Histoire et société

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Karaganov : poussons la Russie vers la Sibérie face à la vassalité de l’Europe

Karaganov : poussons la Russie en Sibérie
Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Vladivostok et l’esprit sibérien l’avenir de la Russie

Serguei Karaganov est un spécialiste de géopolitique en sciences humaines, issu de l’intelligentzia soviétique, lui même sociologue brillant. Il a appartenu à l’École soviétique de Primakov comme Lavrov, c’est sa force et sa faiblesse parce que les relations avec le kremlin n’ont jamais été d’une allégeance totale. Comme tous les diplomates ce n’est pas un décideur, il a souvent déploré l’opacité des décisions de Poutine mais il est très apprécié dans son activité de vulgarisateur en Russie et au niveau international. Pour lui la “guerre” oppose la Russie à l’occident et de larvée elle devient de plus en plus ouverte. C’est une guerre patriotique, elle sera gagnée dans un temps plus ou moins long mais la Russie doit en profiter pour se transformer de l’intérieur et ce sera en se débarrassant de ce qui en elle est occidental et constitue une cinquième colonne. Pour comprendre ce qu’il entend par là voir en fin d’article la vidéo dans laquelle avec un cynisme inégalable, Georges Friedman nous fait un cours de géopolitique froid, méthodique sur la question. Une preuve de plus à ajouter au dossier des responsabilités du déclenchement du conflit le 24 février 2022.

Certes les propos de Karaganov à un journal sibérien sont influencés par les préoccupations du public auquel il s’adresse, mais en fait en les rapprochant d’une interview d’avril 2022 au Corriere de la Serra, on peut constater que l’analyse et la préoccupation restent constantes et témoignent d’un nouvel équilibre géopolitique dans lequel les Etats-Unis jouent une déstabilisation permanente pour empêcher un monde multipolaire, il faut non seulement nouer des alliances mais se transformer de l’intérieur pour résister à ces déstabilisations destructrices.

Est-ce que le terme d’occidental, ce dont il faudrait se prémunir, recouvre la culture, la civilisation ? Karaganov n’a rien d’un “grand russe mystique”, même si en tant que sociologue, les civilisations le passionnent. Non il s’agit de ce qu’il compare au nazisme et qui ne se limite pas à l’antisémitisme mais qui est un esprit de supériorité qui pousse à anéantir l’objet d’un mépris raciste. Ce qu’il préconise alors est-il proche de ce qu’avancent les communistes russes? Retrouver des marques soviétiques, si ce n’est le socialisme, un État puissant, la fin des oligarques ouvertement compradores? Néanmoins après l’effondrement de l’Union soviétique, Sergueï Alexandrovitch a été invité en tant qu’expert en relations internationales auprès de l’administration présidentielle de la Fédération de Russie, Elstine puis Poutine. Afin de rationaliser le développement des problèmes conceptuels, Karaganov a fondé en 2002 la revue Russia in Global Affairs. En 2011, il a conçu et présenté un programme d’envergure pour « déstaliniser la société ». Il y a eu des discussions animées autour de ce programme, qui se poursuivent à ce jour. Ce que l’on voit aussi c’est qu’il propose de s’appuyer sur l’alliance avec la Chine socialiste et d’aller vers la Sibérie, la zone où l’influence des communistes est la plus marquée. Mais c’est surtout par rapport à l’impérialisme nord américain et à sa stratégie qu’il refuse “l’occidentalisation”. Pour comprendre ce qui est dit par là, le mieux est cette fois de se référer directement à la description de Friedman, une vidéo que nous vous présentons en fin d’article et qui a été communiquée par Annie Lacroix Riz.

L’Ukraine fer de lance des USA

Le 8 avril 2022, SergueÏ Karaganov, doyen de la Faculté d’économie mondiale et des affaires internationales de l’École supérieure d’économie de Moscou avait accordé une interview au journal italien Corriere della Sera, dans laquelle il avait évoqué l’invasion russe de l’Ukraine et avait déclaré : « C’est une guerre contre la Russie . À l’ouest, les objectifs de l’Europe pourraient être mis en cause ». Notez que le mythe de l’interdiction de prononcer le mot guerre, une fois de plus est mis à mal, dès cette époque il caractérise la situation. Dès le 8 avril celui qui dirige le conseil russe de politique étrangère et de défense, que l’on considère comme très proche de Serguei Lavrov et de Vladimir Poutine avait précisé quelques fondamentaux de la dite guerre..

« Poutine a déclaré que si l’Ukraine était entrée dans l’OTAN, il n’y aurait plus d’Ukraine. En 2008, il y avait un plan d’adhésion rapide. Elle a été bloquée par nos efforts et ceux de l’Allemagne et de la France, mais depuis lors, l’Ukraine a été intégrée à l’OTAN. Elle a été bourrée d’armes et ses troupes ont été entraînées par l’OTAN, son armée est devenue de plus en plus forte. Nous avons assisté à une augmentation rapide du sentiment néonazi dans ce pays. L’Ukraine était en train de devenir comme l’Allemagne en 1936-1937. La guerre était inévitable, ils étaient le fer de lance de l’OTAN. Nous avons pris une décision très difficile : attaquer d’abord, avant que la menace ne devienne encore plus meurtrière », avait-il alors déclaré au journal italien en justifiant l’invasion décidée par Vladimir Poutine.

Depuis, il y a eu la révélation de la manière dont la France et l’Allemagne ont reconnu avec Hollande et Merkel avoir tendu un piège pour donner le temps à l’Ukraine de devenir le fer de lance de l’attaque de l’OTAN. On peut encore s’interroger de savoir qui a piégé l’autre et qui a donné du temps à l’autre, mais il est évident que la vision d’une Russie pôle essentiel du continent eurasiatique par une alliance privilégiée avec l’Allemagne et un équilibre entre l’Inde et la Chine grâce aux liens avec les ex-république d’Asie centrale est mise à mal.

Dès l’interview d’avril 2022, comme le journaliste du Corriere della Sera se demandait comment il pouvait penser qu’un petit pays comme l’Ukraine attaquerait une superpuissance nucléaire comme la Russie, Serguei Krarganov avait déclaré : « L’Ukraine a été construite par les États-Unis et d’autres pays de l’OTAN comme un fer de lance, peut-être d’agression ou du moins de pression, pour rapprocher la machinerie militaire occidentale du cœur de Russie. Nous voyons maintenant à quel point ils étaient préparés à la guerre. Et le nazisme ne consiste pas seulement à être contre les Juifs. Le nazisme est la suprématie d’une nation sur une autre. Le nazisme est l’humiliation des autres nations. »

Dans un autre passage de l’interview accordée au journal italien, le conseiller de Poutine a souligné que « la vraie guerre est maintenant contre l’expansionnisme occidental » et l’a expliqué comme suit : « Nous voyons qu’il y a une expansion occidentale en cours et que la russophobie atteint des niveaux comparables à l’antisémitisme de l’entre-deux-guerres. Le conflit était donc déjà en train de devenir probable. Et nous avons été témoins de profondes divisions et de problèmes structurels dans les sociétés occidentales. Le Kremlin a donc décidé d’attaquer en premier. Cette opération militaire servira, entre autres, à restructurer l’élite et la société russes. Elle deviendra une société plus militante, basée sur la nationalité, expulsant les éléments non patriotiques de la classe dirigeante.»

Interrogé sur la question de savoir si le but de la guerre est de boycotter la présence de l’OTAN en Europe centrale et orientale, Sergueï Karganov avait déclaré au journal italien : « La plupart des institutions sont, à notre avis, unilatérales et illégitimes. Elles menacent la Russie et l’Europe de l’Est. Nous voulions une paix juste, mais la cupidité et la stupidité des Américains ainsi que la myopie des Européens nous ont révélé que ces acteurs n’en voulaient pas. Nous devons corriger leurs erreurs. »

Il a ensuite précisé que la Russie ne considère pas l’Union européenne comme « illégitime » mais a déclaré : « Parfois, nous n’aimons pas leurs politiques, surtout si elles deviennent de plus en plus belliqueuses ». Dans le même temps, il a déclaré qu’ « il devient de plus en plus probable » qu’une escalade de cette guerre vers d’autres pays soit inévitable. Nous étions je le rappelle le 8 avril 2022.

« Les Américains et leurs partenaires de l’OTAN continuent d’envoyer des armes en Ukraine. Si cela se poursuit, les objectifs en Europe pourraient être affectés ou les voies de communication seront rompues. La guerre pourrait alors s’intensifier. C’est de plus en plus plausible. Je pense que les généraux américains voient ça comme moi », avait-il souligné.

Ce qui était également évident c’est que depuis au moins 2014, chacun savait à quoi s’en tenir et cette conviction en fait, si l’on suit ce qu’il en dit aujourd’hui, est acquise entre 2008 et 2009, il y a eu l’invasion de l’Ossétie par la Géorgie qui a poussé l’armée russe à intervenir, comme elle intervient en Syrie, et l’événement déclencheur parait être le viol du mandat de l’ONU en Libye.

En effet, aujourd’hui, dans un journal sibérien, il confirme « l’opération militaire spéciale » qui dure depuis un an peut être considérée comme « une phase plus ouverte de la guerre cachée lancée par l’Occident contre la Russie il y a environ une décennie et demie », et la période qui s’est écoulée est déjà propice pour tirer certaines conclusions.

Le discours de février 2023 du président russe Vladimir Poutine à la législature russe était un résumé. Le message principal en était : une longue lutte s’annonce. Selon Karaganov, Poutine, en tant que politicien, ne peut pas parler complètement honnêtement clair, mais un analyste peut être plus audacieux et aller au-delà des déclarations puisqu’il s’agit dans le cadre de transformations géopolitiques d’une grande ampleur de sécuriser mais aussi de transformer la Russie.

Selon Karaganov, “l’existence d’un État ukrainien basé sur la russophobie et le fonctionnement des élites compradores qui pillent le pays et protègent leurs biens au prix de la vie de soldats utilisés comme chasseurs de balles est inadmissible. “Mais il ne s’agit pas seulement de protéger la frontière, il s’agit d’en profiter pour transformer la Russie, l’adapter aux grands changements. De ce point de vue on ne manque pas d’être frappé par le parallélisme avec ce qui a été révélé par la derrière session du Comité central et de l’Anp chinoise.

L’opération militaire permettrait également à la Russie de se débarrasser des éléments occidentaux et de l’occidentalisme centriste sans répression, simplement par l’exode y compris d’oligarques, ceci est rendu indispensable par le fait que les élites occidentales visent à liquider la Russie.On pourrait en prolongeant cette analyse noter qu’une partie des Russes qui se sentaient très profondément européen, dans l’intelligenzia en particulier est déjà confrontée aux contradictions de la situation. Va-t-elle suivre aux dépends de la patrie russe cette exode des oligarques attirés par le marché occidental de la culture? Il est probable qu’elle va vivre des déchirements et des drames, si dans un premier temps elle pourra les attribuer à Poutine, aux tares non démocratiques de son régime, plus la situation évoluera plus cela sera dramatique, parce que la situation ne demeurera pas en Etat, dans la guerre mais aussi en Occident.

Les changements géopolitiques qui ont commencé vers 2010 ne feront que se renforcer à l’avenir. La Russie a besoin d’un changement d’élite dans des conditions changeantes, écrit Karaganov. La Russie n’a rien à faire à l’avenir dans une Europe plongée dans la haine de la Russie, cette haine doit être confinée à l’Occident.

Le virage de la Russie vers l’Est signifie non seulement renforcer les relations avec la Chine, mais aussi déplacer les centres de gravité internes du pays vers l’Est., ce qui est cette fois l’essentiel de sa déclaration au journal sibérien. Comme Poutine l’a suggéré, il est souhaitable qu’à l’avenir, Novossibirsk devienne le centre de la science russe. Krasnoïarsk et Irkoutsk devraient être le centre industriel. Vladivostok le centre commercial. Saint-Pétersbourg peut rester un centre culturel, et Moscou un siège administratif et militaire, mais le processus de Moscou aspirant les ressources humaines et autres des régions doit être arrêté.

Donc, la Russie « rentre chez elle, et dans elle-même ». Les territoires ukrainiens occupés doivent être reconstruits, mais cela ne doit pas s’appliquer à la région de l’Ukraine occidentale, qui sera une zone tampon démilitarisée entre la Russie et l’Europe. Un programme de plantation devrait être lancé en Sibérie, comme à l’époque de Witte et Stolipin, et pour cela, en plus des Russes, la population des territoires ukrainiens détruits peut également y contribuer.

Les Sibériens devraient également être mis en avant dans le domaine de l’administration publique et de la culture. Après tout, la Sibérie a toujours été non seulement la terre des exilés et du Goulag, mais aussi de l’esprit de liberté. Il est impératif de renforcer la recherche orientale en Russie, qui sera le secteur le plus prometteur parmi les sciences sociales, et d’éliminer l’occidentalocentricité.

Déjà dans l’interview de 2022 au Corriere della sera, Karaganov avait déclaré qu’il ne pensait pas qu’il y aura un changement de pouvoir en Russie parce que « nous menons une guerre de survie. C’est une guerre contre l’Occident où les gens se rassemblent autour du leader. Et aux Etats-Unis personne n’a payé pour la guerre en Irak, donc nous avons nos doutes sur l’efficacité de la démocratie », avait-il poursuivi. Il faut noter que dès cette époque il parle ouvertement de guerre et prévoit même des prolongements avec l’intervention de l’occident. Ainsi il a également déclaré que « la démilitarisation signifie la destruction des forces militaires ukrainiennes – cela se produit et va s’accélérer. Bien sûr, si l’Ukraine est soutenue par de nouvelles armes, cela pourrait prolonger l’agonie. … La guerre sera victorieuse, d’une manière ou d’une autre. Je suppose que la démilitarisation sera réalisée et qu’il y aura aussi de la dénazification. Comme nous l’avons fait en Allemagne et en Tchétchénie. Les Ukrainiens deviendront beaucoup plus pacifiques et amicaux avec nous. »

Enfin, à cette époque-là, interrogé sur la relation avec Pékin après les sanctions occidentales, le conseiller de Poutine a répondu : « Nous serons plus intégrés et plus dépendants de la Chine. Cela comporte des éléments positifs, mais en général, nous serons beaucoup plus dépendants », a-t-il reconnu. Et de poursuivre : « Je n’ai pas trop peur de devenir un pion de la Chine, car la Russie a un esprit de souveraineté et culturellement nous sommes différents des Chinois. Je ne pense pas que la Chine puisse ou va nous surpasser, on le sait comme Lavrov chaud partisan de l’alliance sino-russe dans un contexte qui inclut l’Asie centrale et l’Inde. En mai 2022, Karaganov a déclaré que l’Inde figurait en bonne place dans l’agenda de la politique étrangère russe et que des liens étroits entre l’Inde et la Russie contribueraient à stabiliser les liens de New Delhi avec Pékin en plus d’apporter un équilibre dans le partenariat de Moscou avec la Chine. Cependant, nous ne sommes pas contents, car en réalité j’aurais préféré avoir de meilleures relations avec l’Europe. »

Ce qui est parfaitement exact, comme la plupart des Russes même s’il fait partie de ceux avec Lavrov et les communistes qui ont très tôt vu ce qui se tramait en Ukraine, il dénonce l’illusion de la Russie de pouvoir avoir des accords au moins avec les Européens. D’avoir tenté de résoudre le problème de l’Ukraine de manière pacifique parce que, comme ils l’affirment souvent les Russes haïssent la guerre même si ils savent la faire. L’Europe aurait conservé et renforcé ses relations avec la Russie en tant que principal pourvoyeur de matières premières et vaste marché économique ; l’Ukraine allait pouvoir entamer un processus d’intégration européenne tout en conservant des liens économiques et culturels étroits avec la Russie ; quant à la Russie, elle pensait être admise dans le chœur des nations et sa présence au conseil de sécurité en témoignait, la symbiose avec l’Europe était possible et donc si l’Ukraine n’était pas dans l’OTAN, le fait d’être dans l’UE n’était pas un obstacle à l’influence au contraire.

Ce qui se passe d’abord en Libye puis en se rapprochant de ses frontières et avec le coup d’Etat de 2014, l’attaque contre le russe, l’interdiction de le parler est un choc par rapport à ses rêves d’intégration. Il y avait une autre solution, celle qui faisait le plus peur aux Etats-Unis, à savoir l’alliance de fait entre l’Allemagne et la Russie. On ne comprend rien à ce qui s’est passé en Ukraine si on omet ce fait, ce qui a poussé les USA à faire de l’Ukraine un fer de lance c’est la nécessité d’empêcher de se constituer une alliance de fait entre la Russie et l’Allemagne, et Karaganov comme probablement Poutine le regrettent réellement. Surtout si l’on prolonge cet espace dans tout le continent eurasiatique. On ne comprend rien à Nordstream, à cet attentat si l’on ne perçoit pas cela. C’est pourquoi je vous recommande d’écouter cet interview en anglais mais avec sous titre en français de Friedman qui vous explique quel est la stratégie des USA pour conserver la domination mondiale.

danielle Bleitrach

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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Avec un cynisme inégalable, Georges Friedman nous fait un cours de géopolitique froid, méthodique. Une preuve de plus à ajouter au dossier des responsabilités du déclenchement du conflit le 24 février 2022. Si cela pouvait contribuer à ouvrir les yeux et les oreilles des camarades du PCF dans le cadre de la préparation du 39 ième congrès.

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    • Franck Marsal
      Franck Marsal

      J’ai écouté son discours jusqu’au bout et ce qui me frappe, il est cynique, mais il est surtout révélateur des limites et des faiblesses de l’impérialisme américain, et de sa stratégie actuelle. Le discours date d’il y a 7 ans, mais en fait, il est la base de la politique de Biden qui n’a donc pas évoluée depuis 7 ans et s’appuie sur une analyse stratégique totalement dépassée.

      1. Il prend exemple sur la stratégie de Reagan d’opposer l’Iran et l’Irak et de faire qu’ils se battent entre eux. Cette stratégie cynique des USA a fait des millions de morts dans cette partie du monde. L’accord récemment signé de rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie et l’Iran (Iran qui est par ailleurs lié à la Chine par un partenariat stratégique de longue durée et qui développe avec la Russie un corridor Nord Sud passant par la Caspienne) montre que cette stratégie de présence des USA en Asie occidentale est parvenue à son point final. L’Irak lui-même, considérablement affaibli, est désormais très lié à l’Iran et il y a quatre grandes puissances de culture musulmanes, 4 futurs géants qui approfondissent peu à peu leurs liens dans la région : la Turquie (80 millions d’habitants), l’Egype (100 millions d’habitants), l’Iran (85 millions d’habitants) et Arabie (35 millions d’habitants). Ces pays sont des pays jeunes (ils ont les ressources humaines, les ressources matérielles et de plus en plus la science et la technologie pour leur développement) et les USA perdent peu à peu pied dans cette partie de l’Asie, ce qui mènera nécessairement à un réalignement de la politique israëlienne qui devra faire des concessions très importantes.

      2. Il parle ensuite du risuqe d’une alliance entre l’industrie allemande et les ressources russes. C’est incontestablement la stratégie de Biden aujourd’hui : empêcher cette alliance en détruisant les nord stream et en créant un cordon militarisé entre la Baltique et la Mer Noire pour isoler l’Allemagne de la Russie. Mais, c’est là qu’on voit que Biden est un homme du passé. L’enjeu aujourd’hui n’est plus là. L’industrie allemande est largement dépassée. L’Allemagne en est au gaz là où l’énergie nucléaire va dominer et demande le maintien du moteur thermique pour sauver son industrie automobile face à l’essor de la voiture électrique. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est l’alliance entre la Russie, ses ressources, son espace, sa science et sa technologie (notamment militaire, préservée de la chute de l’URSS) avec la Chine et sa puissance industrielle et technique, comme point avancé de l’émergence au premier rang des pays anciennement colonisés ou semi-colonisés, des ex pays du tiers monde, ex pays émergeants. Il est évident qu’il y a dans l’alliance russo-chinoise, complétée d’autres pays important, quelque chose qui prend une dimension toute autre, réellement mondiale et réellement capable de surpasser les USA et leurs vassaux, à la fois en qualité scientifique, technologique et industrielle, et à la fois en volume de production, d’affaires et d’investissements. Le monde a changé de taille en fait. Biden, Macron et consorts ne l’ont encore pas compris.

      3. Ces deux aspects se rejoignent dans plusieurs dimensions. La Russie n’ a plus seulement comme débouchés maritimes et énergétiques l’Europe et les mers Baltique et Noire. La Russie s’est assurée grâce à une flotte de brise -glace nucléaires (et grâce aussi au réchauffement climatique) un débouché sur l’Océan Arctique que personne ne viendra lui contester avant très longtemps. Elle s’est assurée grâce à son partenariat avec l’Iran un débouché sur l’Océan Indien, via la Caspienne qui la connecte beaucoup plus directement aux marchés asiatiques que les vielles routes Baltiques et Méditterranéennes. Enfin, depuis déjà plusieurs années, tout en continuant à faire illusion avec Nord Stream, la Russie construit des gazoducs la reliant directement à la Chine. Le “Power of Siberia”, atteindra cette année sa pleine capacité, de 38 milliards de m3 par an de gaz livré par la Russie à la Chine (plus 23 milliards de m3 livrés au port russe de Vladivostok). Concernant la mer noire, par ailleurs, les jeux ne sont pas faits. La Turquie a fait le choix d’une indépendance claire par rapport aux USA et c’est en effet son intérêt que de s’appuyer elle aussi sur les ressources énergétiques russes pour son développement. Dès lors, il sera beaucoup plus difficile, tant techniquement que surtout diplomatiquement pour les USA de saboter le Turkish stream, comme ils ont saboté les Nord Stream. Ce serait un casus belli pour la Turquie qui détient le contrôle de l’accès à la mer Noire. De plus, la Russie a joué un rôle considérable dans la stabilisation en Syrie, et dans l’Asie occidentale.

      4. La politique américaine mène donc au sacrifice cynique de l’industrie des pays européens, déjà fort mal en point. Or, cette industrie est un des principaux partenaires et client de l’industrie américaine, la seule à pouvoir encore payer les prix exagérément élevés demandés par les USA. Les pays d’Europe occidentale feront donc face à une grave crise. Ils seront non seulement privés des ressources russes, mais devront également faire face à l’épuisement progressifs des gisements de la Mer du Nord (il ne reste que les champs norvégiens encore dynamiques) et ne pourront plus non plus compter sur une Afrique facile à exploiter. Le jeu qui consistait à opposer le Maroc et l’Algérie a tourné court. L’Europe a besoin “en même temps” des phosphates marocains ET du gaz algérien et doit faire profil bas, face aux deux pays, qui lui font payer au juste prix son arrogance (on l’a vu sur l’affaire des visas algériens). La destruction de la Libye n’a rien apporté et la France perd totalement pied en Afrique Subsaharienne, comme Macron lui-même est obligé de le constater. D’où viendront alors les ressources énergétiques et matérielles ? Donc, l’affaiblissement des grands pays européens va s’accélérer et leur crise sociale va s’approfondir. Et ceci ne va rien rapporter à l’industrie américaine, elle-même en crise, de loin trop chère et sans perspective. Le boom récent de l’économie américaine est lui-même largement lié au développement des gaz et pétrole de schistes, mais ces gisements sont coûteux à exploiter et à courte durée de vie. D’ici quelques années, ils vont connaître à leur tour une décroissance rapide de la production.

      5. Enfin, il y a l’aspect monétaire qui est la clé de voute de toute la puissance étatsunienne. Or la politique de “sanctions” financières, c’est à dire l’utilisation immodérée du contrôle des institutions monétaires comme moyen de contrainte géopolitique a elle-même produit son contraire: l’Iran d’abord, puis la Russie et la Chine aujourd’hui batissent patiemment les outils pour se passer purement et simplement du système financier contrôlé par les USA. C’est long à mettre en place, mais aujourd’hui, ce système alternatif est pratiquement achevé et est en phase de déploiement accéléré. Là encore, l’accord signé entre l’Arabie et l’Iran à Beijing, le jour où débutait officiellement le 3ème mandat de Xi Jinping est un signal clair : l’Arabie signifie en même temps qu’elle va abandonner le dollar pour ses ventes de pétrole à la Chine. L’Iran et la Russie l’ont déjà fait. Inéluctablement, la montée en puissance de ces nouveaux circuits financiers va atteindre un seuil de changement qualitatif. C’est à dire que la nouvelle monnaie mondiale va évincer brutalement le dollar. Il y aura un signal que le temblement de terre arrive et chacun n’aura plus qu’une idée en tête : se débarasser de ses actifs en dollars le plus rapidement possible, avant qu’ils perdent toute valeur (on verra alors que certains s’y sont préparés alors que d’autres n’ont rien vu venir …) . En l’affaire de quelques jours au maximum, les trillions de dollars qui s’échangent frénétiquement sur les marchés ne vaudront plus rien. Alors, cela sera la fin de la toute puissance et le dur retour à la réalité pour les “maîtres du monde”.

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