Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Russie : et avec un livre à la main, nous irons dans les cercles marxistes…

Pourquoi les jeunes se réunissent-ils à nouveau dans des groupes d’étude de la théorie marxiste-léniniste ? Le phénomène tel qu’il est décrit ici fait songer aux rencontres dans les cafés qui ont précédé la révolution française, ou encore à ceux qui dans les bistrots animés par les anciens soldats de l’empire ont suivi le retour des rois et enfin toute la résurrection du mouvement ouvrier après la Commune de Paris. Mais le retour à Marx et à Lénine est un phénomène encore nouveau. Si on note qu’en Chine le retour à Marx se fait d’une manière très officielle et avec le même engouement, il s’agit encore d’interpréter la nature du phénomène, ce qui apparait c’est le rajeunissement des participants autant que le rôle des “anciens”. Notons le recours au livre, à l’imprimé, mais aussi aux vidéos, on retrouve y compris en France à une échelle beaucoup moins importante des faits semblables et je suis frappée par le nombre de jeunes gens qui créent leurs propres vidéos à la fois articulées sur l’actualité mais avec un retour à la théorie et l’histoire (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

Evgeny Bersenyev

https://svpressa.ru/politic/article/298951/

Aujourd’hui en Russie, il existe plus d’une centaine de cercles marxistes (il est difficile de déterminer leur nombre exact), apparaissant sous l’égide du KPRF, du Front de gauche, ou sans aucun “toit” d’organisation de parti. Il existe même une carte sur Internet, couvrant l’ancienne Union soviétique, indiquant les villes où existent les structures mentionnées, souvent sans parti.

Le cercle le plus important est sans doute celui qui est organisé par le comité de la ville de Moscou du KPRF et du RUSO (Russian Socialist Oriented Scientists). Récemment, la sixième promotion d’auditeurs a eu lieu, a rapporté l’un de ses dirigeants – Alexey Braguine. Tout y est : conférences, visionnage de films éducatifs, à la fin du cours – un examen oral.

Selon Braguine, de nombreux groupes russes dans les sections du KPRF étudient en utilisant des manuels écrits par le parti – “L’ABC du communiste” et “Le cours élémentaire de marxisme-léninisme”. Dans le même temps, il existe également de minuscules cellules de ce que l’on appelle les “marxistes autonomes”, qui opèrent sans attirer beaucoup d’attention. Et certains doivent étudier les classiques de la théorie communiste pratiquement dans la clandestinité –par exemple en Ukraine.

La pandémie de coronavirus a d’ailleurs entraîné une augmentation sensible du nombre d’associations virtuelles qui “cooptent” des membres de diverses régions, voire de pays proches ou lointains. Ils tiennent des “réunions” en ligne en utilisant des messageries, ceux qui le souhaitent s’inscrivent dans les réseaux sociaux, par exemple, il existe un groupe Engels dans VKontakte. Des enregistrements audio sont régulièrement mis en ligne pour une écoute gratuite.

Qui sont tous ces gens ? Le plus souvent, il s’agit de jeunes – travailleurs et étudiants, parfois lycéens. Parmi eux, il y a aussi des cadres aux revenus plus ou moins élevés. Chacun est animé non seulement par le désir d’obtenir de nouvelles informations (qui, soit dit en passant, sont tout à fait accessibles), mais aussi de discuter des connaissances acquises et de se faire une idée des lois qui régissent la société et de ses principales forces motrices – une chose dont vous n’entendez plus parler depuis près de trois décennies, par exemple à l’école.

Où se déroulent les cours ? Si le cercle est organisé par une branche d’une organisation politique, celle-ci fournit les locaux. Si les initiateurs sont des passionnés, ils le font à domicile ou louent des bureaux. Dans certaines régions (par exemple, à Mourmansk), les gens se réunissent dans un café – prennent des boissons, du thé, des brioches et discutent, disons, d’un chapitre du “Capital” ou de l’œuvre de Lénine, sur des sujets convenus à l’avance dans les réseaux sociaux.

Il est intéressant de noter que dans l’une des zones rurales de la région de Tcheliabinsk, un club a longtemps travaillé dans le bâtiment de l’administration locale – le chef était un homme de la vieille école, il a dit à son fils de rassembler ses amis, ses copains, et les premières fois, il leur a personnellement enseigné les bases des enseignements de Marx, Engels et Lénine. Puis il a passé le relais à son ami communiste. Cela a duré plusieurs années jusqu’à ce que le chef de l’administration déménage dans une autre région.

Parfois, l’activité des cercles est critiquée, mais étrangement, pas par les médias pro-gouvernementaux ou libéraux, mais par des gens de gauche. Par exemple, le parti non enregistré Parti Ouvrier Révolutionnaire a publié sur son site web un article intitulé “Contre le clubisme”, où il a émis une série de critiques. Selon l’auteur de la publication : “les cercles <…> empêchent en fait les jeunes, qui sont aujourd’hui de plus en plus intéressés par les idées de gauche, de participer aux véritables luttes politiques et économiques.” En outre, il considère les cercles comme “un nouveau type de sectarisme, plus radical”.

L’article a suscité un débat animé parmi les militants, qui se sont demandé si leurs réunions pouvaient rester des rencontres éducatives amicales ou si elles devaient être le début de quelque chose de plus important. “Dans l’ensemble, nous pouvons être d’accord avec l’article, mais le POR ne reconnaît comme ‘réels’ que les cercles qu’il crée lui-même, tous les autres sont sectaires pour lui”, a commenté Nikita Ryzhkov, membre du cercle de Novossibirsk et membre de l’Union marxiste. – Ça sent le sectarisme.

Selon Ryzhkov, il existe actuellement plusieurs groupes à Novossibirsk : les “marxistes autonomes”, branche de LenMar (abréviation de Lénine-Marx), le groupe du cercle “Vecteur” et l'”Union des marxistes”. “Autonomistes” et “LenMar”, se concentrent principalement sur l’étude de la théorie et ne sont pas prêts à la relier à la pratique, tandis que les membres de l'”Union des marxistes” cherchent des moyens de mettre en pratique les connaissances acquises.

Dans l’ensemble, cette situation reflète l’état du mouvement des “cercles” dans le pays – certains sont favorables à l’élévation de leur niveau culturel et éducatif sans s’immiscer dans le processus politique. D’autres, les “praticiens”, ne se contentent plus de simples concepts et doctrines, mais s’impliquent de plus en plus dans l’aide aux travailleurs en grève, aux mouvements sociaux et à la défense active de la politique.

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2 Commentaires

  • Baran
    Baran

    En parlant de livres est ce quelqu’un peut m’expliquer pkoi ceux ont pris le nom des éditions sociales n’exploitent qu’avec parcimonie le fonds de cette riche maison d’éditions dont ils ont hérité, ne serait ce que sous forme e-book pour donner accès à un patrimoine intellectuel et culturel devenu aujourd’hui inaccessible ? Des fois quand on les retrouve faut lâcher une fortune pour les acheter ! J’ai posé la question l’année dernière, mon interlocuteur a prétendu que c’était en cours… A moins qu’on se soit pas compris ça n’a pas bougé pour le moment. En dehors du travail sur les classiques qui est à saluer, ils préfèrent visiblement se concentrer sur les éditions complètes de Martelli… C’est qd même curieux de reprendre le nom et se centrer essentiellement sur de la marxologie (pas inutile) ou des machins universitaires. Il y aurait autre chose à faire avec un fonds incroyablement riche (par exemple des titres de la collection “problèmes” loin d’être périmés). L’édition papier c’est compliqué mais la numérisation des bouquins dont ils ont déjà les droits? ça ne coûte pas chère. Est ce que quelqu’un saurait m’expliquer pourquoi ils négligent l’exploitation de cette somme d’objets endormis? D’ailleurs, ils pourraient capitaliser dessus pour ensuite pkoi pas continuer à rééditer des immenses historiens comme Roger M! Rien n’interdit dans le catalogue, la coexistence pacifique d’auteurs communistes et anti-communistes. C’était aussi ça les éditions sociales. Non?

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    • etoilerouge commune
      etoilerouge commune

      je ne saiss’il y a des staliniens ds le parti , une chose est sûre il y a des collabos des USA.

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