Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

AVATAR 2 au fil de l’eau…

hier j’ai vu avatar 2– je n’avais pas vu avatar 1 ni d’ailleurs titanic, ni aucun film de Cameron. Bref j’ai cédé au torrent, je me suis laissée emporter par les voies de l’eau de l’industrie hollywoodienne. Avatar 2 : La voie de l’eau et tous les films de la série, qui ont d’ailleurs déjà été tournées, ont coûté des sommes folles et Cameron doit impérativement réussir à cumuler au moins 2 milliards de dollars pour renflouer les caisses. je lui ai apporté mes 7,50 euros pour 3 heures 15 de grand spectacle, c’est le prix à payer. Avatar 2 est sur le point d’atteindre son premier milliard de dollars en deux semaines seulement. le film est actuellement à plus de 900 millions de dollars. Des recettes qui viennent majoritairement du box-office mondial dominé par la Chine (plus de 105 millions de dollars), la Corée du Sud et la France avec ses quelque 55 millions de dollars. Ce qui représente un peu plus de 4,5 millions d’entrées, soit pratiquement autant qu’Avatar (2009) sur la même période. Et si j’ai bien compris le fonctionnement général du machin, il va y avoir tout de suite un avatar 3 et 4 au début janvier avec l’espoir d’un film durant 6 h 15 où on oublierait sans doute totalement le scénario. C’est le type de projet qui ruine les studios et dans lequel se sont illustrés les plus grands : de Lang à Eric von Stroheim, je ne pouvais pas rater ça…

Donc je découvre et il y a ce que j’aime bien dans ce cinéma-là : Si j’ai bien compris, cette histoire-là se passe toujours sur Pandora, une lune habitée par des êtres bleus qui vivent en osmose avec la nature, mais dix ans après une première invasion. Comme les planètes heureuses n’ont pas d’histoire, Jake Sully jadis humain a passé ces dix ans dans le bonheur en assumant désormais son rôle de chef des Omaticaya. Avec sa compagne, Neytiri, autochtone, ils s’occupent de leur famille : Neteyam, leur fils aîné,parfait, Lo’ak, son frère,qui ne fait que des bêtises, heureusement parce que sans lui il ne se passerait rien, Kiri, leur fille adoptive (mystérieusement née de l’avatar inerte du Dr Grace Augustine)dont l’épilepsie redevient le mal sacré, Spider, un garçon humain abandonné sur la planète et qui tient absolument à celle-ci malgré l’obligation de devoir porter un masque, et Tuk, leur fille cadette. Tout ces êtres là, enlacés, cette famille là n’est jamais sortie du ventre maternel, du liquide amniotique  de la merveilleuse planète.

Pour que le scénario et la caméra se remettent en marche, il faut que d’autres méchants humains renouvellent le projet d’invasion et cette fois il y a urgence vu que la terre sous leur conduite malfaisante est totalement invivable. Ils envoient un commando dont la mission est de préparer la planète à devenir une nouvelle Terre et y accueillir l’exode d’humains transformés par leur prothèse en espèce d’araignées venimeuses. Ils y rejoignent des crétins installés à demeure pour y massacrer sournoisement des baleines beaucoup plus intelligentes qu’eux, ce qui n’est pas difficile. Les scientifiques observteurs eux sont devenus alcoolos… C’est dire l’espèce, en fait les Etats-Unis soi-même… La mission est menée par des “recombinés” il s’agit d’avatar na’vi avec les souvenirs incorporés de soldats décédés. Leur chef est doublement monstrueux, il a hérité de la mémoire du colonel Quaritch, ce qui se fait de pire comme “marine” de commando, qui a pris soin lui-même de faire une sauvegarde de la haine qui est le fond de sa personnalité et qui l’a incorporé dans un géant qui jouit de tous les dons physiques des habitants de la planète bleue . Jake Sully, qui sait à qui il a à faire, veut d’abord préserver sa famille et s’enfuit quitte la forêt pour aller chez les peuples de la mer, chez les Metkayina, un clan Na’vi vivant sur la côte est de Pandora. La famille Sully se voit obligée de s’intégrer à une nouvelle culture pendant que l’abominable “recombiné” et son escouade testent leur propres capacités à faire de Pandora un enfer “humain”. Une double acclimatation qui est aussi celle d’adolescents parvenus à l’âge d’homme. Ces “initiations” ne sont que le moyen de l’essentiel : un documentaire sur le paradis perdu… Officiellement Quaritch se met à la recherche de Jake pour l’empêcher de mener une insurrection Na’vi, mais en fait il nous prépare une de ces étreintes mortelles dont l’impérialisme et hollywood savent faire notre ordinaire. La règle veut depuis la tragédie grecque que le “héros” vertueux refuse le combat voulu par des dieux vengeurs au nom de la “famille” mais qu’il y soit contraint comme dans l’illiade et l’Odyssée, l’américain est contraint aussi à être un combattant quel que soit son camp, c’est la conclusion du script mais l’idéal est qu’il en finisse avec lui-même.

Une histoire qui a le bon goût de rappeler le grand nombre de fois où l’occident a envahi d’autres monde dont la peau n’était pas tout à fait blanche. Tous les films qui disent cela aux grands et aux petits ont ma sympathie, plus que ceux qui vantent les exploits de tarés suprematistes blancs confrontés à des pervers aux yeux bridés ou autres.

A ce titre cela ne m’étonne pas que ce film ait ravi la Chine qui lui a assuré une bonne partie des milliards nécessaires, et même la Corée du sud… Le film a d’ailleurs été tourné en Nouvelle Zélande… je suis persuadée que les Chinois se sont identifiés aux habitants de Pandora. La Chine est elle même, à sa manière, en se projetant dans le temps, en train d’équiper sa une fusée “longue marche” pour envisager le peuplement des confins du système planétaire vers des lunes habitables. Dans leur imaginaire, les Chinois sont déjà dans l’univers où la science-fiction rejoint le fantastique et le merveilleux en ayant foi dans les forces productives, et dans leur multiude, une foi en l’avenir loin des mises en garde et peurs que l’on trouve en Occident.

Cameron et c’est là son mérite, ne se contente pas de dénoncer la destruction par l’homme de son environnement, ce qui domine chez lui est l’espérance, l’apétance pour l’inconnu, pour être partout dans une sorte de chez soi, loin de son lieu de naissance et renaissance, là où il se mélange et fonde une famille. De même, qui ne partagerait pas sa sympathie pour les baleines, les dauphins, les mamifères qu’il nous invite à comprendre? Charme supplémentaire, il porte en lui cet univers biblique très américain, celui inquiétant de la nuit du chasseur, toujours fascinant du prédicateur et ses prophéties apocalyptiques. L’aventure de l’adolescent rebelle, une sorte de Cain qui finit bien, suit le mythe de Jonas, qui est aussi celui de Moby Dick, le magnifique roman de Melville, mis en image par le tourmenté Hudson, le défi à la mer, l’adolescence qui affronte le père, refuse de lui obéir… Jonas ce prophète réticent à aller porter les avertissements divins à Ninive, s’embarque dans un rafiot pour fuir sa mission mais une tempête détruit le navire et Jonas est alors englouti par une grande créature marine. Il est converti par ce séjour dans le ventre du Telkun, séjour initiatique que visiblement le peuple de la mer connait bien. Le plus jeune des fils de la famille Sully y acquiert le droit d’ainesse, ils accepte de se conformer à ce que dieu ou la nature, exige de lui comme à peu près tous les protagnistes du film. Donc le film est universel mais avec un ancrage nord-américain qui n’est pas en soi détestable au contraire, parce que l’auteur y croit visiblement à la manière d’un Terence Malik, et que je veux bien partager si l’on m’assure que cela se terminera par la mise à genoux de l’envahisseur marine et ses armes destructrices, bien que j’ai de plus en plus de doutes sur leurs capacités à s’autoréguler et qu’Hollywood puisse produire autre chose que des jeux videos.

Incontestablement le metteur en scène dont, je le répète, je n’avais vu aucun film, Cameron a l’art et la manière de m’offrir des univers sur le mode des jeux video mais pas que… il y a ce que nous avons tant aimé, du Flaherty, du documentaire, et il fait un boulot vraiment soigné: il se passe toujours quelque chose dans le décor et la planète vit avec les protagonistes, qu’il s’agisse de l’eau, de la forêt ou des monstrueuses technologies qui en sont l’antithèse, nous sommes pris dans un gigantesque ballet avec un échange constant entre les sentiments, les humanoïdes, les créatures autres, la végétation et l’eau, l’air, la manière d’y disparaître. l’initiation à la langue Na’Vi qu’il invente. Les deux bons tiers du film se déroulent dans un royaume de la mer, le territoire des compatriotes océaniques des Na’Vi, les Metkayina, et nous sommes aussi dans le documentaire ethnographique avec tout un catalogue de créatures indispensables à la survie autant qu’à la magie.

il y a là un sens de l’espace cinématographique qui est assez proche de certains films chinois qui eux aussi mêlent ustensiles utiles et objets extravagants qui ouvrent sur la magie, sur les origines et sur le futur. En outre, cette fiction peut laisser espérer enfin à la Chine une histoire d’amour entre eux et les Etats Unis comme dans la grande muraille de Zhang Yimou. Ce film, qui décrivait la passion avortée entre la Chine et les USA avait été une coproduction. Vous vous souvenez de ces deux mercenaires l’un italien l’autre américain à la recherche de la poudre à canon, prêts à vendre père et mère se retrouvent embringués dans ce que les Chinois et surtout une magnifique chinoise avaient créé avec la grande muraille sous la dynastie Song, l’ultime barrière face à ce qui menace l’Humanité, l’extermination par des monstres voraces.On retrouve tout ça dans Avatar 2 : la native qui s’embarque dans une histoire avec son époux occidental réincarné, Jack Sully, et leur famille hybride, et qui devient le symbole de l’harmonie. Comme dans la grande muraille, la femme guerrière et sorcière, en proie au chagrin maternel le plus extrême trouve la force de combattre et de vaincre. Laissant loin derrière elle les hommes du clan. Elles sont là, ces femmes, pour dire la fusion avec l’univers, les combats qui sont autant de gigantesques calligraphies relèvent des arts martiaux autant que de leur capacité à porter et enfanter, et devenir les garantes du devenir de l’espèce, elle et leur soeur les baleines. Pourquoi le cacher il y a dans ce cinéma ce qui ravit les petits enfants autant que les érudits: le divertissement et il est bien là…

Mais peut-être lui manque-t-il ce qu’il a défendu comme son projet, nous faire vivre dans l’attente de ce qu’il adviendra, tout parait toujours dit.

Cameron a pourtant à l’intérieur du récit mis de côté les personnages pour la suite surtout le méchant sauvé in extrremis,mais y a-t-il un méchant ? Franchement celui qui assume l’héritage du marine, une brute style apocalypse now, qui est-il ? Le frankestein de la brute américainen, celle qui va partout du Vietnam en Irak porter la guerre et les flammes du napalm? Il y a bien sur des tentatives pour le rendre plus complexe, quand son avatar dédaigne- l’héritage, broie le crâne humain de celui qui lui a légué son être à travers la seule mémoire d’un ordinateur. Un jeu de transmission qui est totalement cinématographique et qui économise de long développement par la visite de lieux dans lesquels les anciens combats se sont figés mais sont encore porteur de mémoire, donc de danger aux quels les enfants ne doivent pas accéder. Là nous sommes en plein jeu video avec les interdits parentaux violés. Il y aussi des situations où la brute ne peut pas s’empêcher d’assumer la filiation, à travers le petit homme fruit des entrailles du marine élevé par Sully et les pandoriens… Ce pourrait-être habile, mais autant les décors, les inventions planétaires sont créatives, autant les situations entre personnages paraissent tellement couru d’avance que l’on se dit: mais non il ne va pas oser et oui il ose et le lieu commun. Je dis ça et pourtant ce connu et reconnu fait partie du plaisir à s’entendre conter l’histoire entendue mille et une fois. Peut-être que cela rassure les Chinois, de se dire que les Américains sont tellement prévisibles que l’on peut espérer les empêcher d’aller jusqu’au bout de leur capacité de nuisance.

Simplement à force de tout casser pour posséder, monte l’inquiétude de l’espèce qui désormais cherche une autre planète à dévaster sans songer à modifier le moins du monde sa trajectoire. Par moment on se dit que le mieux qui puisse arriver c’est la fin de la dite espèce et puis nous sommes pris dans l’ode au métissage,y compris avec les extraterrestres, mais dans notre planète bleue comme une orange… il n’en demeure pas moins qu’il reste toujours john Wayne pour le prochain John Ford même si ce dernier détestait le Mac carthysme, de toute manière le père qui veille sur sa progéniture est toujours made in USA.

Voilà et malgré plus de 3 heures de film, pas le moindre temps mort et une rapidité d’autant plus étonnante que tout bien réfléchi il ne s’y passe pas grand chose mais je vais probablement aller voir Avatar 3 et 4 parce que c’est comme la vie, on voudrait voir la suite en sachant que l’on sait pourtant l’essentiel du sujet.

Danielle Bleitrach

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