Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Commentaire de Xuan sur le texte de Jean Claude Delaunay

Bonjour à toutes et à tous, merci Jean-Claude pour tout ce travail que tu enrichis régulièrement, sur un sujet extrêmement complexe

Je le lis à doses homéopathiques. Sinon on risque de s’embrouiller et de survoler.

Aussi je préfère commenter un point ou un autre et non l’ensemble. J’espère ne pas enfoncer des portes ouvertes.

J’ai noté ta critique renouvelée du « néo-libéralisme », un concept remplaçant l’impérialisme et ses avatars, surtout son aspect le plus important : le remplacement des rapports de production par une « logique » qui transfère les contradictions matérielles du capitalisme dans le registre du débat d’idées, d’une controverse entre citoyens raisonnables. Ce que tu dis ici concerne directement la stratégie des communistes. A mon sens la « logique » du capital, du profit, du néolibéralisme, etc. est une forme conceptuelle qui nie dans son fond la nécessité du bond révolutionnaire et justifie le passage pacifique au socialisme, voire directement au communisme. C’est la révision, la négation du marxisme et son affadissement réformiste.

Dans la triple extériorité impérialiste tu écris qu’elle est dirigée

1) vers les pays à peu près complètement dominés,

2) vers les autres pays impérialistes,

3) vers les pays socialistes.

Concernant les premiers je ne dirais pas qu’ils sont à peu près complètement dominés. Tu as relevé qu’ils se sont libérés politiquement. Leur combat est actuellement économique, technologique, etc. et aussi démocratique. Il y a donc domination économique mais aussi opposition à elle, et à des degrés divers. La guerre du pétrole en a sans doute été l’acte fondateur, peut-être lié à la forte baisse du dollar après la fin des accords de Bretton Woods. Mais tu écris plus loin que « Ce rapport des forces est en train de changer. »

Une polémique porte sur une « caractéristique de l’impérialisme » : l’exportation des capitaux. Certains qui se réclament du marxisme-léninisme affirment que, cette caractéristique s’appliquant à la Chine comme à de nombreux pays émergents, on peut les considérer aussi comme des pays impérialistes. Ce faisant ils évacuent les autres caractéristiques de l’impérialisme définies par Lénine (et leur raisonnement équivaut à nier l’impérialisme lui-même). Mais c’est un aspect nouveau des relations économiques mondiales qui relève de la lutte pour l’indépendance économique des pays dominés, parce qu’auparavant ils ne pouvaient pas exporter de capitaux.

Pour les seconds, les rapports sont aussi dialectiques, entre ce que Mao Zedong appelait le second monde et l’hégémonisme US. Sur ce point l’atlantisme de la grande bourgeoisie n’est un aspect. Les intérêts des monopoles dominés par les USA en sont un autre. La création et les positions de l’Europe relèvent aussi de cette situation duale. Je pense nous avons parfois le tort de nous focaliser sur des déclarations tonitruantes et les lâchetés réitérées, sans considérer l’ensemble, les intérêts économiques communs et opposés et les différents épisodes contradictoires. La saga nullement achevée du Nord Stream II et ses nombreux rebondissements (dont l’affaire Navalny) est un archétype de ce conflit et des rapports intra européens également.

Les rapports entre les pays du second monde sont aussi caractérisés par l’unité et l’opposition. La crise de l’Euro et la dette grecque ont souligné les rapports de domination en Europe. La crise des migrants, la crise sanitaire ont révélé à plusieurs reprises l’aspect contradictoire, et a fortiori le Brexit. Et ces relations toxiques sont particulièrement âpres avec l’Europe de l’est.

Tu écris aussi … « Ce qui ne veut évidemment pas dire que les dangers de « guerre entre amis » et de « guerre mondiale » de ce type aient disparu ». C’est très important. Il est possible que, si les USA n’étaient pas en mesure de briser à la fois la Chine et la Russie, ils se tournent de façon beaucoup plus agressive contre leurs propres alliés, et que nos atlantistes développent un syndrome de Daladier.

Sans doute, dans un contexte d’isolement des deux blocs et de militarisation est-ouest, la première guerre froide a-t-elle servi à atténuer la contradiction entre les USA et l’Europe, voire entre pays européens occidentaux, en les faisant passer au second plan.

Concernant les pays socialistes, ici la contradiction se superpose avec celle opposant impérialisme et anciennes colonies. C’est un phénomène nouveau. Le développement économique de ces pays, les délocalisations impérialistes, et d’une façon générale l’entrelacement des relations économiques ont fait de ces rapports un incroyable Mikado, où une sanction économique unilatérale peut aboutir à l’effet inverse de celui escompté, frapper les « alliés » ou bien le peuple et les capitalistes américains eux-mêmes.

Nous avons noté que la politique de découplage de Trump, poursuivie par Biden, a déjà échoué. La militarisation engagée par Biden pourrait même mettre son pays dans la situation de l’URSS de Brejnev et accroître les contradictions internes aux USA. La mobilisation des « alliés » est disparate. Et l’affrontement simultané de la Russie et de la Chine dos à dos est une aberration stratégique, qui ne peut s’expliquer que par l’urgence et la gravité de la situation interne des USA.

La deuxième guerre froide est donc très différente de la première. 

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