Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Marseille, le jeu politicien des écologistes et pas que … Un cas d’école…

L’avantage ou l’inconvénient du terrain marseillais est que tout y apparait caricatural, encore plus que dans l’île de France peut-être parce que ce que vit la population en matière de chômage, de bas salaires rend aussi hors sol que la Seine saint Denis les petits jeux de “l’élite” et en particulier une écologie incapable de faire le lien avec les couches populaires, sans débat sur le fond et se livrant aux jeux de dynamitage de la gauche et singulièrement du PCF quand il se prête à la manœuvre. Comme l’a dit Fabien Roussel, le problème de la gauche n’est pas sa division mais sa faiblesse. Faiblesse électorale, mais surtout de volonté transformatrice que l’on masque sous les jeux politiciens selon le modèle imposé de la Ve République et de l’UE. La candidature de Fabien Roussel dont la “caravane des jours heureux” démarre aujourd’hui à Marseille propose une autre politique, un autre débat … A nous de le faire vivre avec tous.

Marseille, dans le prolongement des municipales, des régionales…

Marseille aux dernières municipales a été comptabilisée au titre des municipalités gagnées par les verts, un symptôme de la vague verte, mais qu’en était-il exactement ?

Déjà peut-être certains se souviennent-ils du rôle joué par les verts marseillais dans deux épisodes cruciaux de l’installation du “printemps marseillais” à la tête de la ville. Le premier a été le soutien apporté par les dits verts, (en violation de l’accord initial) à Samia Ghali dans les quartiers nord et ce contre la liste du printemps marseillais dirigée par les communistes, les privant d’une mairie de secteur. Ils ont transformé cette créature de Guerini en faiseuse de maire et alors qu’elle ne représentait pas 2% de l’électorat, elle a obtenu un poste essentiel de deuxième adjointe et la main mise de fait sur le centre d’affaire (euroméditerranée) en gestation du côté du port. La transaction a eu lieu jusque pendant l’élection du maire avec suspension de séances pour faire monter les enchères. On a fait taire Coppola le tête de file communiste marseillais avec un poste d’adjoint à la culture (1). Le deuxième acte dans lesquels les verts sont mêlés mais derrière lequel on voit se profiler l’appareil socialiste et ses liens avec Guerini, c’est la manière dont Rubirola la maire “écologiste” est remplacée par Bruno Payen un apparatchik socialiste des plus classiques, une opération que la plupart estiment préparée de longue date et qui fait litière des prétentions à une citoyenneté renouvelée. Le tout sur fond d’une métropole dans laquelle le pouvoir de la droite, celui de Vassal qui perd la ville mais en conserve les pouvoirs essentiels avec la métropole, est confirmé avec y compris des votes communistes contre le candidat communiste (2).

Mais c’est dans un autre contexte, qui prolonge celui des municipales et annonce les présidentielles, puisque le politicien va d’élections en élections même si le spectacle rassemble de moins en moins de gens intéressés… La région ou la main mise de Renaud Muselier, l’ouverture de ce dernier à toutes les combinaisons de la république en marche à des possibles transfuges dans le cadre des présidentielles.

Donc selon leur bonne habitude, aujourd’hui une partie des verts fait sécession sans doute pour préparer une tactique pour un courant d’un candidat des verts autant que pour des combinaisons plus locales. Il s’appellera le groupe écologiste et citoyen. Six élus de la Ville de Marseille se rassemblent pour créer un nouveau groupe au sein du conseil municipal. “Nous souhaitons, en tant qu’écologistes […] agir pour des politiques publiques écologiques fortes, agir pour répondre à la fois aux urgences sociales et aux urgences écologiques, agir en dépassant les étiquettes partisanes et agir en associant de manière inclusive les citoyennes et les citoyens”, écrivent-ils dans un communiqué.

Sébastien Barles, Théo Challande-Névoret, Nouriati Djambae, Hervé Menchon, Fabien Perez, Aïcha Sif sont les “premiers élus engagés dans le groupe”. Une liste qui ne compte cependant pas tous les élus écologistes élus l’année dernière. On compte notamment parmi les absents encartés chez EELV la première adjointe Michèle Rubirola ou la conseillère municipale déléguée Lydia Frentzel. Certains, comme Christine Juste, n’ont pas été informés de la création du groupe. “Ça sera sans moi”, a-t-elle réagi à chaud auprès de Marsactu.

En réflexion depuis plusieurs mois, ce groupe pourrait être une façon pour les écologistes de peser davantage dans les débats en se distinguant du groupe Printemps marseillais, tout en restant dans la majorité. Fabien Perez en sera le président pour six mois. La présidence sera ensuite amenée à tourner.

La division n’est pas la faiblesse c’est la faiblesse qui divise...

Cette fois ce qui se met en place c’est le résultat des régionales où les verts ont été contraints de se désister et dans la préparation des primaires de ces mêmes verts ce qui accroit à Marseille comme ailleurs le pastis politicien. Il est inutile d’ajouter au titre spectacle des divisions internes celui des élus condamnés, inculpés, Marseille a tout de même réussi à envoyer au parlement une députée socialiste siégeant avec le bracelet. Si les socialistes paraissent présenter certains records la droite n’est pas en reste… Billoux jadis a dû reconquérir les quartiers populaires du Nord, le port lui-même à la tête des travailleurs du port : “Marseille propre”… et Deferre a assuré son pouvoir en accordant à la droite le pouvoir sur l’urbanisme, en s’appuyant sur FO contre le CGT, y compris sur le port… Marseille souvent dans son mouvement ouvrier comme dans ses recompositions à gauche précède Paris… C’est en s’appuyant sur des journées marseillaises contre la vie chère dans lesquelles la police issue de la résistance avait rallié les contestataires que Ramadier a trouvé le prétexte pour chasser (sur ordre des USA) les communistes de ce département (3)

Au plan marseillais c’est l’écho de la désignation du futur candidat à la présidentielle, celle de Jadot a déclenché tous les jours un nouveau candidat, Aujourd’hui c’est Delphine Batho, cela commence à peine et la cabine téléphonique est déjà pleine… on ne peut que se dire que s’ils continuent il va y avoir plus de candidats que d’électeurs… et l’exemple marseillais prouve à quel point le dynamitage va loin… Accuser Fabien Roussel, comme certains n’ont pas craint de le faire de diviser avec sa candidature c’est ne pas voir ce qui fait la faiblesse de la gauche …

Cela va pas être triste aux législatives… Comme le disait Fichte, le moi se pose en s’opposant et celui qui s’oppose pour se placer finit par y croire au point de considérer que le partenaire est l’ennemi… Par parenthèse c’est pour cela que je ne suis ni pour les primaires, ni pour les tendances parce que faute d’une volonté réelle de transformation la lutte des clans derrière un leader l’emporte sur le fond et à la base on s’écharpe, on manœuvre comme à Marseille …

Déjà le Rassemblement (sic) national c’est une idée et une seule “tout est de la faute des immigrés” Macron c’est “je sais tout, taisez-vous!” le chef repose sur le vide intégral…

Avec un tel affrontement rien de ce qui est secondaire n’est étranger et la haine est d’autant plus forte que chacun légitimement ne peut avoir que les plus grands doutes sur ce qu’il peut espérer…

Le contexte national, une autre campagne est possible et nécessaire

A ce propos, au plan national, sans faire totalement confiance aux sondages, Jadot est à 7% et ce sont les seuls à gauche qui augmentent (+1% ) avec Fabien Roussel (+1,5) mais lui il est tout seul alors que les verts s’y mettent à 10 irréconciliables… Tous les autres sont en chute libre … et ce n’est pas faute de dire tout et son contraire pour tenter d’occuper une case de l’échiquier…

Oui il y a des enjeux fondamentaux en matière de climat, de santé, d’environnement mais aussi de paix, de sécurité, d’emploi… Nombreux sont ceux qui en sont conscients et qui veulent que l’on fasse de la politique autrement…

Cette augmentation dans les sondages et dans les bonnes opinions paradoxalement sont la cerise sur le gâteau de communistes qui sont les seuls à avoir une ambition qui dépasse justement sondages, combats de chef, et qui cherchent en fait à reconstruire une vie politique digne de ce nom dans lequel le monde du travail aurait son mot à dire, entre autres… En outre, on excusera ce plaidoyer pro domo (pour ma boutique) effectivement Fabien Roussel parait un peu le seul à faire de la politique, les autres c’est le petit jeu : pince mi et pince moi sont dans une barque, pince-mi tombe à l’eau qu’est ce qui reste… AIE !!!

Oui mais voilà à Marseille la situation est rien que moins simple parce que comme dans l’île de France, il existe installé à la mairie et dans certaines sections une volonté de lutter contre la candidature communiste et de pratiquer l’inertie face à celle-ci… Mais il est clair qu’ils sont de plus en plus minoritaires dans les Bouches du Rhône et même à Marseille… Tous ces jeux politiciens qui masquent ou prétendent masquer par exemple les positions pro-UE, pro-OTAN des verts, leurs choix y compris sur le climat, sur l’environnement ont besoin d’une autre pratique politique et c’est celle-là que la candidature de Fabien Roussel prétend recréer, il donne l’exemple mais cela doit devenir l’affaire de tous…

Danielle Bleitrach

(1) Les effets d’un tel ralliement ont abouti aux dernières départementales à une liste dissidente dans les quartiers nord qui a fait 19%. Mais même en matière de culture après des mesures phares comme la gratuité des collections permanentes des musées, la politique culturelle est contrainte de rentrer dans le rang. Ainsi comme le note le site marsactu : Pour la première fois depuis des années, la totalité des musées municipaux de la Ville de Marseille sont ouverts ce samedi 3 juillet. Et pour cause : à l’occasion de la Nuit des musées, la municipalité a recours à la société privée Onet Accueil, seul moyen d’assurer l’ouverture des 13 musées de la Ville, faute de personnel qualifié et motivé, l’article parle d’un système à bout de souffle. Ce choix est à mettre en relation avec le maire Bruno Payen qui a dû faire allégeance au système clientéliste mis en place par la droite et qui accorde des pouvoirs exorbitants au syndicat FO.

(2) Ce ralliement étonnant a trouvé son prolongement après la perte de la municipalité de Gardanne, la perte grâce aux mêmes du conseiller départemental de Gardanne- Séptème et autres… qui jadis paraissait inexpugnable… Les Bouches du Rhône méritent incontestablement une étude sur la coexistence de la liquidation sous ses formes diverses et complémentaires dont Mélenchon n’est que le nom… et les facteurs de résistance… C’est une tradition contre laquelle Thorez envoya Billoux …

(3) voir : les ouvrages que j’ai écrit en collaboration sur le sujet tous à partir d’enquêtes.

  • L’usine et la vie : luttes régionales, Marseille et Fos, avec Alain Chenu, Maspero éditeur, 1979 :

Il s’agissait à partir d’une enquête concernant plus de 5 000 ouvriers de la zone de Fos-sur-Mer et de nombreuses entreprises (sidérurgiepétrolemétallurgie, etc.) de comprendre comment les modes de vie contribuaient à créer des types différenciés d’ouvriers ;

  • Classe ouvrière et social démocratie : Lille et Marseille, avec Jean Lojkine, Ernst Oary (Alain Chenu), Christian Delacroix et Alain Maheu, Éditions sociales, 1981 :

Étude comparative de deux modes de gestion municipale ouvrière. Dans les deux cas il s’agit d’analyser les modes d’hégémonie ouvrière, comment l’organisation, son idéologie a réussi à développer des formes originales de solidarité ;

  • Défaite ouvrière et exclusion, avec Mustapha El Miri, L’Harmattan, 2000 :

En partant de l’étude des trajectoires de 500 rmistes marseillais, il s’agit d’une remise en cause de la notion d’exclusion. Pour les auteurs, l’exclusion manifeste la défaite ouvrière du milieu des années 1980 et elle correspond à la mondialisation qui accroît les inégalités non seulement dans le Tiers monde mais dans les pays industriels avancés car elle pèse sur les salaires en particulier ceux des travailleurs non qualifiés. Chassés de leur pays d’origine, une main-d’œuvre immigrée, souvent d’origine rurale, se heurte à cette situation et la classe ouvrière est défaite, mais aussi se défait, elle est de moins en moins collective : chômage, précarité, l’informel urbain s’étend.

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