Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Arabie saoudite rejoint l’alliance anti-dollar, par Anna Sedova

Voici une mise en œuvre concrète de ce que décrit l’article publié ce même jour d’Alberto Cruz sur le sommet des Brics. Le changement du monde connait une accélération inouïe après la relative stagnation des années de la contrerévolution dite néolibérale. Qui aurait pu imaginer que ce qui a été un des maillons essentiels de la suprématie du dollar, le pétrodollar des saoudiens et de l’Opep soit en train de se déplacer face à la chute de fait du dollar comme monnaie universelle ? Nous ne pourrons adopter pour la France et pour l’Europe une véritable politique de paix, de souveraineté, de refus de l’austérité imposée aux couches populaires et de défense de l’environnement que si nous réalisons ce changement. Mais partout l’impérialisme américain en perte de vitesse tente d’imposer son propre narratif et le fait en plaçant ses valets dans les médias, dans les organisations. (Note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/economy/article/374469/

Riyad négocie l’adhésion à la banque de développement des BRICS et à partir de là la monnaie unique n’est pas loin.

Illustration : Global Look Press/Keystone Press Agency/Global Look Press

L’Arabie saoudite est en pourparlers pour rejoindre la Nouvelle banque de développement des BRICS en tant que nouveau membre, a rapporté le Financial Times, citant une déclaration de l’organisation.

“Au Moyen-Orient, nous attachons une grande importance au Royaume d’Arabie saoudite et nous sommes actuellement engagés dans un dialogue qualifié avec lui”, ont déclaré des responsables de la nouvelle banque de développement des BRICS au journal.

Le journal note que l’adhésion de l’Arabie saoudite à l’organisation renforcera les liens entre les membres de la NDB, qui a été créée par “les plus grandes économies émergentes du monde comme alternative aux institutions de Bretton Woods dirigées par l’Occident”.

La banque des BRICS a été officiellement lancée à Moscou le 7 juillet 2015. La mission principale de l’institution est de financer des projets d’infrastructure et de développement durable dans les pays membres des BRICS et dans les pays en développement. La banque a accueilli quatre nouveaux membres en 2021 : le Bangladesh, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Uruguay. Le capital autorisé de la banque est de 100 milliards de dollars.

Les BRICS eux-mêmes pourraient également être rejoints par un certain nombre d’autres pays, notamment l’Argentine, l’Iran, ainsi que, selon le ministère chinois des affaires étrangères, l’Indonésie, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Égypte.

La possible adhésion de l’Arabie saoudite à la Nouvelle banque de développement rend encore plus urgente la question de la création d’une monnaie unique pour les BRICS. La question de la création d’une telle monnaie a été soulevée par Vladimir Poutine en juin 2022 avant le sommet de l’organisation.

Ce sujet a déjà été abordé auparavant, mais dans le contexte du conflit entre la Russie et l’Occident et de la méfiance croissante à l’égard du dollar dans le monde en raison de son utilisation par les États-Unis comme outil de pression politique, la nouvelle monnaie supranationale pourrait devenir une réponse à la domination de l’Occident dans le secteur financier mondial

En mars 2023, l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff a été nommée présidente de la nouvelle banque de développement des pays BRICS. Lors de la cérémonie d’investiture, l’actuel président Lula da Silva a suggéré une monnaie alternative au dollar pour les échanges commerciaux entre les pays des BRICS.

“Qui a décidé que le dollar serait la monnaie de règlement après l’or ? Pourquoi pas le yen, pourquoi pas le real, pourquoi pas le peso ? Parce que nos monnaies étaient autrefois faibles et n’avaient aucune valeur dans d’autres pays”, a-t-il souligné.

Selon Mikhail Belyaev, docteur en économie, l’adhésion de l’Arabie saoudite à la banque des BRICS rapproche la création d’une monnaie unique, qui ne demande qu’une volonté politique.

– Une monnaie n’existe pas en soi, elle repose sur les mécanismes et les capacités économiques d’un ou de plusieurs pays. Nous voyons l’avenir du progrès économique mondial se déplacer de l’Ouest vers l’Est, si ce n’est déjà fait. Ce centre de développement se forme autour des pays BRICS, de l’OCS et d’autres groupements qui représentent l'”Orient collectif”. Nous ne sommes pas encore habitués à ce terme et ne connaissons que l'”Occident collectif”, mais cela va bientôt changer.
Les BRICS, quant à eux, regroupent les pays qui représentent le noyau du développement futur : l’Inde, la Russie, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud. Ce noyau ayant une puissance économique, un rythme et des perspectives de développement suffisants, sa propre banque a été créée pour faciliter les progrès du groupe. Naturellement, cela n’exclut pas la participation d’autres pays ; il s’agit d’une configuration ouverte. Une monnaie commune collective pourrait être créée sur la même base. Ce n’est encore qu’une discussion, mais l’idée sera certainement mise en œuvre, car une monnaie commune est tout simplement nécessaire pour faciliter le commerce entre les pays.

Naturellement, l’Arabie saoudite comprend avec qui lier son existence économique future et gravite vers ce groupe. Le moyen le plus simple de se rapprocher n’est pas de maintenir des liens purement commerciaux, mais d’adhérer à une organisation financière qui sert ces liens. De plus, elle sert d’outil pour les étendre et les approfondir. C’est pourquoi ils veulent rejoindre ce mouvement économique progressiste avec les pays du BRICS. C’est un processus naturel.

D’autre part, et pour la banque des BRICS, la présence de chaque membre, en particulier ceux qui ont une capacité financière et économique, est un facteur de renforcement qui contribuera à son développement.

L’Arabie saoudite s’est fixé pour objectif de diversifier son économie. Pendant longtemps, il s’agissait d’une économie de monoculture, dont 90 % du budget provenait des recettes pétrolières.

Aujourd’hui, ils tentent de construire une économie à part entière. L’Arabie saoudite, qui renforce la banque des BRICS, se prépare donc à l’utiliser à ses propres fins. En d’autres termes, il s’agit d’un processus interdépendant et mutuellement bénéfique, qui profite à toutes les parties.

“SP : Une monnaie unique pour les BRICS peut-elle être créée après l’adhésion de l’Arabie saoudite à la banque d’association ?

– Je ne vois aucun obstacle à la création d’une monnaie unique commune. Naturellement, elle sera supranationale.

Il n’est pas question qu’elle soit mise en service et appliquée au sein de chaque pays. Mais il est très facile de créer une monnaie virtuelle à utiliser dans les relations commerciales entre les membres des BRICS.

Pour ce faire, il suffit de consulter les documents de notre Conseil d’assistance économique mutuelle et de voir comment le rouble convertible, qui servait les pays membres du CAEM [ou Comecon, NdT], a été mis en place. Cette monnaie supranationale fonctionnait parfaitement il y a 30-40 ans et était utilisée non seulement pour les règlements, mais aussi pour les investissements et l’émission de crédits.

À mon avis, le fait qu’une telle monnaie n’ait pas été introduite dans les BRICS n’est dû qu’à un manque de volonté politique et d’engagement à la créer, car toutes les autres conditions sont réunies. Même la banque d’émission existe déjà, il n’est pas nécessaire de créer un nouvel organisme.

Une monnaie collective est beaucoup plus prometteuse que les règlements en monnaie nationale entre deux pays.

SP : Pourquoi ?

– Parce que les règlements en monnaie nationale nécessitent des flux de commerce extérieur équilibrés. C’est pourquoi nous n’avons pas pu commercer en roupies et en roubles avec l’Inde. Nous avons essayé de le faire, mais il s’est avéré que nous fournissions beaucoup plus que nous n’achetions. Nous avons commencé à accumuler des roupies, et comme il s’agit d’une monnaie non convertible, il n’était pas évident de savoir où les mettre. Au niveau de l’État, comme en URSS, ce problème aurait pu être résolu. Mais aujourd’hui, c’est plus difficile, car ce ne sont pas les États qui font du commerce, mais les entreprises. Et il est très difficile de les convaincre d’échanger quelque chose dont elles n’ont pas besoin.

Lorsque l’on échange dans une monnaie supranationale, il n’y a pas ce genre de problème. Tout excédent peut être utilisé pour des achats dans un autre pays membre ou à d’autres fins. Naturellement, il ne devrait pas y avoir beaucoup de contradictions entre les pays membres. Des désaccords sont possibles, c’est une économie où chacun défend ses propres intérêts, il n’y a pas d’altruistes. Mais nous comprenons que si les pays ont une monnaie unique, c’est un club de gens qui partagent les mêmes idées.

Il n’y a aucune difficulté à créer une telle monnaie, il suffit de s’asseoir et de la créer. En outre, il peut s’agir d’un système ouvert. Tout le monde peut y adhérer, y compris l’Arabie saoudite et d’autres pays. Tout cela n’est encore qu’à l’état d’idée, mais on voit que cette question commence à être discutée de manière plus active.

“SP : Cette monnaie pourrait-elle remplacer le dollar sur la scène internationale ?

– Oui, les analystes politiques se plaisent à dire que la monnaie unique des BRICS sera dirigée contre le dollar. Cependant je voudrais souligner qu’avec l’idée d’être “contre”, il est difficile de créer quelque chose qui ait un résultat positif. Mais pour faciliter les règlements mutuels et un commerce extérieur plus productif, c’est une voie fructueuse, et je pense qu’elle sera mise en œuvre.

Je dois noter que jusqu’à présent, la conception institutionnelle des BRICS en tant que telle n’existe pas. Il n’y a pas de statuts ou de programmes ; c’est une bonne chose qu’il y ait une banque. Mais je pense que nous verrons très bientôt une formulation plus claire de l’ensemble de cette communauté.

***

Et pour continuer sur la finance :

La société chinoise UnionPay devance l’américaine Visa sur le marché des cartes de crédit

https://vz.ru/news/2023/5/29/1214046.html

La société chinoise UnionPay a pris pour la première fois la tête du marché des cartes de crédit face à Visa, avec 40,03 % contre 38,78 % pour le système de paiement américain, selon une étude de la société internationale Nilson Report.

En 2022, les transactions par carte du système de paiement américain se sont élevées à 14,109 milliards de dollars, contre 16,227 milliards de dollars pour la Chine. Les transactions par carte de crédit de Visa ont atteint 63,91 % de tous les paiements, tandis que celles d’UnionPay se sont élevées à 75,12 %.

En 2021, la situation était très différente : Visa avait une part de marché de 39,53 % et UnionPay de 38,68 %, écrivent les Izvestia.

Les cartes UnionPay se classent traditionnellement en deuxième position derrière Visa, mais principalement grâce au marché intérieur chinois. Ce changement de leadership en 2022 s’explique principalement par la croissance de la région Asie-Pacifique et le ralentissement du PIB américain. Le marché russe, dont Visa s’est officiellement retirée, pourrait également avoir eu un impact, car la demande d’UnionPay y a augmenté.

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