Un rapide (re)tour à l’Université d’été du PCF 2021…

Le fort sentiment de nostalgie, d’un temps qui passe et qui efface la trace de nos pas comme dit la chanson était sans doute due à la métamorphose de cette université dans laquelle j’ai étudié,puis enseigné et milité de 1958 à 2003.

L’université est repensée, éventrée, installée dans des lieux que pourtant je reconnais. Hier je m’y voyaos avec d’autres les hanter, la transformation n’était pas si totale que je ne puisse retrouver les amphis et les dédales dans lesquels nous inventions en mai 68 et à d’autres occasions l’espace public.

Hier vendredi, c’était plutôt l’installation que la mise en marche de l’université d’été du PCF.

Ian Brossat interviewé par un média quelconque, etait là exactement aupoint où Vovelle et moi vendions l’Humanité. Je me souvenais de cette enseignante snob désignant le journal “Mon dieu comme ce journal est triste, noir, on dirait qu’il est en deuil!” Et Vovelle imperturbable : “Oui c’est comme ça depuis la mort de Jaurès” Et se penchant en riant vers moi: “Nos collègues préféreraient nous voir vendre de l’ambre solaire que le journal” Alors, il faisait un soleil aussi éclatant que hier, d’où la référence à cette crème solaire…

Mais aujourd’hui, ce vendredi 27 aout 2021, franchement pour moi et sans doute pour les enseignants de l’Université il n’était plus question de vendre l’Huma. La faute en était à l’Université mais aussi à ce que l’Humanité sous la direction de Patrick le Hyarec était devenue même si tant de camarades ne semblent pas s’être aperçu de l’évolution. Un camarade du temps du service d’ordre de Marchais m’a reconnue, il était jadis chargé de filtrer ceux qui avaient le droit de monter sur la grande scène et nous avons un moment égrené nos souvenirs, en particulier lejour où cet intrus avait choisi à la fête de l’huma d’assurer la promotion de son livre en prenant le micro. Georges Marchais l’avait gentiment mais fermement viré et Roland Leroy avait engueulé de belle manière le service d’ordre: “Vous imaginez un type qui avec une kalcha descend tout le BP et le Comité central”… Mais qui songerait aujourd’hui à une aussi sanglante exécution et surtout y verrait un acte présentant un quelconque intérêt ? Est-ce que patrick Le Hyarec, qui à l’inverse de Roland n’a jamais eu àtenir une arme, s’inquiéterait de la survie des membres de l’exécutif ? de Melenchon peut-être, mais des dirigeants communistes ? Et pourtant le camarade du service d”ordre n’a pas l’air de s’apercevoir de ce qu’est l’humanité devenue et par amitié je rembobine nos souvenirs communs.

Tout est comme ça chacun feint en me voyant de faire “comme si”… le tout dans cette université si riche de ma passion d’enseignante et de chercheur autant que de mes engagements, de ce temps où l’Université de Provence c’était déjà une démocratie populaire et où les débats théoriques et intellectuels étaient à l’ordre du jour. Les camarades sont cordiaux, plus que ce que je pouvais en attendre, pour certains c’est sincère, les lecteurs denotre blog sont nombreux et me disent à quel point il leur est indispensable. Surprise, la librairie qui est là n’est pas mon éternelle ennemie de Toulouse mais celle de Chambery que je connais depuis longtemps et qui a réussi à présenter une masse d’écrits marxistes et des travaux passionnants. Surprise, il y a même une pile de mes mémoires chez Delga.

Franchement,je m’attendais à pire : est-ce que je ne fais pas une crise de paranoïa ? On nous a réservé pour Cuba un stand important que nous avons meublé à la dernière minute grace à nos camarades du Vaucluse avec ce que nous avions à notre disposition. Là encore l’accueil et le passage est très sympathique… OUI MAIS… il n’y aura pas le livre deViktor Dedaj,rien d’actuel sur Cuba, quelques babioles et dépliant de voyage, mais des gens viennent adhérer à France Cuba.

Oui Mais que penser que faire de ce un moment de délire complet? quand Josiane, la responsable du secteur international des Bouches du Rhône vient gentiment nous saluer. Je la présente à Wilma, la seule qui parmi nous les “Marseillais” ait une adhésion officielle à France Cuba. Et là commence un de ces instants surréalistes du temps qui passe et que je ne reconnais plus. Notre expédition en Italie a donné lieu à des interprétations de la part de tous ceux qui cultivent l’art de ne rien faire. Vous remarquerez que la liste les amis de Cuba géréepar Cuba linda n’a repris aucun des textes concernant cette initiative comme si elle faisait ressortir le manque de mobilisation et d’action concrète en France… Mais là c’est le bouquet , Josiane m’explique alors que je ne lui demande rien, ni aide ni publicité que la récolte des médicaments c’est trop compliqué, où les stocke?elle préfère récolter de l’argent. Il faut dire que les camarades d’Aix ont commencé aussi à collecter et qu’elle ne sait comment leur résister. Il n’y a pas de problème dit Wilma, nous onstocke… Très bien lui dis-je si tu préfères organise la collecte d’argent, alors là tu peux le donner à France Cuba, à Cuba Coopération qui organisent la récolte d’argent pour acheter directement des médicaments livrés par la Chine, à ce que j’ai cru comprendre. Ou tu peux nous aider parce qu’apporter des colis en Italie, louer un camion et mettre de l’essence ça revient cher. Josiane à ce moment-là tire sa carte maitresse et me dit “Nous qui ?” Nous des Marseillais qui n’appartenons à rien mais avons décidé d’agir et avons fait deux voyages et en faisons un troisième bientôt… Nous qui sommes en train de réfléchir à l’envoi d’un contenair depuis la France cette fois et sommes en train de chercher qui pourrait initier ce départ… Nous loins de toute appartenance politique qui faisons!” Et là, c’est un grand moment de stupéfaction partagé par Wilma qui a eu droit à la même mise en garde… Josiane me demande si nous sommes assurés de nos contacts italiens parce qu’ajoute-t-elle la mafia organise le trafic des médicaments et elle s’est peut-être emparé de nos cartons de doliprane!”… Pour les lecteurs de ce blog qui ont suivi notre affaire et qui savent comme hier l’avion est arrivé surl’aéroport de Pinar des Rio a été accueilli par les amis Cubains. Granma a même consacré un sujet à cette solidarité exemplaire des camarades italiens affrétant un avion. Et me voilà devant une responsable du PCF probablement pleine de bonnes intentions mais qui a subi les mises en garde de ceux qui depuis des années ne font rien, empêchent toute solidarité effective et qui n’ont trouvé rien de mieux que de faire courir une rumeur sur notre soumission à la causa nostra …

On me salue amicalement, on me parle même avec déférence;.. nul n’oserait m’insulter oui mais voilà celle-là on ne me l’avait jamais faite en trente ans où j’ai été accusée de n’importe quoi y compris et en priorité d’avoir trempé dans les exécutions staliniennes, à quatre vingt trois ans n’avoir pour ne pas agir dans la solidarité avec cuba qu’une bonne excuse, celle de mes liens supposés avec la mafia italienne à qui j’apporterai des caisses de doliprane… fallait oser, c’est fait..Nous sommes Wilma et moi secoué de fou rire, Katia qui elle a subi d’incompréhensibles accusations de communisme et d’insultes publiques n’en est toujours pas revenue… Toutes les deux ont eu la même réaction “on est des poux on s’accroche! ” disent-elles…

Voilà c’est ça ce dont je vous parle parfois ce sentiment d’étrangeté dont je ne sais même plus de quoi il est fait… Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on aboutit à pareilles choses, pourquoi on me raconte des sornettes pareilles,pourquoi faut-il justifier l’inertie de cette manière bizarre? Peut-être alors ai-je injustement tendance à sousestimer ce qui se fait néanmoins et tous ces camarades qui voudraient desespérement que tout se passe bien : ils sont ce qui ce fait de moins mal dans cette foutue société, est-ce leur faute s’ils ne ressemblent pas à cette hyperactivité, cet échange passionné qui était le notre? … Je digère avecquelques difficultés le truc sur la mafia italienne mais Josiane est dénuée d’agressivité, elle tente de trouver les raisons de ne pas nous soutenir alors que nous ne lui demandons rien…

Peu à peu je vois des camarades s’approcher quand je leur décris l’Asie centrale et au-delà de ce que je raconte, entre eux des échanges se nouent sur leur métier, ce qu’ils font là où ils sont… je les laisse causer entre eux et je les écoute, je me dis qu’ils ne sont pas très différents de ceux de jadis simplement il y manque une coordination , un art de faire, de s’impliquer dans une action, de laisser s’exprimer cet art d’être utile de chacun… Ils ont quand même réussi à être là, à ré-occuper les locaux dans lesquels nous faisions entendre des possibles, une autre société et même une autre conception du travail, du collectif… Leur grand mérite c’est d’être là, d’empêcher qu’intervienne la dispersion totale …

Voilà c’est samedi matin, je m’interroge si je vais y retourner… je leur ai donné rendez-vous, on doit continuer à tenir le stand de Cuba… Mais aujourd’hui ça va être beaucoup plus axé sur les contenus,j’ai lu les programmes, ils ne m”ont pas convaincue mais rien de particulièrement choquant.Fabien Roussel intervient à midi, j’ai acheté son livre… Je vais réfléchir à tout ça, je savais déjà que je n’attendais pas plus du PCF que de ce retour à l’Université mais il y a eu un espèce d’apaisement sans que la distance entre hier et aujourd’hui soit comblée, au contraire… C’est une question de confiance je ne sais pas l’apport réel aux jeunes générations que peutoffrir cette université là et je ne sais pas plus ce que représente le PCF. Pourtant dans les deux cas je souhaite desespérement que le meilleur se développe et les enjeux sont là, il faut bien qu’il y ait quelque chose qui tienne rassemblés, la tempête je le subodore va secouer plus encore.

la nostalgie n’y suffit pas… Les enjeux… savoir où on en est et agir en conséquence… Il me semble que je mesure ce qui est en train de naitre dans un écroulement de grande ampleur… Comment expliquer? Il est évident que l’affaire de l’Afghanistan pour ceux qui savent voir fait tomber beaucoup d’illusions sur les trente ans que nous venons de vivre, sur les discours sur la démocratie, les droits de l’homme et l’application d’un modèle de société “occidentale” comme paravent à l’exploitation capitaliste. Le PC est à ce tournant là et rien ne le lui économisera;..

Ce qui apparait et c’est que dit la Chine : un autre type de relations internationales non étrangères à ce qu’ont impulsé les communistes dès l’instauration de l’URSS, lapaix basée sur le respect des souverainetés et des intérêts réels des peuples contredits par les puissants et les marchands d’armes. Une décolonisation qui laisse à chaque peuple le droit de choisir ses moeurs, ses traditions, sa vision duprogrés tout en ayant en commun certaines priorités en matière de santé, d’éducation, de besoins élémentaires… La fin du G7 ,un club qui a volé en éclat non seulement avec l’Afghanisatan mais dans d’autres lieux de la planète y compris en Europe… c’est ça ou la guerre, la fascisation… Ici même puisqu’il est question d’Europe un PCF devrait envisager une autre conception par rapport ne serait-ce qu’à l’Allemagne et l’Europe du sud…

Je ne sens rien de tout cela dans cetteuniversité d’été, ici, mais le plus grand mal à s’arracher au contraire à ces trente ans alors que ce qui m’interesse est totalement ailleurs comme en témoigne ce blog… Mais d’un autre côté on ne peut pas affronter cela seul et il n’y a rien d’autre: ailleurs c’est encore pire et ils ne sont même pas bienveillants, désireux de bien faire comme au sein du PCF. Ailleurs, je parle de ce qui est institutionnel, dupouvoir aux “élites”, aux dirigeants politiques, tous ceux qui prétendent occuper un espace public, y compris groupusculaire, dans tout ce qui est insitutionnel parce que le paradoxe est ce que prouve notre action en faveur de Cuba c’est qu’il y a des Français relativement disponibles et conscients que rien ne va demeurer en état…

Voilà c’est tout… mais entre nous c’est pas mal… Wilma m’a dit quelque chose quim’est allé droit au coeur “tu forces les gens à réfléchir, à aller plus loin que ce qu’ils ont l’habitude de le faire!” bon continuons ici au moins… j’ai toujours pensé que c’était toujours le rôle d’une Université et que ce qui favorisait essentiellement cette mission c’était surtout de ne pas la réserver aux seuls universitaires… Etrange de me trouver confrontée une fois encore au lieu dans lequel j’ai défendu cette conception et où visiblement j’ai été battue avec ce que j’estimais l’instrument privilégié de cet élargissement, le PCF dont j’ai été de fait exclue par incompatibilité de vision… Est-ce un enterrement ou une possible renaissance la seule issue? en tous les cas j’aurais fait ce que j’ai pu mais je ne peux plus grand chose…

danielle Bleitrach