Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Tout le monde rêve d’unité et de rassemblement, et se divise de plus en plus..

Pour avoir cet été beaucoup parlé avec cette catégorie sociologique que l’on qualifie volontiers de “bobos” – mais qui parfois ont eu la chance d’avoir des parents et surtout des grands parents communistes- a priori je dirais qu’ils sont tous conscients de cette surexploitation et qu’ils rêvent tous de s’en émanciper, de changer totalement de vie. Alors par pure sympathie pour eux et surtout pour leurs aieux, j’ai décidé d’écrire ce premier jet en leur faisant l’honneur de les prendre au sérieux, en les pensant aptes à entendre de la non complaisance et d’y voir une forme de respect.

Il y a en fait dans la population française, grossièrement exploitée et manipulée, trois groupes sociaux qui ne sont même pas idéologiquement homogènes mais qui ont perdu tout langage commun. Et ceci faute d’une organisation en capacité de les aider/contraindre à dépasser l’étroitesse de la perspective dans laquelle cette société les enferme. Alors que dans une démarche le plus souvent politicienne, la volonté de sommet se résume à tenter d’unir ces trois catégories, la division en est le résultat. C’est sans doute dû au fait que ces catégories sont des représentations sociales et que leur unification repose sur un obstacle objectif.

Mais voyons plutôt comment l’illusion se présente : partons de cette catégorie avec laquelle cet été j’ai beaucoup discuté : les bobos.

En fait, pour beaucoup d’entre eux ce sont des gens bourrés de talents et de naïfs engouements, des gens bienveillants, mais sans excès, et à la recherche de baguettes magiques pour transformer la vie comme dans un conte de fée pour qu’elle devienne “authentique”. Ce groupe n’est pas unifié, une partie d’entre eux tend vers les illusions pétainistes d’un retour en arrière, vous voyez de qui je parle les verts de Jadot et de Rousseau… Traquant les modes de vie et sur le fond défenseurs passionnés de l’OTAN et de ses œuvres pieuses, ferraillant contre le nucléaire civil mais tolérant de fait au nucléaire militaire. En fait l’ennemi de leur paradis perdu est celui que l’idéologie des démocrates made in USA leur désigne plus ceux qui osent manger de la viande… Une secte qui trouve son plein épanouissement en Allemagne comme du temps des grands parents.

Mais la plupart des bobos français ne sont pas comme ça, simplement ils nagent dans le potage… de la social démocratie. C’est-à-dire que toutes leurs propositions de transformation sont prises au petit bonheur la chance, en fonction de l’étroitesse de perspective de ceux qu’ils côtoient et qui se débattent comme eux de recettes en recettes qui ne touchent jamais à l’essentiel. Ils sont victimes d’un “localisme” et comme le sac de patates cher à Marx à propos de la paysannerie isolée, fait que même dans la capitale, cet horizon borné ne débouchera jamais sur autre chose, outre les bons sentiments, que sur l’économisme et le retour au travail artisanal comme panacée universelle. Il n’atteindra pas spontanément le niveau du pouvoir politique. Ils sont les victimes désignés d’un leader autoproclamé qui les gorgera de chimères par pur opportunisme, comme la paysannerie fut victime de tous les bonapartismes.

Ces gens-là ne sont pas cependant comme la paysannerie parcellaire (sac de pomme de terre) décrit par Marx les propriétaire d’un lopin de terre sur lequel ils s’autoexploitent, mais ils assurent en général les modes de consommation des cadres des entreprises monopolistes financiarisées, dont les sièges se trouvent dans les métropoles. Ils assurent également le fonctionnement d’entreprises de services, les startup qui assument une partie du fonctionnement bureaucratique des mêmes entreprises monopoliste sur un mode externe, plus souple, plus créatif et que l’on peut cependant construire et détruire rapidement, le propre de la soustraitance. Ils servent aussi à une part des cadres des entreprises qui restent nationalisées mais dont le management a intériorisé ce nouveau mode de fonctionnement.

Bref, ils sont l’effet souplesse de la bureaucratisation des monopoles financiarisés, comme ils assurent la marchandisation de la mode et de l’esthétique de cette marchandisation sur un mode fantasmé de l’artisanat et sur celui bien réel des sous-traitances qui transforme l’ingénieur, le designer, l’artiste, l’intellectuel en ouvrier spécialisé de la privatisation et de la marchandisation urbaine, en les faisant rêver au pire des cas d’un mode de vie où les animaux débarrassés de leurs prédateurs humains ressembleraient au paradis perdu.

Les meilleurs d’entre eux rêvent des pauvres, comme ils rêvent de la biche sans le loup, et confusément pour faire leur salut, ils le voient essentiellement sous une forme racialisée celle d’un tiers monde fantasmé en terre originelle, désindustrialisée et en proie à la magie de tous les chamanismes, sans parler de l’usage festif des drogues. Et bien évidemment ils projettent leur vision sur les banlieues et sur un islam qui représenterait cet archaïsme.

Ce qui là encore relève d’une représentation en rupture avec la réalité du vécu de ces couches populaires. Ce fantasme du bon sauvage nie l’insécurité dont sont au premier chef victimes ces populations prolétariennes quelles que soient leurs origines. Il n’ont aucun langage commun avec ces populations en proie à la nécessité, aller vers le peuple relève de la case de l’oncle Tom au meilleur des cas pour les autres c’est le même racisme que celui qui domine notre société. Racisme qui est incompréhensible si on ne le ramène pas à l’exploitation, au pillage, à la mise en concurrence des forces de travail, au fait qu’avec les privatisations, les délocalisations, le capital a réussi à faire que la drogue est devenue une seule manière de survie de pauvres gens. Ceux des cités sont exploités par les seigneurs de la drogue qui eux ne résident pas là mais dans les beaux quartiers, sans parler de ceux qui fréquentent les paradis des super-riches de Palm Beach aux îles enchanteresses. La surexploitation, le pillage a développé partout un système mafieux. Comme dans tous les systèmes mafieux, celui qui combine paradis financiers, trafic d’armes, de drogues a créé des solidarités pyramidales qui assurent la survie par le sacrifice systématique d’une partie de la jeunesse qui choisit cette voie à laquelle d’autres tentent d’échapper. Quel que soit les diplômes acquis, les réseaux de sociabilité de l’accès à des postes est très étroits. la voie normale est l’entrée dans des métiers ou ils sont surexploités, usés jusqu’à la corde, physiquement et moralement, ou même devenus les flics de leurs proches, personnel de sécurité, gardiens de prison, garde du corps… leur stigmatisation a pour but de les dévaloriser en tant que force de travail indispensable, Ils sont alors comme dans l’affaire Benalla ceux que l’on livre à l’indignation publique pour ne pas avoir à toucher au système. Comment ce système-là peut-il produire autre chose que des dérives communautaristes, à la recherche de l’identique, le reste devant être “purifié” comme pour les terroristes et les fascistes? La base en est un clientélisme de la survie dans lequel le capitalisme et un mode politique basé sur l’adhésion au chef ne peut que les enfermer.

Le troisième groupe est celui qui s’est identifié partiellement aux gilets jaunes et leurs jacqueries, ce qui dit bien à quel point l’espace jadis rural est devenu celui du repli de toute une classe ouvrière que l’on a prétendu isoler, couper de la nation et qui au pire des cas avec la gentrification du PCF n’a vu d’issue que dans la contestation radicale de l’extrême-droite, ce qui ici aussi correspond à ce localisme qui ne peut vaincre l’étroitesse de vue et l’aspiration à un modèle artisanal.

Ces trois groupes n’ont plus aucun langage commun, ils ont été privés du parti communiste qui en était le facteur d’unification naturel. Vu l’état de boboïsation et d’allégeance aux bonnes œuvres de l’OTAN, la liquidation depuis plus de trente ans qui est celle de ce parti, on peut se demander pourquoi certains communistes comme moi s’obstinent à voir en lui l’issue alors qu’à priori il apparait plutôt comme une des cause de cette débâcle.

Entendons-nous bien je n’ai rien contre les mœurs tribales des groupes susnommés et le snobisme, le fétichisme qui les caractérise, ce besoin d’être “marqués” dans lequel ils espèrent à la fois l’originalité individuelle et l’identification à un groupe des mêmes… mais je pense justement qu’il s’agit de groupes artificiellement fabriqués à partir d’une territorialisation du capital à la maitrise duquel ils n’ont jamais accès et qui favorise leur auto-exploitation et leur mal être… On ne peut pas partir d’eux tels qu’ils sont pour construire quoi que ce soit de réellement révolutionnaire.

Mais bien mesurer ce qui les unit par rapport au capital : il s’agit dans tous les cas de peser sur la force de travail, d’en diminuer le coût par rapport aux monopoles financiarisés et pour cela tous les travailleurs sont réduits à des formes de ghettoisation politiques. Le problème à ce stade n’est plus seulement économique s’il ne l’a jamais été il est politique et concerne tout autant la marginalisation internationale que l’isolement par rapport aux lieux de décision politique.

La Chine mais aussi le petit Cuba et sans doute le Vietnam, et des choix simplement progressistes, souverains, donnent l’exemple de ce que l’on peut réaliser en supprimant les formes concurrentielles et d’une division du travail qui pèse sur les capacités humaines.

Parce ce qui manque plus à la lutte des classes, au développement de la civilisation humaine, c’est la capacité à FAIRE, à RASSEMBLER, à ORGANISER, nous ne sommes pas en France dans un plan d’utilisation d’une armée mais obligés d’envisager une opération militaire à partir de laquelle l’essentiel serait de tendre un fil entre ces groupes ne serait-ce que pour avoir le vote le plus conséquent possible. Cet horizon-là est le but et la finalité de tous les partis bourgeois, de l’extrême-droite à la social démocratie. Il s’agit pour un parti communiste qui veut en finir avec l’exploitation, la mise en concurrence des travailleurs et son équivalent la guerre qui a besoin du fascisme, de choisir le moyen pratique de son efficacité. Nous n’avons pas reçu de la contrerévolution l’héritage de 500.000 révolutionnaires prêts à intervenir partout mais d’une situation pourrie marquée par la désagrégation fascisante et seule une troupe déjà rassemblée et organisée est en état d’impulser le mouvement initial d’élaboration de l’unité. Les facteurs de cette unité ne manquent pas : la lutte contre la surexploitation, l’aspiration à un changement profond et le refus de la guerre, tout cela n’a de sens que si on part de l’essentiel.

C’est pour cela que chaque fois que se posait ce genre de situation des plus défavorables, paradoxalement des marxistes conséquents repartent vers l’abstraction théorique et dialectique, pour fuir empiriocriticisme de pseudos généralisations rendant confuses les tâches pratiques.

Plus il y a incapacité à se parler, à s’entendre, plus on ne cesse de gloser sur le rassemblement, sur l’unification, la nécessité de se rassembler et s’organiser, plus se multiplient les facteurs de division, faute de savoir comment s’y prendre et par où commencer. Cela aussi caractérise les trois groupes en question, encore que chacun d’eux dans ses révoltes témoigne du vide, le désigne mais sans pouvoir mettre en marche un travail commun.

Quelles que soient les insuffisances idéologiques de Roussel, il a laissé espérer quelque chose de cela, un travail politique commun. Outre le fait qu’il est sympa ce qui ne gâche rien, direct ce qui laisse bien augurer dans un monde où l’embrouillamini est la règle, il a le don d’aller à l’essentiel, au contenu du programme, plutôt qu’aux querelles de personne. Encore aujourd’hui à la veille d’un congrès il parait le seul à proposer au moins un échelon centralisateur national de lutte contre l’exploitation et une attention prioritaire au monde du travail. Le parti communiste français grâce à ce renouveau paraissait en état de devenir ce creuset d’expérience, de forces, de répartition des fonctions et capable de mobiliser large les ressources matérielles et humaines qui sont indispensables pour construire l’unité en vue d’un changement profond auquel chacun aspire et que je ne vois nulle part ailleurs ni représenter une force suffisante, ni être implanté suffisamment dans ce qui donne le droit à représenter les couches populaires, la classe ouvrière dans toutes ses dimensions. Je le répète dans la situation actuelle il faut partir de ce qui est.

Il est vrai qu’il y a dans la faiblesse du positionnement international quelque chose qui rompt avec cette centralisation indispensable si on veut retrouver l’unité parce qu’un peuple qui n’est plus souverain en matière de paix et de guerre ne peut plus être rassemblé que dans la fausse unité du fascisme belliciste et il est clair que l’état réel de la societe française s’y prête. L’état de l’organisation du PCF, les vains débats et compromis du conseil national, la presse qui ne se réveille comme communiste que quand il s’agit de souscription dit à quel point le pari est risqué.

Outre le problème important qui veut que plus la lutte des classes devient aïgue (et elle l’est au niveau international comme au plan interne, le recours au fascisme en est le signe), plus les communistes doivent fixer leur attention, aiguiller leur action sur l’ennemi véritable et non sur des hypothétiques alliés peu surs, notoirement problématiques. Il serait déraisonnable de méconnaitre la nécessité de l’alliance mais que cela nous détourne de l’essentiel, en reporte le centre de gravité suivant les caprices de ces alliés en particulier leurs discours sur le combat pour la démocratie et la liberté derrière l’OTAN et la presse bourgeoise. Il faut au contraire se battre pour des revendications politiques qui seule permettent de parler au nom de la classe ouvrière c omme de la majorité du peuple français. Ne pas s’épuiser dans les conditions d’un accord mais rester sur les conditions optimales de la lutte contre l’ennemi véritable. Cela seul permet de dépasser une illusion catégorielle largement liée aux moeurs, à la marchandisation, à une casuistique jésuite, à des querelles vaines de personnes pour que ceux qui s’engagent dans une perspective réelle de transformation s’y reconnaissent. C’est à ce prix que le discours sur la démocratie, sur la liberté qui ne peut pas exister sans intervention, sans action, aura un sens. Ce qui se passe au niveau international n’est pas un supplément d’âme, il présente les conditions de possibilité du mouvement qui transforme l’ordre des choses existant, ou nous y participons sur nos bases, ou c’est la barbarie.

si on me lit complètement on concevras que ie pense que ce qui est nécessaire pour unifier les travailleurs, l’est encore plus pour les communistes.De ce que j’écris ici, on en déduiras que si le congrès est perdu c’est parce que malgré /ou à cause du secrétaire Fabien Roussel (les deux sont exacts parce qu’on est au milieu du gué), les liquidateurs occupent la centralité et s’imposent directement ou avec ceux qui sont favorables au compromis de sommet. Il n’y a de fait aucune direction centrale pour mener la bataille du socialisme et des orientations de classe, les meilleurs ceux de Venissieux, du pas de Calais, de Vitry sont bien trop occupé à tenir leur position locale résultat ils sont incapables de faire ce qu’il faudrait faire d’urgence: prendre le pouvoir idéologiquement et politiquement, alors que les autres qui n’ont rien d’autre à foutre sont les maîtres de fait de l’organisation et du débat idéologique comme du secteur

Voilà brièvement résumé là où nous en sommes Marianne et moi, mais aussi semble-t-il pas mal de lecteurs-collaborateurs de ce blog.

Point de vue personnel sur le travail de ce blog…

Si je devais résumer trivialement le point de vue communiste tel qu’il m’a été plus ou moins transmis par des gens d’un autre temps, je dirais : “Il ne faut pas prendre les gens pour des cons, mais ne jamais oublier non plus qu’ils peuvent l’être réellement… en particulier quand ils tentent de justifier par de grands sentiments moraux ce qui relève d’un égoïsme suicidaire pour les plus faibles d’entre eux”.

Je voulais faire ce point parce que nous sommes Marianne et moi, à la veille de cette rentrée prises pour 10 jours environ par quelques nécessités qui risquent de ralentir le rythme de parution de ce blog. Il est un âge où comme Marianne on doit gérer les derniers jours de vacances de ses petits-enfants tandis que les parents comme l’exige l’air de l’époque doivent faire face au surcroit de boulot, à l’auto-exploitation exigée d’eux sous couvert de “motivations”. Moi avec l’âge, tout en étant dans une forme que l’on peut considérer comme éblouissante à l’âge de 83 ans (merci Ambroize Croizat qui m’a assuré des soins jusqu’à cet âge avancé, merci au programme de la résistance qui à l’exemple de ce qui se réalisait en URSS a fait de ma génération les gens les plus heureux, jusqu’à l’irresponsabilité, depuis l’aube de l’humanité), il faut que je surveille les quelques petites pannes dont ma carcasse est victime et que je resserre les boulons (opération de la vésicule biliaire oui ou non, arthrose ou entorse de la cheville et allergies multiples).

Mais là aussi, il faut voir le contexte si nous sommes Marianne et moi à un régime plus lent pour une dizaine de jours, ce blog désormais fourmille de collaborateurs de qualité dont nous avons parfois du mal à passer sur le fil les contributions. D’où les vertus d’un rassemblement à partir d’un travail d’unification réelle.

Danielle Bleitrach

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