Comment faire monter l’exigence de paix ? Propositions concrètes au PCF… par Danielle Bleitrach

un camarade s’interroge : comment faire monter l’exigence de paix?

Certainement pas en disant d’abord en matière d’introduction que la Russie est une dictature qui nous menace tous et, énoncer ce “consensus” qui blanchit totalement l’impérialisme américain, en niant ce qui se passe dans le Donbass et partout dans le monde à savoir l’agression initiale de l’OTAN et des USA, voire aller jusqu’à la caricature de porter la cocarde bleue et jaune alors que les drapeaux de Cuba ont été refusés dans la caravane des jours heureux… Tout cela au nom de la France d’abord alors que l’on dénonce dans le même temps ‘le nationalisme de Poutine’ et que l’on finit par cautionner les errances de l’Union européenne en la matière… Parce que oui on ne comprend la situation qu’en revenant au fond, à savoir que l’impérialisme occidental en crise et son bras armé l’OTAN prétend conserver une hégémonie hors de saison sur un monde qui exige des coopérations pour faire face aux défis auxquels l’humanité est confrontée. Face à cela il y a des résistances nationales qui peuvent être communistes, progressistes ou conservatrices. Celle de la Russie est complexe, parce que Poutine est un conservateur et qu’il a un peuple travaillé par l’influence soviétique et c’est le cas de bien des pays ex-socialistes y compris l’Ukraine.

Cette proposition initiale des représentants du PCF, cet incipit, “Gloire à l’Ukraine et à ses héros, à bas le dictateur Poutine” prend tout de suite parti pour le nationalisme ukrainien et ses aspects les plus corrompus, les plus suspects, comme elle adhère de fait à la vision consensuelle de nos médias de ne pas dégager le moindre espace de paix. C’est pourquoi in fine le reste de l’intervention, l’appel à la paix, se réduit dans l’esprit des interlocuteurs à néant, même si cela ne les choque plus vu le pilonnage subi, cela revient en clair à considérer que l’occident représente la vertu démocratique menacée par un abominable dictateur, et après seulement le représentant du PCF en arrive de dire qu’il faut la paix…

Pourquoi faudrait-il la paix si nous sommes sous la menace d’un méchant autocrate? il faut au contraire renforcer l’OTAN, notre sécurité en dépend…

Quand face à l’invraisemblable discours de Lecoq, le député communiste sans doute convaincu d’œuvrer pour la paix, un esprit rationnel proteste devant le fait indubitable que cette introduction empêche de dégager tout espace de dialogue et de paix parce qu’elle colle à la volonté des Etats-Unis de faire durer le conflit, cela peut provoquer un tollé. Certains imaginent que le propos ne peut émaner que d’un suppot de Poutine. Ces indignés vous accusent alors au meilleur des cas de voir en lui l’URSS réincarnée et ils partent dans des insultes ou des propos lénifiants vous expliquant à quel point le PCF s’est dégagé des modèles. Comme si on ne s’était pas aperçu que depuis trente ans tous les coups sont portés sur le socialisme réel sur les expériences existantes et que les dirigeants du PCF n’arrêtent pas de se battre la coulpe. Ils le font quitte à feindre d’ignorer que les quelques gloires auxquelles ils se réfèrent d’Aragon à Ambroise Croizat ont été jusqu’à la fin de leur vie des amoureux de l’expérience soviétique et ils ont préféré tout subir que trahir l’internationalisme. Ambroise Croizat en tête qui a préféré le bagne plutôt que la dénonciation du pacte germano-soviétique. Le lien entre le PCF et la nation est l’œuvre de Maurice Thorez qui est resté l’internationaliste que l’on sait. Donc avant de nous gourmander réfléchissez un peu aux liens réels entre les communistes français et la nation. Peut-être que cela vous aidera à comprendre que Poutine pour les Russes est une sorte de De Gaulle, l’homme des monopoles, le conservateur, tout sauf un communiste, qui aime la Russie éternelle et peut-être moins les Russes. Il faut aussi voir que la Russie subit une véritable agression et que tous ceux qui ont un peu le sens des réalités comprennent bien que l’Ukraine est devenue un simple bastion de l’OTAN et qu’aucun pays ne pourrait tolérer une telle base hostile à sa frontière y compris nucléaire. L’Otan représente cela et son coût est de plus en plus lourd à tous les sens du terme pour les peuples d’Europe. Mais pour comprendre tout cela il faudrait donner la parole aux communistes russes. En fait Ziouganov est tout aussi interdit dans l’Humanité que Danielle Bleitrach, et on peut peut-être se passer de mes opinions mais certainement pas de celles du président des communistes russes.

Surtout quand cela se double d’une déformation totale des positions d’autres partis comme le parti communiste chinois que l’on imagine comme le feraient les invités de LCI en train de condamner la Russie.

Que faire ?

Premièrement, Il faut avoir le courage de dénoncer l’OTAN en priorité, le rôle des Etats-Unis, la vassalité de l’UE, mais comment le faire quand depuis 30 ans et encore aujourd’hui on soutient partout les interventions des USA, la guerre par procuration dans tout le Moyen Orient et même en Afrique et en Asie. Quand on laisse le silence s’installer sur ce qui se passe en Amérique latine, accepter d’auditionner les marionnettes de Trump contre le Venezuela au Sénat ? Quand on s’engouffre dans les causes des femmes derrière les Etats-Unis depuis l’affaire Assange et les errances de la commission féminine sur le viol supposé, et celles qui de l’Afghanistan à l’Iran s’emparent de causes justes mais ne font qu’accroitre le malheur subi par les femmes par les conservatismes, dans un contexte de guerre et de sanctions menées par l’impérialisme. Quand jamais on ne montre ce que le socialisme leur apporte, y compris en Chine et plus encore à Cuba ? Les causes les plus justes sont ainsi dévoyées en soutien à des révolutions de couleur …

Après trente ans d’opportunisme et de dénonciation de l’URSS, de la Chine, après s’être engouffrés dans les pires campagnes contre les pays socialistes ou simplement progressistes, y compris celle de Robert Ménard contre Cuba et contre la Chine, il est difficile sur les mêmes bases de réclamer la paix et la fin de l’OTAN…

Pourtant deuxièmement, on ne peut pas rester dans l’ambiguïté : savoir d’où vient la menace réelle est important et cela devient urgent, parce que toutes les propositions justes que font les communistes et auxquelles ils demandent aux parlementaires de la NUPES de s’associer concernant les retraites, l’emploi, la formation se heurtent au coût de la guerre et à l’autoritarisme voire le fascisme dont le capital a besoin pour l’imposer. Mieux les communistes ont compris qu’il fallait ne pas se contenter du parlement mais sans se substituer aux syndicats, ils vont en priorité vers les couches populaires et Fabien Roussel a parfaitement raison de repenser leur organisation dans le monde du travail, son tour de France est bienvenu.

Mais pourquoi ne pas voir le lien entre une véritable politique de paix et cet appel aux Français à discuter programme contre programme de ce qu’il faut mettre en œuvre pour sortir le pays du marasme où l’ont placé trente ans d’alternance sans alternative des politiques en France mais aussi en Europe, dans une UE qui coïncide de plus en plus avec les visées de l’OTAN, le profit sans limite qui a besoin de guerre? Au nom de quoi entretenir des illusions sur ce que pourrait une conférence européenne, des institutions européennes réformées, par qui ? Par madame Ursula Von Leyen et les votes unanimes en matière de sanctions et de livraison d’armes ?

Il est clair qu’il y a un hiatus entre ce renouveau amorcé vers le monde du travail et les couches populaires et l’étroitesse – c’est une litote- de l’analyse théorique autant que la vision géopolitique des changements historiques et celui-ci est tel qu’il met en péril ce qui peut et doit renaître.

Que faire? Bien sûr il faudrait virer ceux qui depuis toujours liquident le PCF et qui exercent désormais le maximum de nocivité dans le secteur international, dans la presse qui n’est même plus communiste sauf en cas de souscription, et quelques étoiles filantes des élus. Ce n’est pas la voie choisie, puisque le choix prioritaire est de conserver l’unité du parti quitte à créer un terrible continuum idéologique entre les Thèses bellicistes du Capital et les communistes. Continuum dont ils ne se relèveront pas plus que la deuxième internationale si la guerre s’impose à nous toujours plus.

Que faire ? La première mesure qui s’impose c’est que les bouches s’ouvrent face aux forces d’inertie, c’est d’en finir avec l’incroyable censure qui règne dans la presse communiste où 90% des informations entretiennent le consensus avec les bonnes œuvres de l’OTAN… Où sont accueillis les pires agents de la CIA comme Glucksmann mais sont interdits nos camarades du KPRF et tous les intellectuels qui résistent justement à la propagande de l’OTAN.

Il s’agit de poser simplement la question à ceux qui ont choisi le renouveau communiste du PCF.

Si vous voulez réellement la paix et le socialisme votre manière de vous conduire est si stupide que l’on s’interroge sur qui peut agir ainsi… C’est digne du pire côté des trotskistes qui ne cessent de répéter partout le socialisme est une monstruosité, un échec, mais faites-moi confiance avec moi ce sera différent. Résultat leur score dépasse rarement 2% : nous y sommes, vous voulez continuer non seulement dans la marginalisation mais gaiment tous vers Apocalypse Now ?

Cet appel va dans le sens de l’initiative du retour au monde du travail, aux couches populaires, s’engager pour certains à un coût plus élevé que pour d’autres… Entre les pratiques festives des assemblées de résidents locaux et le début d’un combat contre le patronat dont dépend votre vie et celle de vos enfants, il y a une différence qui a besoin de clarté et personne ne peut rester dans les ambiguïtés dans lesquelles une gauche qui s’est voulu radicalisée peut s’épanouir, on y est déjà confronté en matière de “sécurité”, de chômage, les définitions ne sont plus les mêmes, alors imaginez en matière de guerre… et de ce paradoxe de guerres défendues au nom de la “démocratie” alors que la guerre nie toute démocratie.

Et plus vous entretenez un tel consensus plus il est difficile de remonter le courant et alors là votre parlementarisme prend le relais : il y a des choses que l’on ne peut pas dire si on veut être entendu déclarent nos opportunistes qui cachent soigneusement leur petite flamme révolutionnaire. Est-il possible de continuer longtemps sur ce mode-là ? je pense que non mais c’est à vous d’en juger…

Danielle Bleitrach