Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Guerre en Ukraine: à Odessa, l’heure est à la «dérussification», mais c’est parfois compliqué…

Je défie quiconque de s’y reconnaitre à Odessa et dans une bonne partie de l’Ukraine à partir des catégories occidentales… Cela me rappelle certains Cubains qui travaillaient à la base de Guantanamo et dont Risquet me disait moqueur: ils ne savent même plus de qui ils sont les espions… ou ces deux groupes qui occupaient dans le Caucase les deux rives opposées d’un pont et qui gagnaient leur vie en vendant à deux grandes puissances le récit de la destruction et à l’autre la reconstruction d’un pont qu’ils s’entendaient pour laisser en état. Les commentaires qui nous parviennent de la malicieuse Odessa sur ce que l’on prétend faire de leur ville et sur Kherson la voisine, tranchent sur les certitudes des reporters français qui paraissent convaincus de l’unanimité de la résistance ukrainiennes au vu de leurs propres contacts. Mes correspondants odessites sont beaucoup plus énigmatiques, ils sont souvent juifs et ressemblent aux héros des contes d’Odessa d’Isaac Babel, mais le thème de l’espion – qui à la fin ne sait pas lui-même les mensonges qu’il vend à qui quand il s’agit de guerre civile – font partie des traits ironiques russes… Ce qui est sûr c’est que le déboulonnage des statues, l’apprentissage très compliqué de l’ukrainien, voire la traduction de Pouchkine en Ukrainien pour des populations qui elle-mêmes ne le parlent qu’avec difficulté, tout cela fait partie de l’absurdité de cette guerre et l’extraordinaire est quand nos propagandistes ne voient même pas quand on se fout d’eux.. Mais là où le rire se fige c’est quand une bande de tarés incultes rêvent de nous voir tous en train de nous écharper… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Catherine II est enlevée de nuit et soigneusement emballée dans un entrepôt

Publié le : 17/02/2023 – 11:02Audio 03:30

A Odessa, qui compte 80% de russophones, l’heure est à la « dérussification ». Le reporter de RFI qui visiblement se fait rouler dans la farine par une bonne majorité d’odessites malicieux nous présente un groupe de discussion qui s’est constitué sous la supervision de Tetiana Khamrail. Cette jeune artiste, qui toute sa vie n’a parlé que russe, a fondé un club de discussion pour permettre à des gens comme elle de se sentir à l’aise dans la langue du pays. À chaque cours, Tetiana enregistre 30% de nouveaux venus dit le reporter français qui semble avoir découvert au profit de sa propagande les multiplications de pourcentage digne des cases du jeu d’échec, à la fin avec un tel taux il n’y a plus assez d’habitants à Odessa. Un néophyte enthousiaste se plaint pourtant de manquer de pratique dans une ville dans laquelle la quasi totalité des habitants encore aujourd’hui parle russe. Cette situation parait tout à fait normale au reporter de RFI qui ne se demande pas pourquoi en 2014 tous ces patriotes ne se sont pas mis à l’ukrainien…

Le reporter de RFI continue sa description du patriotisme à Odessa : partout en Ukraine, les autorités s’attèlent à changer les noms des rues associées à la Russie. En l’absence de consignes précises sur la « dérussification », la décision en revient aux maires. Peter Obukhov, député municipal du parti Solidarité européenne, a fait la liste des rues qui méritent, à son sens, d’être rebaptisées : « Odessa compte quelque 200 rues dont les noms font référence à la Russie et n’ont aucun rapport avec l’histoire d’Odessa. On a une vingtaine de rues qui portent les noms de villes, de lacs ou de fleuves russes. En premier lieu, on doit déterminer les rues qui doivent être renommées. Ensuite, il faudra leur trouver des noms. C’est un gros travail, mais il avance très lentement. Dans d’autres villes, comme à Kiev, c’est allé beaucoup plus vite. »

Polémique autour de la statue de Catherine II

À Odessa la russophone, le sort de la statue de l’impératrice Catherine II, “considérée comme la fondatrice de la ville”(sic), a aussi fait l’objet de longues discussions et tergiversations. Après s’y être opposé, le maire a finalement donné son feu vert au démantèlement du monument. Il repose désormais, emballé, dans la cour du musée des Beaux-Arts. Le guide Valery Korshunov rappelle que la statue, déboulonnée après la révolution russe, n’avait retrouvé sa place qu’en 2007.

« La statue de Catherine II avait retrouvé sa place en 2007, grâce à l’argent de lobbyistes pro-russes et du fonds de coopération culturelle de la Fédération de Russie, commente-t-il. C’est pourquoi les habitants de sensibilité pro-ukrainienne se demandaient à quoi bon garder ce monument dédié à notre grande amitié avec un pays qui est en guerre avec nous. » Certes sauf que Catherine a fondé ladite ville… même si le reporter de Rfi nous fait part de ses doutes, le fait est…

Considérée par une partie de la population comme un symbole de l’impérialisme russe, la statue de Catherine II aurait pu rester à sa place, considère l’historien et archéologue odessite Andrij Krasnojon : « À mon avis, c’est de la pure vengeance, c’est compréhensible, c’est plutôt sain. Certains monuments fonctionnent comme des symboles de propagande. Mais pour les Odessites, cette statue de Catherine II représentait l’histoire locale, anti-soviétique, et non pro-russe. Il aurait suffi de changer la plaque, d’enlever “Catherine la Grande, impératrice”. On aurait pu mettre à la place : “Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst, princesse allemande” qui a donné de l’argent pour la construction du port et de la ville. »

Ce qui est extraordinaire c’est qu’à aucun moment le reporter de RFI ne soupçonne que l’historien et archéologue en proposant cette dédicace se fout de la gueule du dit reporter, de l’occident et peut-être des débaptiseurs.

Sur le socle laissé vide, un drapeau ukrainien a été planté, ce qui a un côté ridicule. À quelques dizaines de mètres de là, la statue du duc de Richelieu, un temps gouverneur d’Odessa, a précieusement été entourée de sacs de sable.

Mais je dois dire que suivre les malicieux Odessites dans leur très lent recensement de qui est russe, qui mérite de rester ukrainien est encore plus drôle quand ceux-ci s’intéressent à un environnement proche, celui de la Gagaouzie, ou celui de Kherson. Si les Gagaouzes turco-bulgares chrétiens, amoureux passionnés de la Russie, de Catherine II à Staline, parce que les deux les ont exemptés du service militaire pour préserver leur culture et leur petit peuple… sont considérés comme “des enfants de la nature”, les habitants de Kherson eux sont des soviétiques dans l’âme avec en sous-main un conseil aux autorités: “ne vous fiez jamais à un habitant de Kherson il a l’espionnage dans le sang”…

Et voici après Catherine II, une autre enfant du pays dont on peut s’interroger: faut-il oui ou non débaptiser la rue qui porte son nom ? Est-ce que cela serait judicieux non seulement au plan international mais en considérant la propension locale à espionner ?

Une femme dans l’intelligence

Maria Alexandrovna Fortus est née à Kherson en 1900. À l’époque soviétique, elle était connue comme l’une des meilleures éclaireuses et partisanes. Mais dans l’enfance et l’adolescence, sa vie ne laissait pas présager un avenir d’espionne. Maria Alexandrovna est née dans une famille juive, a travaillé dans une usine de vêtements, puis a rejoint le cercle littéraire de la bibliothèque publique de la ville. Et avant même son seizième anniversaire, elle rejoint les révolutionnaires. Après la Révolution d’Octobre, elle a collaboré avec les bolcheviks et a aidé la résistance de toutes les manières possibles.

Les premières batailles pour Maria ont commencé en 1918. Pendant la guerre civile, elle a travaillé dans la Kherson GubCheka. En tant que jeune fille, elle se cachait sans peur pour récupérer des choses inestimables de Kherson. En 1919, elle était une pièce essentielle du mouvement de propagande. Maria Aleksandrovna a mené un travail de propagande parmi les soldats français qui occupaient le sud de l’Ukraine.

Au cours de la même période, elle a rencontré son mari Ramon Luke et lui a donné un fils. Malgré sa maternité Marie ne lui a pas sacrifié sa mission. Elle l’a laissé aux soins de sa mère. Elle s’est infiltrée dans les détachements de Makhno et Bulak-Balakhovich. Selon les documents, elle a été découverte deux fois et condamnée à être abattue, mais elle a quand même réussi à survivre car les deux fois elle n’était que blessée.

Après la guerre civile, Maria Alexandrovna a étudié à Moscou, où elle a de nouveau rencontré le père de son fils et l’a épousé. Le mariage a apporté dans sa vie non seulement l’amour, mais aussi un fascinant « voyage » de cinq ans en Espagne. (on imagine bien vu les dates la nature du voyage en Espagne). En 1934, elle retourne à Moscou en tant que veuve.

Les compétences d’espionnage de Fortus étaient si impressionnantes qu’elle s’est engagée dans le renseignement bien au-delà des frontières de son pays natal. En Espagne, elle était connue sous le nom de Maria Julia, une célèbre combattante dans la guerre civile espagnole (1936-1939).

En outre, elle était également une commandante qualifiée. Fortus elle-même a planifié une opération de bombardement d’un aérodrome près de la ville de León.

Grâce à son expérience et à ses connaissances inestimables, elle a travaillé comme instructrice dans une école de renseignement. Elle a enseigné à de nouveaux futurs éclaireurs et espions.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale a commencé, Maria Alexandrovna n’est pas restée à l’écart. Elle est engagée et prend une part directe aux batailles. Mais après avoir été blessée au combat, Fortus n’a été engagé que dans le renseignement au quartier général du 3ème front ukrainien. Elle supervisait le travail de renseignement derrière les lignes ennemies. Maria Alexandrovna a personnellement préparé l’opération « Alba Regia » dans la ville hongroise. Même après la fin de la guerre, elle a continué à révéler les plans secrets de l’ennemi. Pour lequel elle a reçu de nombreux prix: l’Ordre de Lénine, l’Ordre du Drapeau rouge et d’autres. En l’honneur de Maria Fortus à Kherson, une rue a été nommée rue Maria Fortus.

L’auteur laisse donc aux édiles le soin de résoudre la question compliquée de savoir s’il faut ou non débaptiser la rue ? On imagine le malicieux en train d’envoyer la biographie à quelque israélien susceptible de protester si l’on touche à ce nom-là pour lui substituer un quelconque cosaque antisémite qu’elle s’était faite dans son jeune âge un devoir d’infiltrer.

Intelligence moderne

En 2022, Kherson a de nouveau pratiqué l’espionnage. Seulement cette fois, Kherson était sensé s’en protéger. Les sites d’information sont pleins de gros titres sur la façon dont les espions russes à Kherson transmettaient les positions de l’armée ukrainienne. Ces espions travaillaient pour les Russes contre rémunération ou par conviction, mais certains médias russes ont affirmé avoir attrapé des espions ukrainiens, des jeunes gars à Kherson. Et l’auteur de l’article en déduit : Il semble que l’esprit d’espionnage et de confrontation soit dans le sang des habitants de Kherson.

Au 21ème siècle, les moyens modernes d’espionnage sont utilisés dans la reconnaissance – drones, satellites, programmes d’interception d’appels, etc. Les guerres et le renseignement ont atteint un nouveau niveau.

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