Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Konchalovsky doutait que le film sur l’exécution de travailleurs à Novotcherkassk soit compris à l’étranger

Et il n’avait pas tort mais beaucoup de réalisateurs ont été ainsi couverts de louanges par des gens qui se croyaient approuvés. En revanche comme le disait Brecht, il n’y a personne de plus perspicace qu’un censeur. Cela me rappelle l’accueil de Nazarin de Bunuel par l’Eglise catholique, la récompense vaticane, un comble.

1  13 novembre 2020, 16:45
Photo: Anton Novoderezhkin / TASS
Texte: Elizaveta Bulkina

Réalisateur du film “Chers camarades!” Andrey Konchalovsky, qui a été nominé pour l’Oscar pour le meilleur film étranger, en l’occurrence russe, doute que le film soit compris à l’étranger. Depuis le début, cette enthousiasme de l’occident pour ce film me fait penser à Nazarin, ce film mexicain réalisé par Luis Buñuel en 1958, sorti en 1959. Il mettait en scène les difficultés d’un prêtre catholique œuvrant dans un Mexique dominé par un anticléricalisme politique virulent et chez qui le doute finit par l’emporter, lui qui ne peut plus séparer le pardon chrétien du mépris. Ce film fut récompensé par le Vatican qui n’y vit pas malice. C’est le film préféré du réalisateur indien Ritwik Ghatak et l’un des dix films favoris d’Andreï Tarkovski. Deux réalisateurs pour qui se pose la question de l’homme ordinaire et aussi celle des rapports avec le communisme. Ghatak, qui était membre du Parti communiste indien jusqu’à son expulsion en 1955, était l’un des principaux dirigeants derrière l’aile culturelle du parti. Bref Bunuel qui fut lui aussi communiste ne pouvait qu’avoir un langage commun avec ces réalisateurs-là et beaucoup moins avec l’Eglise catholique, c’est sans doute le cas d’un réalisateur qui reste soviétique et même communiste y compris quand il méprise certains de ses dirigeants.

«Il m’est particulièrement cher que mes collègues – des gens, dont la plupart sont nés sous le régime soviétique – aint apprécié ce film. Cette reconnaissance est très importante pour moi. Cela signifie que j’ai réussi à restaurer l’esprit de l’époque et à parler des contradictions dans la vie de mes chers camarades (…) La question est différente: dans quelle mesure ma tentative de comprendre les contradictions dans la vie de cette génération sera-t-elle comprise ou ressentie à l’étranger. (…) Je ne suis pas sûr que cela soit possible en principe », tels sont les propos de Konchalovsky à « 360° » selon son service de presse.

L’action du film est basée sur les événements réels de 1962, qui ont eu lieu à Novotcherkassk. Il y a une grève à l’usine principale de la ville, les gens exigent des prix plus bas pour la nourriture et des salaires plus élevés. Des travailleurs d’autres entreprises se joignent à la grève, la commission gouvernementale décide d’envoyer une armée dans la ville et, en quelques heures, des balles réelles se font entendre dans les rues. Nous avons vu qu’à la stupéfaction de ses admirateurs français Konchalovsky avait dénoncé Khrouchtchev et la manière dont il avait en fait commis une faute imbécile en dénonçant Staline et en détruisant la confiance du peuple dans les dirigeants soviétiques, dans le caractère prolétarien de leur propre état. Visiblement l’élucidation n’est pas parvenue aux oreilles de ceux qui ont signalé les oscar.

Le Film “Chers camarades!” a été diffusé en grande distribution en Russie le 12 novembre. Le film a été nominé pour l’Oscar au titre du meilleur film étranger.

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