Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

LE PROJET DE DÉPEÇAGE DE LA RUSSIE

Un sujet passionnant, qui peut sembler une fantasmagorie, mais qui est pris au sérieux par pas mal de gens, et dont il ne faut pas sous-estimer la dangerosité (note de Marianne Dunlop pour histoire et société, traduction et note de Jean-Luc Picker)

Le sujet de cette conférence qui s’est déroulée au sein du Parlement européen à Bruxelles résonne avec un sujet qui a souvent été mentionné ici par Danielle, mais qui, à ma connaissance, n’a pas fait l’objet d’articles ou de documentation. Il s’agit du projet formulé par certains secteurs du camp occidental d’un dépeçage en règle de la Fédération de Russie à l’issue de sa défaite espérée dans le conflit en Ukraine. Ce projet, qui n’est certes pas le seul motif de l’affrontement décidé par l’OTAN (et payé à grand renfort de milliards) joue pourtant un rôle essentiel dans la cohésion de l’empire et de ses vassaux. Comme l’a souligné Danielle, il est bien sûr prometteur de grands retours sur investissements lorsque la Fédération de Russie sera enfin démantelée, éclatée en de multiples petites entités. Les 21 républiques au sein de la FR visées par ces menées de démantèlement ont des populations de 210.000 à un peu plus de 4 millions. 15 d’entre elles ont moins d’un million d’habitants. On imagine aisément que, dans le cas d’une défaite militaire et d’un effondrement de la fédération, ces micros-états seraient immédiatement encadrés idéologiquement, politiquement et surtout économiquement par les bureaucrates occidentaux. Il y a même à parier que le rôle de l’Union Européenne serait avantageusement mis en avant, comme garant de la stabilité continentale. Bien sûr, cela va sans dire, sous la houlette vigilante de l’hégémon retrouvant un nouveau souffle. Cette conférence, au sein du parlement européen, montre qu’il ne s’agit pas là d’une simple utopie bizarre, mais bien d’un projet. Le groupe qui le porte, c’est bien sûr le ramassis de la droite la plus alignée sur Washington, le groupe des conservateurs et réformistes européens. 57 des 705 députés, pratiquement tous issus des pays anciennement dits de l’Europe de l’Est dont on sait le rôle de cheval de Troie atlantiste qu’ils ont joué et jouent de plus en plus bruyamment. Ce projet n’est d’ailleurs pas le sien, là comme ailleurs, l’Europe est aux ordres du maître états-unien. En effet déjà en juin 2022, la CSCE (Commission sur la sécurité et la coopération en Europe, une agence du gouvernement… états-unien) avait organisé une conférence sur le sujet, avec l’inévitable chantre de la décolonisation de la Russie, Michel Casey :  https://www.csce.gov/international-impact/events/decolonizing-russia. Ces idées de démembrement, comme l’a aussi souligné Danielle, traînent depuis un moment dans les cercles néo-conservateurs yankees.

On voit donc que le projet se construit, gagne en ‘traction’ comme disent les ‘managers’, et remplit déjà une fonction essentielle : la cohésion du camp impérialiste occidental (pardon pour le pléonasme). Difficile d’expliquer comment, sans lui, les Etats-Unis seraient capables de conduire l’Europe droit au mur, de la saigner à blanc pour défendre ses intérêts à elle.

Mais de quoi s’agit-il concrètement ? On le voit bien en regardant la liste des intervenants. Pratiquement chaque petite république est représentée par un opposant nationaliste en exil facilité dans les pays Européens. Une petite armée à mettre en marche, comme on a utilisé les associations d’anciens de l’OUN pour aboutir au coup d’état de l’Euromaidan. On y trouve aussi quelques connexions avec Navalny (Ruslan Gabbasov représentant le Bashkortostan), et probablement des financements de la NED pour les organisations qu’ils forment afin de défendre la démocratie au cœur du régime autocratique de Poutine.

Le plus curieux, c’est que, les mêmes qui s’entêtent à nous faire avaler le concept d’une entité nationale ukrainienne s’étendant de Lviv à Marioupol, alors que toute l’histoire récente de cette région et ses implications politiques actuelles en démontrent l’inanité (souvenons-nous, pour un simple exemple, de la carte des résultats à l’élection présidentielle de février 2010 qui avait donné jusqu’à 90% des votes à Yanukovich dans les territoires orientaux et parfois moins de 10% en Ukraine occidentale), les mêmes, donc, vont aujourd’hui claironner que la FR doit être démantelée au nom de la décolonisation. Alors même que l’essence de l’organisation constitutionnelle de la FR, héritée de la République Soviétique, est justement de type fédératif, avec une autonomie parfois très large, un maintien des langues ‘indigènes’ et un certain souci pour le maintien des particularités locales, toutes choses qui devaient en principe être amenées par les accords de Minsk.

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il n’y a aucun problème dans les relations que le centre de la FR, très majoritairement Russe, entretient avec les ‘petites’ républiques de la Fédération. On sait par exemple que les Buriates paient à la ‘SVO’ un tribut de létalité supérieur à la moyenne. Mais on est loin, si on excepte la Tchétchénie, d’une oppression coloniale sanglante à l’échelle de la guerre du régime fasciste de Kiev contre les populations -pourtant ukrainiennes ?- du Donbass depuis 2014.

Mais ne nous tracassons pas, nos stratèges du département d’état et de la NED savent comment faire, et si l’issue de leurs aventures militaires en Ukraine le leur permet, gageons qu’ils sauront mettre le feu sous les semelles des Bouriates, des Caréliens et autres Bachkirs afin qu’ils s’entretuent pour le plus grand bénéfice de notre économie. (traduction et note de Jean Luc Picker)

La Russie Impériale : conquêtes, génocides et colonisation

Entités de la Fédération de Russie : en jaune, les 46+2 oblasts et en orange les 9 ‘krais’, en vert les 21+3 républiques, en violet les 4 régions autonomes, en bleu l’oblast juif autonome. Source Wikipedia

https://ecrgroup.eu/2022/event/the_imperial_russia_conquer_genocide_colonisation

Tous ceux qui ont fait l’expérience de l’oppression russe dans le passé savent que la guerre en Ukraine ne pourra se terminer que lorsque la Fédération de Russie aura été complètement repoussée et vaincue. Pour éliminer définitivement le risque que la Fédération de Russie continuera à poser à la paix, la communauté internationale devra imposer une re-fédéralisation de l’état russe.

Afin d’examiner les différents aspects de cette proposition, la coordinatrice pour les affaires étrangères de la CRE (Conservateurs et Réformistes Européens) et la député européenne CRE Kosma Zlotowski, organisent une conférence intitulée « La Russie impériale : conquête, genocide et colonisation. Perspectives pour la déimpérialisation et la décolonisation ». Le symposium couvrira les sujets suivants : « Idéologie impériale (de la Moscovie au Mir russe*) & conquête et exploitation (d’Ivan le Terrible à Vladimir Poutine) » « Conséquences de l’agression de Moscou contre l’Ukraine pour les nations et les régions de la Fédération de Russie » « Déimpérialisation et décolonisation, la prison des nations après la guerre » et « Politiques occidentales à l’égard de la Russie : au-delà du statut quo ».

Qu’elle ait été tsariste, soviétique ou qu’elle soit sous Poutine, la Russie n’a pas changé au cours des siècles. Elle est toujours conduite par ses mêmes instincts impérialistes, et répète le même scénario : conquête, génocide, colonisation et recherche de reconnaissance implicite du statut quo, achetant la communauté internationale à l’aide du mirage de la coopération économique ou de l’illusion de l’immense marché russe. Il est naïf de croire que la Fédération de Russie puisse conserver la même structure constitutionnelle et territoriale. Si l’on prend en compte la carte ethnique et nationale des territoires de la Fédération de Russie, nous devons discuter des perspectives pour la création d’états libres et indépendants dans l’espace post-Russie, ainsi que des conditions de leur stabilité et leur prospérité. La communauté internationale a le devoir de soutenir les droits des peuples indigènes que les conquêtes russes et la colonisation ont intégrés à l’intérieur des frontières de la Fédération de Russie.

Pour les liens vers les discussions en Anglais et en Russe, c’est ici.

Agenda

Panel 1: Idéologie impériale (de la Moscovie au Mir russe*) & conquête et exploitation (d’Ivan le Terrible à Vladimir Poutine)  @ 9:30 – 11:15

  • Brian Williams (USA)
  • Stanislav Suslov (Siberia)
  • Fatima Tlis (Cherkessia)
  • Akhmed Zakayev (Ichkeria)
  • Marek Kornat (Poland)
  • Vladislav Inozemtsev (RF)
  • Artem Tarasov (Pskov Republic)
  • Bjorn Safronov (Laplandia Republic/Murmansk)
  • Anvar Kurmanakaev (Nogai Republic)
  • Alexander Zolotarev (Don\Kazakia)
  • Juliia Faizrakhmanova (Tatarstan)
  • Maksim Kuzakhmetov (Ingria-Latvia)
  • Moderator: MEP Anna Fotyga

Panel 2: Conséquences de l’agression de Moscou contre l’Ukraine pour les nations et les régions de la Fédération de Russie  @ 11:15 – 12:30

  • Andrius Almanis (Lithuania-Siberia)
  • Illya Lazarenko (Moscow Republic)
  • Evgenios Bursanidis (Kuban)
  • Andrey Sidelnikov (UK-RF)
  • Pavel Mezerin (Ingria)
  • Gunther Fehlinger (Austria)
  • Pavlo Klimkin (Ukraine)
  • Moderator: MEP Kosma Złotowski

14:00 – 14:30 conférence de presse (salle Anna Politkovskaya)

Panel 3: Déimpérialisation et décolonisation, la prison des nations après la guerre  @ 15:00 – 16:30

  • Ruslan Gabbasov (Bashkortostan)
  • Davur Dordzhiec (Oirat Republic)
  • Raisa Zubareva (Sakha)
  • Florian Schur (Kenigsberg)
  • Dmitri Kyznezov (Karelia)
  • Ahmad Ozdo (Ingushetia)
  • Marina Khankhalaeva (Buratia)
  • Dmitry Berezhkov (International Committee Indigenous Peoples of Russia)
  • Rafis Kashapov (Idel-Ural)
  • Moderator: MEP Anna Fotyga

Panel 4: Politiques occidentales à l’égard de la Russie : au-delà du statut quo @ 16:30 – 18:30

  • Edward Lucas (UK)
  • Ilya Ponomarev (RF)
  • Oleg Dunda (Ukraine)
  • Carlos Uriarte (Spain)
  • Luke Coffey (USA)
  • Vadim Sidorov (Centre Ostropa/Smalandia)
  • Čedomir Stojković (Serbia)
  • Rainhard Kloucek (Austria)
  • Janusz Bugajski (USA)
  • Moderator: MEP Roberts Zīle

*NdT Russian Mir, littéralement ‘Monde russe ‘

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