Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Pérou : Quand les chiens n’aboient pas, ils lèchent

Mme Boluarte est là parce que les groupes de pouvoir, l’oligarchie, ses médias, l’OEA et le maître d’œuvre les Etats-Unis l’ont décidé, comme avec Vizcarra et tous les précédents, et elle sera expectorée quand ils tousseront. C’est la conclusion et le fond de l’article de José Toledo Mayor / Pour notre Amérique, que nous avons librement traduit pour le rendre plus compréhensible pour un public français. Il ne s’agit pas seulement de l’Amérique latine, l’Europe est désormais la proie des mêmes, et pas seulement avec le coup d’Etat en Ukraine, mais bien les achats de conscience au parlement européen et même les unanimités obtenues derrière l’OTAN, tous les faits qui révèlent les ficelles qui sont tirées derrière les institutions, celle d’un empire qui tente de conserver son hégémonie à travers les fictions légales des institutions dont il s’est assuré le contrôle et l’incapacité pour le peuple d’y accéder, d’y intervenir. Mais peut-être avec l’expérience de leurs coups d’Etat, les latinos américains sont-ils mieux placés que nous en matière de construction d’une alternative : un front national et international, régional, pour que ceux qui n’ont pas été élus finissent par gouverner, puisque ceux qui l’ont été sont incapables de respecter leur mandat. Le peuple a la parole et pour cela il est plus important d’avoir un parti fort et discipliné que des élus, vu la dérive institutionnelle avec ses coups d’Etat légalisés par la propagande impérialiste et les milliardaires, leurs armées et leur médias. Vous aurez remarqué qu’histoire et société, ses lecteurs collaborateurs s’arroge désormais la possibilité d’un débat sur le fond qui nous est interdit en France parce qu’il ose voir au-delà de ce dans quoi s’enferme aujourd’hui le débat politico-médiatique et qui n’a qu’une perspective la lutte des places dans ces institutions entrées en crise profonde, la trêve des confiseurs nous aidera à cette exploration.

Kläffer (Aboiement) Goethe, 1808

Nous faisons le tour du monde
À la recherche de la fortune et des plaisirs
Mais toujours derrière ils aboient sur nous,
Ils aboient fort…
Les chiens du paddock aimeraient
nous accompagner pour toujours
Mais leurs aboiements stridents ne sont qu’un signe
celui que nous avançons
Donc, cette phrase: « l’Aboiement, Sancho, est signe que nous avançons », attribuée par les latinos-américains (et revendiquée comme telle par l’auteur de l’article) à Don Quichotte n’a pas été écrite par Cervantes, le maitre de Lepante. Elle est de Goethe… mais les latinos ont raison de dire également à propos des complices des coups d’Etat et autres forfaitures qu’ils présentent comme légales que ceux qui acceptent de les mener en leur donnant comme au Pérou un semblant de légalité pour accomplir les vœux du maitre américain sont destinés à être expectorés dès que le maitre étasunien toussera. Ils ajoutent quand les mêmes chiens nous lèchent c’est avant de mordre parce que nous nous sommes arrêtés et nous sommes soumis à leurs gueules avides. Il en est ainsi de ceux qui trahissent leurs compagnons et croient bénéficier de la sympathie des ennemis pensent les latino-américains qui ont payé chèrement l’expérience et cette leçon devrait revenir vers l’Europe, vers Goethe et ceux qui acceptent de signer un pacte avec le diable.
Nous sommes effectivement entrés dans une longue période, un processus historique avec des avancés et des revers, mais il est trop tôt pour tirer des conclusions au Pérou comme ailleurs dans le monde, pas des conclusions mais déjà des leçons de la répétition des expériences pour revenir plus forts, plus aguerris. Comment Madame Boluarte qui appartient à un parti marxiste léniniste qui jusqu’ici ne ménageait pas ses critiques sur la tiédeur de Castillo et qui elle même subissait l’assaut des forces conservatrices s’est-elle trouvée tout à coup en plein accord avec ceux qui n’ont cessé de les harceler, les chiens qui n’ont cessé d’aboyer sur les pas de Castillo explique José Toledo Mayor dans son article traduit librement par Danielle Bleitrach pour histoireetsociete

Au moment de l’investiture, Mme Boluarte a déclaré: Comme nous le savons tous, il y a eu une tentative de coup d’État, une décision promue par M. Pedro Castillo, qui n’a pas trouvé d’écho dans les institutions démocratiques et dans la rue, ce Congrès de la République, conformément au mandat constitutionnel, a pris une décision et il est de mon devoir d’agir en conséquence. 

Hier ce sont eux qui voulaient porter le coup à Castillo et y compris à l’ancienne vice-présidente , aujourd’hui la nouvelle présidente obéit au « mandat constitutionnel ».

Soyons clairs, depuis quand, Madame Boluarte, le Congrès est-il en dehors de l’ordre constitutionnel et quand est-ce que c’est que le Congrès est en dehors de l’ordre constitutionnel Lorsque Boluarte était désignée à la guillotine, accusée d’enrichissement illicite et sur le point d’être disqualifiée pendant dix ans de l’occupation d’une fonction publique, alors le Congrès était « putschiste » et « antidémocratique », en 24 heures et comme effet d’une « conversion démocratique » Boluarte s’est soumise à l’autorité du pouvoir législatif. Mme Boluarte a dit il y a quelques mois: Ils veulent imposer une interprétation de l’article 126 de la Constitution et apparemment le contrôleur de la République jouerait avec ces députés antidémocratiques qui veulent fomenter un coup d’État à un gouvernement légitimement élu… Je ne vais pas entrer dans un débat politique à ce sujet. J’exprime seulement au pays que ce plan est en cours et qu’avec la force tellurique qui m’inspire ma terre sacrée d’Apurimeña, je m’opposerai à cette affaire avec la force de la raison et de la loi.           

 Le monopole médiatique du Groupe El Comercio, reconnu comme tel par l’OEA, est passé du statut d’inquisiteur à celui d’ange gardien du nouveau président de la République. La droite et l’extrême droite, dans toutes leurs expressions, applaudissent ce qui s’est passé.

En réalité, si vous n’avez que leurs médias comme seuls informateurs, il vous sera difficile de trouver quelqu’un qui ne veuille pas voir Castillo mis au peloton d’exécution, quelqu’un qui n’ait pas reconnu être victime des erreurs de son manque d’expérience. Je crois que si Castillo était privé de sa liberté demain à perpétuité, les instituts de sondage donneraient 99,9% d’approbation.

Et c’est le cas. De la part de ces citoyens d’ordinaires frénétiques qui ont prodigué à Castillo les épithètes les plus grossières et inimaginables, sur le modèle des leaders d’opinion de droite à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Les sociétés minières, financières et médiatiques unanimes célèbrent le fait que l’OEA par l’intermédiaire de son secrétaire a applaudi ce qui s’est passé et lorsque la droite et l’OEA lèchent, applaudissent et n’aboient pas, c’est sûrement parce que ce chien enragé mordra tôt ou tard. 

Castillo a-t-il commis des erreurs ?s’interroge l’auteur de l’article en notant qu’il en a reconnu beaucoup. A-t-il commis des actes de corruption ? De nombreuses assertions devant faire l’objet d’une enquête mais dans son statut de président il était protégé par une immunité blindée, créée par le gouvernement de facto de Fujimori, le fasciste et corrompu, ce statut ne permettait pas à une enquête d’avancer et laissait la place à la rumeur .

Il était évident, que si l’on ne modifiait pas les règlements qui protègent le chef de l’exécutif toute procédure légale ne pouvait être menée à bien . Résultat au terme d’une traque inquisitoire et sans le soutien de ses principaux alliés politiques, il peut immédiatement être arrêté et remplacé. Peut-être pensait-il pouvoir jouer le double jeu, d’un côté , en souriant aux groupes de pouvoir avec des ministères et autres clins d’œil, et d’autre part, en essayant de faire la révolution législative (travail, éducation, fiscalité, réforme agraire, etc.), sans penser que tôt ou tard, il serait sans difficulté fait prisonnier puisqu’il ne bénéficiait pas du soutien majoritaire des forces armées, il s’agit d’une démonstration actualisée d’une histoire qui se répète. Il y a ici clairement la chronique d’une défaite annoncée. Des coups comme ceux perpétrés contre Rafael Correa, Manuel Zelaya, Fernando Lugo, Rousseff, Lula hier et aujourd’hui, et maintenant contre Cristiana Fernández, avec la menace de 6 ans de prison et tant d’autres. 

Castillo est arrivé au pouvoir avec un programme de transformation et une fois assis sur le fauteuil présidentiel a adouci son discours pour qu’il coïncide avec l’Assemblée constituante, il s’est séparé du parti qui l’a emmené au Palais, plus de 70 postes ministériels ont changé en 13 mois, des parents et des personnes proches de son portefeuille présidentiel ont alors été mis sous la loupe pour des cas présumés de corruption, certain se sont échappé, en détention préventive ou ont avoué des engagements criminels présumés de l’ancien président avec des groupes criminels organisés présumés. 

Mais même dans ce cas nous avons deux scénarios inhabituels de dissolution du Congrès par lequel un président harcelé tente de se débarrasser d’une majorité ingouvernable : 1992 avec Fujimori et 2022 avec Castillo.

Le premier protégé Fujimori le fasciste a été protégé par des groupes de pouvoir, des forces militaires et des organisations internationales et le second abandonné par tous ceux mentionnés ci-dessus. Un « coup d’État » consommé avec les résultats désastreux que nous connaissons et une tentative de « coup d’État » non consommé avec des résultats qui, nous l’espérons, ne seront pas désastreux comme ceux de la première expérience.

Cette expérience nous laisse avec une question pour un spécialiste dans le domaine du droit constitutionnel: quand la dissolution du Congrès, en tant qu’acte constitutionnellement reconnu, est-elle un coup d’État et quand ne l’est-elle pas? Et dans tout cela, où est la voix du peuple ? Où est la participation démocratique du véritable souverain ? Il semble que, comme toujours, il y ait des fils de pouvoir qui dirigent la manœuvre derrière le trône et le reconnaître cela n’est pas découvrir ni l’eau bouillie ni l’œuf dur.

Mme Boluarte est là parce que les groupes de pouvoir l’ont décidé, comme avec Vizcarra et tous les précédents, et elle sera expectorée quand ils tousseront.

Comme Diosdado Cabello vient de le souligner, dans son émission Con el mazo dando, le discours d’investiture présidentielle de Boluarte avait déjà été rédigé peut-être par les mêmes États-Unis où dans les prochaines heures, elle se rendra sûrement pour présenter ses services inconditionnels (07/12/22). Nous souhaitons donc à Mme Boluarte de profiter de ses 5 minutes de gloire, en tant que sixième présidente en six ans, et nous observerons sa capacité politique à se mettre sur la bonne voie pour se mettre sur la bonne voie pour les diktats, de ceux qui lui lèchent maintenant les mains, tels que l’OEA, les États-Unis et les groupes de pouvoir. Demain, ils n’aboieront pas mais la mordront.

Il est difficile de ne pas se souvenir quand on pense à la poignée de main que Castillo a donnée à Almagro, en septembre dernier dans les couloirs de l’OEA, de la poignée de main qui a été donnée avec Evo Morales et quelques heures plus tard a approuvé le désastreux coup d’État. En fin de compte, ceux qui n’ont pas été élus finissent par gouverner, n’est-ce pas? Le peuple a la parole.

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