Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La “colombe de la paix” a bien failli se faire couper les ailes : quelqu’un a voulu empoisonner Abramovitch. Qui ?

Avec ce ton ironique inimitable fait de lucidité sur qui est qui et qui a réellement intérêt à empoisonner les médiateurs, et de mépris profond pour le capitalisme et ses voleurs pour qui les “bons sentiments” dissimulent mal les moeurs de spadassins et les eaux glacées du calcul égoïste l’auteur de l’article sait à quel point oligarques russes, ukrainiens, occidentaux se valent. Il nous décrit tout un monde corrompu et dont les intérêts personnels imposent une paix rapide en montrant d’où viennent empoisonnement et tentatives d’empêcher la paix. Mais comme souvent dans ce genre de texte la conclusion dit ce qui est espéré de la situation : “Et c’est déjà une question pour le Kremlin : a-t-il besoin des services de l’oligarchie dans la situation actuelle, alors que la Russie se débarrasse du statut semi-colonial dans lequel elle se trouvait depuis les années 90 ? Ou bien n’y a-t-il aucun moyen de survivre sans les Abramovitchs ?” note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

Les élites russes tentent de persuader le Kremlin de faire la paix avec Zelensky au prix de concessions des deux côtés.
Dmitry Rodionov, avec les commentaires de Andrei Dmitriev et Dmitriy Galkine

https://svpressa.ru/politic/article/329655/?lbq=1

Sur la photo : l’homme d’affaires Roman Abramovitch lors des pourparlers russo-ukrainiens au palais de Dolmabahçe. (Photo : Sergey Karpukhin/TASS)

L’oligarque russe Roman Abramovitch a développé des symptômes similaires à ceux d’un empoisonnement après son voyage en Ukraine et sa participation aux pourparlers entre Moscou et Kiev, selon le Wall Street Journal.

Selon les sources du journal, M. Abramovitch et deux membres de l’équipe de négociation du côté ukrainien ont eu les yeux rouges, des larmoiements et la peau du visage et des mains a pelé. Leur état s’est maintenant amélioré et leur vie n’est pas menacée, selon les interlocuteurs du journal.

Mais qui voudrait empoisonner Abramovitch ? A-t-il vraiment joué un rôle dans les négociations ?

Il a été rapporté précédemment que l’oligarque a remis au président russe Vladimir Poutine une note de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Selon le Times, Abramovitch s’est rendu à Moscou après une réunion avec le dirigeant ukrainien pour voir Poutine et lui a remis une note manuscrite de Zelenskyy exposant la position de l’Ukraine sur les termes de l’accord de paix.

Puis, selon le journal, M. Abramovitch est retourné à Istanbul, où il a contacté le négociateur de Kiev, le député de la Verkhovna Rada, Roustem Umerov. En outre, les médias affirment que Poutine a personnellement approuvé la participation d’Abramovitch à l’organisation des négociations, tandis que l’oligarque a également tenu des réunions avec un certain nombre de médiateurs potentiels, dont l’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder.

Un autre cycle de négociations doit avoir lieu à Istanbul, et de nombreux experts considèrent le renoncement à la capitale biélorusse comme une concession à Kiev. Est-ce la seule concession ? Quel rôle Abramovitch peut-il jouer ici, et est-ce pour cela qu’ils ont voulu l’empoisonner, si cela s’est vraiment produit ?

– Les médias rapportent que Roman Abramovitch a confirmé qu’il présentait des symptômes d’empoisonnement par une substance chimique et qu’il ne se sent pas tout à fait bien”, a déclaré Dmitry Galkin, chroniqueur politique au journal 2000.

Certains médias occidentaux, principalement britanniques, ont suggéré que ce sont les Russes qui ont organisé l’empoisonnement d’Abramovitch et des politiciens ukrainiens avec lesquels il négociait. Toutefois, cette hypothèse soulève quelques doutes, pour ne pas dire plus. Abramovitch s’est senti malade après sa visite à Kiev début mars. Et il serait étrange de penser que les services secrets russes se sentent encore si libres à Kiev qu’ils pourraient empoisonner les participants aux négociations secrètes.

“SP : Pensez-vous que le rôle d’Abramovitch dans les négociations est réel ? Ou a-t-il plutôt un rôle purement décoratif ? Pourquoi lui ?

– D’après ce que je comprends, si Abramovitch est crédible en tant que médiateur, c’est avant tout parce qu’il est personnellement intéressé par l’arrêt d’un conflit qui menace de dégénérer en une confrontation à long terme entre la Russie et l’Occident. De plus, les sanctions qui ont été imposées à la Russie ont déjà compromis le fonctionnement normal des banques et des sociétés russes.

Il ne fait aucun doute qu’Abramovitch est prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir la crise économique causée par les sanctions et obtenir leur allègement. En outre, Abramovitch entretenait, depuis longtemps déjà, des relations d’affaires étroites avec plusieurs oligarques ukrainiens, qui ont pu convaincre les dirigeants ukrainiens de sa sincérité et de sa bonne foi.

“SP : – On a parlé d’une note de Zelensky transmise par Abramovitch à Poutine. De quoi s’agit-il, à votre avis ?

– Comme vous le savez, les dirigeants ukrainiens ont accepté de proposer des amendements à la législation ukrainienne lui conférant le statut d’État neutre. Certes, rien ne garantit que ces amendements seront adoptés, car ils seront perçus par la société ukrainienne comme une concession aux exigences russes. Néanmoins, il existe au moins un certain consensus sur ces questions.

Le principal désaccord porte sur le statut de la Crimée et du Donbass, car les dirigeants ukrainiens ne peuvent reconnaître ni l’incorporation de la Crimée à la Russie ni l’indépendance de la LNR et de la DNR. M. Abramovitch aurait suggéré que les autorités ukrainiennes, sans renoncer formellement à la Crimée, acceptent de reconnaître qu’elle est sous domination russe dans le cadre d’un bail à durée indéterminée ou à long terme.

Il est peu probable qu’Abramovitch ait pu avoir une telle idée sans le consentement préalable des hauts dirigeants de l’État russe. Il est tout à fait possible que la note de Zelensky contienne sa réaction à la proposition.

” SP : – Les médias ont rapporté que Poutine a personnellement approuvé la participation d’Abramovitch à l’organisation des négociations et qu’il a tenu des réunions avec un certain nombre de médiateurs potentiels, dont l’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder.

– Si quelqu’un peut négocier avec les autorités ukrainiennes dans la situation actuelle, c’est bien Abramovitch, qui, d’une part, est considéré comme étant en position de confiance avec Poutine et, d’autre part, est un grand homme d’affaires personnellement intéressé à mettre fin au conflit avec l’Occident le plus rapidement possible.

En outre, Abramovitch, contrairement à de nombreux autres oligarques russes, n’a jamais soutenu publiquement la politique russe à l’égard de l’Ukraine et a cherché à prendre ses distances avec le pouvoir russe après 2014. Quant à Schroeder, malgré ses énormes connexions dans l’élite économique et politique européenne, il n’a pas pu devenir un médiateur dans les négociations avec l’Ukraine car il n’a pas su gagner la confiance des autorités ukrainiennes.

“SP : – Qui d’autre, selon vous, pourrait devenir un médiateur ? Si Abramovitch est soudainement empoisonné, qui le remplacera ?

– Abramovich, d’après ce que l’on peut comprendre, se sent relativement bien et a l’intention de continuer à agir en tant que médiateur. S’il est à nouveau empoisonné, cette fois avec succès, les discussions informelles sur l’accord de paix s’arrêteront très probablement. Il n’y a tout simplement personne pour le remplacer, car les autres oligarques russes ne peuvent pas compter sur la confiance des dirigeants ukrainiens ou n’ont pas autant d’influence en Russie. Les autorités ukrainiennes ne négocieront pas de manière informelle avec les hauts responsables russes, même s’il s’agit d’anciens responsables, car elles craignent les provocations et les fuites.

“SP : – Nombreux sont ceux qui considèrent le transfert des négociations du Belarus à la Turquie comme une concession de la part de la Russie. Est-ce vrai ? L’identité du médiateur a-t-elle de l’importance ?

– Le gouvernement ukrainien ne négociera pas au Belarus, qui, en tant qu’allié de la Russie, a été sanctionné par les pays occidentaux. Par conséquent, si la partie russe n’acceptait pas de négocier en Turquie, il n’y aurait pas de négociations du tout.

-L’histoire de l'”empoisonnement” de Roman Abramovitch est dans le ton du déroulement des négociations russo-ukrainiennes, qui semblent plutôt étranges, déclare Andrey Dmitriev, rédacteur en chef de “APN Severo-Zapad”.

– Par exemple, du côté russe, l’un des principaux négociateurs de la “dénazification” de l’Ukraine est le conseiller présidentiel Vladimir Medinsky.

De son côté, le négociateur du côté ukrainien, Denys Pirenev, a été abattu par le SBU dans le centre de Kiev, soupçonné de trahison. De telles consultations ne peuvent donner de résultats, et la Russie n’en a pas besoin pour le moment. Ce sont les forces armées ukrainiennes et les forces de sécurité nationale qui ont besoin d’une pause, d’un répit dans l’opération spéciale. Notre peuple doit presser l’ennemi aussi fort qu’il le peut…

L’apparition de la figure d’Abramovitch sur l’échiquier diplomatique ne s’explique pas du tout. Il aurait porté des notes de Vladimir Zelensky à Vladimir Poutine. En vertu de quel statut, je me le demande ?

Les objectifs d’Abramovitch sont clairs : il veut, en tant que “pacificateur”, obtenir un allègement des sanctions occidentales.

Et c’est déjà une question pour le Kremlin : a-t-il besoin des services de l’oligarchie dans la situation actuelle, alors que la Russie se débarrasse du statut semi-colonial dans lequel elle se trouvait depuis les années 90 ? Ou bien n’y a-t-il aucun moyen de survivre sans les Abramovitchs ?



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