Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le Pr Lamine Ndiaye, un sociologue pour penser la Chinafrique

Dans les contes de fées et les comptes de faits, ce sociologue s’est confié à Alhassane Diop pour ChineMagazine.Com. Il y a bien longtemps, dans le siècle dernier, j’avais coutume de loger à l’université de DAKAR et d’avoir dans le centre de restauration de l’université de grandes conversations avec mes collègues en sciences humaines, en particulier SEMOU PATHE GUEYE, sur le développement de l’Afrique et son autonomie, mais ce fut à Cuba que j’ai découvert grâce à Fidel la possibilité de nouveaux rapports sud-sud et le rôle de la Chine, il était beaucoup plus question alors de se tourner vers les Etats-Unis dont commençaient à affluer les touristes afroaméricains et les propositions de bourse. Quelle évolution mais l’interview en montre aussi les limites, pour un peuple aussi polyglotte que les sénégalais la pénétration reste limitée par rapport non seulement au français et à l’anglais mais même à l’allemand, les élites comme le grand public de ce pays restent encore polarisés vers l’occident… Et les élites vers leur promotion personnelle comme les a habitués la France.. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

photo: le Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Rose, au Sénégal construit par la Chine ; comme le note l’interview, la CHINE joue le culturel au Sénégal ce qui est logique dans le passé de capitale et centre politique de l’AFRIQUE DE l’OUEST de la francophonie…

C’est dans ce lieu d’habitude animé que nous avons retrouvé le nouveau directeur de l’Institut Confucius de Dakar, en cette période de grandes vacances scolaires.
De commerce facile, dans un style vestimentaire assez décontracté, Pr Lamine NDIAYE a profité de cette
tribune pour installer son lectorat dans le temps de la Chine.
Chez ce sociologue, penser la Chinafrique dans les contes de fées et les comptes de faits trouve tout son sens. Sans langue de bois, il ne rechigne point à apprécier positivement les réalisations de Pékin en terres
sénégalaises tant il est connu que celui qui paye l’orchestre choisit la musique. Jadis, 18ème université
francophone, l’UCAD a longtemps trainé l’image d’une institution dans l’escarcelle de la doxa française.

Présentez-vous, s’il vous plait!


Je m’appelle Lamine NDIAYE. Je suis Professeur titulaire de sociologie et d’anthropologie au département de sociologie de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) et, par ailleurs, Directeur exécutif de l’Institut Confucius de Dakar, depuis le mois d’avril 2021.

Quelle est la vocation de l’Institut Confucius et quelles sont les réalisations depuis sa création?


Il y a une double vocation de l’Institut Confucius. C’est à la fois un institut de valorisation de la langue et de la culture chinoise ainsi que de la recherche telle que vue par le Sénégal et la Chine qui, de concert, se chargent de la formation pédagogique des étudiants sortis de l’institut avec des diplômes de haut niveau en Agriculture et innovation sociale, en Entreprenariat général, en Management du pétrole et du gaz, entre autres.

À cette date, quel est le niveau de pénétration du mandarin au Sénégal ?

Il est très faible car tout se fait au niveau de l’Institut Confucius. Nous devrions avoir des relais dans les régions. Il n’est pas exclu que cela fasse partie des projets de la diplomatie chinoise. La meilleure façon de vulgariser une culture est de faire en sorte que la langue et certaines activités culturelles fondamentales soient bien implantées partout. Avec un nombre d’étudiants tournant autour de 300, il va sans dire que la vulgarisation n’est pas encore réelle. Tout de même, je dirais que nous sommes sur la bonne voie. Pour preuve, les multiples sollicitations que nous recevons des autres institutions. C’est le cas du CESAG dont on ne doute pas de la qualité en matière de formation, en Afrique. Cet exemple est assez révélateur de
l’intérêt que présente le mandarin dans la diplomatie et la formation. À côtés de ces clients business, nous recevons aussi des particuliers et des membres du gouvernement qui viennent payer de leur poche
pour bénéficier de la formation. Il est maintenant temps de déployer nos enseignements dans les
régions. Je reste convaincu que pour qu’une politique prospère, il faut nécessairement des
moyens.

Quel sera votre approche en tant que sociologue?

Si l’actuel recteur, le Professeur Ahmadou Aly Mbaye, m’a fait confiance, c’est, sans doute, parce qu’il pense que je serais à la hauteur. En tant qu’anthropologue, je ferai de mon mieux pour mériter cette confiance. Et, de ce point de vue, ma touche sera de faire bénéficier, au mieux, à mon pays de l’expérience de la Chine. Sous ce rapport, je ne ménagerai aucun effort pour que cet objectif soit atteint. Surtout que c’est dans l’ordre du très possible.

Pourquoi un Centre culture étranger dans l’enceinte de l’université ?

Aussi atypique que cela puisse paraître, il me semble tout à fait normal qu’il y ait un centre culturel
étranger à l’intérieur de l’UCAD. Convenons que l’université doit être le symbole de l’ouverture. Il
faut aussi comprendre que lorsqu’on est dans la langue, on est dans le culturel. L’université est l’espace le mieux indiqué pour accueillir tout ce qui tourne autour de la connaissance et de la culture. C’est un milieu de culture et d’échange. Si l’échange n’est pas à l’œuvre à l’université, c’est que cette dernière a raté sa vocation. Il est même heureux d’avoir un Institut Confucius dans l’enceinte universitaire. Pourquoi cela pose problème dans un espace où d’autres langues étrangères y sont enseignées comme l’anglais ? L’arrivée du mandarin ne fait que nous enrichir culturellement et montrer notre aptitude à nous ouvrir à l’autre ou aux autres.

À quand une chaire de sinologie à l’UCAD ?


Cela ne tient qu’à l’intérêt que la Chine porte à la vulgarisation de sa culture. Si elle veut faire profiter à l’Afrique de sa science et de son développement, il faudra qu’elle mette autant de moyens que l’Occident d’autant plus qu’elle a bien compris que les rapports de force ont changé. Il faut donc pérenniser ce rapport de coopération «gagnant-gagnant» que d’aucuns trouvent strictement théorique au vu de la réalité.
Personnellement, je préfère travailler avec quelqu’un qui m’exploite modérément plutôt que de coopérer avec une sangsue. C’est une question de choix. La Chine, de toutes les manières, est contrainte de nous traiter d’égale à égale car elle a besoin de notre marché, du marché mondial. Aujourd’hui, ne parle-t-on pas de la Nouvelle route de la soie ? La Chine, voici un pays qui est passé, en si peu de temps, du statut de pays pauvre à celui de pays développé. Cela est juste fascinant. Donc, il faut travailler avec les Chinois. Ainsi, nous sera-t-il beaucoup plus facile de nous inspirer d’eux.

Comment expliquer le fait que les investissements chinois au Sénégal soient majoritairement culturels?

C’est tout à fait normal. Vous savez, le bâtiment est l’un des meilleurs moyens d’immortaliser une chose, une culture, de s’inscrire dans l’histoire. C’est certainement ce que la Chine a compris quand elle a décidé de construire des édifices, tels que le Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Rose, le Musée des Civilisations Noires, l’Arène Nationale ou encore le Stade de Pikine. C’est une bonne et belle coopération, non ? Aussi, c’est ainsi qu’elle pourra asseoir sa culture de manière plus durable car les symboles sont beaucoup plus forts
que les discours.

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2 Commentaires

  • marsal
    marsal

    La manière dont les médias occidentaux rendent compte de l’ouverture historique de la première ligne de chemins de fer Laotiens est proprement hallucinante. On nous fait même le décompte des 4415 agriculteurs laotiens expropriés. Et bien sûr, si la Chine investit au Laos, c’est pour piéger ce pays dans une trappe d’endettement …
    Personne pour rappeler que la Grêce ne paiera certainement pas cash les avions rafale qu’elle a acheté à la France, comme tant d’autres pays qui ont subi et subissent encore les plans de restructuration du FMI pour avoir acheté du matériel d’armement totalement inutile. C’est incroyable.

    Tant de pays africains ou asiatiques qui se sont endettés auprès de l’occident, souvent dans desconditions très opaques, et pour lesquels AUCUNE infrasctructure n’a jamais été construite !! Combien de km de chemins de fer modernes en Afrique après plusieurs décennies de “coopération” ? (Quand je dis moderne, je ne parle pas de Lignes à Grande Vitesse – la ligne laotienne n’en est pas une – ni même de lignes électrifiées – la ligne laotienne l’est), je parle juste de voies de chemins de fer à écartement standard …) Aucune, rien, nada.
    Mais l’arrogance occidentale n’est pas à cela près …

    Tant de mauvaise foi montre en réalité ce que l’on veut cacher. Ce que l’on reproche à la Chine, précisément, c’est de permettre à des pays que nous avions condamné au sous-développement de franchir le plafond de verre que nous leurs avions assigné. De se libérer à leur tour du néo-colonialisme.

    Ici, peu de gens le comprenne. Mais la majorité du monde, qui n’a pas aujourd’hui droit à la parole, confisquée par l’occident (qui se prétent à lui seul la “communauté internationale”), le comprend parfaitement. Les actes parlent d’eux-mêmes et les mensonges de nos bourgeois finiront dans les poubelles de l’histoire.

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    • etoilerouge6
      etoilerouge6

      le simple concept
      d’occident est identique à fanatisme

      Répondre

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