Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Facebook crée-t-il des espaces ghettos ? par Danielle Bleitrach

Voici le sixième jour où je suis interdite dans face book, c’est un truc bizarre, vous pouvez tout lire, mais vous ne pouvez rien commenter, ni interpeller. Vous devenez une sorte de fantôme. Au bout de quelques jours vous prenez de la distance.parce que vous découvrez que vous n’avez aucune possibilité d’action mais aussi que ceux qui croient participer n’en ont pas plus. Une sorte de monde en expansion dans lequel l’échange est en fait aspiré par de la matière noire et le groupe une sorte de microdéformation dans lequel vous vous excitez en vain dans un huis clos.

J’ai dit le caractère invraisemblable de ces interdictions. Si je prends l’accusation quasiment de pornographie pour avoir publié une des photos les plus austères d’un cinéaste hongrois ou encore m’accuser de menace de mort parce que je menace de “tuer” un camarade qui a fait un poisson d’avril abominable. Mais la dernière interdiction à savoir “usage abusif” du dit réseau social me parait plus intéressante.

L’usage abusif est quand vous tentez une audience un peu plus importante y compris grâce à un blog comme le nôtre qui a une audience beaucoup plus grande et là soit que Facebook vous ait repéré, soit que vous soyez dénoncé vous pouvez subir un interdit du type de celui qui m’a frappé à savoir une semaine sans aucune explication ni moyen de contester la censure.

Mais l’intérêt est ailleurs…

Grâce au blog, l’audience correspond à des capacités de mobilisation réelle, limitée mais réelle qui me semble ne pas exister dans facebook. c’est la première tendance qu’il faudrait tester. Et elle n’est pas étrangère au second constat la perte de la nature des enjeux. Alors qu’au niveau du blog je conserve l’idée de la relativité de son importance et je sais que quelle que soit son audience elle ne peut en aucun cas se comparer à une organisation qui se démultiplie sur le terrain, cette conscience-là semble disparaitre dans face book… et en contempler le fonctionnement de l’extérieur en tant que fantôme vous aide à percevoir les déformations induites par ce machin…

Ce que j’ai constaté c’est que malgré cet interdit de présence la fréquentation du blog ne baissait pas, elle avait même augmenté alors que celui-ci n’était pas relayé sur les réseaux sociaux. Certes des amies avaient tenté de s’opposer à ma censure et Bernard Trannoy, les deux derniers jours, avait systématiquement publié les articles, mais pour les autres fréquentations de face book qui paraissaient des lecteurs réguliers de ces articles, personne ne s’était même aperçu de l’interdiction. En fait, l’audience réelle sur facebook m’est apparue concerner au maximum pour chacun une trentaine de personnes. Rien à voir avec l’audience de ce blog qui concerne plusieurs milliers de personne et parfois des dizaines de milliers et encore moins en ce qui concerne des organisations syndicales et politiques.

Une cinquantaine de personnes ce n’est pas négligeable, parfois sympathique, mais n’a rien à voir avec l’illusion donnée par les réseaux sociaux d’être un nouvel espace de socialisation. Cela va avec l’usage induit : J’avais déjà constaté que dans les réseaux sociaux on ne lit pas, on like et on ne s’intéresse qu’à ses propres publications. Le cas le plus extrême est la pratique du selfie. Un ami à qui je faisais part de ce constat me signalait que sa section du PCF avait cru pouvoir convoquer les militants à des réunions en utilisant l’espace face book de la section. Il n’était venu personne parce que personne ne s’intéressait en fait à cette expression de la section. Il fallait recontacter à titre individuel.

Ne sommes-nous pas confrontés à un phénomène constaté depuis longtemps à propos du média radio et de son influence dans les campagnes politiques des Etats-Unis : on s’était aperçu qu’une telle influence non seulement n’avait aucune comparaison avec le rôle des médiateurs locaux, les militants, représentants reconnus, mais que les thèmes qui étaient popularisés à partir des émissions de radio l’étaient seulement par le truchement de ces contacts réels. Nous avons vécu des choses assez semblables souvenez-vous en à partir du vote de Maastricht.

Si tel est le cas, nous avons un espace d’influence fictif qui nous fixe sur des sujets qui ne sont pas nécessairement les plus importants au niveau des enjeux réels mais surtout ceux dont on discute dans la vie quotidienne “réelle”.

A première vue, Face book constitue de tout petits espaces avec des trolls qui viennent contredire sans grand argument mais en fait cela ne va pas très loin. Bref cela donne de l’importance à des choses qui n’en ont aucune et si vous êtes pris là-dedans votre narcissisme est satisfait à bon compte.

Quand on s’éloigne de la perception de la vie quotidienne et que l’on aborde les faits géopolitiques est ce que l’influence sur les réseaux sociaux est plus grande ? C’est possible…

Pourtant il doit y avoir un moment où non seulement dans la vraie vie se multiplient les manifestations mais où des thèmes prennent de l’importance et ils ne sont pas nécessairement ceux qui sont désirés ni par les pouvoirs, ni par les gestionnaires des réseaux sociaux (quelle est la relation entre eux?) Par exemple je crois que la manière dont les USA ont perdu la bataille médiatique à propos des événements israéliens peut avoir une incidence sur d’autres situation : ainsi le blocus iranien est-il remis en question. Il s’agit du Moyen orient, qu’en sera-t-il du Venezuela et de Cuba?

Est-ce que sur toutes ces questions les errances de censure de facebook ne reflètent pas les problèmes de Biden sur son utilisation du thème de la démocratie. Biden en effet souhaiterait convoquer une grande conférence sur le thème de la démocratie, mais qui inviter? Ceux qu’il considère réellement comme démocratique en gros les occidentaux et le Japon, alors même que ces “démocraties” apparaissent de plus e plus incapables de faire face aux défis nationaux et mondiaux, une crise d’autorité consensuelles. Ou vont-ils inviter tous ceux qui vont être en capacité de contrer ceux qui sont définis comme “autoritaires” et ne pas alors faire la fine bouche sur l’Inde, l’Arabie saoudite qui passe mal pour des démocraties ou même comme le Hamas pour des victimes. Facebook suit-il ce modèle d’incohérence et censure de ce fait selon des critères de plus en plus arbitraire ou joue-t-il sa marge propre de manœuvre, un peu à la manière dont la cryptomonnaie reflète un désir d’émancipation des Etats et n’a de sens que parce que les taux d’intérêt sont quasi nuls et que tout est prétexte à bulle spéculative?

Je suis incapable de répondre à ces questions pourtant elles me paraissent avoir leur importance.

La nouvelle d’un séminaire de formation des militants du KPRF à l’usage des réseaux sociaux publiée hier sur ce blog me parait avoir mesuré l’usage de tels moyens et la manière d’y intervenir parce que très honnêtement je crois que nous nous faisons rouler dans la farine par facebook et que non seulement ce machin nous enferme dans des ghettos où nous croyons mener des débats qui sont en fait manipulés mais pèse sur nos capacité intellectuelles. Et pourtant il y a un usage à comprendre et à apprendre.

Je voudrais bien que nos camarades du KPRF nous transmettent leurs réflexions sur le sujet.

Danielle Bleitrach

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2 Commentaires

  • Baran
    Baran

    Pour ma part, la fréquentation de Facebook se limite à regarder des vidéos de chats…

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  • rhodine
    rhodine

    oui vous avez bien raison de vous interroger sur facebook.

    Personnellement la période covid avec toutes ces “théories” du complot et autres fantasmes pseudoscientifiques me laissent pantois: les algorithmes sont diablement efficaces et une poignée de personnes sont visiblement persuadées d’être largement majoritaires, alors que les sondages et les faits démontrent clairement le contraire (en l’occurrence c’est l’acceptation des vaccins).
    Il est est de même avec toutes les idéologies: chacun est persuadé d’être majoritaire, confirmé dans ses biais par l’algorithme et la masse de publications ou de propositions d’abonnement aux groupes “de son bord”. le débat, quand on est persuadé d’être majoritaire, est-il encore nécessaire ?
    je suis intimement persuadé que les “réseaux Asociaux” sont la porte ouverte à toutes les dictatures et meurtres de masse, l’exemple de l’Inde déjà cite sur ce blog le démontre assez bien je crois.

    Quoi qu’il en soit il faut bien peser le pour et le contre: les articles de ce blog peuvent encore être partagés, y compris sur facebook. dès lors un groupe facebook n’est pas vraiment indispensable.

    toute bonne journée Danielle et merci pour votre engagement sans faille (malgré des épisodes de lassitude).

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