Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La connexion Tsinghua : Xi recrute la Big tech américaine pour sa cause

Baran continue à suivre les pérégrinations en Chine du chef du bureau chinois de Nikkei (le plus gros quotidien d’affaires du Japon et peut-être du monde qui joue sa réputation sur l’exactitude de ses informations et dans le même temps cherche la faille pour l’impérialisme japonais). Baran m’écrit : C’est une réunion importante pour la Chine, les stocks en semi-conducteur de l’industrie chinoise semblent en danger. J’ai entendu un expert dire que l’une des raisons invoquées par le RU et la Suède pour limiter, puis interdire l’installation 5G c’est la crainte d’un défaut chinois sur l’offre technologique dans le contexte de l’embargo imposés par Trump aux concepteurs de semi-conducteur, quasiment tous à la Silicon Valley (pas un seul top 10 en Europe). C’est aussi sans doute la raison pour laquelle le gouvernement français reste accroché à une lecture politicienne et ne suit pas les industriels comme Bouygues qui eux sont plus dans une approche de compétitivité. Car c’est ça le point majeur : en qualité-prix Huawei est au-dessus ! Néanmoins les effets à moyen terme de l’embargo sur la filière doit également faire réfléchir les entreprises technologiques. (Baran)

Pour ma part j’avais été frappée par le silence de Xi et la différence de ton de global Times, beaucoup plus proche de celui des diplomates que TETSUSHI TAKAHASHI décrit très agressifs alors que XI est plus mesuré. Nous avons d’ailleurs ici-même rapporté l’échange avec l’Australie. J’ai donc tenté de voir si Xi tenait toujours la barre. La réponse qui m’est parvenue par l’entremise de J.Cl.Delaunay qui est parti à la pêche à l’information, non seulement décrit un Xi à la barre, mais ayant derrière lui y compris les capitalistes chinois, malgré l’affaire Ma. Qu’il s’agisse des 35 milliards de coût de l’affaire Ma ou même des semi-conducteurs ce sont des sommes dérisoires par rapport à ce que manie le gouvernement central qui a avec lui l’armée, le parti et l’opinion publique chinoise. Tout le monde reste uni derrière le bras de fer de la maîtrise des nouvelles technologies. D’ailleurs le reporter japonais n’apprend pas grand chose et par ailleurs nous voyons dans l’article sur l’actualité que les impérialismes sont prêts à faire allégeance militaire. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Baran)

Le conseil consultatif de l’École d’économie et de gestion de l’Université Tsinghua – qui fait partie de l’alma mater du président Xi Jinping – comprend le PDG d’Apple, Tim Cook, en tant que président et des membres honoraires tels que l’ancien secrétaire au Trésor américain Henry Paulson. (Montage Nikkei / Reuters et AP)

TETSUSHI TAKAHASHI, rédacteur de Nikkei4 décembre 2020 à 17h23 JSTMis à jour le 7 décembre 2020 à 16h34 JST

La Chine est enfermée dans une confrontation diplomatique houleuse avec les États-Unis – une confrontation qui ne se terminera peut-être pas avec l’arrivée d’un nouvel occupant à la Maison Blanche. Chez lui, le président Xi Jinping continue de renforcer son emprise sur le pouvoir. Pendant tout ce temps, le monde lutte pour arrêter la pandémie de coronavirus qui a commencé sur le sol chinois. Le chef du bureau de Nikkei en Chine, Tetsushi Takahashi, suit ces histoires qui façonnent le monde depuis le cœur de Pékin.

Lundi 7 décembre

Le président chinois Xi Jinping ne semblait pas très heureux lors de ses apparitions publiques ces derniers mois, mais il paraissait d’une humeur inhabituellement bonne dans un message vidéo qu’il postait jeudi afin de célébrer le 20e anniversaire du conseil consultatif de l’École d’économie et de gestion de l’Université Tsinghua.

“Je veux que chaque membre du conseil consultatif fasse activement des propositions pour le développement de la Chine”, a déclaré Xi dans le message à son alma mater.

Le conseil d’administration comprend d’éminents dirigeants politiques et commerciaux de Chine et d’autres pays. Le président d’honneur est l’ancien Premier ministre Zhu Rongji, qui a également fréquenté l’Université Tsinghua. Les membres honoraires comprennent l’ancien secrétaire au Trésor américain Henry Paulson, tandis que son actuel président est le PDG d’Apple, Tim Cook.

“La Chine est en train de construire un nouveau cadre de développement, qui pousse à la double circulation”, a déclaré M. Xi dans son discours, appelant à la coopération des membres du conseil d’administration avec la stratégie économique décidée lors de la réunion du Comité central du Parti communiste fin octobre.

La stratégie, destinée être menée en Chine jusqu’en 2035, vise à tirer parti de la demande intérieure et internationale. L’idée, en partie, estde rendre les chaînes d’approvisionnement plus dépendantes de la Chine, de sorte que le pays devienne encore plus indispensable à l’économie mondiale.

Xi semble essayer de rallier les géants américains de la technologie, y compris Apple, dans un climat d’incertitude politique persistante aux États-Unis, nonobstant la défaite du président Donald Trump par Joe Biden lors des récentes élections.

La chaine de télévision d’Etat CCTV, a montré vendredi une vidéoconférence dans laquelle on pouvait voir le  vice-président Wang Qishan, Cook et d’autres membres étrangers du conseil consultatif. “La Chine, qui continue de se développer, est bénéfique pour tous les êtres humains”, a déclaré Wang.

Après une période de silence, Wang s’est exprimé franchement dernièrement. Compte tenu de ses liens étroits avec les chefs d’entreprise américains, j’ai le sentiment qu’il jouera un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de la stratégie de « double circulation ».

Le samedi matin, je me suis arrêté à l’Université Tsinghua pour la première fois depuis longtemps. Les étrangers n’étaient toujours pas autorisés à entrer sur le campus pour empêcher la propagation du COVID-19. Juste à côté de l’entrée principale se trouve un bâtiment au design unique : il abrite les bureaux des filiales du conglomérat technologique chinois Tsinghua Unigroup.

Tsinghua Unigroup, dont on attend qu’elle réalise la volonté de Xi d’amener la production des semi-conducteurs au niveau national, est en pleine crise financière. La société a fait défaut sur une obligation de 1,3 milliard de yuans (200 millions de dollars) à la mi-novembre.

Xi et Wang misent sur l’Université Tsinghua afin de soutenir leur programme économique, mais le noyau de l’institution n’est pas forcément stable.

Vendredi 4 décembre : la Chine retourne ses « wolfs warriors » contre l’Australie, mais à quel prix ?

Les diplomates chinois “wolfs warriors” grognent à nouveau – cette fois en Australie.

La dernière série de combats diplomatiques entre les deux pays a commencé lorsque Zhao Lijian, directeur général adjoint du département de l’information du ministère chinois des Affaires étrangères, a publié lundi une image incendiaire sur Twitter.

L’image représente un soldat australien souriant tenant un couteau ensanglanté à la gorge d’un enfant afghan. “Choqué par le meurtre de civils et de prisonniers afghans par des soldats australiens”, a écrit Zhao, faisant référence à la propre enquête de l’Australie sur les crimes de guerre présumés commis par ses soldats. “Nous condamnons fermement ce type d’actes et appelons à les tenir responsables.”

Le Premier ministre australien Scott Morrison a immédiatement répondu en disant que le gouvernement chinois devrait avoir “complètement honte” de partager cette image “répugnante”. Il a demandé à la Chine de supprimer le tweet et de s’excuser.

Zhao a une historique de tweets controversés à son actif : son message en mars selon lequel l’armée américaine aurait pu amener le coronavirus à Wuhan, où la pandémie a commencé, est encore frais dans les mémoires de la population mondiale.

Malgré la vive protestation de Morrison, Zhao n’a pas supprimé l’image de son compte. Au contraire, au moment d’écrire ces lignes, le tweet afghan a été épinglé, de sorte qu’il apparaisse en haut de son fil d’actualité.

Hua Chunying, directrice générale du département de l’information et supérieure hiérarchique de Zhao, a défendu le tweet lors d’une conférence de presse régulière mardi dernier. Elle a catégoriquement rejeté la critique de Morrison sur ce qu’il qualifiait de « photofalsifiée ».

“Une photo falsifiée ? L’Australie accuse la Chine d’utiliser une photo falsifiée ou fake, et même de diffuser de fausses informations, mais une telle accusation en est une en soi”, a déclaré Hua. “Ce qui devient viral en ligne n’est pas une ‘photo’, mais un graphique créé avec des techniques informatiques par un jeune artiste chinois.”

Elle a poursuivi : “Les graphiques générés par ordinateur et les images falsifiées sont deux choses distinctes. Le graphique représente un fait car sa création est basée sur le rapport d’enquête publié par le ministère australien de la Défense.”

Les relations entre les deux pays se sont fortement détériorées depuis avril, lorsque Morrison a appelé à une enquête internationale indépendante sur les origines du COVID-19. La Chine a répondu en frappant l’Australie d’un barrage de sanctions commerciales, comprenant une suspension de certaines importations de viande et un tarif de plus de 80% sur l’orge australienne.

Cette semaine, après une tentative de Morrison de partager son point de vue sur l’image afghane dans le média social WeChat, son message a été supprimé de la plateforme chinoise. Interrogée sur la suppression par un journaliste d’un média étranger, Hua a déclaré jeudi qu’elle “n’en était pas au courant”.

“Ce que vous avez demandé est une question qui regarde la société WeChat et le Premier ministre Morrison”, a-t-elle déclaré. “WeChat traite les affaires commerciales selon ses règles.”

Bien sûr, personne ne prend ses remarques pour argent comptant. Tout le monde sait qu’en Chine, tous les sites de médias sociaux sont sous le contrôle des autorités.

Ces « wolfs warriors » sont la face mondiale de l’administration du président Xi Jinping. Avec leurs tactiques radicales, je ne peux m’empêcher de me demander s’ils servent vraiment les intérêts nationaux de la Chine.

La Chine a attiré des critiques sur le tweet afghan non seulement de l’Australie mais également des États-Unis et du Royaume-Uni. Même les pays avec lesquels elle entretient encore des relations relativement bonnes, comme la Nouvelle-Zélande, ont exprimé de l’inquiétude.

Jeudi matin, j’ai fait le tour de l’ambassade d’Australie à Pékin. Elle est située près de Sanlitun, un quartier populaire et jeune. J’avais pensé qu’il y aurait un déploiement strict de sécurité, compte tenu des tensions, mais c’était un jour comme un autre – contrairement à la zone autour de l’ambassade américaine, qui grouille de policiers.

Je ne sens pas la montée d’un sentiment anti-australien parmi les Chinois moyens. Alors pour qui parlent les « wolfs warriors » ? Il est relativement inhabituel pour les diplomates de s’en prendre aussi ouvertement à un pays spécifique. J’adorerais entendre ce qu’ils pensent vraiment.

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1 Commentaire

  • Baran
    Baran

    Ajoutons par ailleurs pour équilibrer qu’à l’image d’Apple, les entreprises de la big tech sont tout aussi dépendantes de la chaine de production chinoise et des compétences acquises dans le temps long de la production historique. Même avec la meilleure volonté impossible de réaliser une délocalisation d’outils de cette ampleur du jour au lendemain, en amenant les compétences de gestion de la chaine qui vont avec comme le rêve la superstructure impérialiste (primat de la production sur l’entreprise-marchandise). Je ne me souviens plus quand mais il me semble que la Chine avait menacé publiquement Apple d’en arriver là, en disant un truc du genre “si c’est ça bah nous on a plus besoin d’Apple”. La politique du tit for tat…la chine incarnant contre les monopoles financiers, l’éternel retour du concret. “Vous voulez délocalisez au Vietnam? Alors faites mais pas qu’un peu.”

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