Histoire et société

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COMAGUER : les essais d’armes de la Chine sont proches d’un « moment Spoutnik »

Après l’annonce par le Financial Times d’un article confirmant l’essai par la Chine d’un missile hypersonique ayant fait le tour de la terre par le pôle sud avant d’aboutir, sans dégâts annoncés, sur le territoire des Etats-Unis, le New York Times a repris le 27 octobre ce propos du général Mark Milley, chef d’état-major des armées des Etats-Unis. (note et traduction de COMAGUER pour histoire et société)

31 Octobre2021

Cette publication largement relayée par les grands médias étasuniens a suscité un commentaire d’un universitaire étasunien Theodore A. Postol diplômé en ingénierie nucléaire, professeur émérite de science, technologie et politique de sécurité nationale au MIT. Il a critiqué, comme il le fait à nouveau dans le texte qui suit le système de défense anti missile étasunien et il s’est signalé également en démontant les accusations mensongères d’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien pendant la guerre commencée en 2011. Ses engagements lui ont valu en 2016 un prix prestigieux de la FEDERATION OF AMERICAN SCIENTIST « pour sa contribution remarquable au bien-être de l’humanité ».

Voici ce qu’il a déclaré (traduction Comaguer) sous le titre général : « La menace hypersonique pour les États-Unis est “essentiellement nulle”.

1-      La possibilité que les véhicules hypersoniques augmentent la menace pour les États-Unis est essentiellement nulle.

 “Les États-Unis sont déjà menacés par des missiles balistiques et des missiles de croisière à armement nucléaire. Il n’y a pas de systèmes pour s’en protéger. En particulier, il n’existe aucune capacité de défense contre les ogives des missiles balistiques, car la capacité de déployer des leurres est si simple et l’incapacité des systèmes actuels à déterminer la différence entre les leurres et les ogives est si complète qu’à toutes fins pratiques, il n’est pas possible d’intercepter les ogives balistiques.

 Les missiles de croisière peuvent occasionnellement être interceptés par des défenses à réaction rapide à basse altitude entourant les emplacements des cibles, mais la technologie de ce type de défense est si limitée que de telles défenses ne peuvent être utilisées pour assurer une défense nationale pratique.

 Ainsi, la menace d’un véhicule hypersonique qui n’est pas non plus soumis à une défense significative ne modifie pas de manière significative les capacités de frappe nucléaire offensive.

2-     Dans le cas des États-Unis, nous avons la chance de disposer de systèmes spatiaux d’alerte précoce extraordinairement performants, capables de détecter les véhicules hypersoniques lorsqu’ils descendent dans l’atmosphère et sont portés à de très hautes températures.

 “Nous avons également la capacité de détecter le lancement et le vol propulsé de missiles balistiques qui accéléreraient et déploieraient des véhicules hypersoniques vers le continent nord-américain. Cette capacité de détection ne se traduit pas par une capacité défensive significative, mais elle signifie que les États-Unis seraient avertis qu’une telle attaque est en cours.

Il est très difficile d’imaginer un scénario dans lequel une telle attaque ne serait pas accompagnée du lancement de missiles balistiques, mais il s’agit là d’une question différente de celle que j’aborde actuellement.

3- La situation d’alerte précoce pour les pays autres que les États-Unis est problématique et pourrait introduire des instabilités problématiques en ce qui concerne une guerre nucléaire accidentelle.

 Les vecteurs hypersoniques sont lancés sur des trajectoires qui ne s’élèvent pas à des altitudes extrêmement élevées comme celles associées aux têtes de missiles balistiques.

Comme la Terre est ronde, la détection des vecteurs hypersoniques par les radars d’alerte précoce des missiles balistiques conventionnels est presque inexistante en raison des limitations imposées par la courbure de la Terre. Il existe probablement une certaine capacité de détection des véhicules hypersoniques à l’aide de radars OTH (Over-the-Horizon Backscatter.), qui réfléchissent leurs faisceaux radar sur l’ionosphère. Cependant, ces radars sont limités aux basses fréquences (entre 5 et 30 MHz) et dépendent de la capacité à réfléchir de manière fiable les faisceaux radar sur l’ionosphère. L’ionosphère est instable et ne peut être utilisée avec certitude, ce qui limite potentiellement l’utilité de ces radars au-dessus de l’horizon.

Cela signifie que des pays comme la Russie (et la Chine), qui ne disposent pas de systèmes de détection infrarouge spatiaux très performants, auront un avertissement extrêmement limité, voire inexistant, en cas d’attaque par des véhicules hypersoniques.

 Ces menaces pour les radars d’alerte précoce au sol et les postes de commandement ne viendront pas s’ajouter à la menace déjà sérieuse que représentent pour les systèmes d’alerte précoce au sol les missiles de croisière furtifs (qui ne sont plus limités en raison du retrait des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires). L’introduction de véhicules hypersoniques ne changera pas cette situation actuellement dangereuse tant que le nombre de ces véhicules sera relativement faible et que leur précision ne commencera pas à s’approcher de ce qui est déjà réalisable avec les missiles balistiques et de croisière à l’heure actuelle. Néanmoins, les pays qui dépendent uniquement de systèmes d’alerte terrestres vulnérables s’inquiéteraient certainement davantage de la possibilité que des véhicules hypersoniques soient utilisés pour attaquer des radars d’alerte précoce de missiles balistiques et des installations clés de commandement et de contrôle, en prélude à des attaques plus importantes.

En résumé, l’introduction de véhicules hypersoniques dans les arsenaux des principaux pays ne risque pas de faire peser des menaces significatives sur la stabilité nucléaire qui n’existe déjà plus, à moins qu’ils ne deviennent suffisamment nombreux et précis pour constituer une menace crédible d’attaque sans avertissement ou à court terme pour les systèmes de commandement et de contrôle et d’alerte précoce de pays comme la Russie et la Chine. Étant donné que les missiles balistiques sont beaucoup plus précis et polyvalents pour des attaques à grande échelle, il est probable que les pays qui démontrent des capacités de véhicules hypersoniques ne les déploieront pas en nombre significatif.

En tant que tels, les véhicules hypersoniques sont presque certainement une activité visant à attirer l’attention d’autres pays en démontrant des prouesses technologiques, car ils n’auront que peu ou pas de signification en termes d’ajout de capacités significatives de frappe nucléaire.”

Commentaires COMAGUER

Sur le point 1 :

Cette affirmation a priori surprenante et qui s’oppose directement à l’inquiétude officielle exprimée très récemment par le Générale Mark Milley chef d’état major interarmes des Etats-Unis. Les positions déjà prises par Theodor A. Postol montrent qu’il affirme constamment y compris sur des chaines de grande information que les capacités d’interception d’armes nucléaires portées soit par des missiles balistiques soit par des missiles de croisière sont beaucoup plus faibles que celles annoncées par les constructeurs de ces systèmes et par le Pentagone c’est-à-dire que les missiles anti-missiles ratent souvent leur cible. Il a par exemple publié des chiffres non démentis par le Pentagone que les missiles anti-missiles Patriot utilisés pendant la guerre du Golfe avaient pour la plupart manqué leur cible.

Sur le point 2 :

Il insiste bien sur la capacité de détection (infrarouge par satellite) de missiles hypersoniques mais il réaffirme ce qu’il dit au point 1 à savoir qu’il n’y a pas de possibilité de destruction des dits missiles ce qui l’amène à conclure que les Etats-Unis seraient bien informés du tir d’un missile ennemi mais rien de plus. Pour mémoire : un missile hypersonique mettrait une minute 30 pour aller de Pékin à Washington. Donc une fois ceci admis il faut redouter que la détection d’un tir adverse de fait non interceptable ne déclenche une riposte instantanée voire automatique.

Sur le point 3 :

 Il affirme que la seule avance des Etats-Unis sur la Russie et la Chine en matière de détection ne concerne pas les systèmes de radar OTH existant en Russie comme en Chine mais uniquement le système de détection infrarouge par satellite ce sur quoi COMAGUER ne dispose pas d’information. Pour autant quand il conclut que la Russie et la Chine n’auraient qu’une très faible capacité à détecter des tirs hostiles de missiles hypersoniques il ne peut le faire qu’au conditionnel puisque les Etats-Unis ne disposent pas aujourd’hui de missiles hypersoniques

Sur la conclusion :

Faire croire à l’adversaire que l’on détient des armes plus puissantes que les siennes fait partie intégrante de L’ART DE LA GUERRE du grand stratège chinois SUN TZU mais sans plus développer Theodor A Postol quand il écrit « des menaces significatives sur la stabilité nucléaire qui n’existe déjà plus » souligne que le retrait des Etats-Unis de tous les traités de contrôle des armements nucléaires a relancé une course aux armements dans laquelle ils partent avec du retard, d’où l’expression « moment Spoutnik » utilisée par le général Milley. Or l’histoire de tous les traités de contrôle des armements nucléaires montrent que les Etats-Unis refusent toute négociation tant qu’ils n’ont pas rattrapé leur retard (voir le livre « Le Jour d’après » de Manlio Dinucci – Editions Delga 2021)

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