La caravane des jours heureux : premiers enseignements…

Comme je l’avais expliqué ici, je n’ai pas pu aller saluer l’arrivée de la caravane des jours heureux à Marseille vu que j’avais rendez-vous à l’autre bout de la ville sur le Prado avec le dermatologue, rendez-vous avec cette spécialité qui nécessite six mois d’attente (1)… Mais j’ai passé la journée à m’inquiéter pour la réussite de cette initiative importante et je vous livre ici les échos que j’en ai reçus. Ce que j’écris je l’assume seule et je peux certes me tromper mais ce que je dis c’est pour que nous agissions ensemble pour améliorer non seulement le parti mais ce que symbolise son renouveau : l’ultime chance de la vie politique démocratique et progressiste en France.

Bon osons l’avouer puisque j’ai décidé de ne rien vous cacher des efforts nécessaire: c’était mal parti. Je dois dire que l’idée d’avoir donné ce rendez-vous dans un des points les plus septentrionaux de la ville et les plus mal desservis sauf en voiture m’est apparue comme totalement discriminatoire pour les gens de mon espèce…

Surtout que l’utilité politique de ce choix n’était pas plus évidente. La section d’accueil, celle de l’Estaque, elle-même, n’est pas a priori une des plus sympathisante du projet d’un candidat communiste à la présidentielle face à Mélenchon… et elle s’est illustrée aux dernières départementales en présentant un candidat dissident qui a fait 19%. Mais rien n’est simple et pour avoir discuté avec divers camarades de cette section, ce qui les a mis hors d’eux est moins la rupture avec la FI que la colère de se voir dans le cadre d’une union de la gauche type printemps marseillais avec des verts aussi francs qu’un âne qui rue, se voir maintenus Samia Ghali et pour une part Jibrayel fils dont le père socialiste est actuellement inculpé pour s’être fait un petit pécule sur les sorties en bateau du troisième âge. La mémoire de l’Estaque c’est aussi les années où Gaston Deferre avec la droite a refusé tout équipement y compris sanitaire à ce quartier où sont venues toutes les vagues d’immigration. Donc gardons-nous d’interpréter ce qui se passe ici d’une manière trop rapide. Constatons simplement que la section toutes tendances confondues estime avoir fait les frais de la distribution des places aux dernières municipales. Copolla qui en était l’élu, devenu l’adjoint à la culture que l’on ne voit plus (2) et nos marseillais toutes tendance confondues ont brandi le drapeau de la dissidence… Le tout dans les quartiers nord, historiques, ceux du prolétariat du port et qui mêle grands ensembles et petit village marseillais. C’est Marius et Jeannette pour le folklore mais déjà Gagarine le film récent dont je vous ai parlé… Et dans le fond la reconquête sur le plan symbolique ce n’était pas mal vu.

Sur le plan autoroutier c’était encore mieux pensé puisqu’une part du département Berre Martigues, Arles, Aix en Provence, avaient des accès directs…

Mais le pire c’était l’absence totale de publicité sur l’initiative. Je revoyais d’autres temps où l’accueil aurait été fait un samedi, préparé de longue date et où des cars auraient été déversés… Pour qui a vécu le meeting de Georges Marchais au stade vélodrome et a connu les conditions réelles d’une telle préparation, on se disait qu’il y avait de la marge… entre cette époque et celle où l’adhérent risque de tout ignorer… Le matin, alors que je pestais sur l’impossibilité dans laquelle je me trouvais de m’y rendre, j’ai tenté de téléphoner à plusieurs de mes camarades pour savoir ce qu’ils faisaient. Absence totale de publicité c’est une litote, cela n’exprimait pas le fait que la plus grande partie pour ne pas dire la quasi totalité des Marseillais y compris communistes ne pouvaient pas savoir… Non seulement il y avait eu le vendredi une vague annonce du mail collectif de la fédération dans la vie du parti, mais la Marseillaise n’accordait qu’un entrefilet à l’événement, tout je journal étant occupé par le Mondial de la Marseillaise. J’ai craqué quand une camarade m’a déclaré “on ne peut pas être au four et au moulin, ce matin il y avait une réunion syndicale et une camarade nous a dit : “Vous savez qu’aujourd’hui il y a Roussel à Marseille”. Première nouvelle“, et l’amie que j’avais au téléphone qui est une véritable fan de notre secrétaire avait vu sa photo en train de pêcher et elle s’était réjouie de savoir qu’il prenait de si bonnes vacances… Je lui ai raccroché au nez accablée par le fait qu’en diffusant cette photo j’avais peut-être contribué à l’inertie générale, de mauvaise humeur et inquiète de ma propre responsabilité, je lui ai dit que si le parti disparaissait ce serait la faute à des gens comme elle… Ce qui était un peu excessif…

J’ai enfin réussi à joindre quelques responsables ou membres de sections qui semblaient plus au fait de l’événement dans le département et même dans des départements limitrophes. Comme ils m’ont vu inquiète ils m’ont promis de me donner des nouvelles. Ce qu’ils ont fait en fin de journée. Voilà ce que je retire de leur compte-rendu et que je vous livre.

Ils n’étaient qu’une grosse centaine ce qui est effectivement dérisoire et correspond à la “mobilisation”… Mais en revanche en ce qui concerne l’ambiance et l’enthousiasme c’est une incontestable réussite et voici ce qu’ils m’ont décrit. Et si une grosse centaine sont véritablement décidé à agir ils sont capables de bouleverser la donne…

Fabien Roussel est formidable et il est plein d’humour comme les chtis, m’ont-ils dit. Il a des traits percutants. Il a séduit l’assistance, y compris ceux qui n’étaient pas toujours convaincus et qui se tenaient un peu à l’écart. Il est formidable sur le fond, non seulement il est proche des milieux populaires mais il avance et dit ce qu’il y a à dire. On est ressortis de là avec la pèche… Cela correspond bien à ce qui se passe dans la fédération et les votes majoritairement en la faveur de sa candidature : les communistes sont en train de le suivre, de lui faire confiance, si cela avait été non seulement mieux organisé mais simplement organisé nous aurions été dix fois plus. Mais il va dans les Alpes Maritimes et après retour dans les Bouches du Rhône, il va aller au Mondial, au Mucem…

Bref si la montagne ne va pas à Fabien Roussel celui-ci ira à la montagne et c’est le sens de sa caravane.

Autre son de cloche tout aussi positif: la présence militante n’était pas à la hauteur mais c’est un jour de semaine et beaucoup travaillent… En revanche la presse nationale était au rendez-vous, ça c’était bien organisé. D’ailleurs tout le monde a été ravi de découvrir Olivier Marchais en organisateur… C’était tout un symbole dans ce département où nous avons tant aimé Georges…

Ce sont deux copains qui ont décidé comme bien des jeunes communistes de ne pas accepter la fin du parti de leurs pères, grand-père, mère et grand mère, une histoire de famille que l’on retrouve…

Troisième son de cloche: j’interroge le camarade et lui demande si selon lui la fédération le fait exprès d’être aussi désorganisée? “mais comment espèrent-ils y arriver s’il n’y a pas le minimum, à savoir le contrôle des tâches, le suivi, quand on veut qu’une initiative se réalise il faut s’en occuper avec obstination, ne pas faire confiance à internet pour prévenir les camarades… et pour cela il faut reconstituer chaque instance lui faire jouer son rôle. Je vois bien qu’il y a des sections comme la tienne qui se sont reconstituées y compris dans la campagne électorale, vous redécouvrez la nécessité de tenir des points de rencontre, de ne pas parler entre soi mais avec les passants. La nécessité d’avoir des responsables à l’organisation, à la trésorerie, et autres et que chacun constitue une équipe;.. mais j’ai le sentiment que chacun est trop isolé y compris au niveau des directions… J’ai longtemps sous-estimé cette désorganisation au profit ou plutôt au négatif des liquidateurs, mais je crois effectivement que c’est là-dessus qu’il faut agir… mais moi je ne peux pas grand chose parce que j’ai été usée par ces trente ans de bataille... alors j’ai tendance à croire qu’ils le font exprès…

“Il y a des deux me répond–t-il : il y a ceux qui veulent que ça ne marche pas et qui s’y emploient mais il y a surtout tout ceux qui ne savent plus faire, se sentent isolés dans leur responsabilité et c’est ça sur quoi il faut porter notre attention… Et je crois que c’est ça que cherche Fabien Roussel. Il part de l’idée que quelque soit l’état du parti il est mieux que les autres où c’est la débâcle, les jeux de rivalité qui dominent, chez nous ils existent mais ils sont marginaux et plus on ira sur le fond, sur ce qui préoccupe réellement les couches populaires plus on retrouvera la nécessité de l’organisation… “

Il a raison, ce n’est pas simplement le problème des partis politiques, de la gauche, des syndicats, c’est la France entière qui est en proie à ce mal d’une société capitaliste en train de s’autodétruire… Paradoxalement même si nous sommes très affaiblis, nous sommes les mieux aptes à faire face à l’urgence..

Voilà je voulais vous dire avec ma franchise habituelle ce que m’a enseigné le départ de la caravane des jours heureux à Marseille… je vais réfléchir, vous aussi j’espère. Mais ne vous y trompez pas c’est un message de confiance et d’espoir que j’ai reçu aujourd’hui…

Danielle Bleitrach

(1) J’aurais pu aussi bien m’en passer vu que mon mal un granulome annulaire n’est ni dangereux, ni contagieux et surtout on ignore comment s’en débarrasser… la consultation se montant à 67 euros et ayant duré 10 minutes.

(2) on ne l’a pas plus vu d’ailleurs pour accueillir le candidat communiste… D’autres absences étaient tout aussi significatives … Jéremy Bacchi, le secrétaire fédéral, Josiane Durrieu la secrétaire aux questions internationales étaient en revanche présents, avec d’autres depuis toujours tentant d’agir pour un bien comme Gino Biaggini, et avaient fait leur choix tandis que peut-être on leur organise le désert… dans une fédération désormais acquise dans sa quasi totalité au renouvellement du parti impulsée par l’équipe autour de Fabien Roussel, ici Olivier Marchais et Pierre Lacaze.