Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Une stratégie à trois piliers pour dégonfler la Chine ou comment l’impérialisme peut recomposer son dispositif

Désormais chaque événement y compris apparemment interne à la France, devront être vu à travers le prisme tel qu’il est décrit dans cet article, faute de quoi on n’en percevra pas la logique. Nous sommes passés dans une autre période que celle entamée en 1973 au Chili, ce qu’on a appelé le néo-libéralisme et qui s’est accompagnée d’une idéologie des droits de l’homme et de la démocratie pour mieux piller les pays du sud et faire pression sur les conquis des pays du nord. Le capital a su utiliser sa propre crise pour mener une offensive réussie contre le socialisme européen avec la fin de l’URSS, et une recomposition du capital autour de la financiarisation. Nous sommes dans une autre phase caractérisée par la fin de l’hégémonie US et la montée en puissance de la Chine avec de nouveaux rapports sud-sud et le développement de mouvements sociaux partout. Cet article, émanant des cercles réactionnaires israéliens propose une stratégie qui se caractérise par une vision politique qui ignore complètement les peuples au profit des “élites” gouvernementales qui demeurent en état de colonisation ou que l’on peut comme au Venezuela prétendre remettre en état de soumission, voire en tablant sur les liens coloniaux par exemple la France qui gérerait le Vietnam. La Russie serait celle que l’on a vaincu avec des oligarques corrompus, un pays maltraité mais qu’avec quelques avantages on peut récupérer. Une telle vision est fascinante de mépris et elle conduit irrémédiablement ceux qui se croient encore au XIXe siècle aux guerres et aux massacres. Comme le dit l’article, en croyant imiter la Chine il faut que l’occident sache renoncer à la démocratie chez ses alliés et sans doute pour lui-même pour conserver sa domination et son exploitation légitimées. Le goût d’une géopolitique et d’une analyse des rapports de forces limités aux dirigeants est ce qui rapproche la social-démocratie de la droite et de l’extrême-droite. Une fois de plus on pense à Brecht : le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie capitaliste il est son prolongement par temps de crise. (note et traduction de Danielle Bleitrach dans histoire et société)

Share on facebook Share on twitter Share on linkedin Share on email Share on whatsapp

Xi Jinping, image via Wikimedia Commons

BESA Center Perspectives Document n° 2 031, 16 mai 2021

RÉSUMÉ: L’Occident est confronté à un défi croissant de la Chine. Il existe plusieurs façons de relever ce défi : élargir, rétablir et approfondir les relations entre les différentes régions du monde; par une approche révolutionnaire à l’égard de la Russie; et, plus radicalement, en agissant comme les Chinois.

Ces dernières années, un virage économique « impérialiste » de la part de la Chine s’est cristallisé parallèlement à un séisme idéologique dans la vision de l’Occident et son rôle dans le monde. Avec Pékin pénétrant les marchés africains et son expansion constante en Asie, son influence sur les économies américaine et européenne a atteint un niveau sans précédent. Les Chinois ont saisi l’occasion présentée par le retrait américain et la préoccupation des grandes puissances européennes face aux défis du terrorisme et de l’immigration clandestine, ainsi qu’à la crise COVID-19. Celui-ci a été engendré par un virus qui est originaire de Chine, mais qui a causé plus de destruction, de perturbation et de détresse à l’étranger que chez eux.

La Chine d’aujourd’hui est peut-être la plus grande menace pour l’hégémonie du libéralisme occidental qui soit survenue depuis l’effondrement de l’Union soviétique il y a trois décennies. L’Occident est confronté à un double dilemme : comment faire face à la menace chinoise d’une part, et comment gérer des relations de plus en plus tendues avec une autre puissance mondiale, la Russie, d’autre part. Les deux pays se méfient de l’Occident.

La solution réside peut-être dans le dilemme lui-même : inoculer Moscou contre Pékin. Ce n’est un secret pour personne que les pays ne jouissent pas de relations chaleureuses. Ils étaient tous deux gouvernés par des régimes communistes lorsque les Américains se sont entendus avec succès avec les Chinois pour repousser les Soviétiques. Cette fois, l’équation peut être inversée.

Compte tenu de la situation, la rhétorique agressive de l’Occident à l’égard de Moscou est difficile à comprendre, car cette approche est un cadeau à Pékin. La Russie ne semble pas représenter une menace directe et imminente pour l’Occident, contrairement à la Chine. Il lui manque les ressources en énergie douce dont jouit son voisin. Contrairement aux Chinois, les Russes ne fabriquent pas de voitures électriques qui peuvent détrôner l’industrie automobile allemande ou Tesla, le pionnier américain. Ce ne sont pas les Russes qui ensemenceront les instituts linguistiques et culturels à l’échelle internationale, comme le font les Chinois par l’intermédiaire de leurs Instituts Confucius. La Russie n’est pas non plus le pays qui est devenu l’une des sources les plus importantes de la technologie de l’IA. C’est Pékin, et non Moscou, qui investit massivement dans les ports du monde entier et met des économies entières à sa merci alors qu’elle est en train de devenir la première économie mondiale en l’espace de quelques années. L’écart démographique entre les deux pays est également énorme : la population russe de 144 millions d’habitants est un dixième de celle de la Chine.

Le contraste est également considérable à un niveau moins visible. Là où la Russie est lente et même inerte, la Chine est expansionniste, active et vorace. Ainsi, la même chaussure ne chausse pas l’un ou l’autre pied. L’Occident peut vouloir remodeler sa politique et favoriser une approche de colonisation avec Moscou fondée sur des intérêts communs, ouvrant la voie à consacrer des efforts conjoints à la confrontation avec la Chine.

Le Dialogue quadrilatéral sur la sécurité (quad), ou L’OTAN asiatique, peut jouer un rôle à plusieurs fronts à cet égard dans la région Asie-Pacifique. Ce forum stratégique, composé des États-Unis, de l’Australie, du Japon et de l’Inde, sert de plate-forme appropriée à partir de laquelle New Delhi peut devenir le nouveau visage de l’impérialisme néo-occidental. Elle est qualifiée pour le faire en tant que grande puissance politique, économique et militaire.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’Inde devrait occuper le devant de la scène. Elle a historiquement des relations instables avec la Chine, d’une part, leur différend frontalier a coûté la vie à des milliers de personnes – et New Delhi soutient l’indépendance tibétaine. L’Inde est aussi un allié traditionnel de la Russie qui peut jouer un rôle de rapprochement entre Moscou et l’Occident.

En outre, l’Inde a une capacité industrielle qui peut, avec plus de développement, rivaliser avec celle de la Chine. L’Inde dispose de l’infrastructure nécessaire pour être l’allié technologique de l’Occident, ce qui peut aider ces derniers à réduire leur dépendance technologique vis-à-vis de la Chine. New Delhi peut également jouer un rôle majeur dans la fabrication et l’approvisionnement en vaccins et en médicaments dans l’ère post-COVID-19.

Tout cela impliquerait de consolider l’océan Indien dans le Pacifique et d’amener New Delhi dans une ligue d’alliés. Le gouvernement indien de droite actuel va constamment dans cette direction. Il a approfondi ses relations avec les États-Unis, l’Australie et l’UE, a inauguré un partenariat maritime dans l’océan Pacifique avec la France et jetant les bases d’un partenariat stratégique solide avec le Royaume-Uni.

L’autre membre du Quad, le Japon, modifie progressivement sa doctrine militaire et s’engage activement dans les affaires asiatiques. Dans ce cadre, Tokyo, et peut-être Séoul, sont admissibles à un engagement global sur la question de Taïwan dans le Pacifique occidental. Et tandis que Pékin est en expansion dans le golfe du Bengale et l’Asie du Sud-Est, le fait d’investir dans les ports dans la sphère d’influence de l’Australie, Canberra, avec New Delhi et les Philippines (l’autre allié des États-Unis), peut arrêter la Chine. Les Australiens sont en bons termes avec l’Indonésie, la Malaisie, le Laos et le Vietnam (les deux derniers sont d’anciennes colonies des Français, donc Paris peut donner un coup de main), et ils garderont un œil attentif sur l’évolution de la situation au Myanmar, où les Chinois interviennent.

La Grande-Bretagne post-Brexit dispose désormais d’une marge plus large pour concevoir sa politique étrangère, comme en peut-on voir dans le discours renouvelé du gouvernement britannique sur la doctrine d’une « Grande-Bretagne mondiale » et la nécessité de poursuivre sa « mission historique » dans le monde entier. L’Inde, l’Australie et le Canada ont l’avantage de relations spéciales avec Londres, leur ancienne puissance coloniale, ce qui devrait les aider à partager une tranchée contre la Chine.

La situation dans laquelle l’Occident peut se trouver est que la Chine se transforme en un refuge et une source des fondements sur lesquels le capitalisme et le consumérisme vivent aujourd’hui. L’Occident devrait chercher d’autres alternatives, en plus de l’Inde, de sorte que Pékin ne soit pas en mesure de resserrer son emprise dans la mesure où son abandon équivaudrait à un suicide financier. La relance des économies des États d’Amérique du Sud, principalement le Brésil, l’Argentine et le Venezuela, est une étape essentielle à cet égard. Ces pays ont un grand potentiel, mais ont été laissés à eux-mêmes pour faire face aux répercussions des crises financières, de la chute des prix du pétrole et du COVID-19.

En Europe, les pays nordiques sont essentiels pour promouvoir la centralité de la civilisation occidentale en tant que plaque tournante culturelle et civilisationnelle mondiale. La droite européenne, traditionnellement hostile envers les Chinois et plus encline à de la sympathie envers les Russes, gagne peu à peu du terrain, notamment en Suède, où les partis de droite réclament un alignement avec les États-Unis et la fin de la neutralité.

Ici aussi, il est possible de capitaliser sur la suspicion mutuelle, en l’occurrence entre Moscou et les Scandinaves. Donner son feu vert au gazoduc Nordstream 2 entre la Russie et l’Allemagne, qui passe près des pays nordiques, serait un prix précieux pour Moscou, et aiderait à convaincre une Allemagne réticente de se joindre à la cause contre Pékin. Les assurances américaines aux Scandinaves et aux Russes dans ce contexte désamorceraient les tensions et transformeraient la région baltique en un terrain d’entente qui lancerait des compréhensions futures plus larges sur des questions telles que les droits des minorités russes en Europe de l’Est et dans la Baltique, la question du bouclier antimissile américain et l’accumulation militaire de Moscou dans l’enclave de Kaliningrad.

En dehors de cela, il y a un gain stratégique fondamental à tirer d’un rapprochement ouest-russe qui inclut les pays nordiques et le Canada : les routes maritimes, en particulier la Route de la mer du Nord et la Route maritime transpolaire. La première, qui se trouve dans la zone économique exclusive de la Russie, pourrait devenir une nouvelle route de transport fiable des ports européens vers le Pacifique. Aider les Russes à promouvoir ce corridor aurait des avantages pour l’Occident. Le seul obstacle est que Pékin espère bénéficier de cette route aussi en la reliant à la Route maritime de la soie. Avec la ligne canada-russe pour défendre la souveraineté sur la route maritime du Nord, l’Occident et les Russes pourraient atteindre un modus vivendi pour partager l’influence sur les deux routes, avec des garanties mutuelles qui assurent la stratégie à long terme des deux parties et s’assurent qu’ils atteignent leurs objectifs.

Le compromis pourrait être de permettre à Moscou de maintenir un taux de fret constant pour la Route de la mer du Nord, ce qui lui fournirait des revenus importants, en échange d’un engagement contraignant de la Russie à assurer commercialement à l’Occident de l’exploitation excessive de la route par la Chine. Les deux parties peuvent éventuellement profiter de la Route maritime transpolaire, car la fonte des calottes glaciaires de l’Arctique est susceptible d’augmenter le trafic sur les deux routes et d’accroître leurs gains commerciaux.

Pour contenir Pékin, il faut agir comme les Chinois. Cela signifie que l’Occident devra apporter un changement profond dans sa mentalité et son idéologie. Le libéralisme politique occidental doit trouver de nouvelles définitions qui peuvent inclure la fin de soulever la question de la démocratie avec les États non démocratiques, ou, en d’autres termes, de lutter contre Pékin en utilisant une arme chinoise.

La seule façon pour l’Occident de contrecarrer l’harmonie entre la Chine et les régimes non démocratiques et non occidentaux est de négliger dans une large mesure leurs antécédents en matière de droits de l’homme. L’histoire et l’actualité ont montré que plus de tels régimes sont pressés sur cette question, plus vite ils courent vers la Chine. La diffusion de la démocratie, qui a joué un rôle central dans la politique étrangère de l’Occident, doit être dépriorisée pour le moment.

Il ne fait aucun doute que l’Occident a suffisamment de lacunes pour combler le Pacifique et l’océan Indien, mais son leadership mondial reste, dans l’ensemble, l’option la moins mauvaise lorsque l’alternative passe les rênes à une république paranoïaque.

Voir PDF

Rauf Baker est journaliste et chercheur et a une expertise en Europe et au Moyen-Orient.

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 237

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Parfois, il y en a de bien bonnes….
    Les “Sages” du Conseil Constitutionnel viennent de retoquer un projet de loi concernant la langue bretonne. Depuis plus de 30 ans, la langue bretonne est enseignée en immersion dans le service public de l’Education Nationale, par l’intermédiaire de l’Ecole Diwan, et cela, selon eux, en toute illégalité.
    Or, entre autres contrevérités, un des arguments sinophobes utilisé est que la Chine met tout en oeuvre, au Thibet, au Singkiang, pour faire disparaître les langues d’origine.
    Les partisans de la culture bretonne hurlent au charron. Moi, je leur conseille de se documenter sur ce qu’est la réalité de l’enseignement en Chine. Ils y trouveraient certainement matière a contrecarrer les manoeuvres des “Sages”. Certains de ces “Sages” devaient être au pouvoir quand cette “erreur” a été réalisée

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.