Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les étudiants russes devront se mettre à l’étude du chinois

Le basculement historique que nous analysons par ailleurs et dans lequel se sont engagés Russes et Chinois n’est pas toujours bien perçu par une partie des “élites” russes fortement occidentalisées ou simplement encore convaincues comme ces étudiants que le centre demeure l’occident et en particulier tout ce qui se produit en anglais. Marianne nous a traduit ce texte qui doit la ravir, elle qui pour des raisons totalement linguistiques a toujours considéré que l’anglais était totalement inadapté à la prétention d’être la langue universelle et qui milite toujours pour l’espéranto. Mais en fait ma remarque n’exclue pas le fond de l’article, ni le basculement assumé par la Russie non pas comme une acceptation d’intégration, mais comme l’analyse très justement Alberto Cruz dans l’article que nous publions par ailleurs parce que l’occident la voue à la destruction sur le modèle de l’URSS alors que l’alternative avec la Chine et les BRICS lui redonnent un rôle central. Que les étudiants aient du mal à le percevoir comment le leur reprocher vu notre propre cécité et celle de nos dirigeants politiques. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/society/2023/3/30/1205221.html

Un différend oppose les étudiants au rectorat du MFTI au sujet de l’introduction de l’étude obligatoire de la langue chinoise. Le conseil des étudiants recueille des signatures pour faire annuler cette décision. L’administration répond que, selon les prévisions, en 2030, la moitié de la documentation technique et d’ingénierie dans le monde sera rédigée en chinois. Alors pourquoi les étudiants de Phystech ne voient-ils pas l’intérêt pour eux de pouvoir parler le mandarin ?

Le conseil des étudiants de l’Institut de physique et de technologie de Moscou (MFTI, plus connu sous le nom de Phystech) a commencé à recueillir des signatures pour une pétition visant à abolir l’étude obligatoire du chinois à l’université. La chaîne de télévision RTVI l’a annoncé mercredi.

La pétition, adressée au recteur Dmitri Livanov, demande aux étudiants de choisir entre l’anglais, le chinois ou l’espagnol. Les auteurs du document estiment que les universités “devraient donner aux étudiants la possibilité de construire leur propre trajectoire éducative” en fonction de leur propre plan de carrière. Ilya Zakharov, président du conseil des étudiants de Phystech, suggère que la plupart des étudiants souhaitent continuer à apprendre l’anglais, car c’est la langue de la communauté scientifique internationale.

Précédemment, l’espagnol, l’allemand et le français avaient disparu du programme – “à la place, les élèves se voient proposer trois heures d’anglais et de chinois” par semaine. Les cours supplémentaires pour améliorer l’anglais sont également supprimés.

Comme l’explique l’administration de l’institut, le chinois est actuellement utilisé pour “jusqu’à 27 % de tous les articles scientifiques dans les principaux domaines d’expertise du MFTI” et, d’ici 2030, “jusqu’à la moitié de toute la documentation technique et d’ingénierie sera publiée dans la langue de notre voisin de l’Est”. L’institut promet également d’enseigner le chinois au plus haut niveau – il emploie 12 professeurs, dont huit sont des locuteurs natifs. En outre, Phystech prépare déjà le premier manuel de chinois du pays destiné aux étudiants des écoles techniques et des universités.

Comme on sait, le MFTI est la première université russe à former des spécialistes en physique théorique, expérimentale et appliquée, en mathématiques, en informatique, en chimie, en biologie et dans d’autres disciplines connexes.

“Je ne pense pas que les spécialistes de la physique incluront quatre ou cinq heures de chinois dans leur cursus. S’ils ne le font pas, le volume d’apprentissage de cette langue sera réduit”, a déclaré Taras Ivchenko, professeur associé de langues orientales à l’Institut de linguistique de l’Université d’État de Russie, à la radio BFM.ru. Il estime que la particularité des textes techniques dans n’importe quelle langue, sans exclure le chinois, est qu’ils se prêtent bien à la traduction automatique.

Alexei Maslov, directeur de l’Institut d’études asiatiques et africaines de l’université d’État de Moscou, pense que c’est le contraire qui est vrai : la particularité de la langue chinoise est que les divers traducteurs automatiques sur Internet ne peuvent pas toujours en extraire le sens. “Ou alors le sens est très déformé. Si, pour les usages courants, un traducteur mécanique fonctionne généralement bien, au niveau de la traduction professionnelle, il est évidemment préférable de connaître la langue soi-même. Pour atteindre ce niveau, il faut au moins trois heures par semaine et étudier pendant quatre ans. On ne peut pas apprendre plus vite, il ne faut donc pas se faire d’illusions”, insiste M. Maslov.

Le chinois est désormais enseigné dans bon nombre de nos universités, mais jusqu’à présent, il accompagnait généralement l’étude des sciences humaines, a ajouté l’expert.

“Le fait que le chinois soit maintenant introduit pour les étudiants en sciences et techniques est une nouveauté. La décision du MFTI indique qu’une réorientation de la formation de ces étudiants a commencé. Il est évident que les négociations commerciales se font de plus en plus en chinois, que nos hommes d’affaires créent des laboratoires techniques, etc. Et d’une manière générale, je le rappelle, le chinois est la deuxième langue la plus utilisée sur Internet. D’énormes bases de données scientifiques ont été créées en chinois. Plusieurs centaines de revues techniques spécialisées sont publiées, qui n’ont d’ailleurs pas de version anglaise. Jusqu’à présent, il n’y a personne en Russie parmi les techniciens pour les lire. La décision du MFTI est donc un grand pas en avant”, a déclaré M. Maslov au journal VZGLYAD.

“Le chinois devrait devenir une deuxième langue d’enseignement partout, dès l’école. Toute personne souhaitant se consacrer à la science, aux affaires et à la production en aura besoin. Mais il y a un problème : notre méthodologie d’enseignement des langues occidentales aux écoliers est bien développée. Pour le chinois, en revanche, elle n’est pas aussi parfaite. Se contenter d’apprendre par cœur des caractères chinois à l’école ? Cela ne sert à rien. A cet égard, nous avons beaucoup de pratiques inefficaces dans l’enseignement du chinois, ce qui n’est pas le cas pour les langues occidentales”, explique Maslov.

Quant à la grogne des étudiants du MFTI, Maslov suggère d’expliquer, de montrer les vastes perspectives que la maîtrise de la langue chinoise leur ouvrira dans la vie. “Quelqu’un qui sait parler chinois pourra occuper un emploi bien rémunéré”, ajoute Alexandre Loukine, directeur scientifique de l’Institut de la Chine et de l’Asie moderne de l’Académie des sciences de Russie. – Si un spécialiste des différentes technologies parle chinois, il trouvera facilement du travail non seulement en Russie, mais aussi à l’étranger, y compris dans l’Empire céleste lui-même.

Il est clair que dans les “domaines sensibles” comme le complexe militaro-industriel, un étranger ne sera pas embauché à un poste de haut niveau. Il ne deviendra pas général dans l’armée. Mais de nombreux professeurs étrangers enseignent aujourd’hui dans les universités chinoises. Il existe en Chine de nombreuses coentreprises qui emploient également beaucoup d’étrangers. Bien sûr, il existe des entreprises purement chinoises, comme les entreprises familiales, où les étrangers occupent des postes subalternes. Mais c’est le cas dans tous les pays.

Bien entendu, l’espagnol que les étudiants souhaitent conserver est également important, admet M. Lukin. “L’espagnol est parlé dans de nombreux endroits, par exemple en Amérique latine. Mais tous ces pays sont très éloignés de nous. La Chine, en revanche, est toute proche. Nous avons plus de quatre mille kilomètres de frontières communes. Il faut savoir que la Chine est le plus grand pays voisin. Elle est le premier partenaire commercial de la Russie. L’incompréhension qui subsiste dans ce domaine entrave fortement notre coopération”, a conclu l’universitaire chinois.

Selon HeadHunter, la demande de professionnels parlant chinois a été l’an dernier une fois et demie supérieure aux niveaux de demande antérieurs, dans le contexte des sanctions occidentales contre Moscou et du renforcement des liens avec Pékin. Rien qu’entre janvier et mars de cette année, la demande de personnes parlant chinois a augmenté de 40 %. Les spécialistes du transport et de la logistique, de la vente et de la fabrication sont les plus demandés.

Selon le portail SuperJob, la connaissance de la langue chinoise augmente en moyenne le salaire d’un spécialiste de 18 % (tout comme la connaissance de l’anglais). La différence de salaire est particulièrement marquée pour les directeurs des achats.

En Chine, la demande de travailleurs russophones sur le marché du travail a également augmenté ces dernières années, explique Sergei Lukonin, directeur du département d’économie et de politique de la Chine à l’IMEMO RAS. “Toutefois, si les universités russes ont diplômé relativement peu de “sinophones” jusqu’à récemment, les Chinois ont diplômé régulièrement 10 000 “Russistes” par an pendant de nombreuses années, indépendamment de la popularité de la langue, a déclaré l’expert à RBC. – Par conséquent, il n’y a pas de pénurie de travailleurs russophones en Chine aujourd’hui.

Comme l’écrit le journal VZGLYAD, la visite d’État du président chinois Xi Jinping en Russie la semaine dernière est déjà qualifiée d’historique – l’invité a clairement démontré son soutien à notre pays sur tous les fronts.

Lors d’une réunion avec le gouvernement mercredi, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que Moscou et Pékin avaient identifié huit domaines de coopération les plus importants, a rapporté TASS. Parmi ceux-ci figurent la création de partenariats technologiques, le développement d’infrastructures interconnectées, la coopération dans le secteur financier et le secteur immobilier. Auparavant, M. Poutine avait promis d’aider les entreprises chinoises à remplacer les entreprises occidentales qui ont quitté le marché russe.

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