Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Curiosité : pour ou contre l’euthanasie ?

Curiosità
17 juin, 22:18 ·

Il y a quelques décennies en Sardaigne, on pratiquait l’euthanasie. C’était le travail de ′′sa femelle accabadore ′′ de procurer la mort à des personnes agonisantes. Notons que la question de l’euthanasie se pose comme pour Pétrone chez les très riches dans les sociétés décadentes en liaison avec la philosophie stoïcienne que j’ai au fil du temps découverte comme très surfaite et permettant à de parfaits imbéciles de ramener leur ego surdimensionné. Pourtant il semble que l’euthanasie se soit pratiquée dans les couches populaires faute de secours médicaux… un peu à la manière dont on achevait les chevaux… Mais avec des personnages mythiques proches des parques…(note de Danielle Bleitrach)

L’accabadora était une femme qui, appelée par la famille du malade en phase terminale, devait le tuer en mettant fin à sa souffrance. Un acte pitoyable à l’égard du moribond mais aussi un acte nécessaire à la survie des proches, notamment pour les classes sociales les plus démunis : dans les petits pays loin d’un médecin, de nombreux jours de cheval, son intervention servait à éviter de longues et atroces souffrances au malade.

La femelle accabadora arrivait toujours dans la maison du mourant la nuit et, après avoir fait sortir la famille qui l’avait appelée, elle entrait dans la chambre de la mort : la porte s’ouvrait et le mourant, de son lit d’agonie, la voyait entrer en noir, avec le visage couvert, et il comprenait que sa souffrance était sur le point de s’arrêter.
Le malade était achevé avec un oreiller, ou la femme frappait le coup de ′′ Sur mazzolu ′′ provoquant la mort.
L’accabbadora partait aussi silencieusement qu’elle était venue sur la pointe des pieds, en ayant accompli une mission, et les membres de la famille du malade lui exprimaient une profonde gratitude pour le service rendu à leur proche en lui offrant des produits de la terre.

En Sardaigne, l’accabbadora a exercé jusqu’à il y a quelques décennies, notamment dans le centre-nord de l’île. Les derniers épisodes connus de ‘ ‘ accabadura ‘ ‘ ont eu lieu à Luras en 1929 et à Orgosolo en 1952. Au-delà des cas documentés, un grand nombre de cas relèvent de la transmission orale et des mémoires familiales. Beaucoup se souviennent d’un grand-père ou d’un arrière-grand-père qui a eu affaire à la dame habillée en noir.
Son existence a toujours été considérée comme un fait naturel, comme la sage-femme qui aidait à naître existait, il existait une accabadora qui aidait à mourir. On dit même que c’était souvent la même personne et que sa tâche se distinguait de la couleur de la robe (noire si elle portait la mort, blanche ou claire si elle devait faire naître une vie).
Cette figure, expression d’un phénomène socio-culturel et historique, est la pratique de l’euthanasie et dans les petits pays ruraux

(1) Le terme ′′ accabadora ′′ vient de l’espagnol ′′ acabar ′′ qui signifie finir.


‘ (2) ‘ Sur mazzolu ‘ ‘ était une sorte de bâton spécialement construit à partir de branche d’olivier de 40 cm de long et de 20 de large, avec un manche qui permet un maniement sûr et précis.

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2 Commentaires

  • Chabian
    Chabian

    Curieux et passionnant comme ethnologie. La région nord de Sardaigne fut durant un temps aragonaise-catalane. Cela parait être un savoir-faire populaire et féminin, une sagesse des femmes qui s’est transmis durant les siècles, une tradition puissante et légitime malgré une forte imprégnation catholique des deux pays. Il faudrait en savoir plus (il y a un roman en français et un musée à Luras -Sardaigne). Après avoir été totalement réprimée (sauf dans ce cas-là), l’euthanasie est devenue, là où elle est autorisée, un pouvoir des médecins et des lors un contrôle collectif de l’acte et de l’éthique (et c’est un peu normal). C’est une dépossession. Dans le cas de la Sardaigne, c’est la famille qui y fait appel. Et l’accoutrement de la femme (cape noire cachant le visage) fait penser au personnage de la mort, mais aussi de la sorcière, au sens premier du terme (avant le dénigrement religieux).
    La question n’est donc pas “Pour ou contre” mais qui demande, qui décide et à quelles conditions.

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    • Danielle Bleitrach

      vous avez parfaitement compris ce qui m’a intéressé dans cette histoire : face à cette “institution” j’ai pensé au suicide de Pétrone dans Quo Vadis. celle d’un romain décadent face à la chute de l’empire mais aussi du mode de production esclavagiste,il meurtavec son esclave aimée qu’il a affranchi et à qui il a légué sa fortune mais qui veut partager son sort, il se faitouvrir les veines par son médecin particulier et se fait mettre un garot qu’il ouvre et ferme pour mieux goûter une dernier banquet et les musiciens… Pétrone, arbitre des élégances méprise Néron, la barbarie impériale et il n’a rien de commun avec le monde qui nait avec le christianisme… son suicide euthanasie est plein de morgue, de distance, je pense à AxelKhan… Mais il demeure celui d’une “élite” dont la légitimité disparait… A côté de cela il y a ce que vous soulevez l’euthanasie qui est celle contrôlée par le groupe non seulement la famille mais le village qui juge du bien fondé d’untel acte… Cet acte me rappelle les travaux de l’historien italien trés influence par le marxisme comme Vovelle travaillant les mentalités collectives Carlo Ginzburg. La manière dont il rattache ces pratiques à des temps immémoriaux des mythes méditerranéens. ici on pense bien sur aux parques ces déesses qui tissent la vie de chaque être humain et en coupent le fil…

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