Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Guerre civile en Espagne, l’écriture de l’histoire et l’école des Annales

Il s’avère que par suite de la commande des éditions Delga d’une préface pour une de leurs futures parutions, je suis plongée dans l’Histoire et ses méthodes d’investigation. Par ailleurs dans ce blog chacun aura noté à quel point nous sommes quelques-uns préoccupés justement par l’Histoire, d’une manière d’autant plus obsessionnelle qu’elle se heurte à la courte vue et à l’inertie de ceux qui parlent, se font entendre hélas… par le positionnement de notre pays, la France, de sa classe ouvrière, de ses intellectuels dans la période historique que nous sommes en train de vivre et qui frise en matière d’investigation le coma dépassé. Ce qui nous fait vivre dans une alternance de curiosité pour ce qui nait et suscite le désespoir devant ce déclin, cette décadence, la médiocrité de nos “penseurs” autant que de notre monde médiatico-politique. Comment sommes-nous tombés si bas depuis les années soixante et dix dans lesquelles l’histoire, ses enseignements, le lien entre le passé et l’avenir de l’espèce nous préoccupait tant. Incontestablement nous sommes soumis à la capacité de l’industrie de l’image américaine à figer l’histoire dans le spectacle. Leur seule obsession: créer tout de suite une image, “une marque” qui va perdurer et occulter toute recherche des causes, rendre “incorrecte” politiquement toute investigation, en finir avec l’histoire donc. Voici donc un texte de Pierre Vilar, un compagnon de route, sur d’abord le débat avec Althusser, puis sa propre manière de s’engager à propos de la guerre d’Espagne. C’est un texte qu’il faut lire comme un livre, à petites gorgées, en prenant des notes et espérons que les vacances de la Noël vous en donneront le loisir en alternance avec les fêtes chaleureuses. (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete)
Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique

La Guerre civile en Espagne, l’écriture de l’histoire et l’école des Annales

Entretien avec Pierre VilarPeter Schöttlerp. 161-178https://doi.org/10.4000/chrhc.18962Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur

IntroductionNotice biographiquePrincipales publicationsEntretienHaut de page

Introduction

1Parmi les interventions programmatiques des grands historiens du 20e siècle, l’article de Pierre Vilar, « Histoire marxiste, histoire en construction. Essai de dialogue avec Althusser », est sans doute l’un des plus remarquables. Aujourd’hui encore, ce texte, qui parut pour la première fois en 1973 dans la rubrique « Débats et combats » des Annales et que l’on trouve désormais sur la toile (<https://www.persee.fr/​doc/​ahess_0395-2649_1973_num1_293337>), figure parmi les « classiques » qu’on lit dans les cours et les séminaires d’introduction à l’historiographie, non seulement en France mais dans le monde entier. Pierre Vilar l’avait écrit pour les volumes intitulés Faire de l’histoire, publiés en 1974 à l’initiative de Jacques Le Goff et Pierre Nora1. Mais le tome concerné ne contient finalement qu’une version abrégée, et c’est surtout la prépublication dans les Annales qui fit grand bruit. En effet, en pleine frénésie marxiste, voire « marxiste-léniniste », il constitua la première « réplique » importante aux thèses de Louis Althusser sur le rôle de l’histoire chez Marx de la part d’un historien professionnel, professeur à la Sorbonne et directeur d’études à l’École des hautes études, bien connu pour ses travaux d’histoire économique et ses interventions méthodologiques, « marxistes » précisément. Le même choc, apparemment plutôt agréable, et les sympathies que l’article des Annales suscita chez tous ceux qui considéraient que l’antihistoricisme abstrait d’Althusser était incompatible avec le travail empirique d’un historien de gauche, se reproduisit à l’étranger. Dès l’été 1973, il fut traduit en Angleterre dans New Left Review, puis dans de nombreux autres pays, et fut republié dans diverses anthologies ou « readers », signe d’une large utilisation dans le cadre de l’enseignement universitaire2.

  • 3 Sans en faire la liste, voir par exemple Pierre Vilar, « La méthode historique », dans Dialectique (…)

2Cependant, ce qui paraissait aux yeux du public une attaque en règle « contre » Althusser, ne semble pas avoir constitué entre les deux protagonistes un acte d’hostilité. Ainsi, Pierre Vilar participa au jury constitué pour la soutenance de la « thèse sur travaux » présentée par Althusser à l’université d’Amiens en juin 1975, d’une manière bienveillante et combative. Par ailleurs, on trouve des renvois mutuels dans certains textes de l’historien comme du philosophe3. Enfin, deux preuves supplémentaires de ce dialogue ne furent connues que beaucoup plus tard, grâce aux archives d’Althusser déposées à l’IMEC.

  • 4 Cité par Michaël Goshgarian dans son introduction à Louis Althusser, Écrits sur l’histoire (1963-19 (…)
  • 5 Constatons cependant que cette interprétation polémique domine encore aujourd’hui, comme le montren (…)

3Il s’agit d’une part, de la dédicace de Pierre Vilar sur le tiré-à-part de l’article des Annales qu’il envoya au philosophe : « Pour Louis Althusser, qui a si gentiment compris mon intention, cette ‘attaque’ qui est en réalité une défense commune. Affectueusement – P. Vilar4 ». Ainsi, aux yeux de l’auteur, il ne s’agissait nullement d’une polémique farouche entre adversaires, mais plutôt d’une controverse entre camarades, qui se connaissaient et se respectaient, si bien que la perception d’un abîme profond qui les aurait séparés résultait pour une large part de l’imagination d’un public trop peu au courant de leurs intentions respectives5.

  • 6 Les notes d’Althusser furent pour la première fois publiées en 2016, accompagnées de l’article de P (…)
  • 7 Althusser, Écrits sur l’histoire, ouvr. cit., p. 102.

4D’autre part, les archives d’Althusser ont révélé que le philosophe avait spontanément, après la lecture de l’article des Annales, envisagé d’y répondre, et que l’esquisse de cette réponse, récemment publiée6, constituait en fait un rapprochement assez étonnant, puisqu’Althusser allait quasiment « à la rencontre » de l’historien. En effet, tout en réaffirmant sa thèse selon laquelle « la connaissance de l’histoire, tout en étant elle aussi un événement de l’histoire, n’est pas historique au sens vulgaire du terme, c’est-à-dire n’est pas subjective ou relative », il concédait à Vilar d’avoir exprimé des critiques et des réserves « fécondes, parce qu’elles portent sur de tout autres questions, internes à la compréhension de la logique des concepts de la science marxiste de l’histoire7 ».

  • 8 Rolande Trempé, Les Mineurs de Carmaux, 1848-1914, 2-vol., Paris, Éditions ouvrières, 1971.

5Si j’en suis venu assez vite à douter de la réalité de l’abîme en question, c’est que j’étais alors dans la rédaction d’une thèse d’histoire sur le syndicalisme révolutionnaire, que j’avais discuté de certains problèmes avec Althusser – qui m’avait prêté Les Mineurs de Carmaux de Rolande Trempé8, ouvrage qu’il avait annoté de bout en bout –, et que d’autre part j’avais vu et entendu Vilar dialoguer réellement avec Althusser à Amiens. Cependant, ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que j’ai pu demander à Pierre Vilar de vive voix ce qu’il en pensait. En effet, grâce à un coup de fil d’Étienne Balibar, Vilar me reçut en janvier 1987 dans son appartement du quai de la Râpée, et me parla longuement de sa conception du métier d’historien, très proche de celle de Marc Bloch et d’Ernest Labrousse, auxquels il avait succédé à la Sorbonne, mais également de son rapport au marxisme, qu’il considérait toujours comme l’approche théorique la plus intéressante et la plus fructueuse, à condition d’éviter toute abstraction superflue et tout dogmatisme. Et c’est évidemment de ce côté, il ne s’en cachait pas, qu’il voyait un certain danger dans les textes d’Althusser.

  • 9 Pierre Vilar, La Guerre d’Espagne (1936-1939), Paris, PUF, 1986 (dernière rééd. 2002) ; id., Kurze (…)

6Après avoir discuté à bâtons rompus puis déjeuné dans un bistrot du coin, Pierre Vilar m’offrit son petit « Que sais-je ? » sur la guerre d’Espagne, qu’il venait de publier et dont il m’annonça la traduction imminente en Allemagne9. De retour à Berlin-Ouest – c’était encore l’époque du Mur –, je lus bien entendu le livre et proposai ensuite à Vilar de publier, à l’occasion de sa sortie en Allemagne, une interview dans une revue allemande. J’y joignis d’ailleurs, peut-être un peu audacieusement, une liste de sept questions allant de la guerre civile espagnole et de son historiographie à l’École des Annales, puis des Annales à Althusser. À peine trois semaines plus tard, j’avais dans les mains les réponses de l’historien, accompagnées d’un mot dont voici la substance : « Votre lettre m’a fait plaisir, comme signe d’amitié après votre visite. Finalement, les questions que vous me posez me semblent pertinentes pour orienter le public allemand qui aurait l’occasion de lire mon petit livre. Et, pour votre orientation elle-même, j’ai répondu longuement. Voyez ce que vous pouvez retenir pour votre journal. L’écho de mes livres est plus que limité en France. En pays hispanique, il est presque disproportionné à ce qu’ils valent. Je serai toujours heureux d’être informé s’ils intéressent le public allemand » (22 mars 1987).

  • 10 Peter Schöttler, « Paris-Barcelona-Paris. Ein Gespräch mit Pierre Vilar über Spanien, den Bürgerkri (…)
  • 11 « Entrevista sobre la guerra civil espanyola », dans Pierre Vilar, LHistoriador i les guerres, Vic (…)

7Tandis que l’édition allemande de La Guerre d’Espagne parut en avril 1987, l’interview, dont on trouvera ci-dessous la version originale française, fut publiée peu après dans une revue mensuelle de gauche10. Apparemment, Pierre Vilar n’en fut pas trop mécontent (« Merci de l’envoi de notre entrevue, m’écrivit-il. Il me semble que le texte rend parfaitement ma pensée », carte non datée), si bien qu’il le republiera lui-même sans aucun changement en traduction catalane dans un recueil de ses articles concernant l’entre-deux-guerres11.

  • 12 The Guardian, 17 septembre 2003.

8Aujourd’hui, Pierre Vilar est, en dehors de l’Espagne et de la Catalogne dont il a admirablement écrit l’histoire, un des grands historiens oubliés. À part ses deux petits « Que sais-je ? », son œuvre semble s’adresser essentiellement aux historiens professionnels. C’est pourquoi son ami Eric Hobsbawm qui, lui, aimait s’adresser au grand public, l’a gentiment qualifié d’« historien pour historiens » (a historian’s historian)12. Une grande partie de l’œuvre de Pierre Vilar se trouve en effet dispersée dans des revues ou des actes de colloques, ou n’est accessible qu’en castillan ou en catalan. Son dernier livre, un traité de méthodologie intitulé Initiation au vocabulaire de l’analyse historique, n’a jamais paru en français. Vers la fin de l’interview, on verra que l’historien lui-même ne se faisait aucune illusion à ce propos. Mais jamais il n’a voulu sacrifier pour autant sa conception rigoureuse d’une histoire scientifique « en construction », et marxiste par-dessus le marché, aux modes changeantes sur la place de Paris.

Notice biographique

9Pierre Vilar (1906–2003) est né à Frontignan, dans l’Hérault, et mort à Saint-Palais, dans les Pyrénées-Atlantiques. Fils d’instituteur, il entre en 1925 à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, où il prépare l’agrégation d’histoire-géographie. Pensionnaire de la Casa de Velázquez à Madrid, puis à Barcelone de 1930 à 1936, il y rencontre sa femme, l’historienne-archiviste Gabrielle Berrogain (1904-1976). Il prépare une thèse de doctorat sur la Catalogne au 18e siècle et devient partiellement témoin de la guerre civile espagnole. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier en juin 1940 et passe la guerre dans différents « Oflags » allemands. Collaborateur précoce des Annales de Marc Bloch et Lucien Febvre, il devient en 1951 directeur d’études à la VIe section de l’École pratique des hautes études et, en 1967, il succède à Ernest Labrousse sur la chaire d’histoire économique à la Sorbonne. Sans être membre du Parti communiste, il s’est toujours politiquement engagé du côté du mouvement ouvrier.

Principales publications

10Histoire de l’Espagne, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1947 (23e rééd. 2017).

11La Catalogne dans l’Espagne moderne. Recherches sur les fondements économiques des structures nationales, 3 vol., Paris, SEVPEN, 1962 (rééd. Le Sycomore, 1982).

12Or et monnaie dans l’histoire, 1450-1920, Paris, Flammarion, 1969.

13Assaigs sobre la Catalunya del segle XVIII, Barcelone, Curial, 1975.

14Iniciación al vocabulario del análisis histórico, Barcelone, Critica, 1980.

15Une histoire en construction. Approche marxiste et problématiques conjoncturelles, Paris, Gallimard-Seuil, 1982.

16Història de Catalunya (dir.), 8 vol., Barcelone, Edicion 62, 1987-1990.

17Nations, nationalismes et questions nationales, éd. par Carlos Serrano, Paris, Iberica, 1994.

18Pensar históricamente. Reflexiones y recuerdos, éd. par Rosa Congost, Barcelone, Critica, 1997.

19Sur l’œuvre, voir Aron Cohen, Rosa Congost, Pablo F. Luna (dir.), Pierre Vilar, une histoire totale, une histoire en construction, Paris, Syllepse, 2006 ; Rosa Congost, El joven Pierre Vilar, 1924-1939. Las lecciones de historia, Valencia, Universitat de Valencia, 2018. Voir également l’article du « Maitron » : <https://maitron.fr/​spip.php?article182006>. Pour une bibliographie complète, des textes en ligne et de nombreux documents, voir le site : <http://www.atelierpierrevilar.net/​>.

Entretien

  • 13 Tous les soulignements dans le texte proviennent de Pierre Vilar. L’annotation, limitée au minimum (…)

20Qu’est-ce qui vous a incité à écrire votre livre sur la guerre d’Espagne ? La politique ou l’histoire13 ?

21L’idée que ce livre aurait pu m’être « inspiré par la politique » ne me venait même pas à l’esprit. J’ai beaucoup écrit sur l’Espagne, ancienne ou récente, toujours en historien, et beaucoup d’Espagnols, de toutes sortes, de tous milieux (et même de diverses opinions) ont bien voulu, souvent, me dire qu’ils m’en savaient gré. À l’occasion du cinquantenaire de la guerre civile, en 1986, on m’a demandé un petit livre de vulgarisation sur cette guerre ; j’ai été heureux de pouvoir, à cette occasion, dans les limites demandées, exposer ce qu’il me semblait utile 1) de raconter, 2) d’expliquer, à un public qui risque aujourd’hui soit d’oublier l’événement, soit de se noyer dans une bibliographie d’une abondance inouïe. Bien entendu, ayant vécu en Espagne entre 1930 et 1936, j’avais ressenti, entre 1936 et I939, la « guerre d’Espagne » comme un événement me touchant de près. Je ne le cache pas dans mon livre. Cela me disqualifie-t-il comme historien ? Si je me demande, après cinquante ans : sur le moment, qu’ai-je su des événements, qu’ai-je ressenti ? Ai-je commis des erreurs majeures dans mes jugements, mes pronostics, etc. ? Il me semble que cela ne peut que servir mon aperçu historique. Quand j’ai écrit sur l’Espagne au Siècle d’or, ou sur sa résistance à Napoléon, j’avais quand même des chances de m’y reconnaître moins bien que dans un épisode dont j’avais vécu la genèse et suivi de près le déroulement.

22Cela dit, je crois malgré tout saisir le sens de cette première question : il peut sans doute paraître, à la lecture de mon livre, que je n’ai pas « n’importe quelle ‘position’ politique » au fond de moi-même, que je ne prétends pas à toute absence de choix. Je pense qu’il doit être évident que je ne suis pas « franquiste ». Je veux dire que je considère comme responsables de cette guerre, assez affreuse sous bien des aspects, ceux qui l’ont déclenchée, c’est-à-dire un certain milieu militaire, encouragé par toutes les classes conservatrices imbues d’une vision figée de l’Espagne traditionnelle, opposées à toute réforme d’ordre religieux, politique ou social, soit pour des raisons d’intérêt direct (haute bourgeoisie et grande propriété), soit par un encadrement idéologique traditionnel (régions à dominante paysanne obéissant au clergé). Je ne « condamne » pas cette Espagne. Son existence s’explique historiquement. Mais qu’elle ait voulu s’imposer par les armes à toute velléité de transformation et se soit trouvée entraînée vers la formule « fasciste », ailleurs triomphante en Europe, cela ne m’a évidemment pas réjoui, ni dans les moments que j’ai vécus en Espagne entre 1930 et 1936, ni dans les reconstitutions historiques que j’ai tentées.

23Ce qui me choque le plus, dans la récente historiographie de la guerre d’Espagne, c’est la tendance à feindre l’objectivité, quand il s’agit de faire oublier les attitudes passées. Dans mon livre, je me suis permis d’être, sinon sévère, au moins ironique devant ce qu’on peut appeler « l’historiographie néo-franquiste ». Des hommes qui ont assumé de hautes responsabilités (en particulier des militaires), et qui ont soutenu pendant quarante ans les plus évidentes contre-vérités, viennent maintenant jouer les « historiens » pour suggérer une « vérité objective » qui se résumerait ainsi : l’Espagne s’est divisée en deux camps également de bonne foi, entre lesquels tout se partage à raison de cinquante pour cent contre cinquante pour cent, les partisans, les forces, les aides extérieures, les victimes et les crimes. Oublions donc le passé ! Cette façon de fuir l’établissement des responsabilités me semble le contraire de l’objectivité. Il importe, certes, d’établir des chiffres quand c’est possible. Il ne faut pas laisser croire que tous les chiffres sont déjà vraiment établis. Et les chiffres ne sont pas tout : j’ai voulu montrer que dans les « désastres de la guerre » (comme disait Goya), les formes, autant que les nombres, éclairent les causes et façonnent les souvenirs. Il faut donc procéder, chaque fois que c’est possible, par analyses qualitatives, parfois descriptives, et atteindre les mentalités. Mon livre est bien trop court pour espérer avoir pu le faire. Il a dû se contenter de suggérer des thèmes, d’ouvrir des voies.

  • 14 Pierre Vilar renvoie ici à la question portant sur l’historiographie traditionnelle de la guerre ci (…)

24Il est vrai qu’un autre aspect de ma très modeste esquisse peut impliquer ou faire soupçonner d’autres positions de nature « politique » : c’est la présentation des divisions internes, évidentes dans le camp républicain. Comme le problème m’est directement posé dans la troisième question14, je tâcherai, dans ma réponse à cette question, d’indiquer les nuances qui séparent une analyse historique destinée à démontrer une thèse politique, de l’analyse politique d’une situation historique.

25Vous montrez que les deux camps de la guerre civile représentaient deux visages opposés, avec, chaque fois, un arrière-fond social et culturel très particulier. Y aurait-il eu deux nations en une ?

26J’avoue que la question me surprend. Il n’est pas nécessaire d’invoquer Marx pour savoir qu’il y a toujours « deux nations en une » : c’est tout le problème historique – sans doute le problème fondamental – de la relation entre luttes de classes et luttes entre groupes dits « nationaux ». En fait, il s’agit souvent d’États où des classes dirigeantes s’efforcent de persuader l’ensemble des classes qu’elles forment un tout solidaire, malgré les conflits internes d’intérêts. Elles y réussissent dans certaines conditions historiques, mais non dans toutes. Les phénomènes de divisions et de relais entre classes sociales, et au sein même de ces classes, devant les menaces extérieures, les défaites militaires et les occupations étrangères, sont en histoire les phénomènes essentiels. Qu’on songe à la France de 1870-1871 et de 1935 à 1945.

27Or, en Espagne, la situation est encore plus complexe, du fait qu’au moins deux régions, historiquement intégrées à l’état espagnol, réagissent au 20e siècle comme des corps animés d’une conscience nationale propre : la Catalogne, et le Pays Basque (et même, à un degré bien moindre, la Galice). Dans l’idéologie officielle du coup d’état militaire (qui deviendra le franquisme), la formule « una, grande, libre » exprime une vision de l’Espagne comme État, hérité des Rois catholiques, de l’empire de Philippe II et du centralisme des Bourbons. Mais cette formule est contredite par des nationalités renaissantes (comme avant 1914 au sein du vieil empire autrichien). L’opposition entre l’idéologie unitaire du « mouvement » lancé par les généraux et l’idéologie plus volontiers fédérale du camp républicain est un élément fondamental pour bien comprendre la guerre civile. Il n’empêche que devant l’intervention, auprès du « mouvement », de troupes coloniales, de divisions italiennes et de l’aviation allemande, la résistance républicaine peut faire appel, non sans fondement, à un patriotisme espagnol.

28Il est vrai que le choc entre l’insurrection militaire et cette résistance républicaine a pu sembler au début (et semble encore à certains esprits : cf. dans le journal El Pais l’éditorial du 18 juillet 1986, jour du cinquantenaire), un épisode de plus de la lutte entre les « deux Espagnes » dont le poète Machado disait que l’une ou l’autre « glaçait le cœur » de tout petit Espagnol venant au monde : d’une part l’Espagne « noire » héritière de l’Inquisition, d’autre part l’Espagne « libérale » de 1812, 1820, 1868, 1931, souvent qualifiée de « rouge » malgré sa modération, parce qu’on l’accuse d’encourager (ou de ne pas combattre suffisamment) les forces sociales révolutionnaires. Mais, justement, le 20e siècle n’est plus le 19e. Les deux Espagnes qui, longtemps, s’étaient opposées sur le choix entre Ancien Régime et Révolution bourgeoise, sont contraintes, ou soupçonnées, de faire un choix social. Ce n’est plus la Révolution française qui est modèle pour les uns, épouvantail pour les autres, c’est la Révolution russe, le communisme, contre lequel le fascisme est proposé comme remède, et qui est aussi antilibéral.

29Ainsi les « deux Espagnes » de Machado – qui sont celles du 19e siècle – se trouvent entraînées en 1936 dans le terrible jeu à trois mondial : brutales prétentions des fascismes, hantise de l’isolement dans le monde communiste, déchirements internes des démocraties parlementaires, incapables de choisir entre une alliance qui leur répugne et l’isolement devant l’invasion qui les menace. Comment s’étonner, dès lors, que le grand choc de juillet 1936 révèle non seulement deux, mais plusieurs Espagnes ?

30L’historiographie traditionnelle insiste beaucoup sur les divisions internes du camp républicain, et donne toujours la mauvaise part aux gouvernementaux et aux communistes. Votre jugement est plus nuancé. Quelles responsabilités porte, à votre avis, la lutte fratricide au sein de la gauche dans l’échec de la République ?

31Que peut-on appeler « historiographie traditionnelle » ? Distinguons, d’abord, entre sources et historiographie. Je veux dire que beaucoup d’affirmations courantes sont empruntées aux mémoires d’acteurs importants, souvent féroces envers leurs plus proches compagnons, et soucieux de se justifier quant à la responsabilité de la défaite. Ces sources révèlent plus d’une chose utile. Il faut se garder d’y puiser des affirmations de fait, et de généraliser des impressions subjectives.

32Dans l’historiographie proprement dite, disons les ouvrages qui ont pour titre « Histoire de… », on peut distinguer utilement :

  • 15 Pierre Vilar fait apparemment allusion à une histoire officielle du Parti communiste espagnol, dont (…)

33a) Les histoires partisanes avouées. Elles sont loin d’être inutilisables, puisqu’elles révèlent comment les différents pouvoirs, partis, courants ou tendances ont voulu agir et désiré être vus. C’est très instructif, si la critique classique (interne et externe) joue. Malgré la « langue de bois », l’Histoire du Parti communiste15 est intéressante. Certes, « le Parti » y a toujours raison… Il ne faut pas admettre pour cela qu’il eut toujours tort ! Quant aux inépuisables publications franquistes, du temps de la guerre ou postérieures, elles posent très peu – voire pas du tout – les problèmes politiques internes de leur camp. On peut négliger le contenu (mais non le sens et l’effet) de ce qu’elles racontent sur le camp adverse. Dans le domaine militaire, elles apportent une multitude de détails assez insipides, mais que des spécialistes peuvent utiliser, en vérifiant.

  • 16 Pierre Broué, Émile Témime, La Révolution et la guerre d’Espagne, Paris, Éditions de Minuit, 1961.
  • 17 César Lorenzo, Les Anarchistes espagnols et le pouvoir, 1868-1969, Paris, Seuil, 1969.
  • 18 Burnett Bolloten, La Révolution espagnole : la gauche et la lutte pour le pouvoir, Paris, Ruedo Ibé (…)

34b) Les ouvrages historiques à fin de démonstration politique. Il en est de fort intelligents, comme celui de Broué et Témime16, qui expose, sans le dissimuler, le point de vue para-trotskiste du POUM, ou encore l’ouvrage de César Lorenzo sur « Les anarchistes et le pouvoir »17, qui reconstitue admirablement le choc entre principes affirmés et exigences du réel. En revanche, des ouvrages à prétentions érudites comme celui de Bolloten18, qui prétend utiliser une bibliographie de plusieurs milliers de numéros au service d’une thèse anarchisante de pacotille, me semble une scandaleuse utilisation de la référence universitaire. C’est à son sujet que je me suis permis d’avancer la seule ironie un peu méchante de mon petit livre.

  • 19 Hugh Thomas, The Spanish Civil War, London, Eyre and Spottiswoode, 1961 (trad. La Guerre d’Espagne(…)

35c) Les bons exposés devenus classiques, chacun à sa date, de ce qu’on pourrait appeler « l’école anglaise » : Hugh Thomas, Raymond Carr et ses disciples, ou l’américain Gabriel Jackson, qui se rattache au même courant, méthodologiquement et spirituellement19. Je crois qu’ils ont honnêtement reconstitué les faits. Ce que je leur reprocherai – et je pense qu’ils constituent la base de ce que vous appelez « l’historiographie traditionnelle » –, c’est que, fidèles à la vieille forme d’histoire positiviste restée dominante dans l’université anglaise, ils ont beaucoup travaillé sur les séquences politiques, diplomatiques et militaires, sans tenter de replacer cette reconstitution au sein de la situation correspondante du monde et au sein de phénomènes historiques, sociaux, psychologiques, hors desquels les détails politiques et individuels du conflit sont mal appréciés dans leurs dimensions réelles.

36L’ensemble de ces trois catégories historiographiques explique assez bien pourquoi les dissensions internes du camp républicain finissent par prendre une importance sans doute disproportionnée à leur impact réel sur le dénouement. Si on réduit l’histoire à des querelles de personnages, à des rivalités de partis, il est normal qu’on en attribue les tournants à ces querelles, à ces rivalités. Du coté des généraux soulevés, l’unité, la discipline, 1’emportent : trop de gens sont tentés de l’expliquer par le « génie » de Franco. En fait, les véritables « miracles » se situent du côté républicain : résistance au coup militaire dans les deux capitales, arrêt des colonnes marocaines devant Madrid, des colonnes italiennes à Guadalajara, contre-offensives de Teruel et de l’Èbre, tout cela malgré les divisions d’en-haut et d’en-bas, l’absence de cadres moyens au point de départ, les difficultés d’armement et de ravitaillement. Cela suppose à la base un esprit massif de résistance populaire, au sommet quelques bons noyaux d’états-majors militaires, et un remplacement du « triomphe de l’indiscipline » initial, chanté par les anarchistes, par un « triomphe de la discipline » qu’a incarné Negrín, seul personnage de quelque envergure du camp républicain dans le domaine politique, comme la « Pasionaria » dans le domaine sentimental et charismatique.

  • 20 Jean Meuvret (1901-1971), historien, adjoint-bibliothécaire à l’École normale supérieure ; c’est lu (…)
  • 21 Jorge Semprún (1923 2011), résistant communiste pendant l’occupation allemande de la France, est ar (…)
  • 22 Julian Gorkin (1901-1987), écrivain et militant trotskiste espagnol, dans les années 1950-1960 secr (…)
  • 23 Andreu Nin (1892-1937), militant révolutionnaire espagnol ; conseiller de justice de la Generalitat(…)

37Qu’en disant tout cela, j’ai pu vous paraître « plus nuancé » que la plupart des autres historiens, est bien caractéristique du poids de l’idéologie dominante dans notre monde occidental. Il y est devenu comme une évidence que toute erreur, toute horreur, tout échec au temps du « communisme stalinien » doit être attribué à ce communisme. Ceux qui ont vécu cette période en ont gardé – pour peu qu’ils aient mesuré la menace du fascisme – l’impression que si ce communisme a pu avoir alors des effets funestes, c’est par la hantise anticommuniste qu’il inspirait à toutes les classes conservatrices de l’Occident : plutôt Hitler que Staline, plutôt Franco que la Pasionaria, j’ai entendu cela mille fois (et même en pleine « drôle de guerre »). Ceux qui, comme mon ami l’historien Jean Meuvret20, disaient : je ne suis pas communiste mais je suis « périste » – c’est-à-dire d’accord avec les analyses de politique extérieure de Gabriel Péri dans l’Humanité – étaient l’exception. Cela a duré. Cela dure encore, d’où l’ahurissante faveur donnée, quant à la guerre d’Espagne, aux thèses anarchistes, aux thèses trotskistes, aux thèses des communistes repentis du type Semprún21. Dans une récente rencontre à la Bibliothèque d’histoire contemporaine de Nanterre (BDIC), Semprún et Gorkin22 (ex-dirigeant du POUM devenu agent passionné de la « guerre froide ») avaient tout préparé pour exalter leur vision de la guerre d’Espagne. Je les ai priés, comme vous dites, de « nuancer ». Sur de simples arguments de bon sens. Sur la foi de bonnes études récentes. Et aussi sur mon expérience des années 30 à Barcelone. On parle beaucoup d’Andreu Nin23. J’ai bavardé avec lui deux après-midis entières, vers 1932, à Barcelone. C’était un homme respectable. Et on peut s’indigner des circonstances de sa disparition. Mais en faire un éventuel Lénine, qui aurait pu, dans les circonstances de 1936-1937, changer le destin du monde en déclenchant la Révolution entre Barcelone et Lérida, avec l’aide de la carabine d’Orwell, qu’on me permette de rire ! Ou, au moins, de « nuancer » !

38Malgré son apparence modeste, votre livre peut aussi se lire comme une petite leçon sur le thème « comment on écrit l’histoire » dans la lignée des Annales. Comment vous situez-vous par rapport à ce courant historiographique ?

39Je ne veux ni renier, ni exagérer, l’importance de mes rapports avec ce qu’on appelle couramment « l’école des Annales ». Encore faut-il préciser ce que l’on entend par là.

  • 24 Gustave Glotz (1862-1935), historien spécialiste de la Grèce ancienne, professeur à la Sorbonne.
  • 25 Jérôme Carcopino (1881-1970), historien spécialiste de l’histoire romaine, professeur à la Sorbonne (…)
  • 26 Ferdinand Lot (1866-1952), historien médiéviste, professeur à la Sorbonne.
  • 27 Albert Mathiez (1874-1932), historien spécialiste de la Révolution française, à partir de 1926 supp (…)
  • 28 Allusion au sous-titre marxisant des Annales à partir de 1946 : « Économies, Sociétés, Civilisation (…)
  • 29 Marc Bloch (1886-1944), historien médiéviste, professeur à l’université de Strasbourg et à partir d (…)
  • 30 Allusion aux deux articles de Pierre Vilar dans les Annales d’avant-guerre : « Le rail et la route (…)
  • 31 Lucien Febvre (1878-1956), historien moderniste, professeur à l’université de Strasbourg et à parti (…)
  • 32 François Simiand (1873-1935), philosophe, sociologue et économiste, élève de Durkheim, professeur a (…)
  • 33 Camille-Ernest Labrousse (1895-1988), professeur d’histoire économique à la Sorbonne, où il succède (…)
  • 34 Pierre Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne, t. 1, Paris, SEVPEN, 1962, p. 12 et suiv.
  • 35 Voir ci-dessus note 31.
  • 36 Voire ci-dessus note 33.
  • 37 Georges Lefebvre (1874-1955), historien spécialiste de la Révolution française, professeur à l’univ (…)
  • 38 Fernand Braudel (1902-1985), historien moderniste, professeur au Collège de France et successeur de (…)

40Entre 1925 et 1929, j’ai suivi à la Sorbonne les enseignements conduisant à l’agrégation d’histoire et géographie (deux disciplines alors très étroitement liées). Certains enseignements en histoire étaient traditionnels, érudits, et ennuyeux. Mais d’autres – Glotz24 et Carcopino25 en histoire ancienne, Lot26 en histoire du Moyen-Âge, Mathiez27 pour l’histoire de la Révolution – étaient passionnants, parfois géniaux. Pourtant, je fus surtout attiré par l’enseignement des géographes, parce qu’ils s’approchaient des grands problèmes contemporains : économie, colonisation, civilisations lointaines. Quand, en 1929, parut le premier numéro des Annales, je m’enthousiasmai pour son programme : dénonciation d’une histoire réduite aux « événements », surtout aux événements platement politiques, diplomatiques et militaires ; effort pour poser les problèmes dans leur ampleur, dans leur totalité (économie, société, civilisation, même si la formule n’était pas encore proposée)28 ; enfin, liaison avec toutes les sciences humaines, y compris la géographie (les deux premiers articles que me demanda Marc Bloch29, ce médiéviste, portaient sur « Le rail et la route », et « Production et commerce du liège » en Espagne30 !). C’est cette vision à la fois unitaire et problématique d’une science histoire-géographie humaine qui me lia à cette revue. Je n’avais toutefois avec elle que des rapports de collaborateur-correspondant. J’admirais les ouvrages de Lucien Febvre31 (La Terre et l’évolution humaine faisant bien la synthèse histoire-géographie), mais je n’ai eu, jusqu’à la guerre de 1939, aucun contact personnel, oral, avec ces deux maîtres. La revue, cependant, m’avait révélé les œuvres de Simiand32, sociologue-économiste, et, entre 1936 et I939, je découvris les travaux d’Ernest Labrousse33, ce qui fut décisif pour mon passage des curiosités géographiques aux curiosités d’historien-économiste, à la recherche des évolutions décisives dans les structures et conjonctures économiques comme laboratoire des mouvements sociaux et transformations historiques profondes (souvent imputées au politique, ce qui a stérilisé l’histoire traditionnelle). J’ai raconté – et je me permets d’y renvoyer – mon évolution personnelle dans la préface à ma thèse La Catalogne dans l’Espagne moderne (1962)34. J’y dis ce que je dois à quatre ans et demi de captivité dans un camp d’officiers prisonniers (réflexions synthétiques, contacts avec des économistes, des juristes, etc.) et à mon second séjour en Espagne, armé cette fois d’un « outillage mental » plus solide et plus nouveau. Cet outillage me range-t-il dans « l’école des Annales » ? Je préfère évoquer le groupe, assez étroit encore à cette date, qui forma la « Sixième section de l’École des hautes études » pour y rapprocher historiens, géographes, économistes, etc. Ceux qui m’ont appelé dans cette institution – en même temps que Jean Meuvret – étaient Lucien Febvre35, Ernest Labrousse36 et Georges Lefebvre37. Si le premier, devenu, après la mort de Marc Bloch, seul responsable de « l’école des Annales », a été pour moi un vrai maître, mais un peu lointain, c’est en fait à Ernest Labrousse que je dois l’essentiel de ma vocation et de ma méthode : qu’il s’agisse de la notion d’« imputation au politique », des rapports fluctuants entre conscience de classe et conscience de groupe, des modifications des consciences de classe avant et après les révolutions, c’est Labrousse qui est le véritable novateur, le découvreur de formules éclairantes. On l’oublie trop aujourd’hui, au bénéfice de Fernand Braudel38, dont je me garderais de sous-estimer : 1) les capacités créatrices institutionnelles, 2) les curiosités et les emprunts utiles aux sciences humaines et sociales voisines de l’histoire, 3) le talent littéraire et communicatif exceptionnel. Mais je ne crois pas que l’œuvre de Braudel et les orientations qu’il a encouragées aux Annales aient eu la portée théorique de l’œuvre de Labrousse, ou la valeur novatrice de l’entreprise originale de Febvre et Bloch aux débuts de la revue.

41Comment voyez-vous les Annales aujourd’hui, la « nouvelle histoire » telle qu’elle est pratiquée par Le Roy Ladurie, Veyne, etc. ?

  • 39 Jacques Le Goff (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, Retz, 1978 (plusieurs rééditions en livre de p (…)
  • 40 Georges Duby (1919-1996), historien médiéviste, professeur au Collège de France.
  • 41 Emmanuel Le Roy Ladurie (né en 1929), historien moderniste, professeur au Collège de France. De 198 (…)
  • 42 Tandis que Le Roy Ladurie n’a jamais été élu à l’Académie Française, y entreront, parmi les histori (…)
  • 43 Paul Veyne (né en 1930), historien spécialiste de l’histoire romaine, professeur au Collège de Fran (…)
  • 44 Paul Veyne, Le Pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Seuil, 19 (…)
  • 45 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Seuil, 1971, éd. abrégée 197 (…)
  • 46 Paul Ricoeur, Temps et récit, t. 1 : L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, p. 175. (…)

42Ici encore il faudrait apporter beaucoup de nuances. Jacques Le Goff a présenté la « nouvelle histoire » dans un volume qui est à la fois plein d’intérêt et plein d’équivoque39. Lui-même est un remarquable historien, comme Georges Duby40 dans sa thèse et dans ses premiers ouvrages. Mais le souci d’atteindre le grand public à travers les grands éditeurs et les médias fait courir le risque à ces hommes de talent de devenir de simples « historiens à la mode ». Le Roy Ladurie41 ayant couru plus jeune le même risque, et avec moins de talent, entrera peut-être à l’Académie française42, mais c’est un critère plutôt négatif. Quant à Paul Veyne43, il a à la fois pratiqué une histoire fort intéressante de certains phénomènes sociaux antiques (l’évergétisme)44 et prétendu, dans les aspects méthodologiques de ses écrits, ramener l’histoire aux « intrigues » et au « récit »45, tendance de nouveau à la mode chez les philosophes (par exemple Paul Ricœur, dans ses derniers ouvrages où, faisant allusion aux Annales, il en situe le premier numéro en 1939 au lieu de 1929, ce qui ne le qualifie guère pour en parler !)46.

43En fait, ce qui est intéressant dans ces phénomènes de mode, c’est la tendance d’une utilisation de l’histoire 1) au service de manifestations idéologiques dépassées, mais bien caractéristiques : centenaire de la Révolution française ou millénaire de Hugues Capet ; 2) au service d’une conception de l’histoire anecdotique, biographique, psychanalytique, etc., avec affirmation ou sous-entendus condamnant la « mode marxiste » d’il y a vingt ou trente ans ; 3) l’occultation de l’œuvre de Labrousse est très caractéristique : comme elle est inattaquable scientifiquement, c’est le silence qui est de règle.

44L’histoire de l’historiographie, comme signe des orientations sous-jacentes à l’idéologie dominante, devra faire partie de « l’histoire totale » de l’avenir.

45Paradoxalement, votre texte le plus connu en Allemagne est un article publié dans les Annales en 1973 contre le philosophe marxiste Althusser. Comment voyez-vous aujourd’hui ce débat, et quel est à votre avis l’apport possible de la théorie dans le travail de l’historien ?

  • 47 Voir note 1.

46Ici encore, à propos d’historiographie, il importe de préciser « l’histoire », concrète et chronologique. Ce texte m’avait été demandé par Pierre Nora et Jacques Le Goff, pour un recueil en trois volumes (qui vient d’être réédité en livre de poche), à paraître chez Gallimard, intitulé Faire de l’histoire, où toutes les tendances méthodologiques devaient être représentées47. Quand j’ai donné mon texte, Jacques Le Goff s’en est déclaré très enthousiaste et m’a demandé de le publier, dans sa version la plus large, dans les Annales. Je n’avais pas de raison de refuser. Mais cela mérite trois observations :

47(1) Ce n’est pas un article « contre Althusser » : c’est un essai de dialogue avec… J’en ai montré le manuscrit à Althusser lui-même, qui m’a donné son plein accord : « il y a là le point de vue d’un historien, me dit-il ; cet historien réagit devant l’accusation de ‘tomber dans l’historicisme’ et il me soupçonne un peu de ‘tomber dans le théoricisme’ ; d’un côté le philosophe, de l’autre un praticien de l’histoire ; Marx est peut-être le seul homme qui ait essayé d’être les deux : discussion utile ! ».

48(2) J’observai de mon coté, quand Le Goff me demanda l’article pour les Annales, que c’était la première fois, à ma connaissance, qu’elles imprimaient le nom d’Althusser, alors que la première chose qu’on me demandait, d’Athènes à Grenade et de Lima à Berkeley, c’était : parlez-nous d’Althusser ! Pour une revue multidisciplinaire et « à la mode », c’était paradoxal (ou alors trop explicable).

  • 48 Allusion au chapitre « Esquisse du concept de temps historique » dans lequel Althusser évoque brièv (…)

49(3) Peut-être l’article m’a-t-il été demandé parce qu’on l’a cru dirigé, comme vous, contre Althusser. Mais je crois plutôt que les Annales étaient heureuses de voir remettre en place Lucien Febvre et Fernand Braudel comme ayant apporté quelque chose de vraiment neuf dans l’historiographie. Comme je le pensais, je n’avais rien à redire. Et je pense qu’il était bien utile que les lecteurs de la revue prissent conscience que la réflexion marxiste sur l’histoire était à un haut niveau, en même temps que j’engageai Althusser à traiter Febvre, Labrousse et Braudel mieux que par une mention entre parenthèses48 !

50Quant au problème général, je pense que l’histoire, comme toute science, a besoin de fondements théoriques pour exister. Je me rappelle un érudit chartiste qui nous disait : le féodalisme, c’est une vue de l’esprit… Je pensais « heureusement », car toute science exige qu’on s’élève au-dessus de l’observation par une « vue de l’esprit », sinon l’observation elle-même en souffre. C’était la position de Lucien Febvre, bien qu’il détestât, en principe, la « théorie ». C’est parce qu’il avait peur qu’on n’en sorte pas, qu’elle soit un prétexte à ne pas analyser. Il recommandait donc de procéder par « problèmes ». Mais qui dit « problème » dit « hypothèse ». Et qui dit « hypothèse » doit bien se référer à une vue plus générale des choses.

  • 49 Pierre Vilar, Cours de méthodologie historique, 1er cycle. Initiation au vocabulaire de l’analyse h (…)

51Mes propositions personnelles, pour essayer d’organiser le jeu entre théorie et application de l’analyse au réel, sont accessibles dans le volume : Une histoire en construction (Gallimard-Seuil-Hautes Études, 1982), et dans mon dernier cours de Sorbonne, Initiation au vocabulaire de l’analyse historique, resté inédit en français mais très consulté sous forme ronéotypée49. Ces ouvrages, sous des formes diverses, ont paru en espagnol, catalan, portugais et italien, avec de multiples rééditions. Je me rends parfaitement compte que la popularité de mes ouvrages, dans les pays hispaniques et surtout en Catalogne, provient de l’application dominante de mes réflexions au passé (et un peu au présent) de ces pays. Mais si les historiens allemands veulent bien s’intéresser aux problèmes méthodologiques, je serais honoré, et heureux, d’avoir contact avec eux.

  • 50 Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1903-1904). Il existe trois traduction (…)
  • 51 Friedrich Meinecke (1862-1954), historien contemporanéiste, professeur à l’université de Berlin, di (…)
  • 52 Otto Hintze (1861-1940), historien moderniste, professeur à l’université de Berlin. Un des rares hi (…)
  • 53 Werner Sombart (1861-1941), économiste et sociologue, professeur à l’université de Berlin. Auteur d (…)
  • 54 Wilhelm Abel (1904-1985), historien économiste, spécialiste de l’histoire agraire, professeur à l’u (…)

52Question supplémentaire : Au cours de mes études universitaires – de 1925 à 1930 – les renvois aux auteurs allemands étaient surtout le fait de nos maîtres antiquisants et médiévistes. Max Weber était, pour les temps modernes, une référence obligée (un peu trop exclusivement, à mon gré, sur « Capitalisme et protestantisme »)50. J’ai personnellement, mais un peu plus tard, beaucoup fréquenté Meinecke, sur Staatsnation und Kulturnation en particulier, mais l’ensemble de l’œuvre m’a beaucoup impressionné51. En revanche, j’avoue mon ignorance de Hintze52. Mais Sombart53 et toutes les monographies sur le 16e siècle économique, ainsi que Wilhelm Abel54 sur l’histoire de l’agriculture, ont fait partie de mes livres de chevet.Haut de page

Notes

1 Jacques Le Goff, Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, t. 1 : Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard, 1974, p. 231-284.

2 Voir <https://newleftreview.org/I/80/pierre-vilar-marxist-history-a-history-in-the-making-towards-a-dialogue-with-althusser> ; repris dans Gregory Elliot (dir.), Althusser. A Critical Reader, Oxford, Blackwell, 2004, p. 10-43. En Allemagne, il y eût même, signe d’engouement, deux traductions différentes chez le même éditeur dans des recueils d’articles consacrés aux Annales d’une part et au marxisme de l’autre : Claudia Honegger (dir.), Schrift und Materie der Geschichte, Francfort/Main, Suhrkamp, 1977, p. 108-168 ; Urs Jaeggi et Axel Honneth (dir.), Theorien des Historischen Materialismus, Francfort/Main, Suhrkamp, 1977, p. 344-404.

3 Sans en faire la liste, voir par exemple Pierre Vilar, « La méthode historique », dans Dialectique marxiste et pensée structurale (à propos des travaux d’Althusser), Paris, EDI, 1967, p. 35-43 et 55-72 ; Louis Althusser, Solitude de Machiavel et autres textes, éd. par Yves Sintomer, Paris, PUF, 1998, p. 26, 139 et suiv.

4 Cité par Michaël Goshgarian dans son introduction à Louis Althusser, Écrits sur l’histoire (1963-1986), Paris, PUF, 2018, p. 17. Je remercie Michaël Goshgarian de m’avoir communiqué cette citation bien avant de l’avoir rendue publique.

5 Constatons cependant que cette interprétation polémique domine encore aujourd’hui, comme le montrent les interventions au colloque « Pierre Vilar » : Aron Cohen et alii (dir.), Pierre Vilar, une histoire totale, une histoire en construction, Paris, Syllepse, 2006, p. 17 et suiv.

6 Les notes d’Althusser furent pour la première fois publiées en 2016, accompagnées de l’article de Pierre Vilar, sur le site de la revue marxiste Période, encore accessible mais apparemment orphelin : <http://revueperiode.net/inedit-althusser-et-lhistoire-essai-de-dialogue-avec-pierre-vilar/>. Il fut ensuite republié sous le titre « Projet de réponse à Pierre Vilar » dans Louis Althusser, Écrits sur l’histoire, ouvr. cit., p. 99-102.

7 Althusser, Écrits sur l’histoire, ouvr. cit., p. 102.

8 Rolande Trempé, Les Mineurs de Carmaux, 1848-1914, 2-vol., Paris, Éditions ouvrières, 1971.

9 Pierre Vilar, La Guerre d’Espagne (1936-1939), Paris, PUF, 1986 (dernière rééd. 2002) ; id., Kurze Geschichte zweier Spanien : Der Bürgerkrieg 1936-1939, Berlin, Wagenbach, 1987 (dernière rééd. 2005).

10 Peter Schöttler, « Paris-Barcelona-Paris. Ein Gespräch mit Pierre Vilar über Spanien, den Bürgerkrieg und die französische Historiker-Schule der ‚Annales’ », dans Kommune. Forum für Politik, Ökonomie und Kultur, 1987, n° 7, p. 62-68.

11 « Entrevista sobre la guerra civil espanyola », dans Pierre Vilar, LHistoriador i les guerres, Vic, Eumo, 1991, p. 23-25.

12 The Guardian, 17 septembre 2003.

13 Tous les soulignements dans le texte proviennent de Pierre Vilar. L’annotation, limitée au minimum nécessaire, est de Peter Schöttler.

14 Pierre Vilar renvoie ici à la question portant sur l’historiographie traditionnelle de la guerre civile et les divisions internes du camp républicain.

15 Pierre Vilar fait apparemment allusion à une histoire officielle du Parti communiste espagnol, dont nous n’avons pu retrouver la référence.

16 Pierre Broué, Émile Témime, La Révolution et la guerre d’Espagne, Paris, Éditions de Minuit, 1961.

17 César Lorenzo, Les Anarchistes espagnols et le pouvoir, 1868-1969, Paris, Seuil, 1969.

18 Burnett Bolloten, La Révolution espagnole : la gauche et la lutte pour le pouvoir, Paris, Ruedo Ibérico, 1977.

19 Hugh Thomas, The Spanish Civil War, London, Eyre and Spottiswoode, 1961 (trad. La Guerre d’Espagne, Paris, Robert Laffont, 1961, rééd. 2009) ; Raymond Carr, Spain, 1808-1939, Oxford, Clarendon Press, 1966 ; Gabriel Jackson, The Spanish Republic and the Civil War, Princeton N. J., Princeton University Press, 1965.

20 Jean Meuvret (1901-1971), historien, adjoint-bibliothécaire à l’École normale supérieure ; c’est lui qui attira pour la première fois l’attention de Pierre Vilar sur les Annales de Marc Bloch et Lucien Febvre. Cf. Pensar históricamente. Reflexiones y recuerdos, éd. par Rosa Congost, Barcelone, Critica, 1997, p. 71. Sur l’amitié entre Meuvret et Vilar, cf. Rosa Congost, El joven Pierre Vilar, 1924-1939. Las lecciones de historia, Valencia, Universitat de Valencia, 2018, p. 137 et suiv.

21 Jorge Semprún (1923 2011), résistant communiste pendant l’occupation allemande de la France, est arrêté et déporté à Buchenwald en 1944 ; après la guerre il est un des principaux dirigeants du Parti communiste espagnol en exil ; exclu en 1964, il devient écrivain et scénariste de cinéma en France, mais également, de 1988 à 1991, ministre de la culture en Espagne dans le gouvernement de Felipe González.

22 Julian Gorkin (1901-1987), écrivain et militant trotskiste espagnol, dans les années 1950-1960 secrétaire du « Congrès pour la liberté de la culture » à Paris. Cf. Julian Gorkin Les Communistes contre la révolution espagnole, Paris, Belfond, 1978.

23 Andreu Nin (1892-1937), militant révolutionnaire espagnol ; conseiller de justice de la Generalitat de Catalogne ; assassiné par des agents du KGB soviétique.

24 Gustave Glotz (1862-1935), historien spécialiste de la Grèce ancienne, professeur à la Sorbonne.

25 Jérôme Carcopino (1881-1970), historien spécialiste de l’histoire romaine, professeur à la Sorbonne. De 1940 à 1942 directeur de l’École normale supérieure, et de février 1941 à avril 1942 secrétaire d’État à l’Éducation et à la jeunesse dans le gouvernement de Vichy.

26 Ferdinand Lot (1866-1952), historien médiéviste, professeur à la Sorbonne.

27 Albert Mathiez (1874-1932), historien spécialiste de la Révolution française, à partir de 1926 suppléant à la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne.

28 Allusion au sous-titre marxisant des Annales à partir de 1946 : « Économies, Sociétés, Civilisations ». Remplacé en 1994 par « Histoire, Sciences sociales ».

29 Marc Bloch (1886-1944), historien médiéviste, professeur à l’université de Strasbourg et à partir de 1936 à la Sorbonne. Fondateur avec Lucien Febvre des Annales d’histoire économique et sociale en 1929. Assassiné par la Gestapo en 1944.

30 Allusion aux deux articles de Pierre Vilar dans les Annales d’avant-guerre : « Le rail et la route en Espagne » (vol. 6, 1934, p. 571-580) ; « Sur l’histoire sociale de la Catalogne » (vol. 7, 1935, p. 313-318).

31 Lucien Febvre (1878-1956), historien moderniste, professeur à l’université de Strasbourg et à partir de 1933 au Collège de France. Fondateur avec Marc Bloch des Annales d’histoire économique et sociale en 1929.

32 François Simiand (1873-1935), philosophe, sociologue et économiste, élève de Durkheim, professeur au Conservatoire national des Arts et métiers et à partir de 1932 au Collège de France.

33 Camille-Ernest Labrousse (1895-1988), professeur d’histoire économique à la Sorbonne, où il succède à Marc Bloch et précède Pierre Vilar ; connu pour ses convictions marxistes et son engagement socialiste ; a dirigé de nombreuses thèses d’État importantes dont celle de Pierre Vilar. Principaux ouvrages : Esquisse du mouvement des prix et revenus en France au XVIIIe siècle, 2 vol., Paris, Dalloz, 1933 ; La Crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, PUF, 1944. Cf. Maria Novella Borghetti, L’Œuvre d’Ernest Labrousse. Genèse d’un modèle d’histoire économique, Paris, EHESS, 2005.

34 Pierre Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne, t. 1, Paris, SEVPEN, 1962, p. 12 et suiv.

35 Voir ci-dessus note 31.

36 Voire ci-dessus note 33.

37 Georges Lefebvre (1874-1955), historien spécialiste de la Révolution française, professeur à l’université de Strasbourg et à partir de 1935 à la Sorbonne. Membre de la rédaction des Annales.

38 Fernand Braudel (1902-1985), historien moderniste, professeur au Collège de France et successeur de Lucien Febvre à la tête des Annales, président de la VIe section de l’EPHE et, à partir de 1963, administrateur de la Maison des sciences de l’homme à Paris.

39 Jacques Le Goff (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, Retz, 1978 (plusieurs rééditions en livre de poche, mais fortement abrégées).

40 Georges Duby (1919-1996), historien médiéviste, professeur au Collège de France.

41 Emmanuel Le Roy Ladurie (né en 1929), historien moderniste, professeur au Collège de France. De 1987 à 1994 administrateur général de la Bibliothèque nationale.

42 Tandis que Le Roy Ladurie n’a jamais été élu à l’Académie Française, y entreront, parmi les historiens évoqués par Pierre Vilar, Fernand Braudel, Georges Duby et Pierre Nora. On pourrait y ajouter, vu sa proximité avec les Annales, François Furet.

43 Paul Veyne (né en 1930), historien spécialiste de l’histoire romaine, professeur au Collège de France.

44 Paul Veyne, Le Pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Seuil, 1976.

45 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Seuil, 1971, éd. abrégée 1979.

46 Paul Ricoeur, Temps et récit, t. 1 : L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, p. 175. Notons que cette coquille (?) n’a jamais été corrigée dans les éditions ultérieures.

47 Voir note 1.

48 Allusion au chapitre « Esquisse du concept de temps historique » dans lequel Althusser évoque brièvement les historiens des Annales : Louis Althusser et aliiLire le Capital, t. 2, Paris, Maspéro, 1965, p. 42. (3e éd., PUF, 1996, p. 279). Pour une interprétation un peu différente de ce passage, qui discute aussi l’article de Vilar, je me permets de renvoyer à mon texte : Peter Schöttler, « Althusser and Annales Historiography, an Impossible Dialogue ? », dans E. Ann Kaplan, Michael Sprinker (dir.), The Althusserian Legacy, Londres, Verso, 1993, p. 81-98 (trad. française abrégée dans M. Mensuel, marxisme, mouvement, n° 43, janvier 1991, p. 28-33).

49 Pierre Vilar, Cours de méthodologie historique, 1er cycle. Initiation au vocabulaire de l’analyse historique, Année 1972-1973, 154 p. Traduction avec une préface, datée de décembre 1979, dans laquelle Pierre Vilar revient notamment sur un débat avec Nicos Poulantzas et le concept d’histoire chez Althusser : Iniciación al vocabulario del análisis histórico, Barcelone, Critica, 1980.

50 Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1903-1904). Il existe trois traductions françaises différentes en librairie. En ligne : <http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/ethique_protestante/Ethique_protestante.pdf>.

51 Friedrich Meinecke (1862-1954), historien contemporanéiste, professeur à l’université de Berlin, directeur de la Historische Zeitschrift. Adhérant à la République de Weimar, il est écarté de la direction de la revue par les nazis. En 1948, il est nommé premier recteur de l’université libre de Berlin-Ouest. Le livre auquel Pierre Vilar fait allusion et dans lequel Meinecke fait la différence entre « nation d’État » (exemple : la France) et « nation culturelle » (exemple : l’Allemagne) date de 1908 : Weltbürgertum und Nationalstaat. Studien zur Genesis des deutschen Nationalstaates. En ligne: <https://archive.org/details/weltbrgertumun00meinuoft/page/n6>.

52 Otto Hintze (1861-1940), historien moderniste, professeur à l’université de Berlin. Un des rares historiens allemands à dialoguer avec la sociologie moderne, et notamment Weber. Cf. Otto Hintze, Féodalité, capitalisme et État moderne. Essais d’histoire sociale comparée, éd. par Hinnerk Bruhns, Paris, MSH, 1991. En ligne : <https://digi20.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb00047903_00001.html>.

53 Werner Sombart (1861-1941), économiste et sociologue, professeur à l’université de Berlin. Auteur d’une monumentale histoire du capitalisme : Der moderne Kapitalismus, 3 vol., Leipzig, Duncker & Humblot, 1902. En ligne : <https://visuallibrary.net/ihd/content/pageview/307671>.

54 Wilhelm Abel (1904-1985), historien économiste, spécialiste de l’histoire agraire, professeur à l’université de Göttingen. Un de ses livres a été traduit en français : Crises agraires en Europe. XIIIe-XXe siècles, Paris, Flammarion, 1974.Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Peter Schöttler, « La Guerre civile en Espagne, l’écriture de l’histoire et l’école des Annales », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 153 | 2022, 161-178.

Référence électronique

Peter Schöttler, « La Guerre civile en Espagne, l’écriture de l’histoire et l’école des Annales », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 153 | 2022, mis en ligne le 01 août 2022, consulté le 07 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/18962 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.18962Haut de page

Auteur

Peter Schöttler

Université libre de Berlin, ancien directeur de recherche au CNRS (IHTP)Haut de page

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