Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

MADRES PARALELAS par François L.

françois L. qui a accepté de nous parler ici de cinéma m’a donné envie de voir ce film de Pedro Almodovar… Je pense y aller lundi et peut-être mardi voir “tromperie” de Desplechin sur une oeuvre de Roth, tous ces gens nous racontant le mâle épuisé… mais par quoi? vu l’œuvre accomplie par cette génération, ils ne se sont pas beaucoup fatigués et quand remontent les cadavres des fosses où le franquisme les a cachés avec la complicité de la monarchie ils découvrent que tout est “vanité” … (note de danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

MADRES PARALELAS

 Pedro Almodovar, solidement épaulé par son frère Agustin patron de la société de production El Deseo ( le désir, tout un programme)  a débuté sa carrière de cinéaste en nous offrant des films colorés, insolents, et d une crudité de langage et de situation tout à fait inhabituelle ce qui fit vite sa réputation, le sacrant cinéaste de la movida, ce mouvement culturel libératoire post franquisme.

 Nous révélant des comédiens atypiques ( Rossy   de Palma,  Marisa Paredes.. ) en en  propulsant d’autres  avec un réel succès sur le marché international, notamment  US (Cruz, Bardem, Banderas..)  il s’est montré particulièrement  prolixe. Mais ce qui le rend si attachant aux yeux de son public c’est sans doute la façon dont son cinéma évolue avec lui, une fois débarrassé  de l esprit provocateur et iconoclaste des jeunes années, comme  calmé par les deuils, les souffrances et les atteintes de l’âge. Peut-être parce qu’il n a pas d’enfant il s est montré également un passeur de talent filmant les ballets de Pina Bauch, nous faisant entendre Caetano Veloso et Luz Casal.

 Sa dernière  œuvre, ‘Madres paralelas’ , parallèles qui pourtant se rencontrent,  nous parle de maternité, de féminité, de sororité,( et même, disons-le, d’un peu plus si affinités), entre deux femmes d’âge et de condition sociale différente.  Le film est mieux qu’un drame intime, déjà émouvant par lui-même, grâce à  la prégnance du souvenir des antifascistes assassinés  de la guerre civile espagnole, comme si la transmission ne pouvait se faire qu’après que soit réalisé le deuil des générations précédentes. Cette irruption de l histoire et partant de la politique dans le cinéma d’ Almodovar est une bonne surprise lui qui fut un des premiers à se consacrer  au x combats LGBT ( pour faire court), luttes qui occupent à présent le devant de la scène.

La guerre civile  c’était il y a presque quatre vingt-cinq ans et elle reste pourtant un fossé, une ligne de démarcation entre espagnols, témoin cette échange entre celle qui travaille et qui veut que l’on ouvre les fosses communes et celle qui répète sans penser à mal ce que disent ses bourgeois de parents : pourquoi déterrer (sic) ces vieilles histoires , il faut aller de l’avant . Don’t look down en quelque sorte.

Film grave, abouti, porté par une Pénélope Cruz concentrée et douloureuse (dont on se demande une fois encore ce qu’ elle a bien pu pendant tant d années chuchoter à l oreille d’un leader scientologue) coupé par les apparitions d’une Rossy de Palma calmée et un peu épaissie symbolisant ainsi  la fin de la frénésie movida, il montre aussi  le peu d’utilité du mâle contemporain, gros bourdon désormais cantonné à la procréation dont il n’ est même pas tenu informé après copulation consentie ou non. 

 

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8 Commentaires

  • comaguer
    comaguer

    Bonjour
    Effectivement Madres Paralelas signe la maturité d’Almodovar. Quelques mots suR la période antérieure celle dite de la Movida évoquée dans le commentaire du film . Livrons un début d’analyse partagé à l’époque des débuts de la Movida avec les camarades dockers de Barcelone. Ils avaient vu arriver la drogue dans le quartier ouvrier de La Barccelonetat où presque tous habitaient et pour eux cette arrivée tolérée ou entretenue était destinée à faire verser le char d’une modernité révolutionnaire à laquelle ils aspiraient dans les ornières d’un hédonisme très commercial. A y bien réfléchir aujourd’hui la “libération” de la movida a permis de sauvegarder et l’église et la monarchie, le “sociétal” come on dit a étouffé le social. Ce qu’Almodovar annonce aujourd’hui à travers ce film c’est le retour des questions politiques centrales. Ce n’est pas pour rien que Pablo Hassel qui se réclame du communisme et pas de l’anarchisme est en prison pour avoir chanté “MUERTE A LOS BORBONES”.

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    • Smiley
      Smiley

      Es verdad

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      • Danielle Bleitrach

        je suis d’accord avec une grande partie de votre interprétation mais je sors du film et je crois que vous n’avez pas perçu la place des hommes, ce ne sont ^pas des faux bourdons au contraire, ces femmes ne cessent d’aspirer à leur présence et c’est parce qu’ils ont été tués et que leur tombe a été une fosse qu’elles sont obligée d’être mère sans époux… Je vaispeut-être tenter ma critique…

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        • Smiley
          Smiley

          Oh mais l une est mère après une tournante et l autre l est sans le vouloir avec un homme marié qui lui demande des qu il l apprend d avorter.
          Où sont les hommes de la fosse ?

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          • Danielle Bleitrach

            BIEN sur les pères ont disparu dans la fosse (avec le hochet de l’enfant et ils n’ont pas voulu partir pour ne pas quitter femme et enfants).Les femmes sont littéralement amputées de ce père enseveli , mais justement il faut les retrouver, c’est l’obsession de toutes. quand la fosse est ouverte PENELOPE CRUZ EST ENCEINTE.. de l’archéologue, pour la deuxième fois acceptée cette fois. Pour le premier il sait tout de même que l’enfant n’est pas de lui mais il accepte d’en être le père, comme de ce collectif, ce choeur de femmes en attente, celui de toutes ces femmes auxquelles il restitue ce que la peur a enseveli. Non le plus étrange c’est qu’aucune mère n’a de souci d’argent et que la société est sereine, elle a évolué sans tensions … En plus c’est très construit comme un film d’Hitchkock, chaque plan en appelle un autre sans surprise et le mélodrame en est étouffé, tout est prévu par ce grand obsessionnel, décor, objets, même lamusique est intégré après le montage… Donc dans ce scénario construit où les acteurs comme la mère d’Ana n’a pas d’opinion autre que celle du scénario… la gestation a lieu entre deux temps qu’il s’agisse du début ou de la fin il s’agit d’exhumer les pères.la maternité n’est pas au centre pour aucune de ces femmes qui chaque fois lui préfèrent un autre dialogue, une autre relation… ce qui crée l’émotion n’est pas nécessairement l’esentiel comme la musique est rajouté le film terminé…

    • Chabian
      Chabian

      Je sors du film (merci de votre indication) et j’en ressors ceci :
      1/ Comme d’habitude les femmes, même fragiles, doivent assumer leur propre vie, et les destins autour d’elles, et materner les hommes (absents) et les enfants, les fils, les accouchements, et… elles doivent être fortes et se réaliser. Souvent chez Almodovar (je n’en suis pas spécialiste).
      2/ Il y a un jeu entre ce retour de l’histoire et ce “aller de l’avant”. Honorer les hommes et faire sans eux. Honorer un père absent, portant un hochet ou un oeil, bref portant une histoire personnelle plutôt qu’un message historique (“je ne sais pas pourquoi il ne s’est pas sauvé”). C’est la mission des femmes (et rien qu’elles et collectivement) de faire naître et de faire honorer. Et vivre malgré les hommes vivants.
      3/ J’ai remarqué cette insistance de la paternité exigée par le mâle. Malgré le contrat clair de non- engagement entre eux. D’abord il ne veut pas d’un enfant et impose à elle l’avortement. Ensuite il exige de se reconnaitre en l’enfant pour avoir un lien sentimental. Il instille le doute et provoque le drame entre femmes. Mais, pour une fois (c’est une fiction !), le héros masculin va ensuite au bout de son devoir (dire la vérité à sa femme guérie, se séparer, et partager malgré tout ce qu’assume sa compagne et ce que l’archéologie historique lui donne comme engagement.
      4/Il y a beaucoup d’émotion. Mais ce sont bien des situations frustrantes qui ne sont pas explorées. On se doute, on espère qu’il y aura des réconciliations, mais on reste dans l’émotion qui nous manipule un peu en dramatisant.
      5/ Oui globalement, on est en milieu très bourgeois, dans un décor sans problème matériel. La maison de famille ? “c’est très rural, j’aime bien, je ne change rien” mais cela parait une maison de notable rural. Les domestiques ? ils sont de la famille. A la limite, les violeurs d’Ana, des étrangers, au lycée, sont les prolos du film. Toute dimension sociale est absente.
      A part cela, j’ai eu beaucoup d’émotion et j’ai aimé.

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  • YannickH
    YannickH

    Entendu ce matin sur FIP une petite promotion (méritée) pour l’historique cinéma parisien du quartier latin Le Champo qui rediffuse la vingtaine de films d’Almodovar en parallèle de ceux de Wong Kair Wai démarré cet été (et certainement ma plus grosse claque cinématographique à retardement de 2021).

    Quelques secondes de réflexions, le point commun est évident, l’esthétique au cordeau des personnages ! Flagrant dans Douleur et Gloire où Pénélope Cruz est toujours parfaite malgré une situation sociale misérable, situation qui se retrouve dans les films du réalisateur (chinois) Hong-Kongais où même dans les pires taudis humides des bas fonds les hommes et femmes sont toujours éblouissants.

    Madres Paralelas est un enchevêtrement de chassé-croisé à faire pâlir Inception, dirigé d’une main de maitre par Almodovar et ses actrices. Les sujets abordés sont tellement nombreux que j’ai hâte de lire la critique de la taulière de ce site.
    Les deux réalisateurs sont finalement (quasiment) les seuls à traiter des rapports entre le prolétariat et la bourgeoisie sans tomber dans le grotesque ou la caricature.

    Après les bons films Lettre à Franco (2019) et Josep (2020), Almodovar nous a offert en 2021 une bonne raison de continuer de parler de l’histoire sulfureuse de l’Espagne. Il est presque a regretter que de l’autre coté des Pyrénées la Révolution, la Commune, la Décolonisation n’ont plus droit à pareil traitement.

    PS : je viens de lire la critique sans concession de Tre Piani qui m’en a presque fait recracher mon pastaga tant elle est virulente (mais justifiée), je prépare déjà les glaçons pour celle du prochain Guediguian voir même le Spielberg 😉

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    “Pourquoi les pères de la constitution ont laissé mon grand-père dans une fosse ?”.
    Voilà la question que se posent de jeunes espagnols.
    46 ans sans justice pour les victimes du fascisme et leurs enfants.

    Castellon:71, Valencia; 184, Alicante: 44
    299 C’est le nombre de fosses connues uniquement autour de Valencia.
    Valencia ou ce mois de décembre est fouillée la fosse numéro 127 où l’on recherche 170 assassinés.
    Oui, il reste encore des fosses inconnues en Espagne adhérente de l’UE et de l’OTAN, les bourreaux et assassins franquistes n’ont pas dévoilé les lieux de leurs massacres.

    Andalousie au moins 45 566 assassinats dans 708 fosses communes.

    Asturies 324 fosses.

    Aucune région n’est exempte de fosses communes.

    L’Espagne compte plus de 4200 fosses et encore plus de 100 000 disparus.

    Sans compter les victimes transportées au “Valle de los Caidos”.

    Lieux enfouis invisibles aux touristes venus se prélasser sous le soleil espagnol.

    Pendant ce temps les Républicains continuaient à être présentés comme des bandits et des violeurs dans les écoles. Jean Ortiz, un camarade du PCF qui travaille sur la mémoire me racontait comment lors d’une de ces interventions dans l’Université de Santander les jeunes étudiants ignoraient une bonne partie des massacres commis par les franquistes et avaient une vision déformée de la Guerre d’Espagne.
    Dans le même temps fin des années 2000, Mola était à nouveau présent dans les librairies espagnoles.

    Emilio Mola: “Il faut semer la terreur… Il faut donner le sentiment de domination en éliminant sans scrupules ni hésitations tous ceux qui ne pensent pas comme nous. Pas de lâchetés”.

    Selon le journal elMundo l’Église espagnole coûtait entre 7 et 10 milliards d’euros par an à l’État (2011). Église alliée à la monarchie et au franquisme, à de très rares exceptions, présentée comme la grande victime des “rouges”.

    Des fosses qui ont été remplies également dans les années suivant la fin de la guerre.
    Et la terreur et le silence se sont imposées dans les familles avec l’Église pour veiller à l’éducation des futures mères, dans la culpabilité et la soumission, pour produire une génération d’enfants dociles.
    Du côté de ma mère son oncle et son épouse, instituteurs dans un village proche de Burgos, se sont cachés dans l’entresol d’une maison à l’arrivée des franquistes. Ils ont été découverts embarqués dans le camion qui s’est arrêté au bout du village où ils ont été exécutés.
    Leur seul crime être instituteurs de la République. Je n’ais jamais su leurs noms.

    En Espagne de nombreux oubliés ont pour sépulture une fosse démocratique.
    Ce que Pablo Hasel dénonce également: la fausse transition démocratique où les mêmes dirigeants restent au pouvoir, où Santiago Carrillo, remplaçant de la valeureuse Dolores Ibarruri, va appuyer la “transition démocratique” et s’éloigner de l’Union Soviétique, quoi d’étonnant pour un ancien militant des jeunesses socialistes. De plus dans les Asturies il ne pouvait pas ignorer le mouvement communiste mené par los terceristas qui vont fonder le PCOE bien implanté dans cette région et au Pays Basque. Il reconnaîtra également le monarque imposé par Franco sous le gouvernement d’Alfonso Suarez chef de la Phalange, ceci en échange de la reconnaissance du PCE.

    La continuité c’est aussi les commissaires de la police politiques qui continuent leur carrière comme Claudio Ramos Tejedor qui interrogeait les résistants avec le révolver posé sur le bureau.
    Un flic qui commence sa carrière dans la ville où croupis aujourd’hui Pablo Hasel, LLeda (Lerida).
    Il est ambitieux et ose en 1947 aller en zone de guerre, dans les Asturies, où il commence dans les bureaux et demande très rapidement à rejoindre la Brigade Sociale, c’est la brigade la plus dangereuse, l’équivalent de la Gestapo. Seuls les flics punis étaient envoyés dans les Asturies.
    Ramos s’illustrera dans la capture des derniers guérilleros et surtout dans la répression des grèves de 1962. Il faisait surtout preuve de courage accompagné de son bourreau Fuente une brute qui frappait à sa place et en qui il avait totale confiance.
    Il sera responsable de la mort de Tina Bayon, morte des suites des tortures en 1965.
    Aucun de ces tortionnaires ne sera jugé en Espagne.
    (Voir sa bio en note plus bas)

    Nous sommes des milliers de descendants, petits-enfants de combattants de la Guerre d’Espagne, ou enfants des persécutés de l’après guerre lors des mouvements sociaux de 1962, disséminés partout en Europe. Jamais nos parents n’ont reçu la moindre réparation, nous avons été arrachés à nos familles avec parfois des interdictions de retour dans certaines régions.
    Et ce sont parfois des blessures profondes qui se transmettent y compris à ceux nés dans l’exil. Même si un jour la justice est rendue rien ne réparera la déchirure, les familles détruites, rien ne remplacera les liens que l’ont a pas pu tisser avec notre famille.

    La demande en réparation et de justice se fait à 10 000km d’ici en Argentine.
    C’est le sujet d’un film produit par Pedro Almodovar “Le silence des autres”.

    “Dans le drapeau de la liberté, j’ai brodé le plus grand amour de ma vie.”
    Cette phrase est écrite sur le Mur des Libertés à Lièges, suite à une initiative de descendants de réfugiés espagnols en Belgique.

    En 2022, La Falange (espagnole) de las JONS a un site Internet actif.
    La charte graphique ne prête à aucune confusion.
    Il proposent leur aide au lumpen proletaria prêt à se vendre, c’était déjà une des méthodes de leur fondateur Primo de Rivera. Tout cela sous la protection de la Vierge Marie et sous une couverture national syndicaliste. Un discours potentiellement dangereux dans une Espagne saignée par le chômage, la désindustrialisation et l’inflation.

    “Ce qui me parait terrible c’est l’indifférence des gouvernements d’Espagne et de toute la classe politique au sort des victimes de Franco et à la souffrance des familles qu’ils ont laissées derrière.”

    “Lo que me parece terrible es la indiferencia de los gobiernos de España y de toda la clase política por la suerte de las víctimas de Franco y el sufrimiento de los familiares que dejaron atrás”

    Baltasar Garzón

    https://memoriahistorica.org.es/

    http://memoriahistorica.dival.es/recursos/mapa-de-fosas/

    https://www.todoslosnombres.org/content/noticias/asi-masacro-el-franquismo-en-andalucia-diez-hitos-historicos-que-nadie-puede-negar

    https://www.elmundo.es/elmundo/2011/05/31/espana/1306858266.html
    https://www.elplural.com/sociedad/religion/la-iglesia-catolica-recibe-mas-de-11-000-millones-anuales-del-estado_31031102

    La policia se llama Claudio Ramos:
    https://helicon.es/dig/499/fouz02.pdf
    Témoignages de la torture faite par Claudio Ramos:
    https://www.nortes.me/2020/05/08/asturies-tambien-tuvo-sus-billy-el-nino/

    https://www.liege.be/fr/decouvrir/plein-air/art-public/le-mur-des-libertes-1
    http://www.generacionlorca.be/index.html

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