Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Ukraine et la corruption par Jean levy

décidement les temps sont rudes pour ceux qui s’accrochent à la fiction montée de toute pièce par la CIA d’une vertueuse Ukraine démocratique, ceux qui comme Glucksman le porte-voix de cette fiction qui en a lui-même croqué en Georgie dans le système décrit ici, celui d’oligarques qui se sont emparés en bande organisée sous la protection des USA et de l’OTAN des biens publics, qui ont fait et font régner la terreur… Jean Levy dit son fait à l’Ukraine, l’homme est courageux si c’est celui que j’ai interviewé alors qu’il était en poste à la Havane et que comme d’autres ambassadeurs il avait dénoncé l’opération menée par Robert mesnard et relayé déjà par tous les “bobos” de gauche dont le couple Guediguian, Ascaride alors comme l’humanité plein soutien de l’opération(1). Il y a dans le monde de la diplomatie des gens amoureux de la France et de son rayonnement qui ne peuvent pas supporter le déchaînement des services secrets et des interêts privés comme cela existe dans tous les grands commis de l’Etat. Voyez ce diagnostic sur ce qu’est l’Ukraine dont la “gauche” ne craint pas de feindre d’ignorer la réalité. Autre camouflet à cette gauche, la déclaration de l’ONU contre la livraison d’armes en Ukraine et à d’autres belligérants. (note de danielle Bleitrach histoireetsociete)

(1) lire dans Cuba est une île le livre que j’ai co- écrit avec Viktor Dedaj, le chapitre d’interview des ambassadeurs en poste à la havane alors qu’est monté l’opération contre Fidel Castro qui en France donnera lieu à la réunion des Champs Elysées avec la fine fleur de l’intelligenzia française au cri de “Cuba si Caso no”. Cuba est une île a été publié au temps des cerises et traduit en espagnol .

FIGAROVOX/TRIBUNE – Les efforts déployés par l’Ukraine pour lutter contre la corruption et la désoviétisation de son économie sont réels, mais insuffisants, explique Jean Lévy, ancien conseiller diplomatique adjoint de François Mitterrand.

«L'Ukraine a connu après l'effondrement de l'URSS un processus de privatisation plus ou moins similaire à celui qui, en Russie, a vu passer sous la coupe d'un petit nombre d'oligarques des pans entiers de sa très riche économie».

«L’Ukraine a connu après l’effondrement de l’URSS un processus de privatisation plus ou moins similaire à celui qui, en Russie, a vu passer sous la coupe d’un petit nombre d’oligarques des pans entiers de sa très riche économie».© rospoint / stock.adobe.com

Jean Lévy est ancien élève de l’ENA, diplomate et ancien ambassadeur de France. Il a notamment été conseiller diplomatique adjoint de François Mitterrand.

Jusqu’où peut-on, et doit-on, tolérer qu’un pays allié, victime d’une invasion armée de la part de son puissant voisin, puisse parfois s’affranchir lui-même des principes de l’État de droit au nom desquels nous le soutenons dans son combat pour l’indépendance, sa souveraineté et la liberté ? L’Ukraine a connu après l’effondrement de l’URSS un processus de privatisation plus ou moins similaire à celui qui, en Russie, a vu passer sous la coupe d’un petit nombre d’oligarques (souvent russo-ukrainiens ou ukraino-russes) des pans entiers de sa très riche économie. Et les secteurs clés ukrainiens que sont les céréales, les minerais de fer ou encore la métallurgie d’être, à partir de 1992, à leur tour pris dans un mouvement de prédation généralisée de la part d’oligarques «made in Ukraine».

«Oligarchisée» au forceps à la faveur du chaos post-soviétique, l’économie ukrainienne souffre, trente ans plus tard, des maux finalement bien prévisibles auxquels expose un système dominé par un petit nombre d’individus détenant l’essentiel des pouvoirs économique, financier, médiatique et politique – maux au premier rang desquels la corruption représente sans doute le plus grand défi. Avant même l’invasion russe, 7% des Ukrainiens vivaient ainsi sous le seuil de pauvreté, contre 1% dans la Pologne voisine ; 30% de la population est, depuis le début de la guerre, en besoins humanitaires urgents ; dans le même temps, les privilégiés que les Ukrainiens surnomment le «bataillon de Monaco» – ou de Marbella – échappent, par leur argent et leur influence, tant à la guerre qu’à ses conséquences, comme la conscription des hommes sur le front.

S’il y a des efforts réels, ils sont pour l’heure nettement insuffisants. Classée 116e sur 180 pays dans l’Index de perception de la corruption établi chaque année par Transparency International, l’Ukraine demeure dans la deuxième partie du tableau des États les plus corrompus. Et sans surprise, l’un de ceux qui enregistrent l’une des plus importantes émigrations de travail. Non que le président Volodymyr Zelensky n’ait fait, avant la guerre du moins et en réponse à la pressante demande de la société civile ukrainienne, de la dé-oligarchisation et de la lutte contre la corruption ses principaux chevaux de bataille : une loi de 2021 prévoit la création d’un registre des oligarques par le Conseil de sécurité et de défense et une autre loi impose aux décideurs politiques et administratifs de rendre publiques leurs déclarations d’intérêts et de patrimoines ; une Agence nationale pour la prévention de la corruption (NACP) et un Bureau national anticorruption (NABU) ont été créés ; plusieurs réformes systémiques ont été engagées ; des affaires, procès et purges ont bien lieu ; etc. Des démarches vertueuses et des signaux positifs envoyés à l’Union européenne que tout observateur se doit de saluer.

Mais le tableau global n’est pas suffisant. La loi de 2021 n’a pas permis de tout régler ; la NACP et le NABU sont concurrencés par le tout-puissant SBU, le Service de sécurité de l’Ukraine, lui-même gangrené par la corruption ; des dizaines de milliers d’appelés continuent d’échapper, moyennant des pots-de-vin, à la mobilisation. Alors que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne est suspendue à l’atteinte, par le pays, des standards européens en la matière, l’Ukraine peine encore à se défaire de son passé soviétique et de la corruption endémique héritée de l’ex-URSS. L’Ukraine n’est pas seule dans son cas, y compris au sein des États déjà membres de l’Union européenne.

Mais certaines affaires ternissent l’image de l’Ukraine. Révélatrice est, à cet égard, la manière dont sont en Ukraine menées certaines procédures visant, paradoxalement, à lutter contre la corruption et qui prennent, parfois, des allures de «procès de Moscou» 2.0. En début d’année a ainsi été placé en détention le banquier d’affaires Igor Mazepa, appréhendé, alors qu’il tentait de franchir la frontière polonaise, dans le cadre d’une enquête portant sur un projet immobilier. Sans décision de justice, les bureaux de son fonds d’investissement ont été perquisitionnés, ainsi que le domicile de plusieurs de ses employés – un abus de pouvoir qui interroge sur le respect, par les autorités judiciaires et les forces de l’ordre ukrainiennes, de l’État de droit. Dans le même registre, le groupe métallurgique Ferrexpo, troisième exportateur mondial de minerai de fer, a lui aussi subi les foudres des agences anticorruption ukrainiennes qui se sont attaquées à son fondateur et ex-actionnaire majoritaire, l’oligarque Kostyantin Zhevago, soupçonné d’avoir entraîné la faillite de la banque UAH.

S’il est délicat de présumer de la culpabilité ou de l’innocence de ces acteurs économiques, c’est bien la manière dont les enquêtes sont menées qui entraîne des critiques. Ces deux récentes affaires ont pour point commun d’illustrer les dérives d’une chasse aux oligarques orchestrée par Kyev au mépris de la loi, de l’État de droit et des règles internationales régissant les affaires. Elles sapent, au moment où l’Ukraine a désespérément besoin de l’aide de ses alliés, la confiance tant de ses partenaires européens que des potentiels investisseurs étrangers pourtant essentiels à sa reconstruction. Enfin, ces scandales politico-judiciaires entretiennent le malaise chez les entrepreneurs ukrainiens eux-mêmes qui, à l’image de cette quarantaine de chefs d’entreprises, ont signé un manifeste condamnant l’arbitraire des forces de l’ordre et exhortant les autorités à assainir et apaiser le climat des affaires dans leur propre pays.

Il convient, aussi, d’entendre les doléances des entrepreneurs ukrainiens. Comme le démontre, malheureusement, l’arbitraire qui semble avoir présidé à l’établissement de la liste, dépourvue de critères de sélection formels, des entités «sponsors de la guerre» dressée par la NACP, la lutte contre la corruption en Ukraine est et restera un chemin pavé d’embûches – au premier rang desquelles la corruption qui gangrène les agences anticorruption elles-mêmes. Pour ne pas que le combat, juste et nécessaire, contre la corruption soit détourné de son objet premier et soit instrumentalisé à des fins politiques, les dirigeants ukrainiens doivent, en ces temps si difficiles pour leur pays, entendre les doléances de leurs entrepreneurs, clarifier les critères régissant la traque des délinquants et les sanctions qui leur sont imposées, et écarter certains services, comme le SBU, de la lutte contre ce phénomène qui n’est pas de son ressort. Autrement dit, l’Ukraine devra gagner une double guerre, à l’extérieur, et celle qui consistera à renforcer son dossier de candidature à l’Union européenne. Malgré son enthousiasme, l’Union européenne encourage ainsi très vivement l’Ukraine à aller dans le sens d’une consolidation de ses efforts, avant de pouvoir concrètement prétendre à l’intégration comme État membre.

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