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Cuba : Guerre médiatique: de la rationalité à l’émotivité

cet article en provenance de Cuba met l’accent sur un phénomène qui personnellement m’angoisse à un point limite, une sorte de crétinisation de masse où l’irrationnel, l’émotif se substitue au raisonnement. Je vois des gens qui ne lisent plus que des posts de trois lignes, les titres et choisissent des sujets émotionnels qui ne mènent nulle part qu’à la division, l’émiettement, l’aliénation, la dénonciation des masques, des vaccins, la chloroquine, avec l’aide des médias capitalistes qui les incitent à ces dévoiements… Les campagnes de haine contre la Chine, la 5G… Les Cubains proposent une réflexion de révolutionnaires, confrontés directement à l’ennemi qui produit sciemment ces délires,fausse science, fausse information, lutte des sexes, raciales, tout est prétexte à hystérie. (note et traduction de danielle Bleitrach)

L’évolution de la guerre médiatique financée par les États-Unis est passée du terrain informationnel au terrain émotionnel. Ce n’est plus une dynamique de désinformation vs. l’information, mais l’émotivité vs. rationalité

Auteur: Javier Gómez Sánchez | internet@granma.cu

28 juillet 2020 22:07:24

L’évolution de la guerre médiatique financée par les États-Unis est passée du domaine de l’information à celui de l’émotionnel. Il ne s’agit plus d’une dynamique de désinformation contre information, mais d’émotivité contre rationalité

Auteur: Javier Gomez Sanchez | internet@granma.cu

3 août 2020 09:08:51

Il y a un peu plus d’un mois, après la publication d’une liste officielle d’activités qui annonçait un retour à la normale progressif et par étapes – en précisant qu’elles seraient expliquées par les plus hautes autorités lors de l’émission la Table ronde du lendemain –, un sentiment de soulagement et d’attente a traversé l’esprit des Cubains. Mais, au fil des heures dans l’après-midi et la soirée, un autre message s’est répandu comme une trainée de poudre.

De téléphone portable en téléphone portable, par le biais du réseau de messagerie WhatsApp, une liste de mesures, mélangeant les mesures officielles à d’autres fausses, a commencé à circuler, certaines d’entre elles conçues pour provoquer du désarroi, des préoccupations et du mécontentement. Parmi les groupes d’utilisateurs, les chats privés et vice-versa, la portée de cette fausse liste s’est multipliée en quelques minutes. On ne saura jamais exactement combien de personnes l’ont lu, ni combien ont cru à son contenu, ni combien ont pu reconnaître le langage douteux, loin des termes utilisés habituellement au niveau gouvernemental pour la communication avec la population. Une opération vraiment cousue de fil blanc.

Un peu plus tard, plusieurs journalistes des médias officiels ont, de leur propre initiative, donné l’alerte depuis leur page Facebook sur la diffusion de la fausse liste de mesures. Vers minuit, la plupart des Cubains qui ont Internet sur leur téléphone portable et utilisent WhatsApp l’avait probablement lu. Le lendemain, durant la Table ronde, il était démontré que la liste en question était fausse, mais à ce moment-là, elle avait rempli sa mission.

Comme s’il s’agissait d’antibiotiques qui perdent peu à peu de leur efficacité, lorsqu’il s’agit de répondre à l’utilisation des réseaux sociaux dans la guerre médiatique contre Cuba – à laquelle participent de nombreux acteurs sociaux ayant des rôles différents – il ne suffit pas simplement de mettre les informations en contraste. Il ne suffit pas d’attendre la diffusion du journal télévisé (NTV) du soir ni la sortie du journal le lendemain. Mais il n’est pas non plus question de l’immédiateté du numérique contre le rythme propre des médias traditionnels. Il s’agit essentiellement d’intentionnalité.

L’évolution de la guerre médiatique financée par les États-Unis est passée du terrain de l’information à celui de l’émotionnel. Il ne s’agit plus d’une dynamique de désinformation contre information, mais d’émotivité contre rationalité. L’objectif de la liste n’était pas le fait éphémère de désinformer, mais de maintenir activés, au sein de certains segments de la société cubaine, les ressorts de l’agacement, de la méfiance, du ressentiment et de l’aversion envers tout ce qui vient de la direction politique du pays. Peu importe si par la suite cela s’avère faux du moment que l’instantané apporte son tribut à l’objectif permanent.

Ce n’est pas une guerre de contenu, mais d’impacts émotionnels. Lorsque les gens glissent leur doigt sur leur téléphone portable et que le contenu de leur page Facebook se déplace, en quelques instants des images et des titres passent sous leurs yeux, attirant ou non leur attention. Un nombre croissant de pages web contre-révolutionnaires ont fixé leur portée médiatique sur la simple combinaison d’une image et d’un titre, en misant sur l’effet de manipulation que cela produit. Même si la personne n’ouvre pas le contenu, il leur suffit de positionner la question qui les intéresse.

L’utilisation simpliste de titres et de contenus à lecture rapide est combinée avec des mèmes, la production de vidéos pour YouTube, ou la diffusion en direct via Facebook. Les études sur le trafic ou le lectorat qui bénéficient aux sites numériques des grands médias ne permettent pas de mesurer l’effet subjectif que ce type de guerre de la communication produit sur le plan de l’émotion.

Cette influence émotionnelle sur les réseaux sociaux a été efficace pour utiliser en sa faveur le souhait de la population d’obtenir des prix plus bas d’accès à Internet, le malaise causé par les pénuries et les files d’attente dans les magasins, le mécontentement face à la mauvaise qualité de divers services. Elle positionne constamment, en tant que « leaders d’opinion », des musiciens, des humoristes, des acteurs et toutes sortes de personnalités publiques, pour autant que leurs publications soient suffisamment superficielles pour être utiles à ces fins.

Parvenir à la décomposition des débats légitimes et des critiques nécessaires est une mission permanente. Ainsi, une récente critique sur le plan urbain et architectural, ou même esthétique, à propos de certains travaux de construction malencontreux dans la capitale [un mur à Miramar] a été utilisée à n’en plus finir sur les réseaux sociaux pour tenter de créer un espace d’expression anti-gouvernemental.

Dans ce but, le fractionnement de secteurs du public numérique cubain implique aussi bien l’exploitation de questions d’impact général ou national que ceux propres à certains secteurs spécifiques : alors que l’ouverture de magasins en dollars peut attirer l’intérêt de la majorité de la population, le patrimoine architectural du quartier du Vedado n’est particulièrement sensible que pour une partie seulement – minoritaire, mais d’insertion sociale stratégique.

Les actions médiatiques qui éveillent l’émotivité et inhibent la rationalité de chaque segment se modifient et s’amplifient à partir d’espaces communs ou différents. L’action des pages web et des youtubers visant la population la plus vaste se combine avec des espaces numériques « alternatifs », conçus pour un secteur en développement social et professionnel dans les arts, les universités et le monde du journalisme ou du système culturel lui-même.

Un autre objectif est de s’approprier des causes et des questions telles que le racisme, les droits sexuels et les rôles de genre, dont les acquis en matière d’éducation et de législation ont progressé précisément en raison de leur intégration aux institutions dans le cadre du programme gouvernemental et des transformations mises en œuvre par la Révolution. Il s’agit de transformer la sensibilité en fanatismes irrationnels, pour faire en sorte que ceux qui étaient auparavant victimes de discrimination deviennent maintenant autant ou plus intolérants à l’égard des institutions mêmes qui défendent ces droits.

Nos droits sexuels en tant que Cubains intéressent-ils vraiment ceux qui sont sur les réseaux, derrière ces médias numériques, et bénéficient de l’argent perçu pour envenimer le débat contre leur propre peuple ? Qui se bat le plus pour ces droits ? ceux qui publient des posts visant à persécuter, insulter et exiger des démissions ou une institution comme l’ICRT (Institut cubain de la radio et la télévision), qui, par politique d’État, produit des téléfilms et diffuse des heures de télévision pour éduquer sur le sujet ?

Le battage médiatique que nous avons vu se construire contre la Police nationale révolutionnaire devient un dénominateur commun dans cette guerre médiatique des émotions contre la rationalité, qui ne respecte pas non plus la mort d’un jeune chanteur populaire, et utilise ce drame pour attaquer le système de Santé publique, déçus de ne pas l’avoir vu échouer face à la COVID-19.

Il s’agit de construire une sorte de « showbiz virtuel » dans lequel nous considérons des mercenaires au service de la stratégie des États-Unis contre Cuba comme nos « amis de Facebook », comme s’il s’agissait de l’activité sociale la plus naturelle du monde.

Jamais auparavant nous n’avons été aussi exposés au financement de la communication contre Cuba par les États-Unis, à la différence que, si au cours des décennies précédentes l’utilisation de la radio et de la télévision avec les émissions de Radio et TV Marti avait été lancée d’un seul coup, la pénétration d’Internet a été progressive, tout en étant nécessaire ou indispensable.

Aujourd’hui, 3,9 millions de téléphones portables à Cuba ont une connexion mobile de données à Internet, et on estime que d’ici la fin de l’année, il y en aura environ 4,2 millions, soit la moitié de la population adulte. Cela signifie que le pays a déjà plus de téléphones portables connectés que de téléviseurs. Si l’on ajoute les Cubains qui sont connectés par d’autres voies, le chiffre dépasse les sept millions et il continuera à augmenter.

Certains thèmes mériteraient une réponse immédiate, d’autres pourraient être insérés dans une réponse systématique qui alerteraient sur les intentions pour lesquels ils ont été conçus. À cet égard, le président a déclaré devant le Conseil des ministres : « Nous ne pouvons pas continuer à être ancrés dans des formes de communication antérieures à l’ère numérique et nous ne pouvons pas bureaucratiser les processus idéologiques ».

Pour y parvenir, il nous reste à surmonter complètement l’usure dont a souffert le terme « réseaux sociaux » dans certains secteurs du débat révolutionnaire à la base, parfois avec une connotation péjorative, qui ne fait que dénoter l’ignorance.

Il serait indispensable que les structures de base des organisations politiques intègrent dans leur programme principal le suivi du fonctionnement médiatique et social des réseaux. Même si cela s’avère difficile, du fait de facteurs d’âge, d’économie et d’interaction technologique, il faudrait, dans de nombreux cas, repenser la hiérarchisation thématique dans les espaces de discussion.

Un paradoxe important : les plus expérimentés et les plus compétents sur ce sujet ne sont pas les plus âgés, ce qui exige de nous tous d’être conscients que nous vivons non seulement une époque de changements, mais un changement d’époque.

I

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1 Commentaire

  • joel faudot
    joel faudot

    nous avons nos mêmes été victime de ce procédé avec la campagne contre “le totalitarisme”. Il s’agissait d’imposer un imaginaire dans lequel le communisme était représenté comme une prison face à laquelle les “démocraties” proposaient une existence libre. Tous les autres partis, des trotskistes aux socialistes en passant par la droite et l’extreme droite se sont rués dans cette voie. C’est à mes yeux une des raisons fondamentales de nos difficultés.

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