Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Napoléon et Karl Marx, à propos du “point de départ révolutionnaire?”

Karl Marx est né le 5 mai 1818 et on a envie de murmurer “le génie avait 2 ans”… quand l’autre Napoléon mourut à Saint Hélène, enfin presque puisque Napoléon est mort le 5 mai 1821. Tandis que Macron et avec lui l’ensemble de “l’élite” politico-médiatique se prend les pieds dans un faux débat dont ils paraissent avoir le secret entre faut-il “célébrer” ou “commémorer” Napoléon, interrogeons-nous avec Karl Marx sur les raisons d’un dilemme apparemment aussi vide de sens, un jeu sur les mots de plus ?

Marx détestait les despotes et il a écrit une page saisissante et dont il reconnait qu’elle est probablement fausse sur Napoléon méprisant son armée qui lors de la retraite de Russie s’enfonce sur les rives de la Bérézina. Si l’homme des grands desseins, dit-il dans un texte que nous citons par ailleurs, est capable d’un tel mépris que faut-il penser des monarques ordinaires ?… Ceux dont nous affligent désormais les jeux électoraux dont les maîtres d’œuvre ressemblent si fort aux conseils d’administration du capital qu’ils ont perdu tout sens de la dignité humaine.

C’est pourquoi Marx aurait vu ces subtils distinguos entre “commémoration” et “célébration” comme un reflet des états d’âme de la bourgeoisie réduite aux acquêts, face à sa propre origine, son ultime besoin de porter le cœur en écharpe. Mais suivons plutôt sa démonstration: il a noté en citant Hegel que les grands événements et personnages historiques surviennent en quelque sorte deux fois, une fois comme une grande tragédie, une fois comme comédie.

Il a expliqué que “la tradition des générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et au moment précis où ils semblent occupés à se transformer eux-mêmes et à bouleverser la réalité, à créer l’absolument nouveau, c’est justement à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent anxieusement et appellent à leur rescousse les mânes des ancêtres, qu’ils leur empruntent noms, mot d’ordre, costumes, afin de jouer la nouvelle pièce historique sous cet antique et vénérable travestissement et avec un langage d’emprunt.”

Et Marx montre comment les bourgeois quel que soit leur manque de goût pour l’héroïsme se virent bien obligés d’emprunter le costume romain : “Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint Just, Napoléon, les héros, ainsi que les partis et les masses de l’ancienne révolution française, accomplirent sous le costume romain et avec des phrases romaines la tâche de leur temps: l’émancipation et la création de la société bourgeoise moderne. Les uns anéantirent le sol féodal et fauchèrent les têtes féodales qui y avaient poussé. L’autre (Napoléon) créa à l’intérieur de la France les conditions qui permirent désormais de développer la libre concurrence, d’exploiter la propriété foncière parcellaire, d’utiliser les forces productives industrielles de la nation, libérées de toute entrave; et au-delà des frontières françaises, il a balayé partout les institutions féodales, compte tenu du besoin de procurer à la société bourgeoise en France un milieu correspondant approprié à l’époque sur le continent européen.”

Cet extrait du Louis Brumaire de napoléon Bonaparte donne donc parfaitement raison à Metternich, l’autrichien représentant de la sainte alliance réactionnaire qui disait Napoléon c’est Robespierre plus la grande armée.

Et quel que soit le prétexte du rétablissement de l’esclavage, le racisme étant comme le féminisme ou l’homosexualité opprimée, le cache sexe derrière lequel le capital tente aujourd’hui, de plus en plus mal, de légitimer son pillage, son exploitation sans frein. Comment pourrait-on croire un instant dans la défense en mots et en maux des femmes, des homosexuels et des races, ceux qui sont prêts à tout vendre, y compris la planète elle-même ? Non il s’agit de masquer, de diviser et comme déjà le décrivait Marx à propos du capitalisme, cet art de transformer tout en marchandise tout en tenant un discours emphatique sur la transformation des individus concrets en “idées”. Voyons donc les choses simplement, dans la trivialité qui est la leur, leur malaise à l’égard de Napoléon tient au fait qu’il appartient au moment héroïque de la Révolution française.

Comme le dit très bien Marx, “Une fois établie la nouvelle forme de société, les colosses antédiluviens disparurent et avec eux, la Rome ressuscitée- les Brutus, les Gracchus, les Publicola, les Tribuns, les sénateurs, et César lui-même”

Dans sa sobre réalité, la société bourgeoise avait produit ses véritables interprètes, des gens fort médiocres pour qui le “enrichissez-vous tenait lieu de vertu“(…) Mais les Français tant qu’ils furent révolutionnaires, ne purent se défaire des souvenirs napoléoniens” et c’est alors que fut promu sa caricature Napoléon le Petit comme l’appela Hugo.

Il y a de ça dans le vain débat autour de “célébration” ou “commémoration”. Décidément Macron et les conseils d’administration qui l’ont porté au pouvoir ne savent que faire des aspects révolutionnaires de leur origine, donc ces tartuffes repus prennent le prétexte vertueux du refus du rétablissement de l’esclavage ce qui est une extraordinaire hypocrisie pour éviter de s’encombrer non seulement des masses révolutionnaires mais de César lui-même. Stephane Bern et Lorant Deutsch sont bien suffisants pour nous faire remonter dans des temps monarchiques plus anciens, celui où les Révolutions sont des accès meurtriers inutiles, ce qui est la seule célébration dont on rêve quand son pouvoir chancelle.

la société dit Marx semble avoir rétrogradé en deça de son point de départ; en fait il lui faut d’abord créer le point de départ révolutionnaire, la situation, les conditions qui, seuls, rendent vraiment possible la révolution moderne (…) et la société est prise d’un long mal aux cheveux, avant d’apprendre, une fois dessoulée à assimiler les résultats de son Sturm und Drang”.

Bref pour reconnaitre l’ancêtre, il doivent le caricaturer.

C’est leur affaire, “la révolution prolétarienne dit Marx doit se dépouiller de toute superstition à l’égard du passé (…) Les Révolutions du passé durent user de réminiscence pour s’aveugler sur leur propre objet, la Révolution prolétarienne doit atteindre son propre contenu. Dans les premières la rhétorique dépassa le contenu, dans celle-ci, le contenu dépasse la rhétorique.

Oui Napoléon brisa la société féodale et créa la société bourgeoise qui sous lui démontra son caractère moderne mais despotique, esclavagiste, et portant la guerre comme la nuée porte l’orage. L’État bourgeois eut besoin d’un retour au sabre et au goupillon, ce qui se jouera sans cesse désormais au sein de cet État bourgeois ce seront les tours de passe-passe de tricheurs, ce que ces gens là renverseront ne seront plus les tyrans mais les concessions qu’ils auront dû consentir aux peuples qui n’oublient jamais avoir fait la révolution.

Danielle Bleitrach

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