Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A propos de l’intiative autour de Cuba à Marseille

Peut-être certains d’entre vous l’auront-ils compris, depuis une dizaine de jours – au retour de notre expédition vers Antibes et Matisse – j’ai attrapé une abominable bronchite, j’ai voulu l’ignorer mais peu à peu ça a été impossible tant j’étais épuisée et j’ai laissé les enfants de Cuba et France Cuba mener l’affaire. Je dois dire que leur engagement m’a stupéfaite et je crois que ça va être une grande réussite menée à quelques-uns toujours les mêmes.

Mais si j’interviens c’est pour dire une autre satisfaction, quand la doctoresse est venue ce vendredi matin elle m’a mise d’urgence sous antibiotique et au repos absolu, pas question d’assurer ce à quoi je tenais passionnément la partie culturelle avec Jay Nombalais en particulier et surtout la présentation de ce chef d’œuvre qu’est “Soy Cuba”. C’est si difficile d’expliquer Cuba, le cœur de ce qui résiste et qui peut pourtant se corrompre… j’ai tenté de recycler rapidement un des organisateurs de la journée, plus français que lui tu meurs..

J’ai tenté de lui faire partager le fondamental de Cuba tel qu’il s’exprime dans ce film, l’essence d’une terre, de son peuple en esclavage, de fils de famille épris des “lumières”, la rencontre le pacte de Cespedes qui libère ses esclaves et ceux-ci qui entrent en lutte ensemble contre l’Eglise espagnole. Avec 50.000 soldats la Grande-Bretagne met la main sur les Indes, avec 500.000 soldats la monarchie espagnole se heurte à la résistance cubaine qui toujours n’existe que dans cette alliance entre le monde né de l’esclavage, de ses luttes, de sa magie et de la rationalité des lumières.

Risquet qui était né dans les “solares” de ce peuple d’enfants trouvés dans l’institution charitable où tous les petits pauvres s’appelaient Valdes, un enfant mélangé de Chinois, de noir et d’Espagnol… Des enfants qui ne pouvaient pas aller à l’école faute de chaussures, le frère et la sœur en avait une paire pour deux, le matin la sœur écoutait les cours d’espagnol et Risquet le soir lui écoutait les mathématiques et tous les petits enfants du solares qui n’avaient même pas cette unique paire de chaussures suivaient les cours que Risquet et sa sœur donnaient pour un peso. Le frère et la sœur étaient les uniques survivants de trois ou quatre enfants morts de maladie curables que l’on pouvait soigner et qui étaient le résultat d’eaux croupies et viciées. A 13 ans Risquet est devenu le plus jeune membre du comité central du vieux parti communiste où il a retrouvé son ami de toujours Raoul Castro. Ce parti avait comme fondateur Mella que les Etats-Unis et Batista avaient fait assassiner à Mexico. La famille de Risquet vénérait Mella, un marxiste déjà inspiré par José Marti.

Quand j’ai parlé des solares tel qu’ils existent encore aujourd’hui dans habano centro, en toute bonne foi mon ami Alain m’a demandé : comment se fait-il que les solares existent toujours à la Havane ? Je me suis rendu compte à quel point une telle question ignorait tout de ce qu’était le blocus et les conditions de la résistance cubaine… A quel point la question du logement demeure essentielle même si il y a un taux de mortalité infantile sans équivalent et même si le niveau d’éducation et de culture est sans équivalent dans le monde. Nous avons une vision si tronquée, si caricaturale de Cuba, une vision de nantis et nous ignorons le plus souvent le monde que j’ai eu la chance grâce à Risquet de côtoyer, le monde agricole, le monde ouvrier et celui du port. C’est de cette sève profonde, cette âme cubaine enfiévrée dont nous parle ce film superbe.

Ils ont raconté n’importe quoi, que le film avait été interdit à Cuba, en 1994 en pleine période spéciale il passait dans un cinéma, mais il fallait faire des kilomètres pour aller dans des salles immenses à la périphérie, pas de moyens de transports, le ventre vide, mais le film était quasiment gratuit…

J’ai eu la chance d’avoir quelques femmes qui viennent à ce moment de rencontre avec Cuba dans un état d’esprit différent de cette terrible inculture française qui peut mener une Rachida Dati à ce poste qui est simplement celui d’une reconquête de Paris et quel Paris ? Ces femmes, chacune à leur manière à cette journée et qui m’ont promis à contribuer à ce qu’elle soit une réussite sur les bases qui sont les nôtres celles du communisme comme une autre civilisation. Celle d’une véritable lutte pour la culture, pour l”émancipation humaine, celle qui ne traînera pas les artistes comme des domestiques derrière une caste qui les humilie pour les couper d’un peuple opprimé et nié dans ses aspirations. Le cinéma cet art de masse comme la musique mène ici la sarabande magique d’une révolution où chacun accepte de devenir autre, de se transcender, avec ce qui est le plus fondamental, toute forme créative nouvelle nait de la rue, du peuple, et la fréquentation des œuvres et des musées donne son aspect révolutionnaire à l’art. Des salons et des raouts mondains ne peut naitre que le conformisme.

Il y a Vanessa qui à Albi mène le même combat, elle-même d’origine chinoise ; il y a Anouchka ma danseuse arménienne amoureuse de Manouchian et prête à tous les engagements, qui mieux que personne peut percevoir l’apport de ce cinéaste géorgien avec cette explosion de beauté des peuples du Caucase, entre identification à la nature, clientélisme, et farouche indépendance, la terre si rude, la tentation de tous les mercenariats et une sorte d’exigence farouche indomptable. Il y a Romaine Franchon qui voit en Cuba un phare et qui n’ignore rien des drames vécus par les femmes de Guatanamo, dont des époux ont choisi la fuite à Miami. Elles comprendront ce film comme moi et chacune à leur manière elles diront leur espoir et leur action pour qu’il existe enfin un parti communiste français à la hauteur de cette exigence qui va être celle qu’assume depuis tant d’années le peuple cubain y compris dans cette âme animiste et pourtant rationnelle qui est la sienne.

Danielle Bleitrach

Donc je vais cuver ma bronchite en vous remerciant tous de ce que vous ferez pour Cuba et pour le malheureux peuple français que l’on prétend traîner dans tous les reniements…

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