Avis à nos lecteurs… Continuer à se fatiguer sans plus…

Le printemps marseillais est superbe, même la venue de Macron et sa troupe de comiques troupiers n’arrive pas à gâcher le plaisir de marcher dans le soleil. Pourtant il y aurait de quoi se sentir pris au piège, puisque nous avons un tel président et qu’il est flanqué de l’inénarrable Payen maire de Marseille “socialiste”. Entourée de la claque des tournées en province, Dupont Moretti, basse fatiguée et transpirante, chargé pour la presse d’une formule empruntée à l’éloquence des prétoires. Pas un pour sauver les autres dans les ridicules notabilaires, le président et le maire, crochet et maillette, faite pour se fixer l’un à l’autre dans le pire… Daumier le Marseillais les aurait croqués de son trait impitoyable … Cette niaiserie autosatisfaite … en rupture totale non seulement avec ce que pensent les Français et singulièrement les Marseillais, mais avec la réalité… du pays et de la ville…

Si on en reste à ce qui parait de l’ordre du fait établi dans notre douce France : on se dit que bien sûr alors que la France est menacée et que l’abominable Poutine est à nos frontières, on ne comprend pas le pourquoi d’une telle opération. Il y a bien sûr l’art et la manière de compléter les petits jeux avec l’extrême droite en enfonçant le clou de la “sécurité” intérieure en allant voir la ville la plus basanée de France et se battre sur deux fronts : externe et interne. Dans les deux cas, il y aussi les caisses vides et comme les chiffres définitifs du déficit français devrait se situer autour des 5,6% du PIB, au lieu des 4,9% attendus. Aujourd’hui mardi 21 mars Macron a convoqué tous les chefs de parti à l’Elysée pour leur parler stratégie et mobilisation face à l’abominable dictateur. D’abord il s’agit des sous, je ne sais pas pourquoi mais je suis convaincue que l’on va pressurer un peu plus les collectivités territoriales en militarisant nos villes et en limitant ce qui est nécessaire à l’école, aux équipements de santé, de sport… Payen comme Glucksmann se prête à ce jeu-là, le tout pimenté de proclamations “démocratiques”, en faveur de l’égalité, de la fraternité et de la liberté, il y a des gens qui sont taillés pour ça, les Glucksmann, les Payen, et tous ceux qui les croient sans oser les contredire.

Les gens vaquent à leurs occupations, ils haussent les épaules à l’idée que là-bas à la Castellane, au fait pourquoi pas à Airbelle (dans les quartiers sud vers Aubagne) où sévissent déjà des trafiquants d’armes géorgiens, parce que la mafia des pays de l’est dans laquelle les “ukrainiens” ne sont pas les derniers sont déjà là pour la fourniture d’armes. Devant le Conseil général le feu a été mis à des pneus et des volutes de fumée acres s’élèvent, les Marseillais ne sont pas contre la protestation mais ils se demandent pourquoi ne pas se contenter des banderoles qui ne puent pas…

C’est comme la lutte contre la drogue : moi j’ai un point de vente devant ma porte et je passe ma vie à engueuler les dealers parce que ceux qui guettent la sortie des écoliers sur la place en face de chez moi ne sont pas plus âgés que leurs clients. Ils répandent sur les marches de l’entrée du soda quand ils ne tentent pas d’investir le hall, mais on peut encore les inviter à aller ailleurs jusqu’à quand je l’ignore. J’ai des échos sur le fait qu’au moins la police municipale est de fait en grève (elle ne fait plus rien et a renoncé à s’occuper des dealers du genre des gamins qui salissent le seuil de ma porte d’entrée) parce qu’elle est en conflit ouvert avec la hiérarchie de la police nationale qui multiplie les opérations spectaculaires et de fait les ententes avec les “parrains” pour avoir la paix sociale et l’électorat. C’est du moins le discours entendu dans la police et on se doute que ce n’est pas pour voter autre chose que Le Pen. Ce à quoi je leur réponds qu’ils font grève tout en touchant la paye et qu’une grève comme ça on en fait tous les jours… Parce que quand on se parle les choses sont plus claires… et on peut encore se parler…

Mais comment vous expliquer c’est un peu comme l’expérience que j’ai eu des conflits, même violents tels que je les ai vécus dans mes périples de globetrotter : c’est à la fois pire parce que les conséquences sont dramatiques pour une masse croissante de la population et en même temps infiniment plus vivable que ce que l’on croit. Il y a partout ce mélange d’humanité, de vraie solidarité qui se traduit à mon âge vénérable dans ce Marseille où je suis née et où je suis revenue dieu sait pourquoi, il s’avère que l’on me prend pour une petite vieille un peu perdue, une sorte d’innocente que tout le monde s’ingénie à prendre en charge. Les jeunes en particulier me réservent une place assise, m’aident à porter le moindre paquet… C’est très confortable d’être une vieille dame souriante à Marseille…

Toute ma vie j’ai été ainsi dans des endroits périlleux confrontée à ce mélange d’humanité de ceux qui tentent de survivre et de truanderie parce qu’il faut bien s’en sortir.. Je suis toujours revenue de mes périples en ayant tout perdu, bien heureuse si j’avais encore mes papiers, les autres voyageurs étaient chargés de “souvenirs”, moi je m’étais volontairement ou non délestée..

Ce que j’aimais chez les communistes, je le dis souvent, c’était qu’ils étaient à la fois totalement lucides sur le fait que la misère ne produit pas que de la “sainteté”, et qu’ils savaient tirer le meilleur parti de cette réalité-là, et ils étaient prêts eux-mêmes à donner leur vie pour cette humanité-là si imparfaite et si vivante. Ils avaient l’air convaincus qu’ils pouvaient attendre de moi le même esprit de sacrifice, ce dont il m’arrivait de douter… Quitte à me signaler comme Aragon quand je leur infligeais mon indécrottable propension à vouloir que l’histoire se termine bien qu’être “optimiste n’était pas un métier!”

En revanche ce que je sais c’est que ceux qui ont un pouvoir et qui le doivent plus ou moins à la classe dominante, fut-ce dans “l’opposition”, sont souvent contaminés par la pourriture des “maitres”: ils ont une âme de valet… Du côté du capital, il n’y a que le profit, il n’y a que de la truanderie, pas le moindre humanisme malgré leur tartufferie et leur discours veules, ces gens sont prêts au pire face à la faiblesse parce que ce qui est le plus juteux c’est ce que l’on peut presser sans se donner trop de mal… Et c’est contagieux parce que ceux qui acceptent de les servir adoptent l’aspect impitoyable de leurs maitres, ils ne craignent ni la délation, ni l’infamie dans le mensonge et je puis vous assurer qu’il y a à gauche et chez certains communistes des pratiques quasi pétainistes. Je n’ai cessé d’en faire l’expérience depuis trente ans et je sais qu’il faut les fuir sans même prétendre à les combattre… On croit avoir vécu le fond et comme cela m’est arrivé il y a peu on découvre qu’il y a toujours des réserves d’ignominie… Non seulement partir mais ne jamais revenir parce qu’il n’y a aucune raison que ces gens-là changent…

Un autre constat, ne plus imaginer qu’il existe une catégorie qui aurait miraculeusement échappé à l’endoctrinement général et se dire que c’est 100% des français qui non ne savent rien du séisme qu’a été pour les citoyens de l’ex-URSS, des anciens pays socialistes ce que ces derniers appellent la “merdocratie”, le passage au capitalisme, pas plus qu’ils n’ont la moindre idée de ce qu’a été “le libéralisme” pour une grande partie de la planète… Je crois que l’on ne peut pas leur faire remonter ce courant-là… ils croient réellement qu’ils sont en démocratie et que les salopards qui ont pris le pouvoir, dans ces temps de contrerévolution se sont gorgés des privatisations et qui proclament leur amour pour l’Europe, nos “valeurs” sont autre chose que des sangsues avec leurs réseaux mafieux, Zelensky en tête…

Mais cette méconnaissance n’est que la pointe de l’iceberg : quand on prétend leur signaler ce qui se modifie dans le vaste monde, à tout ce que cela suppose de réécriture de l’histoire et des différentes civilisations, là c’est opération impossible, et on ne sait plus par quel bout les prendre. Le côté franchouillard qui les aide à résister devient à son tour un obstacle une sorte de ligne maginot dont on se demande s’il faut ou non la franchir… En général, ces braves gens en sont restés à l’idée que fort heureusement un jour ils ont dénoncé les turpitudes du stalinisme et inventé “le socialisme à la française”… ce qui leur permet après avoir dénoncé le méchant Poutine, de s’attaquer dans la foulée à Xi Jinping…

Et après avoir contribué gaiment à conforter les stéréotypes les plus éculés de l’atlantisme, il leur arrive de s’étonner de voir monter dans les sondages le roi du mensonge sinophobe, Glucksmann qui comme par hasard lui prône la guerre et récupère la macronie de gauche… sans parler de ceux qui croient rester de gauche tout en soutenant l’extrême-droite israélienne à Gaza…

Il est difficile de prétendre contribuer à la fois à l’entretien de l’idéologie atlantiste et croire que l’on peut s’y opposer sans en attaquer la cohérence d’ensemble… mais il est vrai qu’après trente ans de liquidation il est encore miraculeux qu’il se trouve des gens pour dire: “on veut pas la mise en concurrence des travailleurs, on veut la paix, ceux qui veulent la guerre ne sont pas ceux qui la font…”

Il y a même un inconnu qui a écrit ces lignes: “dans la déclaration d’impôt, n’oublie pas de signaler “personne à charge: Zelensky!”

Alors même si être “optimiste” ce n’est pas un métier, j’ai encore cet espoir et je m’y tiens. Je suis tous les jours excédée et émerveillée qu’avec ce qu’ils ont dans la tête sur le mouvement du monde, ils soient encore en état de dire cela… sans l’expérience que j’ai est-ce que j’en serais là ? Je l’ignore…

En tous les cas il y a des gens qui me répugnent et ce sont eux qui m’incitent à ne pas m’égarer dans les groupuscules et leurs “gourous”, ceux qui sont réduits à prendre les haines de l’extrême-droite pour ne pas s’effondrer, ceux qui en sont à être antisémites par exemple, alors que ce genre de critère n’avait jamais été celui des anciens communistes et qui fait que pour moi le candidat le plus insupportable, le plus menteur reste Glucksmann, le plus viscéralement anticommuniste, celui-là il peut être juif ou Hottentot je ne le supporte pas c’est un menteur invétéré et un agent de la CIA, il y en a d’autres mais il me fait l’effet de la craie sur le tableau noir … Ne pas être antisémite, le socialisme des imbéciles comme disait Bebel ou Marx, c’est une bonne chose, mais savoir aussi que plus personne y compris le secrétaire national du parti n’a lu Marx et parait même avoir la moindre curiosité pour les classiques du marxisme… Alors Bebel… même son nom…

Comment existe-t-il encore des gens capables d’être contre la guerre, contre la mise en concurrence des travailleurs alors que non seulement on leur serine depuis près de trente ans que la Russie, la Chine ne sont que dictatures voulant du mal à la chère petite France… et qu’heureusement il y a l’Europe, que l’OTAN est un moindre mal face à ces dictatures immondes et qu’il faut bien aller traquer les méchants dictateurs du tiers monde comme Saddam Hussein, Kadhafi et autres.. Alors que jamais un communiste encore encarté n’aura la moindre idée sur ce que dit le KPRF ou sur le PCC… en général d’ailleurs il est évité tout contact avec les communistes considérés comme infréquentables…

Un miracle, vous dis-je un miracle…

Donc j’en reviens au constat qu’il fait un temps superbe et que ce qui se passe dans mon pays dans ma ville relève d’une bataille dont l’ampleur me dépasse… Que je suis à peu près au fait de ce que je peux faire de moins pire : continuer à fournir de l’information mais sans en attendre plus que l’état de mes contemporains le permet, en fonction de ce qu’est la France aujourd’hui choisir le moins pire, rassembler en faveur de la paix et contre l’économie de guerre en même temps que tenter de contribuer à recréer un parti communiste sans lequel la “gauche” donnera ce triste spectacle… Et sur le plan personnel surtout ne pas me priver de cette joie que représente le printemps, les ballades, la lecture dans les parcs et sur les bancs, le cinéma…

Un ami m’a écrit: “réponds moi quand tu ne me réponds pas je me fais des films !” Il partage l’expérience dont je vous ai parlé celle de ces trahisons par rapport à cet engagement communiste… je lui ai répondu que c’était fou tout ce que j’avais à faire et qui me rendait heureuse y compris de la gymnastique chinoise dans le parc du palais Longchamp proche avec les vieilles dames de mon quartier… L’avantage de la situation c’est qu’il n’y a plus la moindre avant-garde tous en proie à la même suspicion ayant vaguement conscience qu’on ne peut faire confiance à personne mais qu’il y a pire… et qu’il vaut mieux de temps en temps changer de conversation…

Alors je me suis dit que nous étions quelques-uns à avoir survécu à ces séismes divers… Mais nous connaissons aussi le prix de la vie, ce bonheur qui a été collectif mais qui continue à nous inonder de joie, enfin c’est mon cas parce que nous avons conscience d’avoir fait le peu que nous pouvions avec sincérité et désintéressement. C’est aussi bête que ça et mon cher Diderot disait que quand l’on avait vécu ainsi on devait un jour s’endormir bien fatigué comme après une journée bien remplie…

Voilà, il faut continuer à se “fatiguer”pour faire le peu que l’on peut .. c’est le sens d’une vie somme toute honorable… dans des temps déraisonnables où l’on avait mis les morts à table…

Danielle Bleitrach