Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Pourquoi demeurer fidèle passe par le refus de continuer…

Aujourd’hui, je veux absolument voir un film :  The Banshees of Inisherin, cela se passe en 1920 en Irlande, deux amis dont l’un refuse on ne sait pourquoi de poursuivre une amitié. Tout ce que je sais et lis de ce film me conforte dans l’envie de voir ce film. Parce que son propos coïncide avec ce que j’éprouve. Comment vous expliquer ce que je ressens ? et je ne suis probablement pas la seule parce qu’il s’agit d’un basculement historique dans une autre ère : cette fidélité profonde aux choix d’une vie qui exige la rupture avec paradoxalement le refus de juger ce qui m’est pourtant devenu étranger, simplement le constat que pour continuer à ce que l’essentiel reste vivant il faut se séparer. C’est bien qu’il s’agisse d’une amitié et pas d’une passion amoureuse d’ailleurs.

Comment expliquer sinon avec le ressenti de l’instant : la découverte de ce qu’écrivait Gabriel Garcia Marquez à propos des conditions de l’écriture du chef d’œuvre qu’est Cent ans de solitude.

“Sans Mercedes je n’aurais pas pu écrire le livre (Cent ans de solitude). Elle a géré la situation. J’avais acheté une voiture il y a des mois. Je l’ai mise en gage et je lui ai donné l’argent en estimant que cela nous suffirait pour vivre environ six mois. Mais j’ai mis un an et demi à écrire ce livre. Quand l’argent a disparu, elle ne m’a rien dit. Elle a réussi, je ne sais pas comment, à obtenir la confiance du boucher pour la viande, celle du boulanger pour le pain et à faire attendre le propriétaire de l’appartement neuf mois pour lui payer le loyer. Elle s’est occupé de tout sans que je le sache : même à m’apporter à chaque fois 500 feuilles de papier. Ces 500 feuilles ne manquaient jamais. C’est elle qui, une fois le livre terminé, a posté le manuscrit dans le courrier pour l’envoyer à la maison d’édition sud-américaine.”

Gabriel García Márquez

Peut être une image de 3 personnes et personnes assises

Je me demande combien de temps cela va durer ! J’aime bien Gabo, sans la moindre réserve en général, mais là j’ignore pourquoi je me suis dit que ça commençait à bien faire… Et il faut que je le lui dise, comme je devrais le dire aux deux hommes que j’ai si passionnément aimés et qui fort heureusement n’ont jamais exigé que je sois leur simple point d’appui mais “leur compagne de lutte et d’idéal”.

Gabo lui-même racontait ce qu’il croyait être à l’origine de son écriture autant que de son positionnement politique : « Mon grand-père, le Colonel, était un libéral. Au départ, mes idées politiques viennent sans doute de lui, car au lieu de me raconter des contes de fées quand j’étais jeune, il me tenait en haleine avec des histoires horribles sur la dernière guerre civile que les libres-penseurs et les anticléricaux avaient menée contre le gouvernement conservateur ». De la même façon que sa carrière d’écrivain s’est construite à ses débuts par une opposition assumée au statu quo littéraire colombien, les opinions socialistes et anti-impérialistes de García Márquez se sont construites en opposition au statu quo global dominé par les Etats-Unis.  

Les contes de fée y compris ceux qui nourrissent mes amours, mes fidélités il faut savoir s’en passer pour mieux en retrouver le merveilleux. Y compris en amour.

Je vais avoir 85 ans et il y a plein de choses comme ça pour lesquelles je continue à éprouver de la fidélité tout en me disant que je suis assez contente que l’âge et la vie m’en ait débarrassées, bizarrement leur demeurer fidèle passe par le refus d’accepter d’en demeurer dupe.

Il en a été ainsi cette année de ma propre famille dont j’ai dû constater que nos seuls liens se limitaient à ma participation à leurs rites funéraires, dans l’ignorance mutuelle intégrale de ce qui les concernait et aussi ce qui me concernait. Ils étaient ce qu’ils étaient et je n’avais aucune raison de le leur reprocher, simplement nous avions perdu toute curiosité les uns pour les autres.

Il en est ainsi de ma vieille et souvent incompréhensible fidélité au PCF et de l’impossibilité dans laquelle je suis d’accepter leurs actuelles turpitudes otanesques, le port de la cocarde jaune et bleue, et leur contribution aux campagnes contre le “péril jaune”, cela met en cause ce qui a fondé ma fidélité, leur rôle de communistes durant la seconde guerre mondiale, le rôle de l’armée rouge… je suis détruite en profondeur et cette découverte de ce qui désormais nous sépare et dont ils n’ont même pas l’air de se douter, me fait regarder avec mépris leur indulgence pour tout ce qui allait dans ce sens-là, comme leur complicité avec tout ce qui organisait ma propre lapidation. Ils m’ont maltraitée injustement par pur conformisme et ils ne sont pas prêts de changer… J’espère encore en leur existence mais ce qu’ils sont m’interdit toute curiosité réelle.

vente de l’humanité en 1960: titre du journal d’alors l’humanté saisie pour avoir dit la vérité sur les événements d’Algérie.

Quelle relation existe-t-il entre ce journal de 1960, celui qui s’y reconnaissait au point de le vendre, d’aller tous les matins l’acheter parce qu’il lui était nécessaire et le torchon qui dernièrement contribuait à la campagne contre le parti communiste chinois en mettant à sa “une” quelques petits merdeux dont il était affirmé qu’ils représentaient la destruction potentielle de ce parti. Il n’ya aps eu une seule campagne des USA, de l’OTAN, une seule intervention néocoloniale dont ces gens là ne se soient faits les diffuseurs. Quelle relation entre ce torchon et même ces dirigeants appuyant les campagnes de l’oTAN et celui dont nous demeurons tous orphelin? Pourquoi ai-je accepté tant d’horreurs de leur part, tant de diffamation, tant de censure? Qu’est ce qui me pousse encore à croire que l’on peut en espérer quelque chose qui pourrait sauver mon malheureux pays?

Donc ce matin, face à ce que j’éprouve aujourd’hui devant “le conformisme” de cette “reconnaissance” de Gabriel Garcia Marquez au rôle de son épouse, il m’a semblé que pour aimer réellement “cent ans de solitude”, il fallait le désavouer et peut-être s’agissait-il de cela effectivement que cherche à nous dire Gabo en feignant la “reconnaissance”.

Il faut reconstruire tout cela sur d’autres bases plus lucides en retrouvant l’essentiel : le goût pour des individus bienveillants, aimant comme moi la vie, ne pas tolérer de faire comme si, par peur de l’inconnu, ce doit être très concret, comme d’arriver à obtenir le crédit du boucher et les rames de papier… peut-être simplement demander à qui appartient l’Humanité ? Ou encore est-ce qu’un député communiste peut avoir sa ligne en totale rupture avec la politique du PCF sans que cela pose aucun problème ? Pas d’excitation inutile non des FAITS, rien que des FAITS.

Heureusement il y a Cuba, encore et toujours pour que la dérive n’aille pas trop loin, et pour unir ce que la lâcheté de certains a séparé :

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Mais le fil est de plus en plus ténu, la confiance c’est comme les allumettes cela ne sert qu’une fois et vous avez tous mis a rude épreuve cette confiance que je ne demandais qu’à avoir…

J’ai très envie d’aller voir à ce titre un film qui me parait raconter ce moment de rupture auquel on ne peut surseoir y compris au sein d’une amitié. Il ne s’agit même pas d’amour et de ses “malentendus”, non simplement que les mots aient encore le même sens pour agir ensemble.

Danielle Bleitrach

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3 Commentaires

  • Michel Dechamps
    Michel Dechamps

    Bonjour Danielle, je resent tout ce que tu écris, mais je n’ai pas la ème réaction je pense que le parti est alors que pour le moment ce n’est pas le cas ! Nous affrontont dispersés et c’est la notre faiblesse . Les communistes doivent se rassembler … mais comment faire …nous somme dispersé sans un chef d orchestre pour ener la bataille. C’est la notre vrai problème.

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    • admin5319
      admin5319

      Oui , il faudra voir ce qui va se passr en janvier, mais il ne serait que temps… tu as parfaitement mis le doigt là où le bas blesse : pas le moindre chef d’orchestre… chacun est suspendu à ces foutus liquidateurs parce qu’il n-y a pas le moindre intérêt pour le parti, la seule chose qui les préoccupent ce sont les élections et le groupe communiste. Du parti tout le monde s’en fout. Résultat ils erdront et le parti et le groupe s’ils continuent…

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    • Gérard Barembaum
      Gérard Barembaum

      Ta remarque est très juste : il n’y a pas, à l’intérieur de ce parti, de leader capable de sonner le tocsin et de mener le combat pour la reconstruction. Je rappelle qu’aucun membre du CN ne s’est élevé pour protester contre la résolution infâme! N’est ce pas un indice, parmi d’autres, de ce que la gangrène s’est développé à un tel point que seule la chirurgie peut sauver le malade ( le courant communiste en France). Comme l’écrit Danielle, nous serons très bientôt fixés..
      Fraternellement.

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