Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Accord sur le Nucléaire Iranien : le stratagème US touche au but.

Cet article confirme si besoin était ce qui a toujours été ma position: premièrement, prendre les conflits non comme un sujet en soi mais en les resituant dans la phase impérialiste qui est celle que nous vivons. Qu’il s’agisse de Cuba, de l’Iran, de la Palestine, de la Syrie, du Venezuela, de Taiwan, du Sri lanka, on ne peut pas isoler ces conflits de leur dimension de classe et de la montée des révoltes contre les politiques de pillage impérialistes. Deuxièmement, toujours dans ce contexte, il faut dénoncer le rôle de l’impérialisme US et la manière dont il s’appuie sur des dirigeants eux-mêmes corrompus pour exaspérer des divisions, des antagonismes entre ceux qui devraient s’unir. Troisièmement, la solution à ces conflits passe donc par la dénonciation de la politique des dirigeants américains et leurs vassaux et le respect de la souveraineté des peuples, et on doit dénoncer l’agression subie, quelle que soit l’empathie ou l’antipathie que l’on peut avoir pour ceux qui les dirigent. Si le cadre de l’ONU reste celui qu’il faut maintenir, de plus en plus le cadre régional et la négociation directe doivent être privilégiés à l’exclusion des sanctions, blocus et autres politiques impérialistes. Tant que cette politique impérialiste sera dominante, le recours à l’arme nucléaire sera la tendance à laquelle auront recours les peuples et pays agressés. Il faut en finir avec cette politique si l’on veut un désarmement général, en particulier sur le plan nucléaire ce qui devrait être le sens de notre bataille. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Jean Luc Picker. )

Publié 23/7/2022 https://journal-neo.org/2022/07/22/us-iran-nuclear-deal-ploy-coming-full-circle/

Les derniers espoirs que le Plan d’Action Globale Commun (PAGC ou JCPoA, Joint Compréhensive Plan of Action en Anglais), généralement connu sous le nom simplifié d’Accord sur le Nucléaire Iranien, puisse être réanimé semblent s’évanouir. La récente visite du président des Etats-Unis en Israël et la déclaration gouvernementale commune promettant une réponse militaire si l’Iran continue d’avancer vers le développement d’armes nucléaires (armes que Israël comme les Etats-Unis possèdent) en marquent la fin.

La chaine états-unienne ABC news, explique dans un article intitulé : « l’arrêt des pourparlers sur le nucléaire iranien limite les options de Biden » :

La promesse du Président Joe Biden est claire : tant qu’il sera en exercice, l’Iran ne deviendra pas une puissance nucléaire. Mais depuis son accession à la Maison Blanche, les conditions de réalisation de cette promesse n’ont fait que se compliquer.

Au cours de son voyage au Moyen Orient, le président a déclaré qu’il n’utiliserait la force contre l’Iran qu’en dernier recours, malgré la pression d’Israël, son allié le plus fidèle dans la région, pour qu’il exprime une ‘menace militaire crédible’.

En référence à l’Accord sur le Nucléaire Iranien, le journal développe :

Malgré le désir initial de l’administration Biden de mettre en place un accord plus ambitieux et plus pérenne, une année et demi de négociations n’ont pas permis le moindre pas en direction d’un retour aux termes initiaux de l’accord.

Fin juin, après un mois de blocage, une 9ème série de pourparlers a eu lieu à Doha, Qatar. Le porte-parole du département d’état n’a pas donné dans l’optimisme : « il n’y a eu aucun progrès ».

Sans surprise, on tient pour responsable de la situation la décision unilatérale des Etats-Unis de se retirer de l’Accord, prise par le président Donald Trump. En réalité, il s’agissait d’une décision prévue bien avant l’installation de Trump, avant même que le président Barack Obama ne signe l’Accord. Les dernières actions en date du président Biden ne font que finaliser ce qui a toujours été conçu comme un stratagème pour piéger l’Iran.

L’Accord sur le Nucléaire : un piège dès le départ.

Tout le monde a célébré la signature de l’Accord sur le Nucléaire Iranien par le président Obama comme une avancée enthousiasmante de la diplomatie états-unienne et une rupture d’avec la politique agressive et guerrière de l’administration Bush qui après l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq menaçait l’Iran.

L’accord a été paraphé en 2015 par les Etats-Unis et l’Iran conjointement au Royaume Uni, l’Europe, l’Allemagne, la Russie, la Chine et la France. NBC news, dans un article paru après le retrait de Trump, nous en rappelle le sens :

L’Accord sur le Nucléaire Iranien offrait à Téhéran des milliards de dollars sous forme d’allègement des sanctions en échange de la promesse de limiter son programme nucléaire.

L’Accord visait à assurer que « le programme nucléaire de l’Iran sera uniquement civil ». En retour, certaines des sanctions imposées par les Nations Unies et d’autres entités dans les domaines commerciaux, technologiques, financiers et énergétiques seraient levées.

On pourrait questionner le fait que les Etats-Unis, seul pays à avoir utilisé l’arme atomique contre un autre pays, puisse imposer des sanctions à l’Iran visant à l’empêcher d’en développer. De plus, suite à l’invasion de l’Afghanistan (2001) et de l’Iraq (2003), les Etats-Unis encadraient l’Iran militairement à l’Est et à l’Ouest. L’hostilité des Etats-Unis envers l’Iran est une constante depuis plusieurs décades et le département d’état, d’une administration à l’autre, n’a jamais vraiment fait mystère de son souhait de ‘changer le régime’ à Téhéran, comme il venait de le faire en Afghanistan et en Iraq.

Les stratèges Etats-Uniens, dès 2009, avaient décrit un stratagème selon lequel les Etats-Unis offriraient un deal à l’Iran puis le saboteraient méthodiquement afin de pouvoir utiliser cet échec comme point de départ pour l’intervention qui permettrait de changer le régime militairement.

La Brookings Institution, basée à Washington est financée par les plus grandes multinationales et banques des pays occidentaux. Elle a aussi le soutien de plusieurs gouvernements occidentaux et en premier le département d’état des Etats Unis. En 2009, elle publie « Quelle route pour la Perse ? Options pour une nouvelle stratégie américaine envers l’Iran ». Les penseurs de la Brooklins Institution y expliquent comment les Etats-Unis pourraient aboutir à changer le régime Iranien.

Les 170 pages du document présentent les différentes options en chapitres et sous-sections. On part de « Une offre que l’Iran ne peut pas refuser : la voie de la persuasion » pour arriver à « Maîtriser Téhéran : la voie du changement de régime » et enfin : « Aller au bout : la voie de l’invasion » ou « La révolution de velours : la voie de l’insurrection populaire ». Tout y est passé en revue. Des pièges diplomatiques à l’identification et l’armement d’organisations terroristes. Ces options n’en sont pas restées à la description théorique : elles ont été essayées les unes après les autres, quoique sans grand succès. La seule qui soit encore restée à l’état de projet est l’intervention militaire directe par les Etats-Unis ou Israël. Ou les deux.

Il ne manque que le prétexte pour la lancer. Et d’étudier ‘l’offre’ des Etats-Unis que l’Iran ‘refuserait’.

Une Offre que l’Iran ne devrait pas refuser

Au chapitre 1 de « Une offre que l’Iran ne peut pas refuser : la voie de la persuasion » on lit (caractères gras ajoutés par nous) :

Toute opération militaire contre l’Iran sera probablement impopulaire dans le monde et demandera un contexte international approprié à la fois pour s’assurer du support logistique dont elle sera dépendante et pour en minimiser les effets de boomerang.

On y trouve ensuite le mode d’emploi qui permettrait aux Etats-Unis d’apparaitre aux yeux de monde comme les garants de la paix en présentant la dénonciation du « très bon deal » par l’Iran comme la raison obligeant des Etats-Unis réticents à engager une réponse militaire :

Ce n’est que lorsque l’on aura largement convaincu autour de nous que les Iraniens ont refusé l’offre plus que correcte qui leur a été généreusement offerte -une offre si bonne qu’elle ne peut être refusée que par un régime décidé à acquérir des armes nucléaires pour des desseins inavouables– que nous pourrons frapper sans risquer une condamnation massive et continuer à bénéficier de l’aide nécessaire (de bon gré ou de façon plus discrète). Dans un tel contexte, les Etats-Unis ou Israël pourront présenter leurs opérations comme décidées à contre-cœur, et non sous un jour belliciste. Nombreux seront alors, au sein de la communauté internationale, ceux qui jugeront que l’Iran s’est perdu lui-même en refusant cette offre généreuse.

L’Accord sur le Nucléaire Iranien était donc condamné avant même d’être signé. Il a été conçu avant tout comme un prétexte pour l’engagement militaire et non comme une solution diplomatique pour l’empêcher.

Les faux espoirs sont une constante de la politique des administrations successives

Dans ce contexte, l’Iran commettrait une faute capitale en se privant de développer un arsenal dissuasif suffisant contre une agression états-unienne, y compris dans le registre nucléaire. Pourtant, il a néanmoins accepté les termes de l’Accord sur le Nucléaire et s’y est conformé jusqu’à l’abandon unilatéral décidé par les Etats-Unis en 2018.

Il est même documenté que, après cette date, l’Iran a continué à appliquer l’essentiel des conditions de l’accord, avec le soutien des autres signataires, dans le vain espoir de le réanimer avec la nouvelle administration à élire en 2021.

A son entrée en fonction, le président Joe Biden aurait dû immédiatement lever les sanctions remises en place et rejoindre de façon inconditionnelle l’accord, ce qui aurait permis à l’Iran d’en observer à nouveau les conditions à la lettre. Au contraire, les Etats-Unis ont demandé à l’Iran de revenir d’abord aux termes entiers de l’accord avant de pouvoir seulement envisager de négocier le retour de Washington parmi les signataires.

Il était donc écrit, bien avant que Obama n’appose sa signature sur les documents de l’Accord, que les Etats-Unis le saboteraient, feraient porter le blâme sur l’Iran puis renoueraient avec et amplifieraient leur politique d’agression, directement, ou par proxy, ou les deux. En 2018, le président Trump s’est appuyé sur le climat politique domestique -en particulier sur la notion que les républicains devaient tenir une ligne plus sévère à l’encontre de l’Iran- pour abandonner l’Accord. Il aurait été facile pour une nouvelle administration de rejeter la faute entièrement sur Trump, dépeint comme ne représentant pas fidèlement ni son parti ni la classe politique états-unienne. En ne choisissant pas cette voie, et en ne retournant pas immédiatement et inconditionnellement aux termes de l’accord, le président Biden a montré, dès le début, que le stratagème était en fait une stratégie continue sur plusieurs administrations.

Après avoir posé à l’Iran seul des conditions inacceptables pour renégocier l’accord, la déclaration du président Biden en Israël, et la récente affirmation de son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, que l’Iran est en train de préparer la fourniture de drones à la Russie, les Etats-Unis donnent le dernier tour de clé et la jettent.

Qu’il s’agisse là d’une continuité de la politique étrangère des Etats-Unis est aussi démontré par la déstabilisation puis l’invasion et l’occupation de la Syrie. Cette campagne était également mentionnée parmi les préconditions nécessaires à une tentative de changement de régime en Iran. Curieusement, l’administration d’Obama était apparue conciliante à l’égard de l’Iran en signant l’Accord. Pourtant son administration est la grande responsable de la terrible guerre par proxy contre l’allié central de Téhéran dans la région : la Syrie.

Toutes les administrations depuis celle de Bush, qui en a créé les prémices, ont soutenu la guerre d’agression dévastatrice en Syrie. Celle d’Obama a mis en place la phase initiale des hostilités et de l’occupation, celles de Trump et de Biden ont maintenu la présence militaire en Syrie et continué à lui interdire l’utilisation des ressources alimentaires et énergétiques de ses provinces orientales pour se reconstruire. On ne peut pas interpréter séparément la politique étrangère états-unienne en Iran et en Syrie. Le sort des deux nations est étroitement imbriqué et on voit là la vraie nature des intentions des Etats-Unis dans la région au cours des décades écoulées, quelle que soit l’administration de la Maison Blanche.

Sauf à imaginer que les objectifs des Etats-Unis et les intérêts qui les déterminent connaissent une transformation fondamentale, les chances que l’Accord sur le Nucléaire Iranien se rétablisse sont de plus en plus minimes. Malgré la patience admirable dont il a fait preuve, l’Iran et ses alliés doivent maintenant se préparer pour l’affrontement inévitable qui suivra la décision des Etats-Unis de faire porter à Téhéran le chapeau de l’échec d’un accord qu’ils n’ont jamais eu l’intention d’honorer.

L’auteur, Brian Berletic, est un chercheur et écrivain en géopolitique basé à Bangkok et publie notamment dans le magazine en ligne ‘New Eastern Outlook

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 239

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Bonnet blanc, blanc bonnet….Démocrates et Républicains même chose . Jacques DUCLOS aurait dit “Républicains et Démocrates même chose”

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.