le nom de réduction de la contradiction interne à une contradiction “dans des relations différentes ou à un moment différent”. Le procédé est le suivant : le profit ne peut être expliqué à partir de la valeur. Le profit ne peut s’expliquer à partir de la valeur sans contradiction ? Qu’à cela ne tienne ! Il n’y a pas lieu de persister dans une approche unilatérale ; il faut admettre que le profit provient en réalité non seulement du travail, mais aussi de nombreux autres facteurs. C’est le rôle nécessaire de la terre, des machines, de la demande et de bien d’autres facteurs. L’essentiel, disaient-ils, ne réside pas dans les contradictions, mais dans la plénitude. Ainsi, la formule trinitaire de l’économie vulgaire : “Capital-intérêt ; rente foncière ; travail-salaire”. Il n’y avait là aucune contradiction logique, il est vrai ; elle avait disparu, mais avec elle avait également disparu l’approche théorique des choses en général.

La conclusion est évidente : tous les moyens de résoudre les contradictions ne conduisent pas au développement de la théorie. Les deux voies évoquées ci-dessus signifiaient une solution identique à la conversion de la théorie en éclectisme empirique. Car la théorie en général n’existe que là où l’on s’efforce consciemment et par principe de comprendre tous les phénomènes séparés comme nécessaires et comme une même substance générale et concrète, en l’occurrence la substance de la valeur, du travail humain vivant.

Le seul théoricien qui ait réussi à résoudre les contradictions logiques de la théorie ricardienne de manière à provoquer non pas une désintégration, mais un véritable développement de la théorie de la valeur du travail est, bien entendu, Karl Marx. En quoi a consisté sa méthode matérialiste dialectique pour résoudre l’antinomie ? Tout d’abord, il faut préciser que les contradictions réelles découvertes par Ricardo n’ont pas disparu dans le système de Marx. Bien plus, elles y sont présentées comme des contradictions nécessaires de l’objet lui-même, et non pas du tout comme le résultat d’une erreur de l’idée, ou d’inexactitudes dans les déterminations. Dans le premier volume du Capital, par exemple, il est démontré que la plus-value est exclusivement le produit de la partie du capital qui est dépensée en salaires et convertie en travail vivant, c’est-à-dire le capital variable. La “proposition” du troisième volume est cependant la suivante : “Quoi qu’il en soit, le résultat de la plus-value est le fruit d’un processus de transformation : Quoi qu’il en soit, il en résulte que la plus-value provient simultanément de toutes les parties du capital investi”.

Entre la première et la deuxième proposition, tout un système a été développé, toute une chaîne de liens ; entre elles, cependant, a été conservée une relation de contradiction mutuellement exclusive interdite par la logique formelle. C’est pourquoi les économistes vulgaires déclarèrent triomphalement, après la parution du troisième volume du Capital, que Marx n’avait pas tenu son engagement, que l’antinomie de la théorie de la valeur travail restait non résolue par lui et que tout le Capital n’était par conséquent qu’un tour de passe-passe spéculatif et dialectique.

Le général est donc également contredit dans le Capital par sa propre manifestation particulière, et la contradiction entre eux ne disparaît pas simplement parce que toute une chaîne de liens médiateurs a été développée entre eux. Au contraire, cela démontre que les antinomies de la théorie de la valeur travail ne sont pas du tout des antinomies logiques, mais des contradictions réelles dans l’objet, correctement exprimées par Ricardo, mais non comprises par lui. Dans le Capital, ces antinomies ne sont pas du tout éliminées comme quelque chose de subjectif, mais s’avèrent être comprises, c’est-à-dire qu’elles ont été sublimées dans le corps d’une conception théorique plus profonde et plus concrète. En d’autres termes, elles sont conservées, mais elles ont perdu leur caractère de contradictions logiques, ayant été converties en moments abstraits de la conception concrète de la réalité économique. Il n’y a rien d’étonnant à cela : tout système concret et en développement comprend des contradictions en tant que principe de son mouvement propre et en tant que forme dans laquelle s’inscrit le développement.

Comparons donc comment le métaphysicien Ricardo et le dialecticien Marx comprenaient la valeur. Ricardo, bien sûr, n’a pas analysé la valeur par sa forme. Son abstraction de la valeur était, d’une part, incomplète et, d’autre part, formelle et, pour cette raison, fausse. En quoi Marx a-t-il vu la plénitude et la rigueur de l’analyse de la valeur qui manquait à Ricardo ? Tout d’abord, dans le fait que la valeur est une contradiction concrète et vivante.

Ricardo n’a montré la valeur que sous l’angle de sa substance, c’est-à-dire qu’il a pris le travail comme substance de la valeur. Marx, quant à lui, (pour reprendre une expression de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel) a compris la valeur non seulement comme substance mais aussi comme sujet. La valeur était représentée comme la substance-sujet de toutes les formes et catégories développées de l’économie politique ; et c’est ainsi que commençait la dialectique consciente dans cette science. Car le “sujet” dans la conception de Marx (dans ce cas, il utilise la terminologie de la Phénoménologie de l’esprit) est la réalité qui se développe à travers ses propres contradictions internes.

Mais regardons d’un peu plus près l’analyse de la valeur de Marx. Tout d’abord, il étudie l’échange ou le troc direct et sans argent de marchandise contre marchandise. Dans l’échange, au cours duquel une marchandise est remplacée par une autre, la valeur n’est que manifestée, n’est qu’exprimée ; en aucun cas elle n’est créée. Elle se manifeste de la manière suivante : une marchandise joue le rôle de valeur relative, et l’autre, qui lui est opposée, le rôle d’équivalent. Dans une même expression de la valeur, une marchandise ne peut apparaître simultanément sous les deux formes. Ces formes sont des oppositions polaires, elles s’excluent mutuellement”.

Le métaphysicien sera sans doute ravi de lire que deux formes économiques qui s’excluent mutuellement ne peuvent pas être combinées simultanément dans une seule marchandise ! Mais peut-on dire que Marx réfute la possibilité de la coïncidence de déterminations mutuellement exclusives dans l’objet et dans sa conception ? Bien au contraire. Le fait est que nous ne nous occupons pas encore du concept de valeur, de la valeur en tant que telle. Le passage cité couronne l’analyse de la forme de la révélation de la valeur. La valeur elle-même reste encore une essence mystérieuse et théoriquement inexprimée de chacune des marchandises. À la surface des phénomènes, il semble bien que deux formes abstraites et unilatérales de sa révélation soient visibles. Mais la valeur elle-même ne coïncide avec aucune de ces formes, ni avec leur unité simple et mécanique. Elle est un troisième quelque chose, quelque chose de plus profond. Par rapport à son propriétaire, par exemple, le lin en tant que marchandise n’apparaît que sous la forme relative de la valeur ; et dans cette même relation, il ne peut pas être simultanément un équivalent.

Mais les choses n’apparaissent ainsi que sous un angle abstrait et unilatéral. En effet, le propriétaire du linge est absolument égal au propriétaire d’un manteau, et du point de vue de ce dernier, la relation considérée prouve directement le contraire, de sorte que nous n’avons pas deux relations différentes, mais une seule relation objective concrète, une relation mutuelle entre deux propriétaires de marchandises. Du point de vue concret, chacune des deux marchandises – le linge et le manteau – mesure mutuellement la valeur de l’autre et sert également mutuellement de matériau pour la mesurer.

En d’autres termes, chacune présuppose mutuellement que la forme équivalente de la valeur est réalisée dans l’autre marchandise, la forme même dans laquelle cette dernière ne peut plus être parce qu’elle est dans la forme relative. En d’autres termes, l’échange réellement réalisé suppose que chacune des deux marchandises qui s’y rapportent mutuellement prenne simultanément les deux formes économiques de la révélation de la valeur en elle-même, à la fois en mesurant sa propre valeur et en servant de matériau d’expression de la valeur de l’autre marchandise. Et si, du point de vue abstrait et unilatéral, chacune d’elles n’est que sous une forme, et fonctionne comme valeur relative dans un rapport et comme équivalent dans l’autre, du point de vue concret, c’est-à-dire en fait, chacune des marchandises est simultanément et, de plus, dans un seul et même rapport dans les deux formes mutuellement exclusives de l’expression de la valeur. Si les deux marchandises ne se reconnaissent pas mutuellement comme équivalentes, l’échange ne peut tout simplement pas avoir lieu. Mais si l’échange a lieu, cela signifie que les deux formes de valeur qui s’excluent mutuellement sont combinées dans chacune des deux marchandises.

Le métaphysicien affirme que Marx se contredit. Comment peut-il dire que deux formes polaires de l’expression de la valeur ne peuvent être combinées dans une seule marchandise, et affirmer ensuite que dans l’échange réel, elles sont toutes les mêmes ainsi combinées ? La réponse est que l’examen concret des choses réfute le résultat obtenu par l’approche abstraite et unilatérale de celles-ci, et montre qu’il est faux. La vérité de l’échange de marchandises est simplement qu’une relation est réalisée en elle, ce qui est absolument impossible du point de vue d’une vision abstraite et unilatérale.

On découvre autre chose sous la forme de la contradiction considérée, comme le montre l’analyse, et c’est le contenu absolu de chacune des marchandises, sa valeur, la contradiction interne de la valeur et de la valeur d’usage. Ainsi, le contraste entre la valeur d’usage et la valeur cachée dans la marchandise, écrit Marx, a une contrepartie extérieure et visible, à savoir le rapport entre deux marchandises, le rapport dans lequel la marchandise dont la valeur doit être exprimée ne compte que comme valeur d’usage, tandis que la marchandise en termes de laquelle la valeur doit être exprimée ne compte que comme valeur d’échange. La forme simple de la valeur d’une marchandise est donc la forme phénoménale simple du contraste inhérent (au sein de la marchandise) entre la valeur d’usage et la valeur.

Du point de vue de la logique, ce point est extraordinairement instructif. Le métaphysicien, se heurtant au fait de la coïncidence de déterminations contradictoires dans un concept, dans l’énoncé d’une chose, y voit une fausse expression théorique et s’efforce de transformer la contradiction interne en une contradiction externe de deux choses dont chacune, selon lui, est intérieurement non contradictoire, en une contradiction “dans des rapports divers ou à un moment différent”. Marx a agi tout au contraire. Il a montré que la contradiction interne cachée dans chacune des choses interdépendantes était une contradiction d’ordre externe.

En conséquence, la valeur a été présentée comme une relation intérieure d’une marchandise à elle-même, révélée extérieurement par la relation à une autre marchandise. L’autre marchandise ne jouait que le rôle d’un miroir dans lequel se reflétait la nature intérieurement contradictoire de la marchandise qui exprimait sa valeur. En termes philosophiques, la contradiction externe n’est présentée que comme un phénomène et la relation à l’autre marchandise (telle qu’elle est médiatisée par cette relation) comme la relation de la marchandise à elle-même. La relation interne, la relation à elle-même, était également considérée comme le contenu économique absolu de chacune des marchandises mutuellement liées.

Le métaphysicien s’efforce toujours de réduire la relation interne à une relation externe. Pour lui, une contradiction dans “une relation” est un indice de l’abstraction de la connaissance, un indice de la confusion de différents plans d’abstraction, etc. et une contradiction externe est synonyme de “concrétude” de la connaissance. Pour Marx, au contraire, c’est un indice de l’unilatéralité et de la superficialité de la connaissance qu’un objet soit présenté dans la pensée comme une simple contradiction externe, signifiant que seule la forme extérieure de la manifestation d’une contradiction interne a été saisie, au lieu de la contradiction elle-même. La dialectique oblige à toujours voir, derrière la relation d’une chose à une autre chose, sa propre relation à elle-même, sa propre relation interne.

La différence entre la dialectique et la métaphysique ne consiste pas du tout dans le fait que la première ne reconnaît que les contradictions internes et la seconde que les contradictions externes. En réalité, la métaphysique tente toujours de réduire la contradiction interne à une contradiction “dans des relations différentes”, en lui refusant une signification objective. La dialectique ne réduit nullement l’une à l’autre. Elle reconnaît l’objectivité des deux. Cependant, il ne s’agit pas de réduire une contradiction externe à une contradiction interne, mais de dériver la première de la seconde et de comprendre ainsi l’une et l’autre dans leur nécessité objective. La dialectique ne nie d’ailleurs pas le fait qu’une contradiction interne apparaît toujours dans les phénomènes sous la forme d’une contradiction externe.

La coïncidence immédiate de déterminations économiques mutuellement exclusives (valeur et valeur d’usage) dans chacune des deux marchandises qui se rencontrent dans l’échange est aussi la véritable expression théorique de l’essence du simple échange de marchandises. Et cette essence est la valeur. D’un point de vue logique, le concept de valeur (contrairement à la forme extérieure de sa manifestation dans l’acte d’échange) se caractérise par le fait qu’il se présente comme une contradiction immédiate, comme la coïncidence directe de deux formes d’existence économique qui sont des opposés polaires.

Ainsi, ce qui s’est réalisé dans l’acte d’échange réel était impossible du point de vue de la raison abstraite (formelle, logique), à savoir l’identification directe ou immédiate des contraires. C’était l’expression théorique du fait réel que l’échange direct de marchandises ne pouvait se faire sans heurts, sans collisions, sans conflits, sans contradictions et sans crises. En effet, l’échange direct de marchandises n’était pas en mesure d’exprimer la mesure socialement nécessaire de la dépense de travail dans les différentes branches de la production sociale, c’est-à-dire la valeur. La valeur restait donc, dans les limites de la simple forme marchandise, une antinomie irrésolue et insoluble. La marchandise devait être, mais ne pouvait pas être, dans les deux formes polaires d’expression de la valeur, et par conséquent l’échange réel par la valeur était impossible. Mais cela s’est produit d’une manière ou d’une autre, et par conséquent les deux formes polaires de la valeur ont été combinées d’une manière ou d’une autre dans chaque marchandise. Il n’y avait aucun moyen de sortir de l’antinomie. La contribution de Marx est précisément d’avoir compris cela et de l’avoir exprimé théoriquement.

Dans la mesure où l’échange à travers le marché restait la forme unique et universelle de l’échange social des choses, l’antinomie de la valeur trouvait sa solution dans le mouvement du marché des marchandises lui-même. Le marché a créé les moyens de résoudre ses propres contradictions. C’est ainsi qu’est née la monnaie. L’échange n’est plus direct et sans médiation, mais médiatisé – par la monnaie ; et la coïncidence de formes économiques mutuellement exclusives dans une marchandise a pris fin, pour ainsi dire, puisqu’elle a été divisée en deux “relations différentes”, en un acte de vente (qui a transformé la valeur d’usage en valeur) et un acte d’achat (qui a transformé la valeur en valeur d’usage). Les deux actes antinomiques, mutuellement exclusifs dans leur contenu économique, ne coïncidaient déjà pas immédiatement, mais s’accomplissaient à un moment différent et dans des parties différentes du marché.

L’antinomie semblait à première vue résolue par toutes les règles de la logique formelle ; mais l’apparence était purement externe. En fait, l’antinomie n’avait pas disparu du tout, mais avait seulement acquis une nouvelle forme d’expression. L’argent n’est pas devenu une valeur pure et la marchandise une valeur d’usage pure. La marchandise et l’argent étaient, comme auparavant, chargés d’une contradiction interne qui s’exprimait, comme auparavant, dans la pensée sous la forme d’une contradiction dans les déterminations ; une fois de plus, la contradiction était irrésolue et insoluble, et se révélait de la manière la plus claire, mais seulement de temps en temps, précisément dans les crises, et se faisait alors sentir d’une manière encore plus forte.

La seule marchandise est l’argent”, dit le propriétaire de la marchandise à des moments où cette contradiction n’apparaît pas à la surface. La seule monnaie, c’est la marchandise”, affirme-t-il à l’inverse en période de crise, réfutant ainsi sa propre affirmation abstraite. La pensée théorique, mais concrète, de Marx a montré que l’opposition interne des déterminations économiques de l’argent existait à chaque seconde fugace, même lorsqu’elle ne se manifestait pas de manière évidente et visible, mais qu’elle était cachée dans les marchandises et dans l’argent, alors que tout allait apparemment pour le mieux et que la contradiction semblait résolue une fois pour toutes.

Dans les déterminations théoriques de la monnaie, l’antinomie de la valeur mise en évidence précédemment était conservée ; elle y formait l'”essence simple” de la marchandise et de la monnaie, bien qu’à la surface des phénomènes elle se révélât annulée, décomposée en deux “rapports différents”. Mais ces relations, comme l’échange direct de marchandise contre marchandise, formaient une unité interne qui était conservée dans toute son acuité et sa tension à la fois dans la marchandise et dans l’argent, et par conséquent aussi dans les déterminations théoriques de l’une et de l’autre. Comme auparavant, la valeur restait une relation intérieurement contradictoire d’une marchandise à elle-même, qui ne se révélait plus, cependant, à la surface par une relation directe à une autre marchandise de la même sorte, mais par sa relation à l’argent. L’argent fonctionnait désormais comme le moyen par lequel s’opérait la transformation mutuelle et réciproque des deux pôles originellement exposés de l’expression de la valeur (valeur et valeur d’usage).

De ce point de vue, toute la structure logique du Capital était tracée sous un aspect nouveau et très important. Toute catégorie concrète était présentée comme une métamorphose par laquelle la valeur et la valeur d’usage passaient au cours de leurs transformations réciproques l’une dans l’autre. La formation du système capitaliste de la marchandise apparaît dans l’analyse théorique de Marx comme une complication de la chaîne des liens par lesquels doivent passer les pôles de la valeur, qui s’attirent mutuellement et s’excluent en même temps. Le chemin de la transformation réciproque de la valeur et de la valeur d’usage devient de plus en plus long, de plus en plus compliqué et la tension entre les pôles augmente. La résolution relative et temporaire de la tension se fait par le biais de crises, et sa résolution finale se fait par le biais de la révolution socialiste.

Cette approche des choses a immédiatement donné à la pensée une orientation dans l’analyse de toute forme de relation économique. En effet, de même que le marché des marchandises a trouvé une résolution relative de ses contradictions objectives dans la naissance de la monnaie, de même les déterminations théoriques de la monnaie dans le Capital ont servi de moyen pour résoudre relativement la contradiction théorique révélée dans l’analyse de la forme simple de la valeur. Dans les limites de la forme simple, l’antinomie de la valeur est restée irrésolue et fixée dans la pensée comme une contradiction dans le concept. Sa seule véritable résolution logique consistait à retracer la manière dont elle était résolue objectivement dans la pratique au cours du mouvement même du marché des marchandises. Et le mouvement de la pensée investigatrice consistait à révéler cette nouvelle réalité qui se développait en vertu de l’impossibilité de résoudre la contradiction objective divulguée à l’origine.

Ainsi, le cours même de la pensée théorique devenait non pas une errance confuse mais un processus intentionnel rigoureux, dans lequel la pensée utilisait les faits empiriques pour trouver les conditions et les données qui manquaient à la solution d’une tâche clairement formulée, d’un problème. La théorie apparaît donc comme un processus de résolution constante de problèmes mis en évidence par l’étude des faits empiriques eux-mêmes.

L’étude de la circulation de la marchandise et de l’argent a conduit à une antinomie. Comme l’écrit Marx : “On a beau tourner et retourner, la somme totale reste la même. Si des équivalents sont échangés, aucune plus-value n’est créée ; et si des non-équivalents sont échangés, aucune plus-value n’est créée. La circulation, l’échange de marchandises, ne crée pas de valeur. Ainsi, conclut-il, le capital ne peut naître de la circulation, pas plus qu’il ne peut naître en dehors d’elle. Il “doit avoir lieu simultanément dans la sphère de la circulation et hors de la sphère de la circulation”. Telles sont les conditions du problème. C’est la noix qu’il faut casser”.

La façon dont Marx pose le problème n’est pas du tout fortuite et n’est pas un simple artifice rhétorique. Elle est liée à l’essence même de la méthode dialectique qui consiste à développer la théorie en suivant le développement de l’objet réel. La solution de la question correspond à son énoncé. Le problème qui se pose à la pensée sous la forme d’une contradiction dans la détermination ne peut être résolu que si le théoricien (et le véritable propriétaire de l’argent) a “la chance de trouver quelque part dans la sphère de la circulation, de trouver sur le marché, une marchandise dont la valeur d’usage a la qualité particulière d’être une source de valeur ; une marchandise dont la consommation effective est un processus par lequel le travail s’incarne, et par lequel, par conséquent, la valeur est créée”.

La réalité objective se développe toujours par l’apparition en son sein d’une contradiction concrète qui trouve sa résolution dans la génération d’une forme de développement nouvelle, plus élevée et plus complexe, la contradiction est irrésoluble. Lorsqu’elle est exprimée dans la pensée, elle apparaît naturellement comme une contradiction dans les déterminations du concept qui reflète le stade initial du développement. Et cela n’est pas seulement correct, mais c’est la seule forme correcte de mouvement de l’esprit d’investigation, bien qu’il y ait une contradiction. Une contradiction de ce type dans les déterminations n’est pas résolue en affinant le concept qui reflète la forme donnée de développement, mais en poursuivant l’investigation de la réalité, en découvrant une autre forme de développement, nouvelle, plus élevée, dans laquelle la contradiction initiale trouve sa résolution réelle, actuelle, empiriquement établie.

Ce n’est pas par hasard que l’ancienne logique a fait passer cette forme logique très importante pour une “question”. Car les vraies questions, les vrais problèmes qui surgissent dans le mouvement de l’esprit investigateur, se présentent toujours à la pensée sous la forme de contradictions dans la détermination, dans l’expression théorique des faits. La contradiction concrète qui surgit dans la pensée conduit également à un examen plus approfondi et plus ciblé des faits, à la recherche et à l’analyse des faits qui manquent pour résoudre le problème et pour résoudre la contradiction théorique donnée.

Si une contradiction survient nécessairement dans l’expression théorique de la réalité au cours même de l’enquête, il ne s’agit pas d’une contradiction logique, bien qu’elle en ait les signes formels, mais d’une expression logiquement correcte de la réalité. Au contraire, la contradiction logique, qui ne doit pas exister dans une recherche théorique, doit être reconnue comme une contradiction d’origine et de propriétés terminologiques et sémantiques. L’analyse formelle est également obligée de découvrir de telles contradictions dans les déterminations ; et le principe de contradiction de la logique formelle s’y applique pleinement. Au sens strict, il se rapporte à l’utilisation des termes et non au processus de déplacement d’un concept. Ce dernier est le domaine de la logique dialectique. Mais là, une autre loi domine, celle de l’unité ou de la coïncidence des contraires, coïncidence qui va d’ailleurs jusqu’à leur identité. C’est elle qui constitue le véritable noyau de la dialectique en tant que logique de la pensée qui suit le développement de la réalité.

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9 Commentaires

  • Jay
    Jay

    Cette fluidité et cette souplesse de nos recherches continues constituent l’esprit et la méthode que nous appelons la dialectique ! Merci, Monsieur Ilyenkov.

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  • LEMOINE
    LEMOINE

    J’y reviendrai quand j’aurais plus de temps. Mais je dois dire que je trouve ce texte particulièrement confus. Pour être simple et précis, je dirais :
    qu’un rapport est une relation de dépendance réciproque entre deux entités complémentaires.
    qu’une contradiction ou une incompatibilité à laquelle se heurte un raisonnement est une antinomie
    une contradiction dialectique est un rapport conflictuel et systémique entre deux entités occupant les pôles opposés du rapport
    Ainsi, il y a entre la ville et la campagne un rapport ou des rapports de complémentarité et de dépendance réciproque.
    Mais entre le capital et le travail il y a bien un rapport ou des rapports de dépendance réciproque systémique, mais ce rapport est antagonique. C’est une contradiction dialectique.

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    • Xuan

      La contradiction est aussi un rapport de dépendance réciproque, comme celle entre le salarié et son patron, et elle n’a de solution qu’à travers les classes et leur lutte.
      L’ouvrier doit aliéner sa force de travail à la classe capitaliste, même s’il change d’employeur. Et de même le capitaliste doit exploiter des ouvriers pour extorquer le profit. S’il détruit des usines ici, il doit investir ailleurs et ne peut pas s’extraire de sa propre dépendance à la création de plus-value. Il y a donc à la fois interdépendance et antinomie.

      Si on parle du rapport entre ville et campagne, c’est à la fois une dépendance réciproque et une contradiction.
      La révolte des gilets jaunes a révélé le fossé qui sépare les citadins des campagnards. C’est un fossé que l’écologisme transforme en abîme de sorte que les zones périphériques ne pourront même plus aller voir leurs enfants en ville parce que leur vieux tagazou n’est pas électrique. Et c’est un paradoxe que l’écologisme trouve son terrain de prédilection en ville tandis que la campagne symbolise la pollution, de sorte que les véhicules doivent rouler au pas à proximité des cités, voire disparaître de leurs avenues, tandis que des cohortes de camions noircissent les façades des villages et frôlent les trottoirs. On atteint le sommet de l’absurde lorsque les camions de livraison deviennent hors la loi dans les villes elles-mêmes.
      C’est un autre paradoxe que les grandes villes « produisent » les deux tiers du PIB, alors que les richesses industrielles et agricoles viennent d’ailleurs.
      Et l’industrie agro alimentaire illustre très exactement cette relation dialectique, puisque les producteurs sont acculés à la ruine et disparaissent d’année en année, tout en assurant l’accumulation du capital dans cette industrie.
      En apparence le paysan « libre » est propriétaire de ses moyens de production. En réalité le développement quantitatif de l’investissement nécessaire transforme qualitativement la nature de son exploitation puisqu’elle l’aliène au Crédit agricole. Si on prend l’exemple de l’élevage intégré, l’éleveur ne choisit ni la bande qui lui est confiée, ni l’aliment, et il est payé « à la pièce ». Il est aussi « libre » que le salarié qui travaille à domicile. Il est également conduit à exercer la pluriactivité, dont un travail salarié, pour compenser la surexploitation dont il est l’objet.
      Que signifie dans ce cas le « rapport de complémentarité et de dépendance réciproque » ?

      Les contradictions entre ville et campagne disparaissent-elles dans la société socialiste ?
      Non, elles continuent d’exister. Par exemple en 1959, Mao Zedong avait prononcé un célèbre discours « sur les dix grands rapports », comme celui « entre l’industrie lourde d’une part, l’industrie légère et l’agriculture d’autre part », ou « entre l’industrie des régions côtières et celle de l’intérieur ». Il y a toujours une contradiction entre l’est et l’ouest de la Chine, entre marché national et international, entre production et consommation, entre le caractère local de la production et le caractère global de la distribution, entre le marché socialiste et la planification, etc. Ce sont des contradictions qui perdurent et que la Chine socialiste résout par exemple avec l’extension de son réseau ferré ou l’IE, ou la 5G, ou la mécanisation, ou la « double circulation ». Sauf que la société socialiste permet de résoudre ces contradictions tandis que la société capitaliste leur donne un caractère antagoniste.

      Par contre j’ai du mal à comprendre dans la présentation de Franc Martial “les formes socialistes se sont développées à des degrés divers y compris de manière travestie et partielle au sein même des grands états capitalistes”.
      Je ne crois pas que les nationalisations d’après guerre aient été des “formes socialistes”. La forme socialiste de la production dépend essentiellement de la nature de l’Etat, du pouvoir politique de la classe ouvrière et de son parti. Sinon on en revient aux thèses diverses et variées du grignotage du pouvoir par les municipalités et les SCOOPS, voire du pouvoir dans l’entreprise, îlot de démocratie et de juste répartition du profit au sein du capitalisme.
      Ca ne marche pas, surtout dans un pays aussi centralisé que le notre.

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      • LEMOINE Michel

        Si vous voulez clarifier un débat, il se trouvera toujours quelqu’un pour réintroduire la confusion !
        Selon ce que j’en ai compris l’enjeu de l’article est de faire la différence entre le mode de penser métaphysique et le mode de penser dialectique et d’établir la supériorité de ce dernier. L’auteur fait cela en prenant pour exemple la théorie de la valeur travail chez Ricardo et chez Marx. Selon lui la théorie de Ricardo met en œuvre le mode de penser métaphysique et aboutit à une antinomie (non explicitée). J’avoue que je n’ai pas bien compris ce qu’est cette antinomie. J’aurais dit que Ricardo dit que chacun reçoit la juste rétribution de son apport. Le travailleur reçoit le prix de son travail, le capitaliste le prix de son capital. La valeur finale du produit est donc une addition impossible de chèvre et de choux (on ne peut additionner que des produits de même nature).
        Marx résout cela en disant tout simplement que le travailleur reçoit, non la valeur de son travail mais celle de sa force de travail. En termes modernes il est payé non pour son produit mais selon sa compétence.
        Tout cela à mon avis n’avance pas vraiment la question de la supériorité du mode pensée dialectique. Personnellement je ne crois pas à cette supériorité. Je dirais simplement que comme il y a des problèmes qui ne peuvent être résolu en utilisant les mathématiques, il y a des systèmes qui ne peuvent être compris que par la pensée dialectique. Il n’y a pas supériorité mais complémentarité.

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        • Xuan

          Vous écrivez que … « J’aurais dit que Ricardo dit que chacun reçoit la juste rétribution de son apport. Le travailleur reçoit le prix de son travail, le capitaliste le prix de son capital. La valeur finale du produit est donc une addition impossible de chèvre et de choux (on ne peut additionner que des produits de même nature).
          Marx résout cela en disant tout simplement que le travailleur reçoit, non la valeur de son travail mais celle de sa force de travail. En termes modernes il est payé non pour son produit mais selon sa compétence. »

          Une caractéristique de la métaphysique est de nier non seulement le caractère contradictoire des relations mais les relations elles-mêmes.
          Dans votre description la relation est rompue entre la force de travail et le capital accumulé par la capitaliste, et d’autre part le caractère contradictoire de cette relation disparaît.
          La force de travail peut-elle s’appeler maintenant une « compétence » ? La « compétence » fait disparaître le travail vivant effectué ainsi que la marchandise destinée à renouveler la force de travail, et y compris la classe ouvrière elle-même avec la génération suivante.
          Et du point de vue de la marchandise, la « compétence » ne transforme rien parce qu’elle n’est pas un travail, c’est-à-dire une transformation.

          Effectivement la dialectique matérialiste est complexe, parce que la réalité est complexe. Simplifier en éliminant les relations fondamentales n’est pas clarifier.
          Et là encore il n’y a aucune « complémentarité » entre dialectique et métaphysique mais opposition.

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      • Daniel Arias
        Daniel Arias

        Dans ces rapports il y a les caractères objectifs de la production qui est sociale depuis les débuts de la division du travail et peut être même dans la nature humaine par la dépendance extraordinaire des humains au groupe sans lequel l’espérance de vie est réduite à presque rien.

        De ces dépendances naît toute une construction politique, symbolique qui elle même transforme à la fois la réalité objective et subjective du collectif.

        Le drame est que nous avons collectivement de plus en plus de mal avec une vision scientifique du monde et que les illusions imposent des comportements contre productifs.

        PIB, Nation, entreprises toutes ces notions sont finalement très insuffisantes pour rendre compte de la réalité de la production mais sont d’excellents révélateurs des rapports politiques internes et externes: de l’impérialisme.

        Il est dommage que ces rapports ne soient pas analysés correctement en ce qui concerne le sort de la France et sa position d’équilibriste avec une équipe politique de tout bords complètement hors sol.

        Les conséquences seront matérielles et d’une rare violence dans laquelle nous allons pleinement vivre les contradictions entre la France et l’Étranger, la ville et la campagne, les salariés et l’État bourgeois dans sa forme la plus combative.

        La gauche dans sa totalité porte une responsabilité particulière pour avoir refoulé le caractère dominant et sans partage de la bourgeoisie et avoir trompé les population avec une pseudo “réconciliation” totalement imaginaire dont aucune preuve d’existence ne peut être faite.

        Pendant ces dernières décennies la gauche de gouvernement a essentiellement accompagné l’accroissement des inégalités sociales en les travestissant sous un apparent dialogue social condamnant ainsi tout espoir de progrès social.

        Concernant les formes socialistes “déjà là” la sécu est probablement le modèle le plus aboutit, la fonction publique ensuite. Ces deux entités sont bien sur indirectement au service du Capital mais pas uniquement. La sécu finance les soins pour tous et la fonction publique a une vocation universelle.

        Il est à noter également que la coopération gratuite, bénévole persiste dans nos sociétés par les associations ou dans le numérique par une forme de partage des connaissances et de certaines productions numérique très répandues.

        Reste à arracher le pouvoir au accapareurs égoïstes que sont les bourgeois.

        Pour cela les embryons ou vestiges de socialisme dans nos sociétés sont un point d’appuis en démontrant la supériorité de la coopération sur la compétition et la possibilité de la réalisation d’un projet socialiste.

        Peut être que la socialisation majeure qu’avait déjà remarqué Marx est l’entreprise capitaliste qui organise à des fins égoïstes la coopération de millions de travailleurs et d’entreprises regroupées.

        Le niveau supérieur de cette fusion est le socialisme de type soviétique avec l’aide d’un outil central: le plan, qui lui aussi a existé en France et au Japon avec des succès tout à fait constatables et incontestables.

        L’étape de la prise du pouvoir au niveau des États reste indispensable.

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        • Franck Marsal
          Franck Marsal

          La prise du pouvoir d’état est indispensable, je pense que nous serons tous d’accord là dessus. Le capitalisme réalise des formes de socialisation, puisqu’il organise la production sur des échelles larges et croissantes, afin d’accumuler le capital. Ces formes de socialisation sont marquées par le rapport juridique de la propriété privée, qui induit les rapports de production capitalistes, l’existence du prolétariat et la domination de la bourgeoisie (qui s’inscrit aussi dans la sphère politique et idéologique).

          La question qui est plus complexe, c’est : qu’est-ce que le socialisme ? Les communistes chinois gardent l’établissement d’une société socialiste achevée comme un objectif de long terme, 2049, je crois. Le PCC qualifie l’économie chinoise d’économie socialiste de marché, ce qui est une appellation tout à fait dialectique et contradictoire. Il me parait juste de qualifier la révolution chinoise de révolution socialiste, l’état chinois d’état socialiste, pourtant, la société et l’économie chinoise ne sont pas encore complètement socialistes. C’et une formation économique et sociale complexe avec des formes capitalistes et socialistes imbriquées.

          Lenine qualifiait la Russie soviétique de capitalisme d’état et même Staline, parlant je crois à la fin de sa vie, expliquait que les sovkhoses (fermes d’état) étaient une forme de propriété supérieure par rapport aux kolkhoses (coopératives) et en URSS, aux côtés du plan subsistait toute une économie monétaire. Je crois que cette économie monétaire prit de plus en plus de place, notamment après Khrouchtchev, et Gorbatchev eut à libérer toute cette structure d’échange du contrôle de l’état pour rétablir le capitalisme.
          Si la prise du pouvoir d’état est une étape nécessaire et décisive, la transformation des rapports capitalistes en une économie socialiste est tâche plus ardue (d’autant plus, dans le cas de l’URSS qui fallait créer la structure productive en même temps et cela n’est pas simple, ne serait-ce que parce que l’economie socialiste nécessite un système productif avancé).
          S’agissant des exemples de l’après-guerre, les communistes de l’époque étaient clairs sur le fait que les réformes obtenues n’étaient pas le socialisme. Je suis tout à fait d’accord avec cela.

          Cependant, tant pour la sécu de Croizat que pour l’EdF créé par Marcel Paul, il me parait tout autant difficile de ne pas voir qu’on a – sur la base de conditions historiques particulières – largement dépassé le cadre du capitalisme pur. Il me semble correct et pertinent de qualifier ces formes économiques de formes avancées, socialistes, non pas au titre d’un état socialistes, mais de formes avancées transitoires obtenues à la faveur d’un rapport de forces momentanément favorable.

          Il est intéressant de constater deux choses dans le devenir de ces formes avancées:
          1. Dès le début, les capitalistes n’ont eu qu’une idée en tête, ça a été de liquider ces formes avancées et de les réintégrer dans la logique capitaliste classique, de la concurrence et de la propriété privée. Cela confirme bien qu’il ne s’agit pas de structures capitalistes.
          2. Paradoxalement, les capitalistes n’ont pas pu les attaquer frontalement; ils ont du louvoyer, ataquer de biais, progressivement. Ils se sont heurtés à la résistance farouche de la classe ouvrière et à la difficulté de remplacer des formes avancées par des formes inférieures, ce qui (on le voit bien avec le “marché européen de l’électricité”) produit un résultat bien moins pertinent. Cela confirme le caractère avancé (quoique transitoire et exceptionnel) de ces formes avancées, qui dépassaient le cadre de la propriété privée et avaient donc un caractère (limité et transitoire) de type socialiste.

          Pour l’exemple de l’EdF:
          1. propriété publique des moyens de production
          2. unification quasicomplète des travailleurs d’un secteur entier dans un même collectif de travail, avec un statut progressiste
          3. Planification des investissements centralisée avec un objectif de développement de la production afin de satisfaire à un niveau de bien social supérieur (tant pour le bien être des familles que pour la modernisation de l’outil de production national, incluant l’universalité du service sur l’ensemble du territoire.
          4. Remplacement du prix de marché par un système tarifaire national, universel et bâti en fonction des objectifs de la planification.

          Il y a des limites, mais sur ces seuls 4 critères, on est sorti des formes capitalistes.

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          • Xuan

            @ Franck
            Je crois que nous sommes d’accord sur les faits et sur le fond.
            Sauf que la définition ou la caractérisation de ces tentatives de progrès social ou d’ébauche de socialisme me pose encore problème, comme le terme de “capitalisme pur”.
            De fait le capitalisme pur n’existe pas y compris par rapport aux formes de production sociales antérieures, puisque subsistent jusqu’à ce jour l’artisanat ou les professions libérales, ou la petite propriété agricole, et que le capitalisme continue de les démolir, comme on le voit dans la médecine de cabinet par exemple.

            La difficulté provient justement de la conception métaphysique, qui gomme l’antagonisme entre capitalisme et socialisme. Cette conception définit le passage de l’un à l’autre comme un accroissement quantitatif et non comme un bond qualitatif, une révolution. Accroissement des municipalités communistes ou “de gauche”, accroissement du mouvement coopératif, généralisation de la protection sociale, nationalisations, etc. considérés comme des buts en soi ou comme une révolution en elle-même, et dont la multiplication permettrait d’atteindre le socialisme, voire directement le communisme.
            C’est à quoi s’oppose l’étude de Patrick Theuret “l’esprit de la révolution – Aufhebung – Marx, Hegel et l’abolition “, concernant le “dépassement” du capitalisme.

            Nous n’avons donc pas de désaccord de fond
            Mais de même qu’on parle de formes de production précapitalistes, j’aurais plutôt parlé de formes présocialistes de production sociale, de répartition sociale, de protection sociale, etc., de façon à marquer peut-être plus nettement ce qui nous sépare de ce courant réformiste et qui constitue un enjeu important dans le renouveau du parti communiste.

  • LEMOINE Michel
    LEMOINE Michel

    En complément de ma réponse (qui n’apparaît pas encore : https://lemoine001.com/2013/06/16/dialectique/

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