Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Traître ou héros ? Ce que l’on sait du mystérieux banquier Denis Kireev, sans qui Kiev serait tombée

Il n’est pas le seul des “négociateurs ukrainiens” des premiers jours de l’intervention russe à avoir été liquidé par les ukrainiens. A l’époque, il avait été insisté sur deux types de membres de la délégation. D’un côté des gens bien habillés comme les Russes, négociant réellement et de l’autre une bande de soudards habillés en militaires et refusant tout dialogue. Denis Kireev aurait été exécuté parce qu’il était le leader des premiers, prêt à se partager le gâteau dans une “paix” rentable pour tous, le personnage est à mettre en relation avec ce que nous avons vu des critiques adressées à un autre oligarque Viktor Medvedchuk, le rôle qu’il aurait joué dans les illusions entretenues sur l’opération spéciale et la manière dont il en escomptait lui comme les autres oligarques des enrichissements, ils n’ont pas désarmé. Mais il existe une autre faction, qui a comme garde prétorienne une extrême-droite radicalisée manipulée par la CIA directement et qui aurait eu mission de faire capoter les négociations. D’où le paradoxe de Kireev assassiné et recevant par le même régime les honneurs nationaux. Paradoxe que l’on retrouve dans les dernières démissions du conseiller en communication de Zelensky et les “accidents” familiaux du ministre de l’intérieur et son adjoint (dont on se demande encore pourquoi ils se rendaient sur le Front en hélicoptère avec femmes et enfants) : le régime de Zelensky est, comme celui de Porochenko, celui d’oligarques corrompus, eux-mêmes se partageant le gâteau du pillage de l’État, et désormais des dons des USA et de l’occident pour leur enrichissement personnel en entretenant les meilleures relations avec leurs pareils en Russie. Sans doute était-il envisagé une redistribution du Donbass et du potentiel productif de l’Ukraine, mais une autre faction a jugé plus rentable de poursuivre la guerre. Pour ceux qui croient au “néo-libéralisme”, nous avons ici la démonstration que les “libéraux” partout d’Elon Musk (vivant de la NASA) aux oligarques français sur lesquels ça ruisselle (y compris quand tout est arrêté par le Covid), en passant par le régime ukrainien (qui se nourrit de sang et de guerres), à quel point ils ont besoin de l’État, pour leur accumulation comme pour l’exercice du monopole de la violence légitime (note et traduction de Danielle Bleitrach, histoire et société)

Article de Par l’édition du soir • Hier à 19:10914 commentaires

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Traître ou héros ? Ce que l’on sait du mystérieux banquier Denis Kireev, sans qui Kiev serait tombée.

Le destin du banquier ukrainien Denis Kireev pourrait être comparé à celui d’un autre espion de légende, l’Égyptien Ashraf Marwan, qui aurait renseigné le Mossad sur l’imminence d’une attaque arabe en 1973 dans ce qui allait devenir la guerre du Kippour. Ce dernier est mort en 2007 à Londres après une chute étrange de son balcon. Suspecté d’être un agent russe, Kireev a été tué, lui, d’une balle dans la tête en mars dernier. Pourtant, comme le note The Wall Street Journal, quelques jours plus tard, ce même Denis Kireev était inhumé à Kiev avec les honneurs dus à un héros national. Il a aussi été décoré à titre posthume par le président Volodymyr Zelensky pour “services exceptionnels dans la défense de la souveraineté et de la sécurité de l’État”. Qui était-il en définitive ?

tué par ses copains: ils n’avaient pas les mêmes gouts vestimentaires à ce qu’on dit

L’enquête du WSJ raconte l’histoire d’un financier brillant, parfois au service de gens contestables, mais qui avait l’immense avantage d’avoir un pied en Russie et un en Ukraine. Denis Kireev avait aussi le goût des affaires d’espionnage,

grande enquête consacrée à Denis Kireev

Était-ce un traître ou un héros ? The Wall Street Journal laisse la question en suspens au terme d’une grande enquête consacrée à Denis Kireev, mise en ligne le 18 janvier 2023 et reprise par L’Opinion. Ce financier de 45 ans a joué un rôle de premier plan, juste avant le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en mars 2022. Quelques jours plus tard, il était tué d’une balle dans la tête. Les médias, à l’instar du site biélorusse Nexta, avaient alors souligné qu’il était soupçonné de trahison.

Pour tenter d’éclaircir la personnalité de ce banquier controversé et les raisons de sa mort, le journal américain a compilé des documents issus de services de renseignement et interviewé des fonctionnaires des gouvernements américain et ukrainien, ainsi que des membres actuels et anciens des agences de sécurité ukrainiennes et des proches, des agents de sécurité et des associés de Denis Kireev.

« S’il n’y avait pas eu M. Kireev, il est fort probable que Kiev aurait été prise », estime le général ukrainien Kyrylo Boudanov, patron du service de renseignement militaire GUR, cité par Courrier international. Selon lui, le banquier ukrainien lui a fourni de précieux renseignements, quelques jours avant le début de « l’opération spéciale » lancée par Vladimir Poutine. Mais qui était-il vraiment ?

Le général Kyrylo Boudanov © Photo : president.gov.ua, CC BY 4.0 via Wikimedia Commons

Des liens avec les milieux politiques et militaires russes

Au cours de sa carrière, Denis Kireev s’est révélé aussi habile dans le monde de la finance que dans le développement de ses réseaux internationaux. « Il aimait jouer les 007 », selon un de ses proches cité par le Wall Street Journal. Il a d’abord travaillé pour des agences de banques occidentales comme le Crédit Lyonnais ou ING, puis a offert ses services à partir de 2006 à des hommes d’affaires proches de la Russie, dans la région de Donetsk, développant des liens avec les milieux politiques et militaires de l’autre côté de la frontière. À l’arrivée au pouvoir de Volodymyr Zelensky en 2019, il était pressenti pour prendre la direction d’une grande banque d’État, mais sa loyauté envers le pays a été remise en cause publiquement et la poste lui a échappé. Le général Kyrylo Boudanov, directeur du renseignement militaire ukrainien, a témoigné du rôle joué par Denis Kireev au début de la guerre.

Au printemps 2021, lorsque la Russie a commencé à rassembler des troupes à la frontière ukrainienne, le général ukrainien Kyrylo Boudanov a demandé à Denis Kireev de mettre à profit ses contacts financiers et de sécurité pour infiltrer le renseignement militaire russe. « Il avait le cercle de connaissances nécessaire. Les transactions financières étaient effectuées par son intermédiaire. C’est la raison pour laquelle il était en contact avec tout le monde, y compris des personnes très influentes », précise-t-il. Ses contacts privilégiés et plusieurs visites côté russe lui auraient permis d’obtenir des renseignements auprès des services spéciaux et du monde de la finance. Il aurait été prévenu de la préparation d’une invasion russe dès l’automne 2021.

Il participe aux négociations avec la Russie

Le 18 février 2022, Denis Kireev avait prévu de prendre quelques jours de vacances, comme tous les ans, dans les Alpes françaises, mais vu l’urgence de la situation dans son pays, il a laissé sa femme et son fils partir seuls. Cinq jours plus tard, le 23 février, il alertait le général Budanov que Vladimir Poutine allait envahir l’Ukraine dès le lendemain matin. Il aurait livré les détails de cette opération destinée à « prendre Kiev en trois jours », notamment l’attaque aéroportée sur l’aéroport de Hostomel, dont les troupes russes allaient bientôt prendre possession. Des informations qui, selon le général Budanov, auraient permis à l’armée ukrainienne de se préparer à cette attaque et de gagner de précieuses heures.

À la demande de Boudanov, le banquier ukrainien a ensuite participé aux deux tables de négociations avec Moscou en Biélorussie. Une manière pour Kiev de gagner du temps pour réorganiser la défense du pays. Le rôle de premier plan de Denis Kireev est alors apparu au grand jour. C’est à ce moment que le service de sécurité intérieure ukrainien SBU, lié à la Russie, aurait commencé à suspecter un double-jeu mené par le négociateur au profit de la Russie. Le 5 mars, un agent du contre-espionnage l’aurait invité à se présenter à la gare de Kiev. Il s’agissait d’un guet-apens. Quelques heures plus tard, Denis Kireev était retrouvé mort dans la rue. Il avait reçu une balle en plein front.

Décoré à titre posthume par le président Zelensky

Le banquier ukrainien a-t-il été victime d’une opération de représailles du FSB ? La thèse est d’autant plus plausible que l’agence de sécurité russe a infiltré les rangs du SBU. « Sa mort est due au manque de coordination entre nos différents services en ces premiers jours de la guerre », a commenté pour Delfi Mikhaylo Podolyak, conseiller à la présidence ukrainienne, le jour de la publication de l’enquête du Wall Street Journal, selon Courrier International.

Le jour de ses funérailles à Kiev, Denis Kireev a reçu les honneurs dus à un héros national et a été décoré à titre posthume par le président Zelensky pour « service exceptionnel rendu à la défense de la souveraineté et de la sécurité de l’État ».

Un épisode parmi d’autres sur la nature du régime ukrainien

Cette enquête sur cet épisode rocambolesque peut séduire les amateurs de films d’espionnage, mais comme nous ne cessons de l’analyser ici depuis au moins 2014, c’est tout le régime ukrainien qui est la proie d’équipes mafieuses. Nous avons nos propres affaires en France et partout et toujours, le pillage de l’Etat, les privatisations comme l’exercice du monopole de la violence légitime (police armée) sont à la base d’un profit que d’aucuns présentent comme libéral et démocratique, mais l’Ukraine a atteint des formes particulièrement caricaturales. Cette enquête du Washington Post coïncide avec une opération “vertueuse” de Zelensky mais qui relève de la même logique que l’assassinat de celui que l’on célèbre comme un héros. Après donc avoir abattu l’hélicoptère dans lequel s’enfuyait avec femme et enfants le ministre de l’intérieur et qu’il ait été décoré à titre posthume, voici la suite…

Samedi, le NABU a interpellé Vasyl Lozynkiï, ministre adjoint du Développement des communautés, des territoires et des infrastructures de l’Ukraine, pour des soupçons de détournements de fonds. En poste depuis mai 2020, il aurait reçu 400.000 dollars “pour faciliter la conclusion de contrats d’achat d’équipements et de générateurs à des prix gonflés”, indique le NABU dans un communiqué. Cette arrestation fait partie d’une enquête plus importante visant ce qui est appelé un “groupe criminel organisé” dans le communiqué. Plusieurs autres fonctionnaires sont ainsi soupçonnés de s’être approprié “une partie des fonds de l’État”, normalement destinée à “fournir à la population des sources alternatives d’approvisionnement en lumière, en chaleur et en eau pendant la période hivernale”. Et ce alors que l’Ukraine fait face à des pénuries d’électricité à la suite de frappes russes sur ses installations énergétiques, en pleine période hivernale.

Le directeur de cabinet adjoint de la présidence ukrainienne, Kirilo Timochenko, a déclaréaujourd’hui mardi 24 janvier qu’il avait demandé la veille au président Volodimir Zelensky de le relever de ses fonctions. “Je remercie le président de l’Ukraine Volodimir Zelensky pour la confiance et la possibilité de faire de bonnes actions chaque jour et chaque minute”, a écrit Kirilo Timochenko. On ignore la raison d’une telle démission.

Le ministre de la Défense accusé


Dans une autre affaire de corruption présumée, le ministère ukrainien de la Défense a ordonné dimanche le lancement d'”un audit interne” et la tenue lundi d’une “réunion d’urgence” autour du ministre de la Défense, Oleksiy Reznikov, pour faire toute la lumière sur d’éventuels contrats gonflés par le ministère.

Samedi, des informations de presse dans les médias nationaux avaient accusé le ministère ukrainien d’avoir signé un contrat à un prix surévalué sur les produits alimentaires destinés à ses soldats. Selon le site d’information ZN.UA., le contrat signé en question, pour 2023, serait de 13 milliards de hryvnias, soit un peu plus de 350 millions de dollars au taux actuel, avec des prix établis “deux à trois plus élevés” que les tarifs actuels en vigueur pour les produits alimentaires de base. Oleksiy Reznikov a nié les faits et, selon le même média, restera à son poste le temps de l’enquête. “En cas de détection de violations dans les activités des fonctionnaires du ministère de la Défense, ils seront responsables conformément à la loi en vigueur”, a déclaré le ministère ukrainien dans un communiqué. “Le ministère achète les produits pertinents conformément à la procédure établie par la loi”, a-t-il toutefois souligné, jugeant “fausses” et “trompeuses” les informations sorties dans la presse.

“Celles-ci sont diffusées avec l’intention de manipuler de façon délibérée” et “nuisent aux intérêts de la défense pendant une période spéciale”, a-t-il fustigé, rappelant encore que “des contrôles sont effectués” sur les contrats. Ce que nous avons depuis longtemps signalé dans ce blog est de moins en moins facilement niable. “L’Ukraine est minée par la corruption”. Avant l’invasion russe en Ukraine, le pays était déjà connu pour ses problèmes de corruption. D’après les données de l’ONG Transparency International, datant de 2021, 23% des usagers des services publics en Ukraine avait alors payé un pot-de-vin au cours des 12 derniers mois. Le pays était classé 122e sur 180 sur l’indice de perception de la corruption.

En ce moment où l’Ukraine exige de plus en plus non seulement des Etats-Unis (où la nouvelle majorité républicaine est censée demander des comptes plus détaillés) mais où divers pays européens face à une opinion publique qui commence à protester, l’Union européenne qui avait fait jadis de la “dénazification” comme des réformes anti-corruption ses principales exigences pour accepter la demande d’intégration de l’Ukraine rappelle de temps en temps la nécessité de réformes. Les milliards d’euros accordés à Kiev pour l’aider à reconstruire son pays en pleine guerre et à maintenir à flot le budget national ukrainien, s’accompagnent d’ailleurs de quelques demandes en ce sens. “L’UE a besoin d’être sûre que les 18 milliards d’euros seront dûment utilisés par l’Ukraine”, a expliqué au site ukrainien Eurointegration.com la vice-Première ministre Olga Stefanichyna, précisant que parmi ses conditions figurent notamment des questions liées à “l’État de droit” et à la lutte contre la corruption. D’où ces coups de balai qui ne changent pas grand chose, puisque Zelensky lui même fait partie du lot et que sa politique est déjà celle de Washington.

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