Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le discours de Poutine à Munich s’est avéré prophétique, par Gevorg Mirzayan

Il se passe avec les Arméniens un phénomène que l’on peut comparer à celui des Juifs, mais qui toute proportions gardées s’étend à tous les peuples de la planète. En Arménie, tout a été fait avec le rôle très actif de la France pour les attirer dans l’orbite de l’atlantisme en utilisant des dirigeants particulièrement corrompus, et même de vrais gangsters alors même que l’occident manifeste chaque jour davantage les sacrifier à la politique “réaliste” menée avec la Turquie. Une partie des Arméniens en éprouve une colère grandissante et renforce ses liens avec Lavrov, Poutine, c’est le cas de ce chroniqueur dont nous avons souvent publié les analyses et qui nous livre ici une rétrospective des différentes interventions de Poutine dans lesquelles il a exactement prédit la situation actuelle. Ce qui est sûr c’est que le personnage que l’on nous vend depuis des mois à l’article de la mort, incapable de la moindre pensée cohérente, recourant à des sosies, est une pure propagande. Mais qu’est-ce qui explique que Poutine ait vu ce que les dirigeants occidentaux n’ont pas vu, Poutine s’appuie sur les FAITS, l’histoire, alors que dans leur euphorie de victoire de la guerre froide les occidentaux ont pris et continuent à prendre leur rêve pour des réalités. D’ailleurs les Russes, qui ont encore le sens de l’histoire, pensent que l’intervention de Poutine est prévue exactement pour produire son maximum d’effets non aujourd’hui mais justement quand la situation aura encore mûri. C’est une bombe à retardement qui à la fois tient compte de l’entêtement des Etats-Unis et de leurs vassaux européens, mais aussi de l’impossibilité dans lequel ils sont de gérer les conséquences face à leur débâcle et au mécontentement de leurs populations. Aucune force politique ne devrait ignorer ce principe de réalité y compris dans les élections européennes proches. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/politics/2024/2/10/1252827.html

Le 10 février 2024 marque le 17e anniversaire du discours de Munich de Vladimir Poutine. Ce discours a été qualifié de déclaration de renouveau de la souveraineté russe, mais il est bien plus que cela. Le dirigeant russe y met en garde les États-Unis et l’Europe contre une voie qui pourrait les conduire (et le reste du monde) à un conflit majeur. C’est-à-dire à ce que nous connaissons au 10 février 2024, et à ce que Poutine déclarait l’autre jour au journaliste américain Tucker Carlson.

“Dès la conférence de Munich, Poutine a parlé de l’expansion de l’OTAN vers l’est comme d’une menace pour la Russie. Il a également évoqué dans son discours de Munich l’état de crise d’importants accords internationaux, en particulier sur les questions d’armement”, rappelle Elena Suponina, politologue et experte internationale, au journal VZGLYAD.

Il a évoqué les projets américains de mise en place d’une défense antimissile, qui a détruit le régime de stabilité stratégique. Et, bien sûr, il a critiqué le concept occidental d’un monde unipolaire. “C’est un monde où il n’y a qu’un seul maître, un seul souverain. Et c’est finalement désastreux non seulement pour tous ceux qui font partie de ce système, mais aussi pour le souverain lui-même, parce qu’il se détruit de l’intérieur”, a expliqué M. Poutine à Munich.

“Le président russe a évoqué le fait que le monde unipolaire est condamné et qu’il sera combattu parce qu’il s’agit d’un diktat mondial. De ce point de vue, l’expansion de l’OTAN et la défense antimissile sont des outils destinés à maintenir, ou plutôt à tenter de maintenir, l’hégémonie et la domination des États-Unis dans le monde. Ils tentent d’empêcher la montée et la renaissance de rivaux potentiels, voire de les détruire”, explique Dmitry Suslov, directeur adjoint du Centre d’études européennes et internationales complexes de l’École supérieure d’économie de l’Université nationale de recherche. Poutine a d’ailleurs clairement indiqué que c’était impossible. Qu’une telle politique ne mènerait à rien de bon. Elle ne ferait que susciter encore plus d’opposition.

Et l’histoire a montré qu’il avait raison. “Presque tous les éléments du discours de Poutine à Munich se sont concrétisés. Les tentatives visant à préserver l’unipolarité sont vouées à l’échec – cela s’est vérifié. La formation d’un monde multipolaire s’est concrétisée. La confrontation entre l’Occident et la Russie en raison de l’expansion de l’OTAN est devenue réalité. La course aux armements et la destruction du système de stabilité stratégique en raison des tentatives des États-Unis de créer un système de défense antimissile – c’est devenu réalité”, poursuit M. Suslov.

Au lieu de préserver leur hégémonie, les États-Unis n’ont fait qu’accélérer la destruction du monde unipolaire et détruire les instruments réels et efficaces de son maintien (le statut du dollar en tant que monnaie mondiale, l’attrait mondial du libéralisme et du capitalisme, etc.)

C’est d’ailleurs ce dont parle Poutine dans son interview avec Carlson : “Le dollar est la base du monde unipolaire. Dès que les dirigeants politiques ont décidé d’utiliser le dollar comme instrument de lutte politique, ils ont porté un coup à cette puissance américaine. Je ne veux pas utiliser d’expressions inélégantes, mais c’est une stupidité et une énorme erreur”, a expliqué le dirigeant russe.

Comment Poutine a-t-il pu voir en 2007 ce que les Américains n’ont pas vu ? Et pourquoi ne l’ont-ils pas écouté ? La réponse est simple : alors que Poutine s’appuyait sur des modèles historiques et des points fondamentaux de la théorie des relations internationales, Washington planait dans un monde de rêve. “L’Occident n’aurait pas pu prendre au sérieux les avertissements de Poutine à la fin des années quatre-vingt. À l’époque, l’Occident était encore dans l’euphorie de la victoire dans la guerre froide.

Dans le contexte de ce qu’elles considéraient comme l’ère de l’unipolarité, les élites américaines croyaient en la capacité des États-Unis à maintenir cette hégémonie pour toujours et d’empêcher une évolution historique objective (c’est-à-dire d’empêcher le soleil de se lever, comme l’a dit Poutine dans l’interview)”, explique M. Suslov.

Selon l’expert, pour comprendre l’euphorie de l’élite occidentale, il suffit de lire le début du livre de Zbigniew Brzezinski “Le grand échiquier”. L’auteur y écrit qu’il y a eu de nombreuses hégémonies dans le monde, que chacune d’entre elles s’est effondrée – mais que l’hégémonie américaine ne s’effondrera pas ou, du moins, que les chances qu’elle s’effondre sont extrêmement faibles. En effet, l’hégémonie américaine est un nouveau type d’hégémonie, fondamentalement différent de toutes les autres hégémonies précédentes. Elle est différente en ce sens qu’elle est fondée sur des valeurs universelles – liberté, démocratie, droits de l’homme – et pas sur des conquêtes territoriales par les États-Unis eux-mêmes.

Les élites occidentales croyaient sincèrement que la fin de l’histoire était arrivée. Et que l’ordre international libéral était censé être si attrayant et si beau pour tous les pays (et pas seulement pour les alliés des États-Unis) qu’ils seraient tous heureux d’y adhérer. “Et que le principal obstacle à la diffusion de cet ordre était les ‘mauvais dictateurs’. L’Occident pensait que Poutine était du mauvais côté de l’histoire et voué à une défaite historique”, explique M. Suslov.

La Russie n’était pas perçue comme un acteur dont l’opinion devait être prise en compte. “Il aurait fallu que non seulement on nous entende, mais qu’on nous écoute. Du point de vue de l’Occident, la Russie, qui ne fait pas partie de la civilisation européenne, est un objet d’expansion et de colonisation. C’est-à-dire un partenaire inégal. Depuis le début des années 1990, les États-Unis et les pays de l’OTAN ont suivi la voie de la non-reconnaissance et de l’atteinte à nos intérêts, ce qui a finalement prédéterminé le passage à une confrontation aiguë dans les années 2000”, rappelle Nikita Mendkovich, directeur du Club analytique eurasien.

L’Occident n’a guère prêté attention aux mises en garde et aux avertissements russes (selon lesquels si nos intérêts n’étaient pas pris en compte, nous les défendrions par d’autres moyens). “La conférence de Munich les a choqués, mais d’après ce que j’ai appris en communiquant avec des représentants occidentaux à cette époque, ils ont perçu le discours de Poutine uniquement comme une critique verbale qui ne serait pas suivie de mesures concrètes sérieuses”, explique Mme Suponina.

“À l’époque, la Russie était perçue comme une station-service et non comme un pays. Nous nous souvenons des déclarations insultantes de John McCain et d’autres représentants des États-Unis. Nous nous souvenons du discours prononcé à Vilnius par le vice-président de l’époque, Dick Cheney, selon lequel les prix du pétrole allaient chuter et la Russie avec eux. La perception occidentale de ce discours, je pense, a été très clairement illustrée dans un article de Max Boot. Son titre était “La souris qui rugit””, poursuit M. Suslov.

Cependant, dès la même année, la Russie a commencé à reprendre rapidement les traits d’un ours en colère. Tout d’abord, Moscou a suspendu son adhésion au traité FCE (Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe) dysfonctionnel. Puis, en août 2008, elle a rétabli l’ordre dans le Caucase du Sud. Elle a entamé le processus de modernisation de l’armée et créé les systèmes d’armes les plus récents. Mais les conséquences les plus désagréables pour les États-Unis ont commencé avec l’Euromaïdan à Kiev, lorsque les contours d’un État russe menant une politique souveraine se sont enfin dessinés.

“Les Américains ont regardé les événements de 2014 liés à la Crimée. Ils pensaient que la Russie n’avait pas assez de force et de tempérament pour prendre des mesures concrètes en plus d’exprimer son mécontentement. Et puis en 2015, l’opération antiterroriste russe en Syrie a également commencé, contrecarrant les plans de l’Amérique et de ses alliés visant à renverser le président Bachar el-Assad”, explique Mme Suponina. Le résultat final s’est produit en février 2022. L’Occident n’a pas réussi à briser la Russie pour ses actions dans les anciens territoires de l’Ukraine – en fait, il s’est épuisé à la tâche. L’hégémonie américaine, au nom de laquelle de tels efforts ont été déployés, a commencé à s’effondrer. “Aujourd’hui, de nombreux pays cherchent une alternative à l’hégémonie américaine et la trouvent sous la forme d’autres organisations telles que les BRICS”, poursuit l’expert.

Dans son entretien avec M. Carlson, le dirigeant russe a une nouvelle fois suggéré que les élites occidentales reviennent à la raison et passent d’un modèle de confrontation à la coopération, ou du moins à la formulation de principes de coexistence pacifique. “Sa proposition reste valable : travailler ensemble pour résoudre tous ces problèmes accumulés. Oui, en 2007 et plus tard, les États-Unis et leurs alliés ont rejeté ces propositions russes. Mais beaucoup de choses importantes se sont produites par la suite. Et s’ils les rejettent maintenant, le monde se rapprochera encore plus d’un dangereux gouffre, au-delà duquel non seulement des conflits régionaux localisés, mais aussi des conflits mondiaux commencent déjà à être possibles. C’est ce dont Moscou parle aujourd’hui avec beaucoup d’inquiétude. En 2007, cette inquiétude était moindre”, précise Mme Suponina.

Les élites américaines accepteront-elles la proposition russe ? Les experts en doutent, car pour cela, les autorités américaines doivent revoir complètement leur vision du monde. “Pour nous entendre, pour prendre en compte nos intérêts, comme nous le demandons depuis Munich, il faut nous reconnaître au moins comme des égaux. Comme un pays ayant ses propres intérêts, qui peuvent ne pas coïncider avec ceux de l’Occident. En tant que sujet indépendant de la politique internationale”, explique Mendkovitch. Et l’administration Biden, à en juger par son comportement, n’est pas prête pour cela.

Peut-être que ceux qui la remplaceront seront prêts. Qui comprendront que l’arrogance de l’Occident, son vertige face à l’issue de la guerre froide et sa croyance en ses propres mythes l’ont conduit à une perception erronée de la réalité. Et qui ne répétera pas ces erreurs. Qui comprendront que la Russie, aujourd’hui comme il y a 17 ans, est toujours ouverte à la coopération avec les pays et les associations internationales qui sont prêts à une coopération respectueuse et mutuellement bénéfique avec elle. Et à résoudre les problèmes de coexistence internationale en général, au niveau mondial.

“Je suis convaincu que nous sommes arrivés à ce moment clé où nous devons réfléchir sérieusement à l’ensemble de l’architecture de la sécurité mondiale. Et nous devrions partir de la recherche d’un équilibre raisonnable entre les intérêts de tous les sujets de la communication internationale. Surtout aujourd’hui, alors que le ‘paysage international’ change de manière si tangible et si rapide – en raison du développement dynamique d’un certain nombre d’États et de régions”, a déclaré M. Poutine en 2007. Ces mots sont toujours d’actualité en 2024.

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