Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les Philippines et la Chine doivent travailler ensemble pour resserrer leurs liens que les Etats-Unis cherchent à distendre

https://www.globaltimes.cn/page/202304/1289539.shtml

Un article de Global Times au sujet de la montée des tensions entre la Chine et les Philippines. Tensions attisées – voire créées de toutes pièces – par les Etats-Unis, s’appuyant sur le fils du sanguinaire dictateur Marcos, revenu au pouvoir par la grande porte tenue ouverte par le populiste Duterte. On sait que l’intention première de l’empire dans ces manipulations est de compléter l’arc d’endiguement de la Chine du côté maritime. Mais il y a plus. Entre leurs mains, BongBong (Marcos Jr) pourrait bien jouer le rôle de Tsai Ing-Wen si elle se montrait incapable d’allumer la mèche que lui fournissent les Etats-Unis. Les prétextes sont déjà là, autour des îles de la mer de Chine de sud, qui sont le sujet d’une intense propagande anti-chinoise dans les médias philippins depuis la reprise en main de Duterte au milieu de son mandat. Et personne pour s’étonner que les Etats-Unis, vaillants défenseurs de l’Ing-wen et du Marcos, soient encore – et toujours plus – là où la poudre s’apprête à parler.

Le ton de l’article, de façon inhabituelle pour le GT et les médias chinois, est très péremptoire, sans langue de bois, et on a du mal à distinguer s’il s’agit d’un article d’opinion ou d’une déclaration quasi-officielle du ministère des affaires étrangères. Faut-il y voir un signe que, du point de vue chinois, on considère que le conflit à venir avec les Etats-Unis est suffisamment proche pour qu’on doive révoquer le jeu de balance que le gouvernement des Philippines semble vouloir faire perdurer ? (note et traduction de Jean-luc Picker pour Histoire et Société)

Les Philippines et la Chine doivent travailler ensemble pour resserrer leurs liens que les Etats-Unis cherchent à distendre.

Publié dans Global Times le 21 avril 2023

Qin Gang, ministre des affaires étrangères et conseiller d’état chinois est invité pour une visite officielle aux Philippines du 21 au 23 avril. Il y discutera des problèmes soulevés en mer de Chine du Sud avec le ministre des affaires étrangères des Philippines, ainsi que de coopération dans les domaines agricoles, le commerce, l’énergie et les infrastructures. 

Plusieurs médias internationaux ont rappelé le contexte de cette visite : récemment, les relations entre la Chine et les Philippines ont rencontré des difficultés voire se sont détériorées. Même si les relations bilatérales entre les deux pays ne sont pas au beau fixe, on espère que la visite de Qin permettra de clarifier les problèmes rencontrés, de développer la confiance mutuelle et d’éviter une dérive dangereuse.

Vu du côté chinois, les déclarations péremptoires que les Philippines ont récemment proféré au sujet de la mer de Chine du Sud soulèvent des questions importantes et la coopération militaire entre les Philippines et les Etats-Unis prend des proportions inquiétantes. Il est nécessaire que les Philippines clarifient leur position, car leurs déclarations récentes laissent la Chine dans le doute et l’inquiétude. La Chine a toujours considéré les Philippines comme un bon voisin en termes d’assistance mutuelle, un parent proche avec qui la compréhension est réciproque et un partenaire de choix pour développer des collaborations mutuellement bénéfiques. La Chine espère que les discussions avec le côté Philippin seront franches et ouvertes.

Le président des Philippines, Ferdinand Marcos Junior a visité la Chine en janvier de cette année. Cette visite a été très bénéfique pour les deux côtés. Les rencontres entre les dirigeants de la Chine et des Philippines ont permis des avancées importantes pour une coopération pragmatique et ont servi à développer la confiance mutuelle sur laquelle baser le développement des relations futures. Les deux dirigeants ont aussi répété leur volonté de régler le différent maritime à travers des discussions amicales et annoncé la reprise des négociations sur l’exploration commune des ressources pétrolières et gazières, démontrant leur attachement à la paix et au développement. 

Mais il est clair que certains ne veulent pas voir les relations sino-philippines se développer harmonieusement. A peine quelques semaines après la visite fructueuse de Marcos en Chine, Lloyd Austin, secrétaire à la défense des Etats-Unis visitait Manille et réussissait à empoisonner le climat, persuadant les Philippines de signer un accord permettant aux USA une utilisation plus intensive des bases militaires[i]. La coopération militaire entre les Philippines et les Etats-Unis s’est trouvée accélérée, non seulement en intervenant directement dans la dispute en mer de Chine du sud mais aussi dans une direction qui menace directement la souveraineté territoriale de la Chine, ses droits maritimes et sa sécurité. La Chine ne peut pas accepter cela.

Au début du mois d’avril, les Philippines ont ainsi ouvert 4 nouvelles bases aux forces militaires états-uniennes. Trois d’entre elles font face au détroit de Taiwan et la dernière est à proximité des îles Nansha dans la mer de Chine du sud. Les intentions des USA sont claires : il ne s’agit nullement d’une simple coopération militaire avec les Philippines qui n’aurait pas de cible désignée, mais d’un développement qui met en danger la paix et la stabilité régionale. La décision des Philippines ébranle la confiance mutuelle stratégique entre la Chine et les Philippines et sert les intérêts de Washington. Le 11 avril, une réunion ministérielle au format ‘2+2’ s’est tenue entre les Philippines et les Etats-Unis. Le communiqué publié en conclusion déformait et vilipendait les activités maritimes légales et légitimes de la Chine destinées à faire appliquer la loi, présentait des fabrications diffamatrices à l’égard de la Chine et allait jusqu’à mentionner les tensions autour du détroit de Taiwan. Toutes ces actions ciblent la Chine.

Nous avons pu observer avec préoccupation comment sa coopération militaire avec les Etats-Unis a entraîné les Philippines dans des eaux de plus en plus troubles. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois a déclaré, sans nommer de pays en particulier, que « nous aimerions encore une fois rappeler aux pays concernés que se plier aux exigences de forces extérieures à la région ne peut pas renforcer leur sécurité mais au contraire sera la source de tensions menaçant la paix et la stabilité régionale et se retournera contre eux ». La Chine a fait preuve de bonne volonté respectueuse à l’égard des Philippines et a toujours modéré ses prises de position. Pourtant, il ne saurait y avoir de doutes sur la position de la Chine et ses intérêts fondamentaux sont limpides. Les Philippines ne devraient pas oublier cela.

Pour parler franchement, ces ‘tensions’ entre la Chine et les Philippines n’auraient jamais dû exister. Les pays de la région, y compris la Chine et les Philippines, ont montré leur capacité à traiter les problèmes de la mer de Chine du sud sans ingérence étrangère et la question de Taiwan est essentiellement une affaire intérieure chinoise sans pertinence pour les Philippines. Les Philippines devraient être capables de voir à qui profite l’introduction d’intérêts états-uniens dans ces problèmes et surtout qui en supportera les conséquences.

Les forces pro-états-uniennes et antichinoises aux Philippines ont été revigorées et sont à la manœuvre. Elles dominent maintenant le champ des relations avec les forces extérieures ce qui complique la définition de la politique des Philippines envers la Chine. Le gouvernement des Philippines doit absolument garder la tête froide. Les Philippines ont répété à maintes reprises qu’elles ne voulaient pas prendre parti si cela ne servait pas les intérêts du pays. Peut-être avec l’intention de rassurer la Chine à ce sujet, le ministre des affaires étrangères philippin, Enrique Manalo a déclaré le 19 avril que les Philippines n’autoriseraient pas les Etats-Unis à stocker sur les bases des armes destinées à être utilisées sur le théâtre Taiwanais. Et qu’elles n’autoriseraient pas non plus les bâtiments de la marine états-unienne à se ravitailler en carburant, entreprendre des réparations ou se rééquiper sur les bases. Cette décision est généralement comprise comme une tentative de jouer ‘l’équilibre’ entre la Chine et les Etats-Unis.

Tout en reconnaissant les efforts des Philippines, nous devons rappeler que, dans cette intention, il est indispensable de faire montre de sincérité et de sang-froid au-delà de qualités diplomatiques hors-pair. Nous recommandons aux Philippines de faire les bons choix basés sur ses intérêts nationaux, ainsi que sur les normes et principes internationaux. Maintenant que les Etats-Unis ont inséré un coin entre la Chine et les Philippines, les deux pays doivent travailler ensemble pour l’arracher. L’invitation faite à Qin de visiter les Philippines semble être une excellente occasion d’aller dans ce sens.


[i] NdT pour mémoire, depuis le mouvement du ‘people’s power’ et la chute de Marcos en 1991, les USA n’ont plus le droit de posséder des bases militaires aux Philippines. Ils ont dû évacuer les tristement célèbres bases de Clark (base arrière des B52 pendant la guerre du Vietnam) et de Subic, avec leurs villes satellites, hauts-lieux de la prostitution, y compris juvénile. Toutefois, des accords de coopération militaire permettant en particulier des exercices conjoints ont été signés dès 1998, permettant à l’armée états-unienne de ‘visiter’ l’archipel. Ces accords ont été considérablement renforcés par la signature sous l’administration Obama (prix nobel de la paix) de l’EDCA, qui permet à l’armée US ‘d’utiliser’ des bases des forces armées philippines. 5 bases ont ainsi été redéveloppées. La visite de Lloyd Austin début février, préparée par la visite très militaire de Kamala Harris en novembre 2022 a permis non seulement d’étendre le champ d’utilisation de ces bases, mais surtout d’autoriser l’utilisation de quatre nouvelles bases stratégiquement placées. Ces annonces ont suscité des résistances au sein de la population philippine et y compris des protestations des gouverneurs des deux provinces de Luzon les plus directement concernées.

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