Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Voilà pourquoi vous devez aller voir “un autre monde!”

Parce que c’est un film qui parle de ce où nous en sommes tous, il a été acclamé par la critique internationale à juste raison. il est le dernier maillon d’une chaîne de films de Stéphane Brizé avec entre autres Vincent Lindon, qui a commencé avec La loi du marché (2015), puis En guerre (2018), comme La loi du marché il décrit la violence et la folie d’un plan social, pour les ouvriers, mais aussi pour les cadres chargés de le mettre en œuvre et qui considèrent que non seulement il détruit les hommes mais n’a aucune logique pour l’entreprise elle-même et donc est le simple prélude à une délocalisation. Mais le film va plus loin, il choisit le pari de la fiction pour nous faire percevoir qu’il n’est plus question d’aménager, d’organiser même une simple résistance, il faut envisager un autre monde…

Résumons rapidement le scénario : Philippe Lemesle a 57ans, de l’extérieur il présente tous les signes de la réussite. Il est cadre dirigeant d’un groupe industriel américain, il a une femme qu’il aime (Sandrine Kiberlain), deux enfants, un bel appartement et une résidence secondaire. D’ailleurs dès le début nous n’ignorons rien de son patrimoine puisque sa femme demande le divorce et que les avocats s’affrontent autour du partage des biens. La procédure est interrompue quand le fils fait une crise d’autisme. C’est l’enfant symptôme, celui qui craque devant l’injonction que représente le père qu’il aime : “Deviens performant et Mark Zuckerberg te recrutera pour facebook”. C’est sa forme d’hallucination .

Au plan professionnel, le groupe américain et sa représentante pour l’Europe exigent pour le bénéfice des actionnaires un nouveau plan de restructuration et Lesmesle, qui reste le plus souvent tendu, silencieux et n’intervient que pour tenter de transformer la logique qui le broie, lui et les autres, doit faire appliquer cette décision. Il sait qu’elle va à l’encontre des intérêts des salariés mais même de la survie de l’entreprise, il ne peut pas assumer. Dans un véritable conflit de loyautés, il tente de proposer une autre logique qui lui permettrait de sauver tout ce qui part à la dérive autour de lui, sortir de cet étouffement. D’ailleurs apparemment à la fin il choisit la rupture, se dégager de ce piège qui le détruit et assumer cet enfant-là en crise d’autisme, ce n’est pas rien. Cet enfant est la pièce centrale de l’effondrement du père, de son couple, de l’entreprise, de sa dignité et il accélère dans l’intime de la famille l’impossibilité de ce monde-là. Peut-on sortir de ce monde-là? C’est toute la question en tous les cas pas par une décision individuelle et c’est peut-être ce que dit le fils, quand il se reconstitue à travers une pièce de théâtre où il manipule dans un dernier plan une marionnette: est-ce que le happy end de la famille sauvée parce que le père s’est ressaisi n’est pas l’ultime leurre ?

Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit et qui rend ce film urgent à voir : nous sommes arrivés au bout d’un système, ce qu’un marxiste appelle un mode de production, et qu’on laisse dans le flou conceptuel du “système” : ceux qui refusent de continuer comme ça, ce sont les ouvriers les sacrifiés, ceux que de plan en plan on a réduit à la portion congrue et qui n’en peuvent plus comme à l’hôpital sous COVID. Ce ne sont pas ceux qui disjonctent le plus, eux ils sont encore dans la réalité des corps, alors que ce qui est au-dessus d’eux a complètement perdu le sens de la réalité de ce qu’ils sont sensés produire, comme l’enfant. Nous sommes dans un au-delà de ce que décrit Ken Loach, et qui en général concerne la destruction programmée du monde ouvrier, le mal est remonté plus haut, il atteint tous et toutes et même le grand patron américain qui lui aussi reconnait n’être qu’une marionnette manipulée par Wall Street. Il y a d’ailleurs dans cette scène de la vidéo conférence un grand moment de bascule, qui fait que Stéphane BRIZE, le réalisateur réussit ce que Nanni MORETTI a raté, la représentation du caractère invivable pour tous de ce système : l’absence totale de sentimentalité, la brutalité des Etats-Unis et la révélation de ce qu’est un professionnel du capital, dans l’entreprise comme à Hollywood. Celui qui joue le PDG, le Méphisto du système est dans la vie un véritable PDG, Jerry Hickey.

C’est là que le cinéma, le film, joue le rôle qui doit être le sien, celui d’une catharsis qui ne se contente pas de purger les passion mais nous invite à la prise de parti. J’ai repensé à Fritz Lang, à la rencontre que fut pour lui les Etats-Unis, le naturel de ce qui restait encore allégorique dans les films allemands, les chefs d’œuvres que sont pourtant METROPOLIS, Mabuse et M le maudit. Aux Etats-Unis, à Hollywood, il découvre le mal, le capitalisme à son état naturel, sans parade, sans truquage, il n’était plus besoin du nazisme, ce pays l’avait intériorisé et il suffisait simplement de montrer la violence brute partout et toujours du quotidien y compris dans les objets, là c’est l’ordinateur. Stephane Brizé dans cette scène de la vidéo conférence va jusqu’à la force brute du cinéma américain. Quand après avoir couvert d’éloge les deux cadres français qui proposent une alternative ingénieuse au plan de licenciement, le grand patron crie “I don’t give a fuck” et parle de ce qui le domine lui-même “wall street”, la financiarisation, c’est digne du grand cinéma américain. Ne jamais croire faire de l’art, exercer son métier, être efficace, rentable. Pour faire de la politique, il suffit de décrire la violence, la fin de tout affect et c’est “le veau d’or” Satan qui mène le bal, sans autre décor qu’une vidéo conférence avec des visages mis à nu, des masques fermés et pourtant révélateurs de leur enfer intime, de la corruption exigée d’eux. Nanni Moretti et même Ken Loach sont restés trop européens, alors que dans ce film nous atteignons la violence qui est celle des films américains qui eux-mêmes sont pris dans la même efficacité, la même rentabilité, le même désespoir.

Si je n’ai cessé de penser à Fritz LANG, c’est non seulement parce qu’il y a une rétrospective de son œuvre mais parce que je ne cesse à son propos de repenser à la nécessité de la fiction pour dire le vrai. Son rapport à Brecht mais aussi à Godard à ce sujet, le documentaire est une étape, mais seule la fiction qui sollicite l’émotion et l’identification du spectateur (la catharsis) est VRAIE (1). Est-ce que la fiction, le retour au lieu traumatique où se libère la parole qu’est ici la cellule familiale et son étouffement, sa destruction aide à la prise de conscience politique ou se contente de nous purger de nos angoisses ? Sommes-nous plus près de Brecht ou de FREUD ? j’ai beaucoup travaillé cette question à propos du film dans lequel Brecht et Lang se sont rencontrés dans une lutte commune contre le nazisme (2), je pense qu’ici aussi il y retour au politique par le choix de la fiction, du “mentir vrai” d’Aragon.

Le film de Stéphane Brizé semble dans le prolongement de tous les autres qu’il a fait, on y retrouve cette préoccupation sociale, mais aussi le même système des acteurs mêlés à des gens qui jouent leur propre rôle, et son acteur fétiche toujours aussi dense, tendu, Vincent Lindon. Pourtant un seuil est franchi qui rend ce film différent des autres, le rôle essentiel de la fiction. La cellule familiale est justement ce lieu fictionnel, qui nous oblige à l’empathie et qui montre à quel point rien ne peut être sauvé de ce monde-là et l’enfant en est le symptôme. Dans la fiction on ne peut pas dire toute la réalité, mais celle-ci est incroyable et nous empêche de nous identifier. Parfois, on prend des morceaux de cette réalité-là, quand Marie DRUCKER la PDG pour l’Europe ou qui voudrait l’être, excellente dans le rôle, prononce cette phrase: “Tout est précarité dans la vie, l’amour, la santé et donc pourquoi pas le travail”, elle emprunte ce constat à madame Parizot du MEDEF. Mais tout ne peut pas être dit ce serait trop.

Si j’osais… Mais je vais oser: ce film vous explique mon choix de soutenir à fond la campagne de Fabien ROUSSEL alors qu’est intervenu pour moi un divorce définitif avec le PCF. Un divorce bienveillant comme celui qui peut exister au sein du couple, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’enfer pour certains individus dont je fais partie dans l’aspect familial de l’organisation. L’humiliation permanente infligée est insupportable, destructrice de tout ce qui vous a créé. Alors pourquoi malgré le divorce cet engagement? Un peu comme dans ce couple, parce que je sais que c’est pour avoir voulu composer avec une résistance qui n’en a pas été une que le parti “révolutionnaire” est devenu ce qu’il est. Parce que je ne suis que trop convaincue que le monde capitaliste, l’accélération de son autodestruction des individus, de l’environnement est inexorable dans ce système-là. On ne peut rien rafistoler. Le COVID l’a révélé. Les propositions réformistes sont comme le film de Nanni Moretti, un épuisement quand cela ne tourne pas au patronage de Guédiguian. La campagne de Fabien Roussel, (le sait-il lui-même?) reflète cette exigence ouvrière, populaire, qui ne peut plus accepter parce qu’ils ont encore la force d’exiger la vie, celle des corps, et c’est la seule chance d’un autre monde. La fascination que semblent éprouver certains journalistes devant le candidat communiste tient à l’ébranlement des consciences devant l’impossibilité de ce qui est exigé d’eux et peut-être comme le cadre du film, au sentiment que l’on ne peut pas continuer comme ça. Paradoxalement, est-ce que dans un premier temps ce ne sont pas eux les plus sensibles à la nécessité du “roussellement”, à la duperie du “ruissellement”. Le monde ouvrier qui n’a plus rien à perdre, est dans la ténacité, dans le doute face à ces gens-là. Mais c’est le seul chemin existant. Peut-être parce que je vis la manière dont nos enfants disjonctent, des éclopés que l’on pense faire revenir à coup de médicaments, le pessimisme est un luxe que je ne peux pas me permettre et je me dis il y a là une bouche d’aération et il faut tenter de respirer, on ne peut pas renoncer à ce possible.

VOILA pourquoi vous devez aller voir ce film… parce qu’il vous dit avec beaucoup de “métier” l’impossibilité de continuer comme ça, au plus intime de nous-mêmes.
Danielle BLEITRACH

(1) La catharsis, du grec ancien κάθαρσις, « purification, séparation du bon avec le mauvais » est un rapport à l’égard des passions, un moyen de les convertir, selon ARISTOTE relative à la rhétorique, à l’esthétique, au Théâtre et à la politique. En psychanalyse, la catharsis est une remémoration affective et une libération des passions. Brecht va apporter à la catharsis une dimension “distanciation” qui évite la fascination pour créer une lucidité qui loin d’anesthésier aide à l’intervention politique.

(2) Danielle BLEITRACH :  Bertolt Brecht et Fritz Lang. Le nazisme n’a jamais été éradiqué, avec Richard Gehrke, Nicole Amphoux and Julien Rebel, La Madeleine, LettMotif, 2015, 410 p. (essai)

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3 Commentaires

  • YannickH
    YannickH

    Brassen disait : “Les mots sont une source de malentendu”
    Ce à quoi Ferrat : répondit “Il y a une définition de chaque mot, il y a une confusion …”
    Plus nous nous exprimons de manière dématérialisée* sur les réseaux, plus il y a source d’incompréhension et de conflits.
    (*pas non plus le bon terme car une discussion de visu peut aussi être considérée comme dématérialisée)

    Merci pour ce conseil cinéphile, bien que je ne partage pas toujours le même point de vue (<20% du temps), tes articles sont toujours un véritable plaisir à lire et une source de réflexion pour la journée.

    Cela fait plusieurs fois que tu fais étalage de ta déception à propos de la trajectoire de Nani Moretti. Je savais que ce bourgeois mais pourtant larmoyant “Tre Piani” me rappelait quelque chose, cependant mon cerveau ne parvenait pas à faire le lien et aujourd’hui j’ai eu le déclic. Il me fait penser à certains passages de ton autobiographie où tu nous racontes la vie relativement bourgeoise (appartements luxueux, voyages, …) des cadres PCF et de leur famille.
    Quand je compare les conditions de vie de mes camarades, nous en sommes aujourd’hui bien loin matériellement mais aussi au niveau de l’action qu’il nous est accordée.
    Moretti ne fait que transposer avec 3 ou 4 décennies de décalage son histoire et inverse (à mon sens volontairement) les rôles entre parents et enfants.

    J’ajouterai que Mitterrand, une fois au pouvoir, n’a pas cherché à flinguer le mouvement communiste, il avait certainement d’autres choses à réaliser.
    La leçon de socialisme qu’il donne à Gorbatchev depuis Latché est un cas d’école.
    Je crois surtout que les socialistes et communistes qu’il a porté aux responsabilités n’ont tout simplement pas eu le courage, les compétences ou la capacité de prendre des mesures favorable au prolétariat
    40 ans plus tard il est encore plus facile de le constater, les grandes réalisations se comptent sur les doigts d’une main. Il reste quelques belles réalisations dont le statut de la fonction publique d’Anicet Lepors qui reste une épine de taille pour nos libéraux au pouvoir.
    Au final le bilan de l’action réalisée reste décevant et quasi systématiquement les enfant de ses figures de la cause prolétarienne ont adhéré aux thèses libérales voir à l’anti communisme et l’anti syndicalisme (Schiappa, Mazauric, Rol-Tanguy …)

    Fabien Roussel est compétent et bon orateur mais pourquoi ne parle t-il pas ouvertement de dictature du prolétariat, de lutte des classes, d’inégalités sociales, qu’il supprime toutes les icônes du socialisme réél au PCF et semble même euro compatible ?
    Monter le SMIC c’est bien mais si les conditions de travail se dégradent comme ce fut le cas avec les 35 heures, les prolos ne sont pas prêt à en payer le cout, en est il conscient ?
    Combien de temps partiel subit seront créées afin de maintenir une masse salariale identique ? C’est même bon pour l’économie car une plus forte productivité horaire augmentera les investissements étrangers.
    Évidemment les cadres seront intéressés pour travailler moins. L’exemple de la Fonction Publique qui a supprimé 2 postes d’employés pour créer 1 poste de cadre depuis 20 ans dans l’indifférence générale n’est malheureusement pas bien glorieux. Humiliation ultime le recours aux cabinet de conseil pour réaliser le travail de ces mêmes cadres.

    Si une société smicardisée peut aussi être une stratégie afin de parvenir à la victoire de la révolution, une fois que 50% de la population sera payée au salaire minimale, nous aurions une plus grande cohésion pour renverser le système.
    Concrètement le rapport de force laisse entendre que c’est le système fiscal actuel qu’il faut modifier en profondeur. Le XXIe siècle a accouché d’une classe d’héritiers (contre une classe de rentiers au XIX-XXe).

    N’oublions pas que son lieutenant Ian Brossat, qui préfère tout à un Mélenchon au second tour, politicien professionnel n’a récolté que le même nombre de votes qu’un obscur parti animalier représenté par une tête de chien, et ce malgré une campagne motivée similaire à celle de Roussel.

    A mon sens le PCF s’est tourné vers un communisme de vitrine qui va survaloriser certaines actions individualistes (création de quelques centaines de logements HLM au centre de Paris) mais va laisser de coter la cause sociale et l’explosion des inégalités.
    Combien de cadres PCF et CGT ont travaillé une majorité d’années en entreprise pour un SMIC ? Ces outils de la classe ouvrière se sclérosent au même titre que l’URSS des années 80, pas besoin de s’appeler Madame Irma pour connaitre la suite.

    Nous ne pouvons que nous féliciter lorsque Mélenchon n’hésite pas à faire “peur” à des flics aux manières peu orthodoxes ou à des huissiers du dimanche ainsi qu’à des millionnaires toujours plus gourmands. La plus grande violence est sociale et elle n’a fait que s’accentuer depuis le covid. Pire cette violence est même intériorisée par le plus grand nombre. Dire qu’il y a 20 mois nous rêvions tous du monde d’après, désormais des travailleurs, plus ou moins bien informés, perdent leur travail sans pouvoir prétendre au chômage.
    Une quasi majorité de français ne peut se loger convenablement, ne peut plus voyager pour raison financière ni même accéder à une offre culturelle convenable. Bien joué Fabien d’avoir évoqué la malbouffe mais ça ne fait pas tout ! A coup sur tu ferais un tellement meilleur ministre de l’économie que président de la république, pourquoi s’acharner à ce mandat au moment où Mélenchon peut l’emporter ?

    Paradoxalement c’est l’économiste Daniel Cohen, qui s’avère le plus virulent à renverser le système, évoquant la nécessité de repenser la société en terme de besoins sociaux ou besoins fondamentaux, comme quoi il restera toujours des réjouissances (interview sur France Culture et France Inter)

    PS : tombé par hasard sur des enregistrements de Paul Vaillant Couturier, je ne parviens pas à trouver ses bouquins, j’ose espérer que la taulière de ce site pourra me conseiller.

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  • YannickH
    YannickH

    Film désormais vu et petit compte rendu supplémentaire afin de saluer l’œuvre de Stéphane Brizé (le temps de faire cuire les pâtes)

    Le film est intéressant car il offre de multiples grilles de lecture selon la sociologie du spectateur. Manque de bol, la sociologie du spectateur parisien pour un film français n’est guère variée, âgée et aisée qui ne perdra pas son temps à écouter Anne Sylvestre au générique de fin, si bien que je n’ai que ce “forum” pour partager mon expérience.

    Tout d’abord le format du film sort des sentiers battus : un film social mettant en scène un bourgeois. Vont ils essayer de nous rendre sympathique les Xavier Broseta (DRH d’air France) et son acolyte Pierre Plissonnier (encore un fils de la bonne école communiste qui doit décevoir le pater) célèbres pour avoir déchiré une chemise ?
    L’avantage c’est que Vincent Lindon est plus crédible en bourgeois qu’en ouvrier.

    Rapidement pour compléter la critique de Danielle, l’ouverture du film se focalise sur une photo de famille lors de la remise de diplôme de la fille.
    Photo des plus banales mais qui contient de nombreux détails et qui est en réalité le véritable fil rouge du film, elle reparaitra plus tard. (clin d’œil à Shining de Kubrick ?)
    Déjà elle est le seul moment où la famille apparait unie.
    Ensuite elle pose, à mon sens, le problème majeur du film, l’importance du diplôme dans la société française. La France possède cette particularité d’être le seul pays ou un diplôme d’ingénieur assure un statut d’ingénieur à vie. En effet chez nos voisins anglo saxons les postes d’ingénieurs sont ouverts à des diplômés d’universités et nécessitent un période d’essais.
    Le drame du film en découlera directement, la schizophrénie du fiston obsédé par l’obtention de son diplôme, véritable sésame vers le monde bourgeois (emploi de direction chez facebook).
    Idem pour les DRH du film dépassé par l’indécence des capitalistes et l’irrationalité du modèle.

    Mais contrairement au titre “un autre monde”, le film va s’attacher à déconstruire l’opposition entre élites cultivées et prolos vulgaires. En effet la vie du DRH, jouée par Vincent Lindon est d’une médiocrité complète et ne tient qu’au fragile équilibre que lui apportait sa femme. Une fois le lien rompu, sa vie ne se résume qu’a éteindre les nombreuses lumières de sa trop grande maison et à stabiloter des feuilles de papier jusqu’à pas d’heures. Incapable même de régler son divorce à l’amiable malgré la meilleure volonté des deux partis.
    Ses collègues sont tout aussi ringardisés et incompétents, prêt à toutes les roublardises et individualités pour faire carrière.
    A contrario les ouvriers apparaissent unis et d’avantage épanouis, allant même jusqu’à le piéger à son propre jeu de l’entretien. Tout comme l’ouvrier commet une erreur en désactivant la sécurité afin de gagner un peu de temps, le DRH reçoit une délégation d’ouvriers seul, faute qui va s’avérer fatale.

    Pour le rapprochement avec Fabien Roussel, la principale similitude que je constate c’est l’omniprésence du premier rôle masculin. C’est certainement un style assumé que de ne s’intéresser à 90% à Vincent Lindon mais c’est aussi diamétralement opposé au film de Nani Moretti Tre Piani qui nous propose a minima 6 personnages sur un plan d’égalité.
    Finalement les 2 films se complètent, Moretti de manière romanesque tandis que Stéphane Brizé percutant dans la fiction concluent sur l’évasion. Avant ça tous les deux nous révèlent les vices, la médiocrité et la solitude du quotidien des soit disant élites sociales qui jouissent alors d’un confort indécent par rapport à leur mérite et leur travail.
    La solution au mal de nos sociétés capitalistes est malheureusement connue de longue date mais la réduction des inégalités socio-économique ne semble pas être pour demain.

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    • Daniel Arias
      Daniel Arias

      Certains de ces cadres dirigeants ont bien conscience que ça ne tourne pas rond.
      Dans mon ancienne société de service en informatique, le chef de notre agence touchait 150 000 euros par ans, plus frais de déplacements et de représentations divers, voiture de fonction, bref une vie matérielle bien pleine, nommé dans notre agence il s’était acheté un magnifique appartement de 200m².
      Ce dirigeant avait pour diplôme un BAC+2 arrivé à la belle époque de l’informatique il a gravit les échelons.
      Plutôt sympa avec ses “collaborateurs”, il était cependant bourré tous les jours dès le midi, bouteille de Whisky dans le tiroir en permanence.
      Lors de la première vague de licenciements dans l’agence, oui ça licencie aussi dans l’informatique, ils nous avait tous convoqué individuellement, il me racontait son malaise à virer des gens ; je crois qu’il était sincère. Quand je lui avait fait remarqué qu’il était payé pour assurer ses responsabilités et demandé ce qu’il faisait pour éviter cette situation, silence complet.

      Par contre pour le deuxième licenciement de belles ordures venues du siège ont fait le déplacement pour faire le ménage, ceux-là ne semblaient pas avoir le moindre remord, le visage même du fascisme sans fard.

      Dans la banque aussi j’ai rencontré des cadres qui voyaient d’un mauvais oeil la déshumanisation imposée par l’informatique et la spéculation massive dans la finance ; cela ne les empêchaient pas de voter et militer pour la droite.

      Comme une grande masse des enseignants se plaignant des élèves en difficulté qui ne “veulent” pas travailler ; enseignants pour une grande part anti communistes ignorant l’apport des communistes dans l’éducation et la construction d’une égalité réelle.

      Ces élites ne comprennent et ne veulent comprendre que le communisme peut leur permettre l’épanouissement à eux comme aux autres.
      Ils sacrifient stupidement leur avenir et celui de leurs enfants, croyant qu’il suffit d’un diplôme et de “bien travailler” pour avoir une place assurée.
      Au prix de combien de dépressions, de suicides, de vies brisées ?
      Une vie d’esclave privilégié, avec pour religion le “Mérite”.

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