Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Quelle idéologie nous interdit de faire de la politique ? par Danielle Bleitrach

Biden a pu saluer l’adoption du projet de loi sur l’aide militaire la semaine dernière en disant que « c’est un bon jour pour la paix mondiale, pour de vrai ». Alors que chacun sait que la majeure partie de l’aide militaire fournie par les États-Unis est destinée à alimenter les conflits en cours à dessein. Il n’y a dans le propos aucune démonstration sur la façon dont l’acheminement d’un surcroit d’armes aux belligérants apportera la paix à court ou à long terme, et le président n’a d’ailleurs pas dépassé le postulat en question et serait bien en peine de le faire. En fait, ces crédits n’alimenteront pas seulement la guerre telle qu’elle est, ils inciteront toutes les forces politiques qui menacent la paix et la sécurité internationales aujourd’hui et dans les années à venir à avancer dans la même voie, c’est dans cette optique qu’il faut entendre le discours de Macron qui certes dit n’importe quoi mais traduit la montée des périls. Ce constat de la montée des périls commence à être partagé par un nombre grandissant de gens, ce serait une bonne chose si cela ne se traduisait pas par une pétrification, voire un sauve-qui-peut… On s’interroge sur ce qui bloque les oppositions actives à une telle folie, dont le coût exorbitant nous empêche de faire face aux urgences les plus nécessaires pour la sauvegarde de la planète, des êtres humains et de notre droit à une vie digne. C’est simplement l’idée que quels que soient les inconvénients manifestes d’une alliance vassalisation celle-ci demeure la garantie de nos libertés menacées par une universelle tyrannie… C’est la base idéologique de notre dépolitisation actuelle.

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Toujours l’art et la manière de nous inciter à la déshumanisation qu’est la guerre

La politique est la capacité que s’expriment les antagonismes fondamentaux à savoir ceux qui sont niés par notre actuelle démocratie, les antagonismes de classe, en créant un consensus impossible dans lequel les affrontements apparemment secondaires autour de chefs, de clientèles deviennent de plus en plus violents au plan interne comme externes. Alors même que la référence à la “démocratie” vidée de son sens devient la base officielle proclamée de ce consensus illusoire.

Dire que “c’est un bon jour pour la paix mondiale, pour de vrai” c’est s’autocongratuler en soumettant de fait le destin du monde au calcul égoïste non pas de la nation US mais à un système, un engrenage, qui broie la nature et les êtres humains pour en faire jaillir du profit… Une sorte de moulin à vent dont le criminel se présente comme un don Quichotte, alors qu’il faut l’alimenter avec du sang, de la sueur et des larmes, un négationnisme de plus… pour que coule le profit vers tout ce qui se nourrit de la guerre de la vermine aux trusts comme pour Auschwitz. Le tout derrière la bannière étoilée de la nation salvatrice. Cette sottise vaniteuse n’a de sens que si l’on considère que les crédits votés doivent in fine retourner en mode de profit pour les trusts de l’arment des Etats-Unis y compris quand Macron prétend nous vendre la défense européenne tandis que Scholz s’équipe directement aux USA et que les Etats-Unis en installant leur nucléaire comme nous le montrons par ailleurs violent le droit international. Macron en disant n’importe quoi a soulevé le voile sur les pratiques réelles de l’alliance-vassalisation.

Macron certes dit à peu près n’importe quoi mais quand il prône une défense européennes qui comprendrait l’arme nucléaire qu’est ce que cela veut dire ? soit que la France “est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen”, en offrant à une “puissance politique” européenne la maitrise du nucléaire français, c’est bien entamé avec le porte-avions Charles De gaule passé à l’OTAN, ou en suggérant une défense “qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine”, on ne saurait parler plus d’indépendance en soumission de fait aux USA, le tout dont la seule logique est le surarmement.

Le monopole de la violence légitime et la diabolisation du rebelle-victime

Non ! Biden n’est pas totalement gâteux, le serait-il que ceux qui composent ses discours jouent sur le fait essentiel, le travail obsessionnel qui a été mené pour disqualifier les adversaires ou les simples critiques de ce qui permet au président de déclencher un surcroit de militarisation en affirmant qu’il y a là une œuvre de paix. Rien n’éclaire plus cette prétention à nous faire prendre des vessies pour des lanternes ou à tout le moins à pétrifier nos capacités de lutte que le cas de Cuba. Qu’il y ait aujourd’hui plus que jamais des campagnes visant à dénoncer la dictature cubaine alors que l’île est étranglée par un blocus condamné par la quasi totalité de l’humanité et que comme l’ont reconnu tous les défenseurs des droits humains, le seul lieu de non droit où l’on torture des gens non jugés à Cuba est Guantanamo…

La propagande impérialiste habitue les consciences aux pires horreurs de sa part et périodiquement lâche les chiens médiatiques sur la victime épuisée…

Si Cuba se heurte à une telle impunité de la part de ses bourreaux voire à leur capacité à lancer des campagnes en faveur de dissidents appointés que dire de la Corée du Nord qui, elle, n’a pas beaucoup de défenseurs et dont on peut à peu près raconter n’importe quoi sans la moindre contradiction. Pourtant ce qu’elle dit sur l’Asie mérite d’être retenu quand on voit l’émissaire des USA se rendre en Chine pour exiger que ce pays n’aide pas la Russie “belliciste officielle” suivant la propagande consensuelle.

La Corée du Nord a reproché jeudi aux Etats-Unis, au Royaume-Unis et à l’Australie leur projet de collaborer avec d’autres pays dans le cadre de leur partenariat sécuritaire AUKUS, avisant qu’une telle décision ne fera que déstabiliser la région Asie-Pacifique qui deviendrait « un champ de mines nucléaires à situation critique ». Les chefs de la défense des trois pays de l’alliance AUKUS avaient publié au début de ce mois un communiqué indiquant qu’ils envisageaient d’inclure le Japon comme partenaire de la coopération trilatérale dans les domaines des technologies militaires avancées. Ils ont également évoqué la possibilité que la Corée du Sud, le Canada et la Nouvelle-Zélande deviennent partenaires pour des projets de capacités avancées du deuxième pilier du pacte. Lancée en septembre 2021, cette alliance est considérée comme une association de pays partageant les mêmes valeurs “démocratiques ” (sic), formée pour s’opposer à la montée en puissance de la Chine.

« La véritable intention des Etats-Unis est d’embarquer le Japon à bord du navire de combat nommé AUKUS pour le placer à l’avant-poste de l’oppression antichinoise, et de pousser le champ de mines nucléaires de la région Asie-Pacifique au plus près du territoire de la Chine », a déclaré Kang Jin-song, un expert nord-coréen en affaires internationales dans un communiqué relayé par l’Agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA). Il a raillé les « slogans trompeurs » des représentants américains lorsqu’ils parlent de compétition qui maintient le dialogue ou de leur volonté d’installer des barrières de sécurité dans les relations bilatérales. « Avec la création de ces petits groupes américains qui prennent pour ennemi la Chine et leurs tentatives incessantes d’expansion, la région Asie-Pacifique est en train de se transformer en arène d’une puissance intense, un champ de mines nucléaires prêt à détonner à tout moment. » Et d’ajouter : « Les camps régional et mondial de la paix devraient se montrer plus vigilants face aux manœuvres imprudentes de Washington d’expansion de sa sphère d’alliances qui se déroulent de manière délirante et ignorent toute limite en prenant pour cible certains pays. »

Que vous le vouliez ou non les Coréens du nord disent là des choses très raisonnables qui éclairent ce qui se passe sur tous les continents et dans les conflits de diverses intensités que les Etats-Unis essaiment à travers des “coalitions”…Beaucoup plus que l’affirmation de Biden déclarant que c’est un grand jour pour la paix mondiale quand l’Amérique vote l’envoi d’armes (et de conseillers) en Ukraine, en Israël et à Taïwan.

La seule chose qui empêche qu’on entende ces propos raisonnables c’est la diabolisation réussie de la Corée du Nord, ce pilonnage quasiment raciste se contente le plus souvent de reprendre les affirmations fantaisistes de tabloïds fascistes qui bénéficient d’une diffusion à grande échelle grâce à l’empire Murdoch, américano-australien … les affirmations sur la Corée du nord sont de même niveau que ceux sur les amours et turpitudes des Windsor et par les mêmes canaux… Le fait divers est la base de la dépolitisation de l’opinion publique…

Sur l’échelle des démons la Corée du Nord n’est pas très loin du leader russe… Ils sont monstrueux, méchants et veulent le mal pour le mal, celui qui prétend les écouter est un suppôt du diable et il n’y a pas une seule presse pour s’opposer à cette indignité… par laquelle s’est constitué tout un personnel de la CIA chargé de déconsidérer le communisme, le socialisme sauf quand elle trouve un communiste pour donner de la crédibilité à l’affirmation de Biden, sur l’étrange conception de la “paix mondiale”.

Il ne faut surtout pas que l’on se dise comme cela commence à apparaitre à propos de la Palestine et de Gaza, qu’il n’y aura de paix que si le camp états-unien est vaincu. La Palestine est un déclencheur mais tout reste à comprendre, la perspective à dessiner.

Il ne s’agit plus seulement de se dire qu’il faut un cessez-le-feu, non ! l’idée qui est en train de faire son chemin sous des formes multiples est tout simplement qu’il faut vaincre et pas seulement les “guerriers” par procuration mais bien les Etats-Unis eux-mêmes. En Ukraine, la paix dépend du fait que le régime soit vaincu et c’est vrai partout.

Certains se souviennent peut-être que dès le déclenchement de l’opération spéciale, tout en la replaçant dans la durée comme nous le faisons ici pour n’importe quel conflit, j’avais raconté une plaisanterie : celle de l’individu qui veut se débarrasser de son épouse, un ami lui donne son propre exemple, la tuer à force de lui faire l’amour…” Au bout de six mois, tu la tues… “quatre mois après il voit son copain, maigre, épuisé, et l’épouse en pleine forme qui part jouer au tennis. Le mari dit à son copain: “elle ne le sait pas mais elle n’en a plus que pour deux mois”. La propagande occidentale qu’elle concerne les prouesses militaires ou l’effet des sanctions sur Moscou fonctionne sur ce modèle… S’autoconvaincre malgré les faits que la victoire est proche alors que la tactique n’engendre que sa propre ruine. Il est évident que cette “autoconviction” a des limites y compris dans la dégradation de la situation de chacun. C’est d’ailleurs pour cela que la démystification doit partir de ce point concret et pas de l’idéologie où ils règnent en maitre.

Ne pas leur laisser le “monopole de la liberté”…

Mais au fur et à mesure que le mécontentement populaire grandit il faut néanmoins éclairer les enjeux qui englobent et dépassent la situation de chacun…

La seule chose alors sur laquelle tient encore l’absurdité de ce choix de la guerre perpétuelle c’est l’image que l’on a réussi à créer que tout adversaire des Etats-Unis est une ennemi dangereux de nos libertés. Et si insupportable, fou, dangereux que soient les dits Etats-Unis et leurs vassaux, ils défendent la liberté, celle qui serait la caractéristique principale de l’Europe. La seule rationalité de cette affirmation est la même que celle qui justifie la guerre : le profit qu’en retire un groupe de plus étroit de capricieux maniaques…

C’est pour cela que si l’on pense que la guerre est non seulement insupportable en tant que massacre elle est le sacrifice du droit à la vie digne et épanouissante de l’immense majorité des peuples… On ne peut pas promettre une amélioration de l’éducation, de la santé, du pouvoir d’achat, du climat, de l’environnement et tout sacrifier à la course aux armements.

On ne peut pas développer un mouvement pacifiste si l’on cède si peu que ce soit au moindre élément de cette propagande de guerre.

De ce point de vue les lignes sont en train de bouger et nous devons réfléchir à l’élaboration d’une stratégie… Celle-ci doit être ferme en ce qui concerne les responsabilités impérialistes de la guerre, on ne peut pas céder le moindre pouce de terrain. Cependant on ne peut pas se contenter de faire ce que nous faisons dans Histoireetsociete : fournir une autre information et faire connaitre les prises de position de chacun, en particulier celles des progressistes et des partis communistes ici frappés par une censure totale.

Tout cela devrait être fait à une autre échelle mais il faut aussi que soit développée une conception du socialisme tel que nous le concevons et nous dire en priorité qu’il faut que nous reprenions le drapeau de la liberté au capitalisme, à l’impérialisme … C’est une urgence qui comme Aragon l’avait compris qui a su mobiliser l’avant-garde capable de traduire l’espérance de tous. Ce qui est tenté ici dans ce blog à propos du cinéma, des faits culturels et anthropologiques devrait être fait à une tout autre échelle et dans bien d’autres domaines y compris le sport, l’élargissement des découvertes scientifiques, les transformations au travail, de la vie quotidienne… et bien sûr tout un laboratoire de l’intervention politique devrait exister. La seule force politique existant en France et dans d’autres pays d’Europe à un stade plus ou moins développé demeure les partis communistes actuellement nécessairement en proie à un retour à la politique et à ses contradictions réelles.

Danielle Bleitrach

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