Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Archéologie: les fouilles de Sanxingdui interrogent les origines de la civilisation chinoise

On fait souvent le constat que la Chine semble avoir du temps, un temps illimité. Mais ce temps qui recule sans cesse dans le passé est aussi celui de ces découvertes qui relient les royaumes considérés comme légendaires à l’histoire réelle d’un monde chinois. Un trésor antique révèle des liens profonds entre le mystérieux royaume Shu et d’autres lieux chinois anciens. Des milliers de reliques mêlant l’or, le bronze, le jade et l’ivoire ont été trouvées, toutes liées à des activités sacrificielles mais le plus important est le mélange des provenance qui suggèrent un royaume à l’influence plus étendue, c’est cette idée d’une aire plus étendue que ce qui est considéré dans le fleuve jaune comme le berceau de la Chine qui provoque l’excitation des archéologues en rebattant les cartes de la connaissance. (note de danielle bleitrach pour histoireetsociete)

Publié le : 15/06/2022 – 19:12

Un masque en bronze est exposé au musée de Sanxingdui, dans la province de Sichuan, en Chine. © Zhang Lang/China News Service/Getty Images

Texte par :Stéphane Lagarde

C’est l’une des découvertes archéologiques parmi les plus importantes du XXIe siècle. De nouveaux bronzes ont été retrouvés dans les ruines de Sanxingdui, au sud-ouest de la Chine. Les archéologues sont sur les traces d’une dynastie jusqu’alors inconnue. Un ancien royaume, dont l’existence viendrait conforter la thèse d’une civilisation chinoise aux origines multiples. 

De notre correspondant en Chine et Louise May du bureau de RFI à Pékin 

Parmi les 13 000 objets retrouvés récemment à Sanxingdui, celui dont on parle le plus est une grille carapace de tortue en bronze torsadé découverte dans la fosse sacrificielle numéro 7. Pourquoi la tortue ? Parce qu’on n’avait jamais vu ça avant. Et c’en est fascinant ! « Révolutionnaire » même, nous dit Li Haichao, joint à son université du Sichuan, dans le sud-ouest du pays. Le professeur Li est co-responsable du chantier de fouille et notamment des recherches sur la tombe numéro 7 (lire l’entretien complet en encadré).

Un ancien royaume oublié

« Dans le passé, nous avons trouvé notamment des figures humaines sur le site : des têtes en bronze, des grands visages allongés ainsi que nombreux vases. Mais tout cela fait partie de ce que nous savions déjà sur cette époque. Ce n’est pas le cas de la tortue et du processus pour la fabriquer. »

Cette tortue ou vaisseau sacrificiel aux quatre poignées à tête de dragon, était probablement recouvert de soie au moment de l’offrande, selon l’agence Chine Nouvelle. Un quart des objets retrouvés sur le site de Sanxingdui sont intacts et mèneraient à la piste de l’ancien royaume des empereurs Shu, il y a 4 500 ans, dont il n’existe pas de traces écrites. Seuls ces objets façonnés par l’homme, il y a plus de 3 000 ans, témoigneraient de l’existence de cette dynastie inconnue qui a produit des figures de guerriers aux grandes oreilles, au nez proéminent et aux grands yeux énigmatiques, dont la plus remarquée porte un masque en or. D’autres statues représentent un serpent à tête humaine, ou encore un dragon au nez de cochon. « Les sculptures sont très complexes et imaginatives, représentant un monde mystique imaginé par les gens à cette époque »,souligne Zhao Hao, professeur à l’université de Pékin et responsable de la fouille de la tombe numéro 8 de Sanxingdui, cité par le South China Morning Post.

Civilisation du fleuve Jaune

Selon certains experts, « le style sculptural développé par les artisans de Sanxingdui et leur expertise technique se distinguent des autres formes d’art chinois de la même époque, notamment celles de la dynastie Shang (1570-1045 avant notre ère). Pourtant, certains artefacts puisent leurs racines dans des objets de l’époque néolithique chinoise, ce qui contredit l’idée que la civilisation chinoise a comme unique origine le fleuve Jaune », note le Vent de la Chine. Une découverte qui ouvre le champ des origines de la civilisation chinoise. L’histoire de la Chine ne serait plus unique, mais multiple. « Cela nous rappelle que les connaissances doivent être constamment mises à jour », estime le journal Guancha, qui s’inquiète du manque d’archéologues dans une Chine où les villes ont poussé plus vite que les forêts, entraînant la multiplication des chantiers de fouilles ces trois dernières décennies.

► À lire aussi : L’oiseau de Lingjing, la plus ancienne œuvre d’art chinoise

RFI : Quelle est la découverte la plus remarquable dans ces plus de 13 000 nouveaux artefacts découverts à Sanxingdui ?   

Li Haichuo : L’une des découvertes les plus intéressantes aujourd’hui est la transenne représentant le dos d’une tortue dans la fosse numéro 7. C’est un artefact important, car on en n’a, jusqu’à présent, jamais trouvé de semblable à Sanxingdui, ni même dans toute l’histoire de l’ère du bronze chinois. Il s’agit d’un objet composite en bronze et jade, avec une grille en bronze à l’extérieur et une structure symétrique en haut et en bas, formant un espace en forme de boîte. La boîte contient elle-même un morceau de jade de grande taille très bien conservé, ce qui, là aussi, est une première. Cet objet remet en cause nos connaissances et nous amène à réécrire cette époque. Quant à la fonction exacte du coffre ? Pour instant, c’est encore un mystère.

Que nous disent ces objets ? 

Ces artefacts, ces reliques nous racontent une ancienne cité fortifiée, qui s’étend sur plus de 10 km2. La découverte remonte à 1929. Un fermier creusait une tranchée. Il est tombé sur un tas de récipients en jade, en cuivre et en pierre. Les fouilles se sont interrompues de très longues années avant de reprendre dans les années 1980 à la suite de la découverte de deux fosses artificielles. Depuis, plus de 50 000 objets ont été découverts à Sanxingdui : des sculptures de grands visages en bronze, il y a aussi de nombreux récipients en bronze, des coupes et des jarres pour le vin. Mais pour revenir à la tortue, si nous trouvons une figure humaine en bronze, c’est bien, mais elle fait déjà partie de nos références. Alors que la forme et la fonction de la transenne de la carapace de la tortue demande de mettre à niveau nos connaissances encore une fois.

La boîte mystérieuse a des poignées en forme de tête de dragon… 

Oui. Et il n’est pas facile de dire exactement quels sont les attributs du dragon. Ce n’est que dans une histoire plus récente que se fait la connexion entre le dragon et l’empereur, dans l’esprit des artisans de la cour en Chine. On pourrait imaginer que la tortue est une sorte de vaisseau en forme de grille à dos de tortue, dont nous supposons maintenant qu’il a eu quatre têtes de dragon, mais dont seulement deux sont conservés. Et nous ne savons pas exactement quel rôle ce dragon a joué dans l’esprit des habitants de Sanxingdui. Mais nous pouvons voir que de nombreux objets sont décorés avec des représentations de dragon, grandes et petites, comme la statue à tête de tigre dans la tombe numéro 8.

À quand remontent ces artefacts ? 

Les fosses sacrificielles de Sanxingdui sont pour l’instant datées de la fin de dynastie Shang (1200-1046 avant notre ère) qui s’est développée depuis les plaines centrales de la Chine, le long du fleuve Jaune. Nous parlons pour l’instant de « culture Sanxingdui », mais il n’y a aucun indice clair quant à savoir si les habitants de Sanxingdui constituaient une communauté à part entière, voire une nation et quel type de relations ils entretenaient avec les Chinois des plaines centrales. Mais il reste beaucoup de choses à découvrir. L’exploration du site en plusieurs phases va se poursuivre au moins jusqu’à la fin de cette année.

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 255

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Jean François Dron
    Jean François Dron

    C’est vraiment passionnant. Je recherche tous les volumes en français qui traitent des royaumes combattants.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.