Histoire et société

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Cuba et nous : interview du poète irakien Latif Al Saadi

Cet interview a été communiqué à Histoire et societe par notre correspondant italien Pietro Fiocchi qui vit aujourd’hui en Chine et collabore notamment avec Radio Chine Internationale. Il est vrai comme le dit ce poète et dirigeant communiste irakien que Cuba représente depuis des décennies le plus haut niveau d’humanité et de dignité qui existe aujourd’hui, celui qui donne confiance dans l’espèce humaine et son avenir. L’engagement pris de soutenir sa lutte est un honneur dont il faut se montrer digne et les vaines paroles, l’inertie, l’absence d’actes concrets, pire encore les divisions entretenues qui sont autant d’encouragements au crime des dirigeants des Etats-Unis n’ont aucune excuse. Cuba mérite le meilleur, comme il le donne. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://www.radiohc.cu/en/noticias/nacionales/318894-the-meaning-of-cuba-in-our-history-interview-with-journalist-activist-and-poet-latif-al-saadi

La signification de Cuba dans l’histoire : entretien avec le journaliste, activiste et poète Latif Al Saadi
“Malgré toutes les difficultés, notamment économiques, Cuba offre sa solidarité aux autres peuples…”

Dans la ville de Rome vit Latif Al Saadi, un personnage particulièrement intéressant. Originaire de Bagdad, citoyen irakien et italien, Latif a consacré sa vie au dialogue. Un engagement qu’il a mis en pratique en tant que professeur de langue arabe, en Irak et en Algérie, journaliste et commentateur de la politique internationale pour des journaux, magazines et agences de presse italiens et du Moyen-Orient, poète, médiateur culturel, membre du Parti communiste irakien, dont il a longtemps été le représentant en Italie et dont il est aujourd’hui l’un des principaux militants.
Une passion et un dévouement qui lui ont valu d’importantes récompenses, comme le prix de littérature de l’édition 2017 des Muslim International Books Awards (Academie des Artistes) et un film – qui fait partie d’un projet du ministère italien de la Culture – consacré à sa vie, par le réalisateur Massimiliano Zanin : “Latif… un poète combattant”.


A ton avis, Latif, Cuba est soumise depuis plus de soixante ans à un blocus économique inhumain décidé et voulu par les États-Unis. Pourquoi un pays d’une telle grandeur et d’une telle puissance craint-il que la petite et pacifique République de Cuba puisse suivre librement sa propre voie ?


Ces soixante années montrent deux aspects. D’une part, nous avons une confirmation et une explication de la réalité du système capitaliste. Bien que depuis le XXe siècle, il y ait eu des changements de façade du capitalisme aux États-Unis et en Occident en général, avec d’anciennes et de nouvelles propositions de libéralisme, le capitalisme continue d’être brutal, sauvage dans ses pratiques politiques contre l’autodétermination des peuples : nous parlons en particulier de Cuba, qui pendant plus de soixante ans a souffert de privations et d’une fermeture imposée par l’Occident.

L’autre côté, cependant, nous montre une véritable résistance d’un pays qui subit un embargo depuis plus de soixante ans et qui va de l’avant, malgré les difficultés, pour construire un modèle différent, en suivant l’exemple des dirigeants de la révolution cubaine. Et malgré toutes les difficultés, notamment économiques, Cuba offre sa solidarité aux autres peuples, comme elle l’a fait avec l’Afrique du Sud, comme elle le fait avec la Palestine. Cela donne une idée très forte de l’avenir de Cuba.

Pensez-vous qu’il sera bientôt possible de mettre fin à cette longue et triste “parenthèse” de l’histoire ? Quelles sont les stratégies qui peuvent aider dans cette direction ?

En tant que personnes qui ont toujours eu à cœur le sort de l’humanité, qui ont toujours lutté pour un monde meilleur, pour notre avenir, nous ne pouvons qu’être optimistes. Nous sommes certains qu’il est possible de construire un autre monde, un monde meilleur. Sans guerre, sans exploitation d’aucune sorte. Nous n’y parviendrons peut-être pas dans ma génération, mais nous devons continuer à nous battre et à penser à ceux qui viendront et vivront après nous.

Les conflits actuels, comme celui de l’Ukraine et celui qui semble viser la Chine, ont tous été décidés depuis des années. Ils font partie d’un plan, d’une stratégie déterminée pour réaliser des intérêts spécifiques.

Nous devons poursuivre notre lutte pacifique et démocratique, dans tous les contextes, politique, social, culturel, contre ce système capitaliste et d’exploitation, ce système d’unilatéralisme. Nous devons unir nos forces, tout le monde : les pacifistes, les écologistes, la société civile. Je crois que ce sont les communistes qui doivent réaliser cette unité, en raison de l’idée globale de justice sociale qui sous-tend leur pensée.

Il faut renouveler les mouvements. Nous devons aller de l’avant, contre la guerre tout d’abord, en continuant à apporter notre solidarité, même avec de nouveaux moyens et de nouvelles méthodes, à tous les peuples qui tentent de trouver leur propre voie. Cuba joue en ce sens un rôle fondamental.

On parle de plus en plus du “Sud global”. Votre Irak et Cuba appartiennent à cette partie du monde. Tous deux ont été et sont encore victimes de politiques agressives et répressives. Quelle coopération stratégique les gouvernements de Bagdad et de La Havane, mais aussi leurs sociétés civiles respectives, pourraient-ils mettre en place pour contribuer à la construction de ce “Sud global” fort et indépendant ?

Revenons, comme je l’ai dit, au rôle fondamental et essentiel de Cuba dans la construction d’un monde différent, en raison de l’exemple qu’elle nous donne chaque jour. Pour neutraliser le capitalisme et parvenir à une alternative socialiste, nous devons renforcer la participation populaire, condition sine qua non d’une société véritablement égalitaire.

En ce qui concerne l’Irak, Cuba peut aujourd’hui apporter une forte solidarité au peuple irakien pour l’aider à se libérer du système politico-électoral imposé par les Américains après 2003, le système de quotas ethniques-sectaires, que certains partis irakiens, soutenus par les Américains eux-mêmes, ont pu exploiter pour s’emparer du pouvoir. Aujourd’hui, en Irak, la société progressiste, les communistes, se battent pour une nouvelle loi électorale et de nouvelles élections, pour sortir du système des quotas et pour construire un État civil, démocratique, juste, un État de la majorité du peuple irakien.

Interview réalisée par Pietro Fiocchi

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