Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les lectures enfantines sont notre patrimoine…

Aleknavitchious Bernardas/TASS

Qu’est-ce qui fait qu’un livre pour enfants est lu et relu, comme une prière partagée par plusieurs générations? De grands personnages et une intrigue bouillonnante forment généralement une combinaison gagnante. Certaines des meilleures histoires resteront à jamais gravées dans la mémoire, comme une explosion de saveurs de l’enfance. Cette saveur partagée des lectures enfantines nous l’avons eu avec d’abord Vaillant, Yves le loup, qui nous parlait du Moyen Age, Rahan et la préhistoire, après il y a eu Pif le Chien. Je me souviens plus tard, lors du XXe congrès et de l’abandon de la dictature du prolétariat par le PCF d’une couverture de Reiser dans Hara Kiri hebdo où l’on voyait un prolo déplorer “la trahison de Marchais” et où il disait ‘il n’y a plus que pif le chien pour rester communiste…’ Et bien voilà c’est fait ils ont bradé cela aussi, ils c’est-à- dire la direction de l’Humanité qui ne se souvient des communistes qu’en cas de souscription… Il a d’ailleurs expliqué qu’il restait Miroir sport à vendre… et d’autres… (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

La Petite clé d’or ou Les Aventures de Bouratino, par Alexis Tolstoï

Raduga Publishers, 1990

Plus de huit décennies se sont écoulées depuis la publication des Aventures de Bouratino, la version russe de Pinocchio, l’invention vénérée de Carlo Collodi. Ce roman féérique a vu le jour en 1936, sous le règne de Staline, mais il continue à ravir les jeunes lecteurs d’aujourd’hui. Avant la fin des années 1980, le livre avait été réimprimé 180 fois en URSS. Il a été traduit en 47 langues et s’est vendu à près de 15 millions d’exemplaires. Certains amateurs de littérature ont dit à Russia Beyond qu’ils l’avaient lu une quinzaine de fois !

« Je l’ai lu pour la première fois à l’âge de six ans, relate Alina, 36 ans. Je me souviens parfaitement des personnages. Pierrot, le plus triste de tous, était mon préféré. Chaque soir, j’attendais désespérément que ma mère revienne du travail pour me lire le chapitre suivant. Et il n’y avait pas que moi ! Mon plus jeune fils Sacha, qui a grandi aux États-Unis, aime beaucoup Bouratino aussi ».

Le descendant de Léon Tolstoï a décidé de remanier l’histoire tout en travaillant à la traduction du Pinocchio de Collodi de 1881. Sa version du conte de fées diffère à bien des égards de l’original italien. Comme c’est souvent le cas, le diable est dans les détails. Par exemple, le nez de Pinocchio devient plus gros à chaque fois qu’il ment, alors que Bouratino est directement né avec un long nez – il n’a rien à perdre !

En outre, le chef-d’œuvre de Tolstoï ne semble pas avoir de morale (alors que Pinocchio est plein de maximes et de jugements moraux). Tolstoï, au contraire, voulait que ses jeunes lecteurs rient de reconnaissance devant le décor et les personnages. Dans son roman, l’effronté garçon de bois Bouratino mène une révolte contre le méchant propriétaire du théâtre de marionnettes Karabas-Barabas avec le soutien de ses amis marionnettistes Malvin, Pierrot et Arlequin. Amusant, plein d’action et de bonnes blagues, c’est une excellente lecture pour les enfants de 5 à 12 ans.

Galoches et glaces, par Mikhaïl Zochtchenko

Harry N. Abrams, 2009

Zochtchenko est une figure intemporelle du panthéon du livre pour enfants. Le cadeau de grand-mère, Le Sapin de Noël, La Trouvaille, Les Mots d’or, ces célèbres récits autobiographiques décrivent les fascinantes et réelles aventures de l’auteur durant son enfance au début du XXe siècle. Les contes, écrits entre 1937 et 1945, mettent sous une loupe magnifiante la sagesse, la générosité d’esprit et la chaleur de cœur de l’écrivain.

Bien que le recueil de contes de Zochtchenko ait été écrit principalement pour les enfants, les parents peuvent eux aussi apprendre quelque chose de chaque épisode. Dans l’un d’entre eux, Galoches et glaces, les charmants frère et sœur Lelia et Minka ont une envie intense de glace. Ils vont jusqu’à l’extrême pour gagner plusieurs kopecks et en acheter. Lorsque les invités viennent chez leurs parents, les enfants inventifs décident de vendre deux souliers en caoutchouc séparés (un pour homme et un pour femme) à un chiffonnier qu’ils rencontrent par hasard dans la rue. Les enfants paieront le prix fort pour leur faux pas, mais ils en tireront une leçon.

« Lire Zochtchenko est une tradition familiale de longue date, explique Viktoria, 38 ans. Ma mère a lu ses histoires pour la première fois dans les années 60, quand elle était petite. J’ai lu le même livre quand j’étais en deuxième année et mon fils a réussi à tous nous battre – il a lu les contes jusqu’à ce qu’ils soient en lambeaux quand il a eu six ans ».

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Le Conte du temps perdu, par Evgueni Schwarz

Pixabay

Quoi qu’il fasse, Petia Zoubov trouve constamment des moyens de tuer le temps. Être en retard à l’école est l’un d’entre eux. Mais trop c’est trop. Quatre sorciers maléfiques profitent du « temps perdu » accumulé et deviennent jeunes en utilisant le temps volé à des enfants paresseux comme Petia. Le garçon et plusieurs de ses camarades deviennent vieux et gris et même leurs parents ne les reconnaissent pas. Les enfants doivent agir rapidement et de manière décisive pour retrouver leur jeune âge. Cette fois-ci, le temps presse littéralement.

Le Conte du temps perdu, écrit dans un style lumineux en 1940, peut ramener les enfants et les adultes à des lieux, des situations et des époques longtemps oubliés, mais toujours d’actualité. Schwarz, inimitable dramaturge soviétique, a écrit un roman au rythme rapide et au message fort : peu importe notre âge, nous n’avons qu’aujourd’hui. 

« Étonnamment, ce conte m’a laissé plein d’espoir quant au fait que les gens peuvent résoudre des problèmes apparemment insolubles, en trouvant les bonnes façons de gérer les situations difficiles. Je n’étais pas une fille paresseuse et j’ai lu le livre en le prenant à la légère, mais j’ai eu le sentiment d’en faire partie. Je me souviens que j’ai été très heureuse de découvrir que c’est une histoire qui se termine bien », confie Katia, 41 ans.

La Fleur aux sept couleurs, par Valentin Kataïev

Central Books Ltd, 1974

« Soyez prudent avec vos souhaits – ils ont tendance à se réaliser », a écrit Mikhaïl Boulgakov dans Le Maître et Marguerite. Ses mots de sagesse frappants pourraient être utilisés comme une épigraphe à La Fleur aux sept couleurs de Kataïev. Ce court roman, écrit en 1940, a été un livre de chevet très apprécié par d’innombrables générations d’enfants soviétiques (et post-soviétiques). C’est une histoire touchante, tissée au sein d’une aventure passionnante.

La joyeuse Jenia rencontre une vieille femme qui lui offre une étonnante fleur à sept pétales. En en enlevant un seul d’entre eux, les souhaits de la fillette peuvent se réaliser. Son imagination s’emballe et elle demande à la fleur de lui donner « tous les jouets qui existent dans le monde ». En un instant, des centaines de milliers de poupées descendent littéralement dans les rues de la ville, et Jenia, effrayée et bouleversée, est obligée de révoquer son souhait.

Elle commence bientôt à comprendre la véritable valeur de la joie et du bonheur. Lorsqu’il ne lui reste qu’un seul pétale, elle tombe sur un garçon de son âge avec lequel elle veut faire la course, mais Vitia a une jambe paralysée et ne peut plus courir. Cependant, la fleur aux sept couleurs pourrait résoudre ce problème.

« J’ai probablement lu ce livre une cinquantaine de fois, se souvient Lena, 40 ans. Je suis tombée amoureuse du garçon infirme ! Il était si triste et si calme avant de rencontrer la battante et joviale Jenia. Ma fille de 5 ans est obsédée par cette nouvelle et la connaît par cœur ».

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Guéna le crocodile et ses amis, par Edouard Ouspenski

Knopf Books for Young Readers, 1994

Ouspenski a été l’un des principaux conteurs de Russie pendant plus de cinq décennies. Pas étonnant que ses livres fassent inévitablement ressurgir les souvenirs nostalgiques de l’enfance soviétique. Le créateur des personnages emblématiques Tchebourachka et Guéna le crocodile a écrit des dizaines de livres agréables avec des personnages exceptionnels. Écrivain et poète prolifique, Ouspenski a utilisé tous les ingrédients essentiels pour créer ses contes emblématiques, en gardant une intrigue délibérément simple et facile à suivre.

Guéna, par exemple, n’est pas un crocodile typique. Créé par Ouspenski en 1966, cette créature élégante porte une veste rouge, une chemise blanche, un nœud papillon noir et un chapeau chic. Il fume la pipe, joue de l’accordéon et travaille au zoo.

Les jeunes enfants de 3 à 10 ans trouvent de quoi rire dans les livres d’Ouspenski, tous empreints d’ironie et de lumière. Une soixantaine de dessins animés sont basés sur des romans et des scénarios écrits par Ouspenski, dont Oncle Fiodor, son chien et son chat.

« Guéna le crocodile m’a semblé à la fois très amical et inhabituel, admet Fillip, 6 ans. J’ai immédiatement demandé à ma mère de m’emmener au zoo de Moscou pour vérifier si tous les crocodiles étaient comme Guéna ».

Les Aventures de Denis, par Viktor Dragounski

Progress Publishers, 1981

Parmi les fans de livres pour enfants, on compte des milliers d’admirateurs passionnés de Denis Korablev, le héros des histoires d’enfance de Dragounski. Ce n’est qu’un écolier ordinaire, qui vit avec ses parents à Moscou. La vie de Denis, qui se déroule à la fin des années 1950-60, est pleine d’aventures amusantes. Chaque jour apporte un nouveau rebondissement inattendu, n’en faisant qu’accentuer la tension de l’intrigue.

À bien des égards, Viktor Dragounski était, comme seuls les plus grands auteurs de livres pour enfants sont censés l’être, un père universel dont le devoir moral était de promouvoir la sagesse, l’amitié et la compassion. Le personnage principal de ses nouvelles est basé sur le fils de l’écrivain, aussi appelé Denis. De nombreuses années se sont écoulées depuis la sortie du livre, mais c’est toujours un si bon personnage auquel s’identifier ! Il est amusant, sans prétention et curieux. Pas parfait, mais réel.

Dans l’une des histoires les plus célèbres, Le Secret est révélé, Denis tente de tromper sa mère en jetant par la fenêtre un bol de bouillie de semoule qu’il est censé manger au petit déjeuner, afin de finir rapidement son repas et d’aller avec elle au musée du kremlin de Moscou. Denis s’efforce d’être un bon garçon. Il fait de son mieux pour se convaincre qu’il aime la semoule (en réalité, il la déteste !). Il commence à faire des expériences, en ajoutant plus de sucre, de sel, d’eau, de raifort et ce n’est pas pour le mieux, bien sûr. C’est alors que le garçon abandonne et, sur un coup de tête, jette la substance collante et froide par la fenêtre. La semoule atterrit sur le chapeau et le costume d’un passant… C’est assez drôle jusqu’à ce que la mère de Denis le découvre…

« Les histoires de Dragounski sont drôles et amusantes. Nous avons commencé à les lire quand j’avais cinq ans. Je reviens toujours à mes épisodes préférés de temps en temps. Devinez quoi, mon père s’appelle aussi Denis », se vante Andreï, 9 ans.

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Les Trois gros, par Iouri Olecha

University Press of the Pacific, 2001

Olecha, l’un des plus grands de tous les temps, a écrit son chef-d’œuvre il y a près de 100 ans, en 1924. Bien que le conte de fées soit techniquement destiné aux enfants, il chatouillera sans aucun doute aussi les lecteurs adultes, quels que soient leur âge et leurs origines.

L’histoire se déroule dans un pays fictif inconnu, dirigé par un trio d’hommes gros et avides. Ils ont un héritier, un jeune garçon adorable nommé Tutti. Le pauvre n’a pas le droit de se lier d’amitié avec des enfants, son seul compagnon étant une poupée nommée Suok. Mais la morale est que les choses changent pour le mieux lorsque l’on est patient. Selon la légende, Olecha regardait par la fenêtre quand il a vu une fille âgée d’environ 13 ans. Elle lisait les contes d’Andersen. Olecha s’est alors promis d’écrire le « meilleur conte de fées du monde » et de le dédier à la fillette. Cette promesse a donné naissance aux Trois gros.

« Je l’ai lu quand j’avais 10 ans, assure Lioubov, 39 ans. Bien qu’il ait été déguisé en conte de fées, ce n’est pas vraiment un livre pour enfants en soi. C’est grotesque et parfois effrayant. Il s’agit du droit de chacun à se défendre. Il parle de liberté et de courage, d’amour, de bonté et de révolution ».

Les Aventures de Neznaïka, par Nikolaï Nossov

Raduga Publishers, 1986

C’est un incontournable. L’admirable personnage principal du livre, Neznaïka (nom commun désignant une personne ne sachant jamais rien) est vêtu d’un pantalon jaune canari, d’une chemise orange, d’une cravate verte et d’un chapeau bleu. Neznaïka est plutôt paresseux, trop sûr de lui, peu poli et vantard. Pour équilibrer les choses, il est intelligent, drôle et vif d’esprit.

La trilogie fantastique de Nossov détaille les aventures de Neznaïka dans la Ville Fleurie, où vivent de minuscules petites créatures, chacune aussi grande et fraîche qu’un concombre. Le livre, qui est sorti pour la première fois au milieu des années 1950, est court et divertissant. Il expose les petits garçons et les petites filles à de nouvelles idées sur le monde dans lequel ils vivent, avec humour et verve. L’imagination fertile de Nossov, pimentée par son riche style narratif, a fait des merveilles pour plusieurs générations d’enfants soviétiques.

« Je ne sais pas ce que ce livre a de si spécial, mais je l’ai lu avec un esprit ouvert et j’ai aimé sa nature aventureuse. Neznaïka n’était pas mon héros préféré, mais j’aimais beaucoup les “personnages secondaires”, Bendum et Twistum. Ils étaient cool et vraiment drôles », témoigne Alexandra, 39 ans.

Le Magicien de la cité d’émeraude, par Alexandre Volkov

lulu com, 2010

Il s’agit d’une adaptation du Magicien d’Oz de l’auteur américain Lyman Frank Baum. Volkov, un écrivain très instruit ayant une connaissance quasi encyclopédique de la science et de l’histoire, est tombé par hasard sur le tour de force de Baum et a décidé de traduire le roman épique en russe afin de polir ses compétences en anglais.

Cependant, plus il travaillait sur la traduction, plus son imagination se déchaînait, peignant de nouvelles scènes surréalistes et des aventures passionnantes. Volkov s’est finalement imposé comme l’auteur d’aventures extrêmement passionnantes, inventives et pleines d’action.

En URSS, Le Magicien de la cité d’émeraude, inspiré de l’histoire originale de Baum, a vu le jour en 1939. Son roman dérivé a été traduit en 13 langues et a fait l’objet de 46 réimpressions.

Le Magicien de la cité d’émeraude tourne autour d’Ellie (une petite fille du Kansas) et de son chien Totoshka. Le duo se retrouve au milieu du Pays magique après qu’une tornade, déclenchée par une méchante sorcière, les ait emportés à travers le désert et les montagnes. Pour rentrer chez elle, la fillette doit aider trois personnes à réaliser leurs souhaits. Ellie rencontre alors un épouvantail vivant, dont le plus grand rêve est d’avoir un cerveau, le Bûcheron de fer, qui veut un cœur, et le Lion poltron, qui n’a pas le courage de devenir le roi des animaux, et tous les quatre se dirigent vers la Cité d’émeraude pour rejoindre le Grand et Terrible magicien Goodwin.

« C’est le premier livre qui m’a fait connaître le genre fantastique, se souvient Bogdan, 10 ans. Je l’ai lu en une seule fois quand j’avais sept ans ».

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