Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les éclaireurs soviétiques ont été les premiers à arriver à Hiroshima et Nagasaki après les bombardements, par Mikhaïl Boltounov

Y a-t-il effectivement plus extraordinaire exemple de détournement historique que celui qui tente d’attribuer la menace nucléaire à la Russie en faisant des USA la protection contre cette menace ? Alors que comme le notait déjà Lukacs pourtant critique : l’URSS a sauvé deux fois l’humanité, d’abord du nazisme ensuite de l’utilisation de l’arme nucléaire par l’impérialisme en ayant elle-même la bombe atomique. Déjà la manière dont les jeunes générations en France et en Europe sont victimes de cette manipulation incroyable mais quand ce sont les dirigeants japonais qui utilisent ce type d’argument on se dit que l’on a atteint les limites du possible. Pourtant la propagande à travers laquelle on manipule les jeunes générations y compris dans leurs manuels scolaires est tout aussi extraordinaire. Et c’est la gauche, à la Glucksmann, qui en France porte ces mensonges et cette diffamation permanente de l’histoire du communisme et de l’URSS. Jusqu’à quand laissera-t-on ignorer les FAITS pour entretenir la guerre y compris jusqu’au crime nucléaires dont les Etats-Unis ont été les seuls capables. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/post/article/411498/

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies vendredi dernier, la représentante permanente adjointe du Japon auprès de l’organisation, Mitsuko Shino, a accusé la Russie de “rhétorique nucléaire”. “La catastrophe d’Hiroshima et de Nagasaki ne doit jamais se répéter”, a-t-elle déclaré, “oubliant” de préciser qui avait largué les bombes atomiques sur les villes japonaises.

Un jour plus tôt, le premier ministre japonais Fumio Kishida, s’adressant aux législateurs américains, avait également parlé de la “menace nucléaire russe”. Et il a lui aussi “oublié” de mentionner à qui étaient les avions qui ont pulvérisé Hiroshima et Nagasaki.

Apparemment, les radiations ont brûlé la mémoire génétique des descendants des samouraïs. Nous allons leur rappeler ce qui s’est passé….

Le matin du 6 août 1945, les radios des quartiers généraux des troupes, des unités de combat stationnées à Hiroshima, disparaissent simultanément des ondes. Les officiers de l’état-major général de l’armée impériale japonaise se perdent en conjectures : d’après leurs données, personne n’a bombardé la ville, il n’y a pas eu de raids majeurs de l’aviation ennemie. Que s’est-il donc passé ?

Un officier de l’état-major général, envoyé par avion à Hiroshima, rapporte quelques heures plus tard la terrible nouvelle, difficile à croire. La ville, en effet, n’existe plus. En bas, sous l’aile de l’avion, s’étend une zone de destruction ininterrompue. Les ruines brûlent, couvrant tout l’horizon d’un épais nuage de fumée.

Vers minuit, les nouvelles arrivent de l’autre côté de l’océan, des États-Unis. Washington a informé le monde de la première utilisation d’une super-arme qui a rayé Hiroshima de la surface de la terre.

Sur la photo : vue aérienne après l’essai de la technologie des armes nucléaires Trinity, 1945. (Photo : Zuma/Tass)

La résidence des services de renseignement militaire soviétiques à Tokyo a écouté attentivement les rapports de Washington, mais, il faut bien l’admettre, n’a pas compris grand-chose. Certes, les Américains ont utilisé une arme d’une puissance destructrice énorme, mais personne ne peut dire de quel type d’arme il s’agit.

Photo : bombardier américain Enola Gay Boeing B-29 qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima, 1945. (Photo : Max Desfor/AP Photo/TASS)

Le 9 août, une deuxième bombe atomique a été larguée sur la ville de Nagasaki. Six jours plus tard, le 15 août, l’empereur Hirohito prend la parole à la radio et annonce la capitulation du Japon. Dans son discours, il déclare également que “l’ennemi dispose d’une nouvelle arme terrible capable de tuer de nombreux innocents et de causer des dégâts matériels incommensurables. Si nous continuons à nous battre, cela conduira non seulement à l’effondrement et à la destruction de la nation japonaise, mais aussi à l’extinction complète de la civilisation humaine”.

photo : l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima, en 1945. (Photo : DPA/TASS)

Ces deux déclarations – du président américain et de l’empereur du Japon – ne sont pas passées inaperçues à Moscou. Le chef de l’état-major général, le général d’armée Alexei Antonov, convoque le chef du renseignement militaire.

Le chef d’état-major général, un homme d’une retenue exceptionnelle, intelligent, qui n’élève jamais la voix contre ses subordonnés, est maintenant extrêmement agité.

– Il est tout de même nécessaire, dit Antonov à Kouznetsov, de savoir ce qui s’est passé dans ces villes….”.

“Nous n’avons pas rencontré une seule âme vivante.

Le message crypté de Moscou s’envole pour Tokyo. Le Résident envoie deux officiers, les capitaines Mikhail Ivanov et German Sergeyev, en mission à Hiroshima et Nagasaki.

photo : Mikhail Ivanov a été le premier à visiter Hiroshima
et Nagasaki après le bombardement nucléaire américain (Photo : archives de l’auteur)

“La propagande américaine, a raconté plus tard Mikhail Ivanov, a fait beaucoup de bruit à l’époque sur la toute-puissance de la bombe atomique. Aucun d’entre nous, qui étions au Japon, ne connaissait les détails de la dévastation d’Hiroshima, et il semblait donc très souhaitable de voir par nous-mêmes les conséquences des premiers bombardements atomiques.

Le 23 août 1945, le train Tokyo-Fukuoka nous a emmenés à Hiroshima. Un grand intérêt se mêlait à une certaine inquiétude : faisions-nous bien de nous rendre sans aucune précaution sur les lieux de la catastrophe ?

Mais l’inquiétude et les doutes devaient être mis de côté. Il n’y avait plus de temps à perdre. Après avoir pris une valise et un sac, un appareil photo, Ivanov et Sergeïev descendent sur le quai. Comme ils approchaient de la ville, ils voyaient par la fenêtre du wagon une image étrange : Hiroshima, à peine aperçue, disparaît sous leurs yeux. Le long de la voie ferrée, s’étendaient des ruines, des ruines, des ruines….

La vue depuis le quai est encore plus effrayante. La zone ferroviaire adjacente à la gare s’est transformée en un cimetière de locomotives à vapeur. Des wagons renversés et brûlés, des rails et des traverses arrachés au sol. Et tout cela, pour une raison inconnue, était coloré dans des tons rouge-orange de rouille ferreuse.

Il n’y a pas âme qui vive, seulement, sur le bord du quai, la silhouette courbée et solitaire d’un chef de gare coiffé d’une casquette rouge. Les officiers lui expliquent qu’ils étaient des diplomates soviétiques et qu’ils étaient venus voir la ville. Le Japonais sourit : “Qu’y a-t-il à voir ? Il n’y a pas de ville…”

Subrepticement, comme surgi de terre, un inconnu apparaît à proximité. Il se présente comme un agent de sécurité et s’étonne que des diplomates soviétiques aient pris le risque de descendre du train à Hiroshima. Le Japonais tente de dissuader Ivanov et Sergueïev de sortir en ville et se contente de répéter : “Il y a ici une maladie la plus terrible au monde…”. Il ne connaissait cependant pas son nom.

photo : Hiroshima après l’explosion de la bombe atomique américaine, 1945. (Photo : TASS)

Mais les Soviétiques ont insisté, disant qu’ils avaient besoin de rencontrer des témoins oculaires de la catastrophe. L’interlocuteur affirme que les “malades contagieux” sont rassemblés au même endroit, mais que la plupart d’entre eux sont déjà morts.

Ne se fiant pas aux paroles de l’agent de sécurité, Ivanov et Sergeïev décident d’emprunter la rue principale de la ville indiquée sur la carte touristique.

“Nous avons sorti le plan de la ville”, se souvient Mikhaïl Ivanovitch, “il devrait y avoir une grande et large rue allant du centre à la gare… Mais elle a disparu. Nous pouvons aller directement au centre. Tous les cent mètres, il y a de moins en moins d’obstacles devant nous. Quelques souches d’arbres brûlés dépassent du sol….

En avançant, nous cherchions un énorme cratère. Une explosion aussi forte aurait dû laisser un cratère, mais nous n’avons rien trouvé.

Le terrain prend une couleur gris-jaune monotone. L’humeur devient de plus en plus déprimée, nous marchons, presque sans nous parler. On regarde, on regarde…”

Plus les officiers regardaient ce terrible paysage, plus leur âme s’appesantissait et plus ils voulaient partir d’ici au plus vite.

Photo : Hiroshima, ville frappée par les bombardements atomiques américains en 1945 pendant la Seconde Guerre mondiale. (Photo : Keystone Press Agency/ZUMAPRESS.com/Global Look Press)

– Écoute, Micha, dit Sergeev, je remarque que nous n’avons pas rencontré une seule âme vivante. Même les oiseaux ne viennent pas ici. Ils savent très bien où ils peuvent voler et où ils ne le peuvent pas.

“Nous avons été punis par le vent divin du Kamikaze.

Les officiers avancent. Loin de l’épicentre de l’explosion, ils aperçoivent quelques bâtiments miraculeusement épargnés. Près d’eux, Ivanov et Sergueïev aperçoivent des personnes incapables de se tenir debout ou de marcher et qui restent allongées, sans bouger. Ils sont défigurés par des brûlures, des ulcères, et certains ont perdu leurs cheveux. Quelques personnes, probablement des médecins, tentent d’aider ces malheureux.

Sur la photo : une victime du bombardement atomique d’Hiroshima, 1945. (Photo : DPA/TASS)

Le sens de la réalité disparaît et il semble que les officiers soviétiques soient tombés dans un monde d’hallucinations cauchemardesques. Ils n’ont pas la force d’interroger les personnes qui souffrent sur le cauchemar qu’elles ont dû endurer.

Près du bâtiment détruit, Ivanov et Sergeïev voient un kanussi, un prêtre shintoïste, verser de l’eau d’une boîte de conserve dans de petites tasses pour les victimes.

– Dites-moi, qu’est-il arrivé à votre ville ? – demande Sergeïev en japonais.

Le kanussi les regarde longuement et soupire lourdement.

– Nous avons été punis par le vent divin de Kamikaze.

– Mais Kamikaze punit toujours les ennemis du Japon, s’étonne Ivanov.

– Nous nous sommes mal battus contre les Américains, ce qui l’a mis en colère.

À ce moment-là, un jeune Japonais s’approche d’eux. Il porte le corps d’une femme enveloppée dans une couverture. Il la dépose doucement au sol et le Kanussi commence à réciter une prière sur elle. Apparemment, c’était le cadavre de la mère du Japonais.

Le Japonais a dit qu’ils vivaient dans la banlieue d’Hiroshima. Le matin du 6 août, un typhon s’est abattu sur la ville. Il a tout détruit sur son passage et a frappé les gens d’une maladie inconnue.

– Il faut donc l’emmener chez un médecin, dit Mikhaïl Ivanovitch.

Le Japonais secoue négativement la tête :

– Il n’y a pas de remède à cette maladie. Il faut juste l’accompagner par la prière.

Une boule de feu brillante est montée dans le ciel

Le reste de la journée et la nuit précédant l’arrivée du train, Ivanov et Sergueïev les passent dans un hôtel en ruine, dormant à même le sol. Choqués par ce qu’ils ont vu, ils n’arrivent pas à dormir. Mikhaïl Ivanovitch propose à Hermann un verre de whisky, dont il a pris soin d’emporter une bouteille. Mais Sergueïev boit une gorgée, s’étouffe et refuse de boire. Ivanov, quant à lui, boit un verre.

Le matin, ils quittent Hiroshima. Ils se dirigent vers Nagasaki. Le bombardement atomique de cette ville n’a pas laissé de traces aussi dévastatrices. Les montagnes, la proximité de la mer, la présence de bâtiments en pierre avaient, dans une certaine mesure, empêché l’incendie. Mais les retombées radioactives sont encore plus importantes qu’à Hiroshima.

Mikhaïl Ivanovitch regarde anxieusement par la fenêtre du wagon. Le train s’arrête à la gare de banlieue la plus proche. Les passagers sont invités à quitter les wagons. Ivanov et Sergueïev s’enquièrent de l’heure d’arrivée et de départ des trains. Le chef de gare ne manque pas d’ajouter le mot “pour l’instant” à chacun de ses messages. A Nagasaki, les trains ne circulent pas “pour l’instant”. La partie détruite de la ville est fermée “pour l’instant” au trafic ferroviaire.

Le chef de gare traite les diplomates soviétiques avec respect, leur conseille de laisser leurs affaires, leur suggère de rentrer à la nuit tombée et leur promet de leur trouver quelque chose pour la nuit. Les officiers suivent le conseil et partent à pied vers la ville.

Nagasaki diffère d’Hiroshima en ce sens qu’à côté des quartiers détruits et incendiés, il y a quelques îlots de bâtiments détruits seulement à moitié où l’on trouve des signes de vie.

En avançant, les officiers parviennent à la digue de la baie. Selon les habitants, trente navires ont coulé à cet endroit lors de l’explosion qui s’est produite au même moment. Derrière le brouillard de ruines, de l’autre côté de la baie, ils aperçoivent les hangars à bateaux mutilés des chantiers navals de Mitsubishi.

Contrairement à Hiroshima, les habitants de Nagasaki étaient plus bavards, ce qui a permis de clarifier de nombreux détails de ce terrible événement.

“Des témoins oculaires ont raconté, rappelle Mikhail Ivanov, que le matin du 9 août, une heure avant le bombardement, les avions de reconnaissance américains ont largué sur la ville des milliers de tracts colorés évoquant le bombardement d’Hiroshima. Le texte se terminait par ces mots : “L’heure a sonné”. Un de ces tracts nous a été remis en guise de souvenir.

On nous a montré l’endroit où se trouvait l’école. Ce matin-là, les enfants ont regardé avec curiosité les tracts colorés tomber d’un avion américain qui passait par là. Une heure plus tard, les enfants sont sortis en courant pour la récréation, et c’est à ce moment-là qu’une boule de feu lumineuse s’est élevée dans le ciel. Il y eut une explosion assourdissante et l’enseignante qui sortit en courant de la salle vit un ouragan sans précédent renverser les enfants, les soulever dans les airs et les emporter jusqu’à la mer. La ville s’est instantanément embrasée et la femme a immédiatement perdu connaissance”.

Le jour de leur visite à Nagasaki, les officiers soviétiques ont remarqué que, contrairement à Hiroshima, les autorités tentaient d’organiser d’une manière ou d’une autre l’approvisionnement en nourriture et en eau, et que les postes d’aide médicale fonctionnaient. Il était évident qu’à Nagasaki, les personnes touchées par l’explosion atomique avaient encore un espoir de survie.

“Nous n’avions aucune idée de la contamination radioactive.

Après une longue et fatigante journée de marche dans la ville, les officiers se sont adressés à un policier pour lui demander de les héberger pour la nuit. Le policier a accédé à la demande des diplomates et les a escortés jusqu’à une pièce occupée par les autorités locales. Ils ont posé des nattes de paille sur le sol en pierre et se sont allongés, mais le sommeil n’est pas venu. Bien que la chaleur se soit calmée à la tombée de la nuit, il fait une chaleur étouffante. Une forte odeur de poussière flottait dans l’air.

Le matin, ils sont réveillés par la voix nasillarde du gardien. Un fonctionnaire les escorte jusqu’à la gare. De nouveau, comme dans un film terrible, ils traversèrent la ville du sud au nord, montèrent dans un train et atteignirent Fukuoka.

Là, ils ont vu des foules à la gare. Ils ont dû à nouveau faire appel aux autorités ferroviaires. Celui-ci, après avoir écouté leur demande, ordonna de placer les diplomates dans un wagon de deuxième classe, ce qui, à l’époque, était considéré comme le confort le plus élevé. Bientôt, ils sont en route pour Tokyo.

Ivanov et Sergeïev rentrent à Tokyo choqués par ce qu’ils ont vu. Cependant, ils ramènent avec eux non seulement des impressions personnelles, mais aussi une valise contenant des échantillons, qui est attendue avec impatience à Moscou, au sein de l’état-major général.

Notre valise d’échantillons”, me dit Mikhaïl Ivanovitch, “ou, comme nous le disions en plaisantant, de “souvenirs”, était, au sens propre comme au sens figuré, une valise de pierres et de fer. Mon compagnon, qui s’y connaissait mieux que moi en la matière, soutenait que la composition du sol, de l’eau tombée et de la poussière, la nature des dommages causés aux corps humains et aux plantes, la modification de la structure et la fonte des objets solides pouvaient déterminer la force et la puissance de l’explosion, ainsi que la température qui s’y était développée. Il a donc rassemblé et mis dans un sac les échantillons les plus caractéristiques. Comme je m’en rends compte aujourd’hui, c’était la bonne chose à faire. Malheureusement, à l’époque, nous n’avions aucune idée de la contamination radioactive. Plus tard, nous l’avons payé cher”.

Les éclaireurs militaires Mikhail Ivanov et German Sergeïev ont rempli leur mission. Ils ont rédigé un rapport sur leur visite à Hiroshima et Nagasaki, et leur valise “avec des souvenirs” a été envoyée à Moscou.

Peu après ce voyage d’affaires inhabituel, German Sergeïev tombe gravement malade. Le traitement ne donna aucun résultat et il mourut. Son collègue Ivanov, au contraire, vécut longtemps. Il a travaillé en Turquie, puis au Japon et en Chine, et a dirigé les agences de renseignement militaire soviétique dans ces pays.

Mikhail Ivanovich est décédé en 2014, à l’âge de 101 ans.

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