Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Kamala Harris, la vice-présidente des Etats-Unis a effectué en début de semaine une visite de 3 jours aux Philippines.

Jean-Luc Picker nous propose cette brève qu’il a rédigée en condensant l’article de nos trotskistes favoris WSWS qui lui paraissait peut-être un peu volumineux pour le sujet. La lecture de l’article original reste toutefois utile pour ceux qui en auraient le temps, nous n’en doutons pas. Cette visite ici comme ailleurs réactualise le pire dans chaque pays et a comme seul but de désigner l’ennemi chinois. Ce texte est à mettre en parallèle avec ce que dit l’article du Global Times que nous publions aujourd’hui aussi sur les relations entre Cuba et la Chine “connectées au cœur” et que ne peuvent pas comprendre ni les Etats-Unis, ni les gouvernements européens. Je crains que ce soit exact et que le cynisme, le dégout des relations politiques, le mépris ne soient en train de ruisseler de nos “élites” supposées sur tout le peuple français. (note de Danielle Bleitrach

Résumé d’un article publié par John Malvar, le 22 novembre 2022 sur

https://www.wsws.org/en/articles/2022/11/23/pers-n23.html

Représentante officielle d’un pays qui a assis sa domination coloniale du pays sur une répression féroce du mouvement d’indépendance lancé par la bourgeoisie philippine contre la domination espagnole au tournant du siècle dernier, cette visite avait pour but de régimenter l’archipel dans le cadre des préparatifs guerriers des Etats-Unis contre la Chine, sa grande voisine.

La relation entre la puissance tutélaire impériale et son sujet philippin n’est pas un long fleuve tranquille. Après avoir soutenu sa lutte féroce contre la guérilla communiste, les Etats-Unis ont été obligés de lâcher en 1986 le kleptocrate Marcos au terme d’une sanglante dictature de plus de 20 ans. Dans la foulée, ils ont dû se retirer en 1991 de leurs immenses bases de Clark et de Subic. La base aérienne de Clark était un important maillon du dispositif de l’empire dans la région connue en particulier pour avoir été le point de départ des milliers de vols des B-52 qui tentèrent en vain d’écraser la résistance Viet-Cong sous des tapis de bombes. La base navale de Subic était un point d’appui déterminant pour la marine états-unienne dans la perspective du contrôle de la mer de Chine Méridionale.

Le retour des forces états-uniennes en 2014[i] sous la présidence de Benigno Aquino est resté plus discret et a été gêné par l’élection de Rodrigo Duterte en 2016. Le populiste fascisant Duterte a cherché au début de son mandat à faire preuve de vision et à jouer un jeu d’équilibre entre le grand voisin chinois et les prétentions hégémoniques états-uniennes. Il a abandonné cette prétention peu à peu, et l’élection en 2022 d’un ticket ‘BongBong’ Marcos / Sara Duterte -respectivement fils de l’ancien dictateur Ferdinand et fille du populiste Rodrigo- laisse la voie libre au retour en force des GIs.

Kamala Harris demande maintenant l’implantation de pas moins de cinq bases militaires US aux Philippines. Il est probable que le cadre juridique sera tout aussi peu contraignant que celui qui régissait les bases des Clark et Subic : il s’agit ni plus ni moins que d’un abandon total de souveraineté nationale sur ces bases.

Avec 2 bases sur l’île de Luzon -la plus grande île au nord de l’archipel- et 3 autres locations le long de la mer de Chine méridionale, la volonté de l’empire est claire : il s’agit de construire d’urgence une formidable capacité militaire dirigée contre la Chine, complétant ainsi le dispositif formé avec Taiwan et la Corée du Sud.

Montée à bord d’un navire baptisé du nom d’une héroïne de la lutte anti-impérialiste, Teresa Magbuana, Kamala Harris a harangué les garde-côtes philippins, les félicitant d’être à l’avant-garde de la lutte pour un ‘ordre international basé sur des règles’ et pour la défense de ‘leur souveraineté nationale’ au moment où les Etats-Unis, ancienne puissance coloniale, s’apprêtent à leur retirer des parties essentielles de leur territoire pour y construire leurs bases.

S’adressant à une conférence civile, elle a enrobé ses motifs clairement militaristes de guimauve sur les droits de l’homme et de la femme, les assurant du soutien des Etats-Unis dans leur lutte « pour leurs droits divins ». Venant de la représentante d’un pays qui a décimé la population en lutte pour son indépendance, puis soutenu la terreur anti-communiste du dictateur Marcos et qui vient tout récemment d’enterrer les procédures légales contre BongBong pour sa participation aux crimes contre les droits de l’homme perpétrés par sa famille, on comprend la valeur de ce soutien. Cette hypocrisie est encore plus flagrante lorsqu’elle parle du ‘droit des femmes’ quand on connait l’étendue des villes satellites des bases américaines où prostitution et violences sexistes sont, encore aujourd’hui, endémiques.

La visite de Kamala Harris met en lumière l’hypocrisie des manœuvre tactiques de l’administration Biden lors du récent sommet du G20 et montre que l’empire n’a cédé en rien sur son but fondamental d’endiguer et d’asservir la puissance chinoise et se prépare activement à l’affrontement.


[i] En 2014, un accord a été signé avec l’administration Obama : the EDCA (Enhanced Defense Coopération Agreement)

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