Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Je n’ai rien d’autre à désirer qu’un peu plus de… par Danielle Bleitrach

Mes amis je vais très bien et je vous en souhaite autant… Une espérance me rend guillerette : le vieux monde est en train de mourir et un autre est en train de naître. Pourquoi ce sentiment que mon vieux pays est hors de ses gonds et qu’il faudrait… Il faudrait quoi? Comment expliquer que cette fin d’année heureuse, m’ait également surprise dans un tel état d’incertitude collective, du moins du point de vue de la France. Je vous ai parlé de ce film étrange irlandais dont les héros semblent incapables de faire autre chose que de se lancer des défis autodestructeurs et mêmes puérils. On ne peut pas en vouloir aux individus, ils ont même un côté pathétique qui interdit qu’on les condamne, on les aime tels qu’ils sont, mais le résultat est totalement stupide et donne envie de fuir mais l’on n’emporte pas sa patrie à ses talons. Nous sommes dans un microcosme, une sorte d’autarcie, qui refuse de comprendre le mal qui est le sien, il suffit de voir au plan de l’actualité à quel point tout est mis sur le même plan : les insultes entre joueurs de foot, les querelles à la cour d’Angleterre, les proclamations de victoire de Zelensky, les diverses maladies de Poutine et les “vœux” d’un président qui n’a rien à proposer parce qu’il est ce vieux monde en train de mourir. Nous sommes dans une île, la France, une des plus belles de la planète, avec de braves gens pas pires qu’ailleurs et nous paraissons incapables de nous connecter à ce monde en devenir, pourquoi ?
En attendant mes meilleurs vœux à tous et je vais prendre le train pour aller marcher sur la plage du côté de la Seyne sur mer… Avec ce sentiment de plénitude, dans cette année 2022 je me suis débarrassée d’un œdème douloureux, j’ai perdu près de 30 kilos, je ne prends plus aucun médicament, je gambade, fais de la gymnastique et quand dans une glace je vois mes cheveux blancs je m’étonne. Je suis entourée d’amis et je ris de tout, il y a cette conscience de vivre à nouveau le temps d’une révolution, ce monde en train de changer me passionne, j’entends l’herbe pousser et le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui dans chaque respiration. La littérature, le cinéma, la lecture en général font de la marche une perpétuelle aventure… et dans le même temps, je ne cesse de me préoccuper de ce qu’il va advenir de ce monde, des jeunes… Alors tout à coup je suis très vieille, je viens du fond des temps au moins de celui de cette vieille femme qui a cru saluer un monde nouveau avec l’arrivée de soldats et qui les a accueillis avec son drapeau rouge, il lui reste ce bien si précieux, je vous le jure : la dignité, le prix d’une vie et ce prix était celui du drapeau rouge de l’Union soviétique, nous seuls avons donné au combat la volonté de paix des pauvres gens.

Il y a la guerre, les échos assourdis nous parviennent, elle est à la fois très importante et très loin de notre quotidien. Elle nous use l’âme mais nous l’ignorons, il y a tant de choses auxquelles il faut faire face, elles tournent autour de l’emploi, le nôtre et celui de la jeunesse, quel rapport? La guerre en Ukraine il est vrai n’est pas la cause mais le révélateur de cette déchéance générale de la citoyenneté, cette incapacité à une intervention populaire qui pourtant en France ne s’est jamais totalement découragée. Trente ans de collaboration de classe avec l’individualisme, le refus et l’impossibilité de la résistance collective, avec ce vote incroyable de la résolution 390, par toute l’Assemblée nationale, le soutien plein et entier à la guerre derrière l’OTAN.

Sans le moindre espoir de gagner cette guerre simplement pour continuer à en perpétuer le gâchis monstrueux.

Parce qu’à moins d’être complètement idiot chacun aujourd’hui ne peut que voir ce qui se passe : la guerre par procuration de Washington contre la Russie en Ukraine a été menée avec la complicité de madame Merkel, de monsieur Hollande dans l’espoir complètement fou que les pertes russes en matériel et en vies humaines dans le Donbass reproduiraient les coûts subis par l’Union soviétique en Afghanistan. Donc déboucherait sur un nouvel affaiblissement, une nouvelle partition russe et au delà de ce but, des calculs minables concernant le pré carré africain et les positions allemandes acquises dans la ruée vers l’est, et coopérer à la grande obsession des Etats-Unis concernant le concurrent chinois. En fait, cette duplicité de la France et de l’Allemagne marque l’impossibilité de se voir autrement que dans la vassalisation impérialiste avec ses trois piliers: le dollar, l’armée la plus puissante du monde et un quasi monopole de l’information.

La Fédération de Russie est effectivement confrontée à des coûts croissants en Ukraine. Pourtant ce qui rend leur pari dérisoire est ce que l’on ne peut pas nier, à savoir que les pays de l’UE, l’Ukraine surtout, et même les Etats-Unis souffrent au moins autant, sinon plus. Les trois piliers en ressortent définitivement branlants: l’alliance de fait vers laquelle on ne cesse de pousser la Chine et la Russie a ce sens-là.

Finalement dans ce jeu de cons, celui qui trouvera les ressources dans une capacité quelconque d’autorégénération en particulier sur le plan militaro-industriel, en matière de main-d’œuvre et d’équipement tout au long des combats, peut sinon l’emporter au moins empêcher que l’autre s’en relève. Oui c’est cela la médiocre espérance ultime de cette folie. Par propagande il est tenté de faire croire au peuple français que le pari de l’OTAN et des faux culs allemand et français a un sens alors qu’il ne peut pas apporter le moindre bien, et que c’est une litote, que sa seule victoire soit sa contribution à des destructions, des morts, une misère générale, le même résultat que celui qu’il obtient partout depuis plus de trente ans.

Face à cette impossible victoire, les exigences “ukrainiennes” ne cessent de croître. Le général ukrainien Zaluzhny a partagé avec The Economist une « liste de souhaits » d’armes dont il prétendait avoir besoin pour rétablir les frontières du 23 février 2022 de ce que Kiev dit être l’Ukraine et que nous feignons de croire. La liste comprenait 300 chars, 600 à 700 véhicules de combat d’infanterie et 500 obusiers – des chiffres que l’OTAN ne peut pas fournir à l’Ukraine vu qu’elle a déjà transféré tout son avoir en appui des soi-disant offensives de Kharkov et Kherson. En plus de perdre plusieurs brigades d’hommes, d’énormes quantités d’équipement ont également été perdues lorsque les forces terrestres russes se sont retirées et ont plutôt utilisé des armes à longue portée pour frapper les forces ukrainiennes maintenant derrière des défenses bien établies. Le seul espoir – semble-t-il – réside dans l’idée que la Russie sera à court d’armes et de munitions avant que les approvisionnements en diminution de l’Ukraine ne soient finalement épuisés. C’est un espoir qui est désormais totalement remis en cause et en particulier à chaque fois qu’un nouveau missile de croisière russe ou un drone frappe les infrastructures ukrainiennes à travers le pays, ou chaque fois qu’un tout nouveau char de combat principal T-90 gronde dans la région du Donbass. C’est ce que pensent les gens sérieux, ceux qui cherchent à arrêter cette folie et ils sont très sévères sur le caractère aventurier de cette “provocation” ukrainienne.

Surtout dans la mesure où y compris au niveau géopolitique le camp occidental n’a pas vu s’étendre son influence. Au contraire, chacun cherche à profiter de la période pour s’émanciper.

Face aux deux grandes offensives d’automne de l’Ukraine, les forces russes ont non seulement maintenu leur capacité de combat, après une mobilisation partielle appelant plus de 300 000 soldats supplémentaires, mais la capacité de combat de la Russie s’est en fait élargie. En plus de la main-d’œuvre supplémentaire, la Russie apporte également un flux constant de nouvelles armes et plus encore, ce qui monte de la terre russe est une remise en cause des “collaborateurs” avec l’occident, un ralliement dans lequel comme partout socialisme et forces conservatrices sont entrées dans des mouvements divers dont l’issue devrait nous importer plus que le soutien à l’impérialisme US et à ses marionnettes. Et là, l’opération ukrainienne est manifestement insuffisante alors même que ceux qui ont dévoyé la gauche ont décidé d’entrainer les communistes français dans une mobilisation contre le péril jaune et un appui exclusif à tous les mouvements qu’espère utiliser à son profit l’OTAN et les USA.

Comment en sommes-nous arrivés à la situation qui veut que nos dirigeants impérialistes soient en train de nous conduire dans une sorte de reproduction de ce qui s’est passé dans divers lieux de la planète y compris dernièrement en Afghanistan ? Pourquoi la gauche et plus encore le parti communiste en est-il arrivé à une telle forfaiture par rapport au peuple français ? Parce que ce serait à la gauche et surtout au PCF à aider la France à se situer dans cette transformation du monde où le combat anti-impérialiste prend autant d’importance que celui d’un monde du travail qui, comme le souligne Jean-Claude Delaunay, à qui le développement des forces productives offre des opportunités niées par les rapports capitalistes.

PCF: Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ?

Le débat actuel du Congrès sur le socialisme parait parfois déconnecté de cette réalité, il gagnerait à être mesuré au poids réel des souffrances qui ont été exigées de notre peuple autant que des militants et pas comme un simple jeu de l’esprit, un peu vain. Le constat des illusions entretenues autour de la guerre l’empreint de cette gravité indispensable. Être à ce point privé de ce qui devrait permettre une résistance ou mieux le choix d’une lutte pour un monde nouveau, paraît de l’ordre du cauchemar. Depuis trente ans, nous ne cessons de le dire mais là nous sommes confrontés aux conséquences bien réelles d’une telle dérive.

Comment des individus ceux qui se sont approprié ce parti, ceux qui n’ont cessé de piller tout ce qu’avait arraché d’autres générations, n’ont su qu’enseigner la haine et le mépris de ceux dont ils trahissaient les combats. Comment ils se sont assuré une vie de pacha, en vendant à l’encan le produit des luttes de ceux dont ils trahissaient la mémoire, en diffamant, censurant avec malheureusement l’assentiment des militants. Jusqu’ici l’indignation était morale, là surgit la crainte de l’impossibilité à corriger tant d’années de destruction. Il n’y aurait plus aucun moyen, aucun chef d’orchestre pour faire autrement. Le constat de la situation française dans le naufrage impérialiste en devient plus insurmontable.

Ce que dit l’impasse de la guerre dans laquelle ils n’ont jamais cessé de nous entraîner c’est que la politique qu’ils ont menée n’est même pas social-démocrate – pas plus que ne l’est Hollande – elle est de droite comme le choix d’Hollande et de Merkel face aux accords de Minsk. Des gens disons-le de droite, mais de cette droite sans patriotisme, avec seulement l’art comme Sarkozy de se servir avant de songer à servir, osent encore avoir le monopole de la presse, de la formation, du secteur international, avec la prétention de continuer à enseigner la haine du socialisme, ils osent peser sur le présent, dans le sens de la guerre sans issue au seul profit de l’impérialisme. Et ils sont d’autant plus dans la norme qu’ils interviennent dans un pays qui ne s’émeut pas plus que ça de la trahison de Merkel, Hollande et tous les autres.

Certes la colère est grande chez les militants, le danger est que cette colère ne puisse pas s’exprimer, d’abord parce qu’elle serait une fois de plus étouffée par des ententes habituelles de sommet, le partage des postes qui sont autant de moyens d’action. Ce serait un congrès pour rien comme nous avons tant eu d’élections pour rien : passe moi le séné, je te passe la rhubarbe, je conserve le secteur international, les moyens des fondations européennes, mais je te publie même ta revue à tirage confidentiel. Le mal n’est pas celui du PCF, il est dans sa mise en conformité avec les autres, une sorte de logique. C’est là le propre de la social démocratisation, l’embourgeoisement des partis, tous se laissent convaincre qu’à se taire et à entretenir le statu quo il y aurait quelque fine tactique de survie (surtout pour soi et sa faction). Mais l’autre danger parallèle lié à cette colère serait une foire d’empoigne dans laquelle les haines individuelles seraient habilement utilisées pour poursuivre la liquidation, la mise en retrait des militants écœurés. C’est ce que l’on constate dans toutes les forces politiques et là encore cela témoigne d’une crise du modèle républicain quand il n’est plus que conservatisme.

Pour lutter contre ce double danger, il faudrait une direction un peu moins préoccupée des élections, un peu moins centrée sur le groupe communiste, et qui se préoccupe réellement du parti. Est-ce que s’il a du mal à avoir la direction nécessaire, ce parti aura la force de demander des comptes sur ne serait-ce qui possède quoi ? Qui est propriétaire de l’Humanité? Des sièges y compris celui de la place du colonel Fabien? Quels sont les financements européens et qui en bénéficie ? Est-ce que des élus communistes ont le droit de mépriser leur parti au point de voter en faveur de la guerre, de l’OTAN, alors que le texte de la base commune que les communistes sont invités à discuter parler de sortie de l’OTAN ? Est-ce qu’il aura la force de défendre des exigences différentes de celles de l’air du temps ? Ne pas se satisfaire de la facilité des attaques individuelles mais construire des exigences démocratiques collectives ?

Chacun prend des forces et il normal que les membres de la direction actuelle du PCF comme l’ensemble des forces politiques donnent ce sentiment de mise en sommeil mais c’est parce que justement vous en conviendrez il n’y a pas eu à proprement parler de trêve des confiseurs, cela fait partie d’un dérèglement général peut-être, en tous les cas on l’espère.

Pourtant ne nous leurrons pas, il faudra beaucoup de changements et d’autocritique pour en être au point de considérer que le PCF est non seulement communiste mais français, pour le moment par rapport au Parti fondé par Maurice Thorez, il n’est ni l’un ni l’autre, il est l’ultime pointe du continuum par lequel le capital en crise tente d’imposer sa logique belliciste et d’austérité, en vain. C’est du moins l’image qu’il donne de l’extérieur et qui ne peut pas lui être pardonné au fur et à mesure que la situation évoluera. Le reste est encore pire mais personne ne peut s’en contenter.

Mais peut-être est-ce que je ressens cette préoccupation parce qu’il m’est difficile de détacher la vision que j’ai du PCF de celle de la capacité de la France a aborder ces temps nouveaux.

En attendant mes meilleurs vœux à tous et je vais prendre le train pour aller marcher sur la plage du côté de la Seyne sur mer… C’est étrange ce sentiment d’être en pleine force, dans cette année 2022 je me suis débarrassée d’un œdème douloureux, j’ai perdu près de 30 kilos, je gambade, fais de la gymnastique et quand dans une glace je vois mes cheveux blancs je m’étonne. Je suis entourée d’amis et je ris de tout, il y a cette conscience de vivre à nouveau le temps d’une révolution, ce monde en train de changer me passionne, j’entends l’herbe pousser et le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui dans chaque respiration. La littérature, le cinéma, la lecture en général font de la marche une perpétuelle aventure… et dans le même temps, je ne cesse de me préoccuper de ce qu’il va advenir de ce monde, des jeunes… Je suis très vieille, je viens du fond des temps au moins de celui de cette vieille femme qui a cru saluer un monde nouveau avec l’arrivée de soldats et qui les a accueillis avec son drapeau rouge…

Danielle Bleitrach

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