Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Ukraine : ceux d’en haut et ceux d’en bas, par COMAGUER

Comment se fait-il que ce qui était de notoriété publique et qui se lisait non pas dans la presse russe mais dans celle des Etats-Unis, voire de la grande Bretagne, celle des milieux d’affaires, les militants communistes n’en aient jamais rien su pas plus d’ailleurs que ceux qui élus ou cadres dirigeants qui faisaient confiance au secteur international et aux élus européens qui eux ne pouvaient pas ne pas savoir se soient engouffrés derrière toutes les turpitudes des “élites” nord américaine et leurs poulains ukrainiens ? Au point de finir par cautionner la forfaiture révélée par madame Merkel concernant la non application des accords de Minsk. L’entente s’est faite sur le fond, une politique de privatisation et la manière d’offrir aux appétits du capital financier et aux trusts de l’armement les biens de l’Etat. Une politique de classe à laquelle en faisant silence, ces dirigeants-là prêtaient main forte et qui se poursuit (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

Pour reprendre une notion rendue célèbre par un très grand auteur, il y a dans la société ukrainienne des classes sociales profondément séparées et antagoniques.

Pour sortir du discours propagandiste dont nous sommes abreuvés quotidiennement qui nous  présente une « identité ukrainienne » qui serait soudainement mise en péril ce bulletin propose :

un portrait d’oligarque et probablement l’un des plus actifs dans la mise en scène d’une Ukraine totalement intégrée dans l’espace du capital occidental impérialiste et en partageant tous les codes culturels

***

Viktor Pinchuk : L’oligarque globaliste

Né en 1960 cet oligarque ukrainien a un parcours particulier. Pur produit de l’excellente formation scientifique et technologique de l’Ukraine socialiste, il bascule très vite et avec talent dans le nouveau système oligarchique et, fortune faite, il s’éloigne dés 2007 du marécage de la politique ukrainienne pour devenir un oligarque globaliste adoubé à Davos où il tient salon à chaque sommet. Ami et soutien financier du clan Clinton qui en même temps qu’il fait de son entreprise une internationale capitaliste globale intervient dans le champ idéologique global avec son initiative Yalta European Strategy (YES !). La première réunion de ce forum organisé à ses frais se déroule symboliquement à Yalta en 2004 pour annoncer un nouveau partage du monde où l’Ukraine est par le biais de l’Union Européenne totalement absorbée par l’Occident. Il aborde enfin le marché mondial étroit de l’art moderne à la fois très juteux et reposant comparé à la grande industrie. Ce passage au « capitalisme global sans usines » a déjà été tenté avec succès par quelques autres comme l’oligarque russe Abramovitch.

Quelques points de repère chronologiques

1-De l’ingénieur au patron

Bien formé dans la technologie de la métallurgie il est un ingénieur remarqué dés le début de sa carrière mais il va savoir immédiatement profiter des opportunités de la privatisation des entreprises publiques entamée dés l’indépendance de l’Ukraine. Sa métamorphose en oligarque : l’ingénieur salarié se transforme soudain en chef d’entreprise et en actionnaire majoritaire est grandement facilitée par son mariage avec la fille du second président de l’Ukraine nouvelle Leonid Kouchma Il s’associe avec le plus riche des oligarques ukrainiens : Akhmetov pour racheter le joyau de la sidérurgie soviétique le complexe de Krivoy Rog bâti sur les plus importantes mines de fer du pays. Il ajoute à l’usine sidérurgique elle-même l’achet d’une mine de fer voisine mais cette opération supplémentaire va lui poser problème. En effet pour éviter d’apparaitre officiellement il demande au plus dangereux des oligarques ukrainiens  Igor Kolomoisky d’acheter lui-même la mine et de la lui revendre ensuite moyennant une commission de 10%. L’achat effectué Pinchuk verse ce qu’il doit, commission comprise, mais constate que K ne lui cède pas les actions de la mine. L’affaire était annoncée comme devant se résoudre devant une juridiction britannique mais s‘est conclue par un arbitrage privé sans sortir du monde clos des vautours oligarques

2-Conflits entre clans d’oligarques

La prise du pouvoir par les petits oligarques de l’Ouest représentés pat Yushchenko et Timoshenko à la suite du coup d’état « Orange » de 2004. L’arrivée à la présidence de Yushchenko est rendu possible par les manifestations organisées avec le soutien des Etats-Unis ( Bush-Mac Cain- Kissinger et autres) qui conduisent Yanukovitch vainqueur au second tour à accepter un troisième tour non prévu par la constitution qu’il va perdre. Pinchuk qui, avec son allié Akhmetov, le plus riche de tous les oligarques, a soutenu Yanukovitch le candidat des oligarques de l’Est les plus riches est en difficulté. L’équipe « orange » met en cause son rachat à vil prix -pour 800 millions $ – de la principale entreprise sidérurgique et minière (pour le fer) du pays héritée de la période soviétique : Krivoy Rog. L’entreprise est mise aux enchères (à 2,4 milliards $  un prix plus conforme d’après les observateurs financiers à sa valeur réelle) par le nouveau gouvernement et  après un pas deux pas forcément hostile avec Arcelor elle est revendue 4,8 milliards $ au groupe indien mondialisé Mittal qui acquiert 93% du capital. L’épisode Krivoy Rog n’a guère souri à Pinchuk puisque sur plainte du Président Yushchenko un tribunal ukrainien a annulé la vente. Il semble que Pinchuk ait réussi ensuite à se faire rembourser une partie des capitaux qu’il avait investis dans Krivoy Rog.

Malgré tout cet accident de parcours le conduit lui qui a deux fois en 1997 et 2002 été élu député au nom du Parti du Travail à abandonner le champ de la politique politicienne en Ukraine

Pinchuk va donc concentrer son activité de sidérurgiste sur la nouvelle entreprise qu’il a fondée en 1990 à l’aval de la sidérurgie de base : Interpipe. Spécialisée dans la fabrication des tuyaux de gros diamètre elle a dés l’origine une importante clientèle en Russie qui installe dans cet immense pays ou à partir de ce pays des milliers de kilomètres de gazoducs et d’oléoducs. Sa seconde spécialité est la fabrication des roues et essieux de wagons.

3-Passage au globalisme

Sa base industrielle établie il élargit son champ d’action en créant une banque, en investissant dans les médias et en regroupant le tout dans une holding installée à Chypre. C’est alors qu’il développe ses interventions dans le champ politique global  où il se positionne en faveur de l’intégration de l’Ukraine dans le camp atlantique via l’Union européenne. Ses outils : une fondation Viktor Pinchuk qui finance un groupe de pression YES pour Yalta European security  qui tient régulièrement un stand au forum de Davos où se tiennent des débats publics très courus connus sous le nom « petits déjeuners de la Fondation Pinchuk». Il s’affirme ainsi comme un des plus chauds partisans de l’intégration de l’Ukraine dans le bloc atlantique  Il noue des liens très étroits avec la fondation Clinton. En même temps il soigne son image médiatique avec l’aide de sa femme qui anime au sein de leur fondation un programme de lutte contre le sida.

4-Les incertitudes de l’après Maidan 2014

Le coup d’état de 2014 et le rattachement à la Russie de la Crimée contraignent l’équipe de YES à se replier sur Kiev où vont désormais se tenir les réunions annuelles de YES dont les objectifs généraux restent inchangés.  

Mais l’arrivée des putschistes au pouvoir c’est-à-dire de ce mélange chimiquement instable d’oligarques (Poroshenko) et de fascistes organisés, la fuite de Yanukovitch mettent la Russie en état d’alerte renforcée.

Ses inquiétudes sont confirmées par la violence des attaques du gouvernement de Kiev sur la population ukrainienne de l’Est qui s’oppose à la très violente dérussification du Donbass

Elle utilisera tous les moyens pacifiques possibles au nombre desquels un abandon par les géants de l’industrie, pétrolière et gazière russe du fournisseur ukrainien de tuyaux Interpipe. Pinchuk va devoir mettre en œuvre son immense carnet d’adresses en occident capitaliste pour vendre ses tuyaux aux Etats-Unis, en Allemagne et dans les pays pétroliers du Golfe. Interpipe fait bien quelques avancées sur ces marchés mais la concurrence y est rude.

Qu’importe ! Pinchuk n’oublie jamais d’endosser son second costume celui de « philanthrope » – terme qu’il utilise lui-même – d’ami de l’art moderne et de la culture. On lui devait déjà en 2008 l’organisation du mémorable « concert de l’indépendance » de Paul McCartney sur le Maidan qui avait attire 300 000 spectateurs, le financement d’un film de Spielberg sur les massacres de juifs ukrainiens  – organisés, on le sait avec autant de sauvagerie  par l’Allemagne occupante et par les nazis ukrainiens – et la promotion d’artistes contemporains transnationaux comme Jeff Koons, Takashi Murakami et Damien Hirst dont il fait monter la cote en même temps qu’il constitue sa collection personnelle.

Arrive l’opération russe en Février. INTERPIPE qui avait de bons renseignements a mis les bouchées doubles en décembre et Janvier pour satisfaire ses clients, arrête et met en sécurité ses installations dans les premier jours de l’opération. La production industrielle va reprendre assez vite fin Mars  et pas seulement chez Interpipe dès le moment où il sera clair que la Russie après avoir affaibli le système militaire ukrainien dans son ensemble  ne mène pas une guerre contre l’Ukraine mais pour la défense des républiques du Donbass qu’elle vient de reconnaitre En effet il n’y a pas d’affrontements militaires dans la région de Dniepropetrovsk et les usines peuvent fonctionner.

La contribution de Pinchuk à la globalisation capitaliste : L’initiative « YES »

En 2004 Pinchuk comprend après la « révolution orange » et les attaques organisées contre lui par le nouveau pouvoir orange que les Etats-Unis veulent se débarrasser ou au moins affaiblir les oligarques de l’Est les plus riches et dont la puissance industrielle héritée de la période soviétique repose sur la sidérurgie et les mines locales de fer et de charbon qui l’alimentent. Il décide de prendre de la distance dans les luttes de clans inter-oligarques et de concentrer son activité industrielle chez Interpipe installée non pas dans le Donbass mai dans l’oblast de Dniepropetrovsk dont le nouveau gouverneur nommé par Kiev est le dangereux intrigant milliardaire Igor Kolomoisky. Il décide donc de se mettre directement au service du pouvoir et du projet étasunien en contournant les institutions politiques ukrainiennes.

En 2004 il organise la première conférence du lobby pro USA à Yalta YES (Yalta European Strategy). La symbolique est très forte puisqu’il s’agit de rien moins que d’organiser après YALTA 1 en 1945 un nouveau partage du monde une sorte de « YALTA 2 » dans lequel la frontière  de l’empire occidental se déplacerait jusqu’à la frontière occidentale de la Fédération de Russie. C’est  donc la confirmation et la validation dans le champ idéologico-politique  du programme de la progression de l’Occident/Otan vers l’est qui vient de se concrétiser cette même année par l’entrée dans l’organisation de 7 nouveaux pays : les 3 républiques baltes, deux pays riverains de la Mer Noire : Roumanie et Bulgarie, la Slovaque et la Slovénie. Deux de ces pays : Roumaine et Slovaquie ont une frontière commune avec l’Ukraine. Les vagues du tsunami atlantique atteignent l’Est.

Deux noms à retenir parmi les participants à la première réunion de format modeste tenue à Yalta : Jean Chrétien premier ministre du canada et Dominique Strauss Kahn donné comme possible vainqueur de la présidentielle de 2007. Il sera remplacé à la réunion de 2005 par Michel Rocard mais restera un des fidèles des sommets du YES. Les intérêts français seront représentés régulièrement à toutes les réunions annuelles de YES par les groupes de relations publique EURO RSGCcom puis Havas , par la fondation Rothschild et côté politique par la Fondation Jean Jaurès proche du PS. Un autre fidèle est le constitutionnaliste Guy Carcassonne. Coté étasunien le plus fidèle est le « tank de la pensée » Brookings Institution. De 2004 à 2014 les réunions de YES deviennent de plus en plus courues. Y assistent des présidents ou anciens président des Etats-Unis Obama et Clinton, des secrétaires généraux ou ex secrétaires généraux de l’OTAN, trois premiers ministres britanniques Tony Blair, Gordon Brown David Cameron, le président turc Erdogan. Quelques noms encore dans ce gratin de l’occident globaliste impérialiste : l’ancien président géorgien Saakashvili, Shimon Peres à plusieurs reprises, Greenspan le président de la Banque fédérale, Kofi Annan, secrétaire générale de l’ONU en exercice, Barroso pour la commission européenne qu’il préside, Zoellick Président de la banque mondiale, Condoleeza Rice. Tous les grands médias atlantiques sont présents qu’ils soient étasuniens, britanniques ou français (Le Monde). Pinchuk a également inclus dans le Conseil directeur de YES l’ancien premier ministre polonais Kwasniewski.

Chaque réunion annuelle se fait autour d’un thème mais la stratégie conçue au plus haut niveau de la direction atlantique (Maison Blanche-Département d’Etat-Pentagone- CIA) est claire et n’a pas bougé d’un pouce malgré les péripéties politiques locales : intégrer l’Ukraine et à l’origine toute l’Ukraine : Donbass minier et industriel compris, Crimée comprise en chassant la flotte russe qui n’y est que locataire, dans le bloc occidental. La procédure de cette intégration que ce soit par le biais de l’UE ou/et celui de l’OTAN bien qu’affichée pour l’opinion publique est secondaire et variera selon les circonstances.

Les  célèbres propos téléphoniques de Victoria Nuland « Fuck the EU » démontrent que l’opération est anglo saxonne dans ses visées et ses méthodes et qu’il s’agit bien de tirer un nouveau rideau de fer à la frontière occidentale de la Russie, d’isoler la Russie pour l’affaiblir.

Chacun sait à Washington et à Londres que l’Ukraine indépendante est en déconfiture démographique, politique, économique et morale et qu’elle constituera un véritable boulet pour les institutions qu’elle pourrait rejoindre. (Voir à ce sujet l’article extrait des Nouvelles d’URSS  organe du PCB t US publié en 2006 qui suit)

La France ne participera pas aux sommets de YES à un très haut niveau politique : Chirac envoie à Yalta un député fidèle Pierre Lellouche et Sarkozy son conseiller Alain Bauer et il est manifeste que l’implication française est celui de la « gauche américaine » l’expression étant, dans ce cas, particulièrement adaptée. Hollande se contentera de ne rien faire pour faire respecter les accords de Minsk dont la France est garante.

Au fil des années la liste des participants ukrainiens aux sommets de YES est une fidèle représentation des convulsions politiques ininterrompues du pays et, à part Koutchma qui parraine et cautionne par sa présence régulière l’opération montée par son gendre Viktor Pinchuk et sa fille Elena,  participeront successivement tous les leaders de Kiev qu’ils soient de la mouvance orangeo-bandériste ou donbasso-sidérurgiste.

Mais malgré ces inflexions tactiques la stratégie n’a jamais été modifiée et il n’y a que Kissinger véritable sismographe de l’impérialisme pour avoir dit récemment que sans changer le but séculaire : découper la Russie en plusieurs principautés capitalistes il faut tenir compte depuis le 24 Février 2022 d’une résistance inattendue de l’adversaire et que l’échéance ultime doit être reportée compte tenu d’un nouvel état des rapports internationaux.

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7 Commentaires

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    100 ans plus tard la vie dans les tranchées de ceux d’en bas.

    https://youtu.be/BRtMp0Z_8sw

    Pour les autres Champagne !

    https://youtu.be/j1jmoeGuJYA

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Lui a été en haut, puis en bas, puis en haut et enfin en bas !

    https://youtu.be/GtYgLXNSRa0

    250 millions de $ pièce, c’est ça l’avion furtif que les ricains veulent vendre partout.

    Visiblement cet avion n’est pas très au point.

    https://eurasiantimes.com/f-35c-stealth-fighter-jet-crashes-becomes-only-the-2nd-f-35-to-goes-down/

    https://www.lematin.ch/story/des-images-du-crash-dun-f-35-fuitent-996082622637

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  • Marc
    Marc

    Un éclairage sur un détail de l’histoire des Ukrainiens pendant la seconde guerre mondiale :

    « Ces Ukrainiens sont contre le régime sanguinaire de Staline qui est responsable de la mort de six millions d’Ukrainiens lors de la famine sciemment organisée en 1932-1933, ils sont contre les Russes, mais ils n’aiment pas non plus les Allemands qui, au lieu de les libérer, leur ont apporté un nouvel esclavage. Les Ukrainiens refusent de combattre contre les Français et les Alliés occidentaux. Ils veulent passer du côté de la Résistance française.

    https://mairie-confracourt.fr/wp-content/uploads/sites/679/2017/12/Les_Ukrainiens_tournent_casaque4005.pdf

    ..

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    • admin5319
      admin5319

      On a tort de parler, hier comme aujourd’hui des Ukrainiens en génral, parce que si on en reste là moi j’ai envie de dire qu’il y a peut-être pire qu’un Polonais, c’est un Ukrainien, ou alors je me souviens de la résistance ukrainienne en particulier le transfert en quelques nuits de toutes les usines du Donbass dans l’Oural, l’erreur d’avoir voulu défendre Kiev mais cette “erreur” a fixé les regiments nazis dans la boue… des faits concrets qui restituent la compexité du réel… Quand les nazis faisaient prisonniers les troupes russes, il en écumaient aussitôt les juifs et les communistes, les exécutaient et il se trouvait comme toujours des salopards pour vendre leurs collègues : étaient-ils LES Ukrainiens ? Ou l’Ukraine a-t-elle été la terre d’expérimentation à la fois de la shoah par balle, de liquidations si atroces qu’himmler s’est évanoui, et des premières rsistances les plus héroïque face à un envahisseur qui partout ailleurs en Europe n’avait pas rencontré de résistance… dans le fond, c’est un peu ce genre d’opposition sur l’histoire familiale qui a provoqué la guerre dans le Donbass… Non mon grand père n’a pas accepté cela!!! si l’on pense ainsi que vous le faites en faisant un paquet cadeau des peuples, on est comme vous le faites contraint de recourir à une autre invention du “général”, un pseudo universel de pacotille qui se substitue à l’histoire, une propagande celle de la famine et je vous propose de lire les écrits d’Annie lacroix Riz, cela vous aidera à penser autrement que de la manière paresseuse qui est la votre…

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      • Yannick LB
        Yannick LB

        Vous avez raison de ne pas « ontologiser » le fascisme ou l’antisémistisme ukrainien (on pourrait dire de même du collaborationisme français), ils ne sont pas inhérents à l’appartenance à une nation. La mairie de Confracourt a réuni quelques documents intéressants sur cet épisode peu connu, le ralliement en 44 de deux bataillons ukrainiens à la résistance franc-comtoise (je m’y suis intéressé car c’est dans ma région). Avec armes et bagages : l’apport a été apprécié. Et en faisant ce qu’il fallait : en exécutant les 200 officiers et soldats allemands avec qui ils voyageaient. Le parcours de chacun de ces ukrainiens n’est pas connu : certains venaient-ils des sinistres milices ralliées aux nazis ? Beaucoup étaient des prisonniers enrôlés sans conviction mais pour « sauver leur peau ». Le projet de déserter a mûri assez rapidement. Un résistant s’est fait l’historien du rappatriement des ukrainiens exigé par Staline en échange des « malgré nous » alsaciens retenus en URSS. Son livre*, entaché d’un antistalinisme banal, retrace néanmoins honnêtement, me semble-t-il, les méandres de ces négociations. On sait par ailleurs que Staline ne faisait aucun cas des services rendus à la résistance française. Les soviétiques, pas seulement ukrainiens, prisonniers des allemands étaient considérés comme déserteurs. Ils pouvaient écoper de quelques années de goulag, ou du peloton pour les officiers. Aussi, certains ont préféré émigrer en rompant toute attache que de rentrer au pays. Oui, on est loin d’un universel de pacotille …
        * Georges Coudry, Les camps soviétiques en France. Les ”Russes” livrés à Staline en 1945. Albin Michel 1997.

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        • Nicolas
          Nicolas

          Dans son livre “Staline et le peuple. Pourquoi il n’y a pas eu de révoltes”, publié cette année aux précieuses Editions Delga, l’auteur, Victor ZEMSKOV, historien sovietique de renommée mondiale, précise, au chapitre 5 “Est-il vrai que le NKVD a réprimé nos prisonniers et nos rapatriés ?” :

          Attribuée à Staline, la phrase “Nous n’avons pas de prisonniers, nous avons des traîtres”, est une fable écrite en 1956 dans les milieux des écrivains et des publicistes à l’époque de la critique du culte de la personnalité de Staline. Cette fable est largement diffusée […].

          Dans la législation pénale de l’URSS, le fait d’avoir été fait prisonnier n’était pas considéré comme un crime. L’article 193 du Code Pénal de la RSFSR de l’époque stipulait dans la liste des crimes de guerre : “Reddition non causée par une situation de combat”. Et il faut comprendre que les concepts de “reddition” et de “reddition non causée par une situation de combat” sont loin d’être synonymes.

          L’écrasante majorité [des rapatriés] n’ont été l’objet d’aucune forme de représailles. Même de nombreux collaborateurs notoires des fascistes ont été surpris qu’en URSS ils n’aient pas été traités aussi brutalement qu’ils le pensaient.

          Sur les 1 539 475 prisonniers de guerre revenus en URSS d’Octobre 1944 au 1er mars 1946, 18% ont été démobilisés et sont rentrés chez eux. La plupart ont été réintégrés dans l’armée. Et moins de 15% ont été remis au NKVD (contingent spécial), ZEMSKOV ajoutant qu’ “il ne faut pas oublier que la majeure partie de cette catégorie de prisonniers de guerre rapatriés étaient, à un moment donné après la captivité, entrées dans le service militaire où de police de l’ennemi”.

          Quant à la participation de citoyens soviétiques et d’émigrés russes au mouvement de la Résistance et de la Libération de la France, le livre “Quand l’espoir venait de l’Est. Les maquisards russes en France se souviennent”, là aussi publié chez Delga, nous apprend que les unités de résistants, les forces armées intérieures de la Résistance et d’autres groupes comprirent plus de 30 000 russes. 7 500 d’entre eux perdirent la vie dans des combats menés pour la liberté de la France.

          L’URSS s’est sacrifiée pour libérer l’Europe du nazisme : reconnaissance éternelle.

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      • Marc
        Marc

        Je ne parle pas des «Ukrainiens en général» mais d’un détail de l’histoire qui concerne certains Ukrainiens qui ont eu l’opportunité de refuser à la fois le stalinisme et le nazisme en s’incorporant dans la résistance française qu’ils étaient venus combattre sous l’uniforme allemand. Une anecdote, rien d’autre.

        Concernant l’Holodomor, évoqué dans ce texte, je n’ai pas cru bon de préciser que je n’était pas d’accord avec sa qualification «sciemment organisé» car il s’agit en effet du ressenti de CES Ukrainiens à CETTE époque et non-pas du point de vue d’un historien d’aujourd’hui.

        Quant à À. L. R., je connais assez bien son travail (comme celui d’autres historiens) et c’est un excellent conseil de lecture.

        ..

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