Très légitimement le pape vient d’en appeler à revoir l’idée de guerre juste. C’est toute la conception du droit international qui mérite examen. Nous avons en occident un modèle de relations internationales qui a été étendu à toute la planète, en particulier avec la création de la Société des Nations puis de l’ONU. Ce modèle universel est le fruit d’une histoire qui se déroule sur plusieurs siècles et qui s’est modifié essentiellement à travers l’intervention des masses, révolution française puis bolchevique. Le caractère historique de cet universel du droit international exige la critique, en particulier celle de son utilisation réelle, au profit de qui et doit s’ouvrir à d’autres approches. A ce titre, les propositions de XI Jinping dans “construisons ensemble un autre destin pour l’humanité”, marque une nouvelle étape, celle qui nous fait sortir d’un universel né en Europe, et approprié par les successeurs colonisateurs, impérialistes de la dite Europe.
Donc l’exposé devrait comprendre trois parties
1- L’historique de la constitution du droit international essentiellement en Europe
2- L’apport du socialisme et du communisme
3- Les propositions de Xi Jinping aujourd’hui
nous avons abordé cette troisième partie dans différents articles de ce blog, nous y renvoyons donc nos lecteurs. Mais nous devons noter que cette proposition s’inscrit dans une transition, celle du passage de l’hégémonie de l’occident capitaliste au multilatéralisme, avec l’établissement d’une nouvelle doctrine correspondant à cette transition.
1- L’HISTORIQUE DE LA CONSTITUTION DU DROIT INTERNATIONAL ESSENTIELLEMENT EN EUROPE
-LA GUERRE JUSTE : LES POTENTATS EUROPÉENS ET LA MODERNITÉ
ceux qui ont déclenché une guerre ont toujours été convaincus de la justesse de leur position même si celle-ci relevait de leur bon plaisir. Mais avec la modernité, il y a eu des tentatives de comprendre l’art de gouverner en le dissociant d’un droit divin. Art de gouverner et donc au premier chef, la guerre, d’où une réflexion sur ce qui fonde la nécessité voire la légitimité de la guerre, comme celle de “la violence légitime” des États sur leur propre population. Une réflexion sur l’idée de juste qui se constitue toujours comme dirait Ricoeur entre le légal et le bon, entre les rapports de forces et les valeurs.
Nous pourrions distinguer quelques grands moments de la pensée du droit international dont nous sommes encore aujourd’hui plus ou moins les héritiers. Mais ce qu’il faut noter au préalable c’est le caractère véritablement schizophrénique de la manière dont s’élabore l’idée même de droit international, la manière dont les États capitalistes combinent un discours à prétention universaliste alors même qu’ils établissent dans le fait le viol de territoire, leur colonisation, l’esclavage et ce paradoxe s’interroge en tant que fondement du capitalisme lui-même. Ce que Marx appelle lui même la double nature de ce capitalisme dans lequel Ricardo transforme les êtres humains en marchandise et Hegel les transforme en idées. Le léninisme insistant sur le caractère concret des êtres humains et sur la politique comme devant partir du caractère concret d’une situation concrète mais sans abandonner pour autant les étapes de la connaissance.
La conception d’une guerre juste ne peut se constituer en droit international qu’à partir d’un conception de l’universel à l’œuvre même dans les croisades, une conception théologique et téléologique. En fait, l’universalisme occidental est né avec le monothéisme et surtout le prosélytisme des grandes religions monothéistes la chrétienté et l’islam, et a régné sur l’Europe durant tout le Moyen-Âge, les nations et les rois héritent de cet idéal impérial et chacun tend à ériger en nécessité universelle son idéal particulier.
Dans un tel contexte où a disparu la notion d’empire garantie de la paix, la pax romana, puis la chrétienté et l’empire, le pape et l’empereur, nous avons en occident les royaumes qui préfigurent les nations. Le développement du capitalisme, son installation en tant que classe dominante dure six siècles, et se développe dans une alliance entre monarchie absolue et renaissance urbaine avec la constitution des prémisses du droit.
Entre nations capitalistes le fondement d’un droit international peut être associé à la doctrine diplomatique qui a prévalu du XVIII siècle à la seconde guerre mondiale dans toute l’Europe, celle de l’équilibre des forces. D’après cet idéal proclamé, il ne doit pas y avoir de nation dominante sur le continent. L’exemple type de ces grandes coalitions débouchant sur des ballets diplomatiques, le tout organisant la ruine de pays prospères, est la guerre de succession d’Espagne qui eut lieu entre 1700 et 1714. La France, celle du roi soleil, qui avait hérité de Richelieu le concept de raison d’État, était sur le point de se retrouver à la tête du plus grand empire du monde puisque le testament du roi d’Espagne, Charles II, lui accordait la totalité de son empire. Les nations européennes, considérant que cela remettrait en cause l’équilibre des puissances sur le continent, décidèrent de faire la guerre à la France pour lui faire renoncer à cet héritage, et elles finirent par obtenir raison (aux traités d’Utrecht en 1713). Si la justice s’était limitée à la conformité au droit de l’époque, celui des royaumes dont les souverains étaient de fait les possesseurs et recevaient des héritages, la France aurait été reconnue légataire de l’empire espagnol puisque le testament de Charles II, document juridique, lui accordait cet empire. Mais la France fut privée d’un héritage qui lui revenait de droit par une conception de la justice comme principe moral d’égalité entre royaumes, et non légal, qui autorisait tacitement les autres nations européennes à lui faire la guerre pour préserver cette vertu d’équilibre. Le Congrès de Vienne établit un équilibre entre les grandes puissances qui permit un siècle de paix exceptionnel en Europe et par la même occasion il fixa quelques règles diplomatiques, en gros on faisait la guerre et après on négociait.
Le tout dans un contexte de mondialisation impérialiste et de partage de territoires que l’on pillait jusqu’aux grandes guerres impérialistes de partage du monde avec la constitution de grandes “compagnies” ou monopoles chargés du pillage.
Notons que ce principe diplomatique laissait toute latitude à chaque potentat de penser qu’il avait le droit de s’agrandir mais pas son voisin, la guerre étant alors la seule solution pratique pour résoudre le problème et les coalitions se constituent pour des raisons tout à fait pragmatiques.
Notons également que dans sa lutte contre l’URSS, puis contre la Chine et même sans adversaire déclaré les Etats-Unis n’ont cessé de constituer des “blocs” et aujourd’hui Pompeo essaye désespérément de vendre l’endiguement de la Chine en Asie comme en Europe alors que les Etats-Unis sont l’illustration d’une écrasante hégémonie nord-américaine, qui à travers ses trois piliers (le dollar et le petrodollar ou l’étalon universel, une armée sans équivalent dans aucun pays ni même en tenant compte de la totalité des pays, et une maîtrise des flux de l’information qui tourne à la propagande de guerre) battent en brèche les timides tentatives de droit international en s’instituant à la fois juge, policier et même gangster.
KANT, LES LUMIERES, LA REVOLUTION FRANÇAISE
Le siècle des lumières, la révolution française et son successeur Napoléon (pour Metternich, Napoléon c’est Robespierre plus la grande armée) va rompre avec cette vision des royaumes pour passer à l’idée de République (qui peut être une monarchie), c’est-à-dire fondé sur un contrat social entre gouvernants et gouvernés en situation d’égalité citoyenne non réelle mais théorique. La Révolution française va fonder son idéal à la fois sur le contrat social et sur une idéalisation de l’état de nature, la liberté de chaque citoyen est un droit naturel qui lui permet d’adhérer à ce contrat social. Les textes révolutionnaires prennent systématiquement à témoin l’univers tout entier de leurs décisions, avec la conscience d’une certaine responsabilité vis-à-vis de l’humanité… Une des conséquence en est que puisque la république française est la seule à avoir établi un droit de nature universellement nécessaire, elle a le devoir de le propager et de l’imposer aux tyrans des autres peuples. Officiellement « Nous faisons la guerre aux rois, non aux peuples.», mais les guerres napoléoniennes sont aussi celles du despotisme et de l’enrichissement capitaliste. La Grande-Bretagne, dont on oublie qu’elle a exécuté son roi quelques temps avant nous et montré les frémissement d’un ordre bourgeois apporte aussi sa vision, ultérieurement il y aura les USA des “pères fondateurs”. C’est peu dire que ces universels qui se combinent avec le colonialisme, une mondialisation de pillage et la surexploitation ouvrière se combinent aisément avec l’étalage des vertus des peuples colonisateurs, leur légitimité à piller. C’est ce que Xi Jinping souligne avec discrétion pour faire ses propres propositions de dépassement d’une conception de l’universel européanocentré.
Dans un tel contexte comment s’élabore “un droit de la guerre”?
Kant : le premier principe est celui de publicité. « Toute prétention juridique doit être susceptible de publicité », dit-il dans l’appendice de Pour la Paix perpétuelle. C’est-à-dire que si une guerre et ses préparatifs sont tenus secrets, cela voudra nécessairement dire que la cause qu’elle défend est injuste et susceptible de provoquer des réactions outrées. Mais on voit tout ce que ces critères de repérage ont d’imprécis, puisqu’ils sont liés au jugement humain; par exemple, l’invasion de l’Italie par les révolutionnaires en 1797 a été bien accueillie par les populations, elle n’en a pas moins débouché sur l’asservissement et le pillage de cette région par la France qui prétendait lui apporter la justice. L’idée de justice universelle est souvent un prétexte expansionniste… Le numéro de Colin Powell sur les “armes de destruction massive à l’ONU” est une des nombreuses références à travers lesquelles nous avons vu un viol de ce principe, la mobilisation de campagnes de presse et tout ce que nous avons vu se développer à la chute de l’URSS comme justification de guerre “juste” illustre à quel point cette inquiétude kantienne pouvait être fondée.
D’après Kant, dans Pour la Paix perpétuelle, « les peuples en tant qu’États peuvent être assimilés à des individus qui, dans leur état de nature, se portent préjudice par le simple fait qu’ils existent les uns à côté des autres et dont chacun, au nom de sa sécurité, peut et doit exiger de l’autre qu’il entre en même temps que lui dans une constitution, semblable à la constitution civile, dans laquelle son droit peut être garanti à chacun. Cela constituerait une fédération des peuples.»
- LA FÉDÉRATION CONDITION DE POSSIBILITÉ D’UN DROIT INTERNATIONAL
La seule justice qui peut exister au niveau international serait celle qu’on trouve au sein même de nos États. Or cette justice, pour s’exercer, implique deux choses : un État au dessus d’elle qui assure son fonctionnement et qui lui donne des lois, et une base populaire à laquelle elle s’applique. Il est donc nécessaire de créer ce cadre qui n’existe pas, ce qui revient à faire un vrai contrat social. Pour ce faire, Kant parle de créer une fédération pacifique (2ème section), fédération car les États se refusent toujours à renoncer à leur souveraineté totale, et donc la constitution d’un État mondial est impossible. Cette fédération cherche à garantir la liberté de chaque État pris à part, et applique le principe de la séparation des pouvoirs ; en effet, elle doit être exclusivement composée d’États républicains qui y adhèrent librement. Elle doit édicter des lois universellement valables. Le contrat social étendu de cette manière à l’international donne naissance non pas à un État, mais à une fédération libre, à laquelle s’applique toujours un droit international et non pas un droit public. Notons que l’État républicain ne signifie pas le régime qui peut y compris être monarchique, mais qui doit avoir une Constitution qui est en quelque sorte le contrat social entre citoyens et gouvernants. Nul n’a à juger dans la fédération des États de la république choisie par la dite Constitution.
Il faut bien comprendre la base du raisonnement de ce qui a été avec Kant l’institution des prémices du droit international
Pour Kant, (la paix perpétuelle 1795): « l’état de paix entre des hommes vivant côte à côte n’est pas un état de nature, lequel est bien plutôt un état de guerre où les hostilités restent perpétuellement menaçantes. Cet état de paix doit donc être institué, ce qui ne peut avoir lieu que dans un État juridique.» Selon cette vision, intervenue en pleine Révolution française, et l’on sait la parenté entre Kant et Robespierre, la guerre n’a besoin d’aucun mobile particulier, elle est au contraire inhérente à la nature humaine et peut à ce titre relever du commerce comme mode d’échange ou de pillage, d’une dénonciation de la barbarie ou au contraire de la capacité humaine à l’exploit comme Valmy. Kant ici est assez proche du plus grand théoricien de la guerre, le général prussien Karl Von Clausewitz, qui fonde la guerre dans l’article 28 de l’Art de la Guerre sur “l’instinct naturel aveugle, qu’il associe au peuple, et l’acte de raison, qui utilise cet instinct, et qu’il associe à la politique. Par conséquent, il appelle la guerre « un acte de vie sociale, un conflit de grands intérêts qui ne se résout qu’avec effusion de sang ». La conséquence logique est que comme pour le crime qui est le viol du Droit, il faut une violence légitime pour le réprimer et c’est même ce qui fonde les États. Le but de la guerre est donc dans ce cas, celui de Von Clausewitz comme de Kant de rétablir le droit et pas d’exterminer l’adversaire.
On est on en convient devant une description qui bien qu’ayant dépassé le “bon plaisir” des souverains se mord la queue tant que la conception du Droit est arbitraire et effectivement la seule manière d’en sortir du moins en matière de droit international est d’en passer par la fédération des États souverains, doublement souverains, souverains les uns par rapport aux autres, souverains par rapport à la Constitution qui est le contrat de même nature entre leur peuple et eux. Dans les deux cas il s’agit d’ancrer cette notion flottante de droit dans la “démocratie” et l’égalité dans la citoyenneté comme entre Etats. On serait donc passé et ce serait effectivement un progrès de l’idée de “guerre juste” à l’idée de guerre légale en tant que moyen d’instaurer la paix.
Mais on va retrouver les contradictions potentielles d’une telle articulation entre citoyenneté à la fois liberté état de nature et contrat social par la constitution (qui répétons-le n’implique en aucune façon une nature particulière de la république, monarchie, parlementaire, y compris capitaliste ou socialiste) et égalité dans la fédération des nations-républiques. D’abord dans ce qui est défini comme la tyrannie dont il faudrait libérer les peuples ensuite dans l’inviolabilité des territoires et des frontières et le droit à l’autodétermination des peuples.
On peut dire que cette conception kantienne va trouver une application après la grande boucherie de la première guerre mondiale, il y a eu la création de la Société des Nations, puis après la seconde guerre mondiale l’Organisation des Nations Unies. C’est-à-dire que des règles de droit et de diplomatie internes au monde capitaliste et générant un équilibre ont été rompues par la concurrence dans le partage du monde et l’impérialisme et que cela a débouché sur deux conflits d’une ampleur inconnue, des “guerres sans limites”. Cette tentative d’institutions internationales doit être analysée à ce moment historique-là non pas seulement comme une application des idéaux kantiens avec en filigrane le rôle de la Révolution française mais en tenant compte du désaveu des guerres impérialistes, avec l’instauration du premier état socialiste l’URSS et après la deuxième guerre mondiale le mouvement de décolonisation, deux mouvements révolutionnaires qui vont tenter de rompre avec la schizophrénie des grands principes et de l’universalisme et la réalité de l’inégalité et de la loi du plus fort. C’est-à-dire une exigence de l’application des formes de légalité internationale, de leurs principes révolutionnaires “kantiens” et dans le même temps de la lucidité sur la nature du capitalisme donc de la constitution d’un rapport de forces en faveur des peuples et des exploités.
II -L’APPORT DU COMMUNISME ET DES ÉTATS SOCIALISTES :
- LA BASE DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE ET CELLE DU DROIT SONT RENVERSÉES
Ce que va introduire le communisme et singulièrement l’existence de l’URSS, c’est le constat que jusqu’ici malgré les proclamations d’égalité, de constitution, de fédérations des nations, le droit international comme la géopolitique est restée déterminée par l’intérêt des classes dominantes. La politique extérieure, les guerres et la diplomatie, voire les grandes institutions internationales sont plus que tout autre domaine politique le lieu d’exercice privilégié de la classe dirigeante. Il pouvait arriver que ses intérêts coïncident avec ceux du peuple et de toute la nation quand il y avait une guerre contre un envahisseur étranger, mais la plupart du temps les intérêts étaient diamétralement opposés. Malgré les recommandations de Kant, la classe dominante n’accordait que très peu de publicité à ses actes dans le domaine international, les éloignant le plus possible de la compréhension du peuple.
Ce fut sur ce point que la Révolution d’octobre prétendit changer les choses. Une conception politique nouvelle fut affirmée, à savoir que la politique extérieure d’un état socialiste ne servirait plus les intérêts d’une minorité d’exploiteurs mais celle des travailleurs et de la classe ouvrière au pouvoir. C’est même un des éléments décisifs de la dictature du prolétariat qui en finit avec celle de la bourgeoisie. Le théoricien et promoteur de cette conception fut Lénine et en tant que chef du gouvernement il l’a mise en œuvre y compris pour terminer la guerre et tenir en respect les pays capitalistes (14pays coalisés) qui l’avaient envahi sous prétexte de soutenir les blancs et la légitimité du tsarisme.
la doctrine qui va prévaloir est que la différence qui existe entre les assises du socialisme et celle d’une société exploiteuse entraîne une différence de principe sur le plan de la politique extérieure.
Dans la société capitaliste, basée sur la propriété privée des moyens de production et sur l’exploitation de l’homme par l’homme, la politique extérieure a pour dynamique la volonté de la classe au pouvoir d’élargir les bases de son régime d’exploitation, d’en élargir la sphère d’application, de trouver ressources et débouchés, de conquérir de nouvelles positions dans la concurrence impérialiste, d’asservir d’autres peuples. De par leur nature sociale, les États capitalistes sont amenés à pratiquer une politique d’agression, à préparer des guerres d’annexion, à fabriquer des blocs militaires et à poursuivre sans cesse la course aux armements. Seul un rapport des forces défavorables peut inciter un État capitaliste à renoncer à cette politique et ce ne sera que momentané. L’impérialisme est le stade suprême du développement du capitalisme dans la période monopoliste.
La nature sociale du socialisme est totalement différente et va également déterminer sa politique extérieure : planification et propriété collective des moyens de production. La dynamique est celle des besoins des travailleurs, leur volonté de s’assurer les conditions matérielles les plus justes et les plus favorables, des besoins grandissants en matière de culture avec l’éducation.
C’est parce qu’il a cette nature de classe qu’il n’engendre pas l’aspiration à la guerre, à l’asservissement et à l’exploitation d’autres peuples. La politique extérieure du socialisme vide à arrêter l’agression, tout attentat à la paix, à la sécurité, à l’indépendance des pays et des peuples.
L’HISTOIRE DE L’URSS
La Constitution du premier état socialiste inspira effectivement la doctrine autant qu’il l’illustra.
L’URSS nait, on le sait d’une terrible guerre impérialiste qui provoque la mobilisation des peuples pour la paix.
Le 26 octobre (8 novembre ) 1917, le IIe congrès des soviets de Russie vote le décret sur la paix qui exprime une politique extérieure et une diplomatie totalement inédites, le document n’est pas adressé aux seuls gouvernements, il est adressé “aux peuples belligérants” et à l’avant-garde ouvrière d’Angleterre, de France et d’Allemagne et il les invite à prendre une part active à la lutte pour la paix.
“Poursuivre cette guerre, dit le décret sur la paix, pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles qu’elles ont conquis, c’est selon le gouvernement, le plus grand des crimes contre l’humanité ; et il se déclare solennellement résolu à signer immédiatement des conditions de paix qui mettent fin à cette guerre, conditions déjà indiquées et de justice pour tous les peuples sans exception”.
Dès la fondation de cet État, des dizaines d’années durant, les soviets durent affronter toutes sortes d’agression des puissances impérialistes qui eurent recours au blocus économique, à l’isolement diplomatique, à des coalitions et l’entretien de forces internes hostiles en vue de l’anéantissement de l’État socialiste.
La politique extérieure prend alors forme pour assurer en premier lieu la sécurité de l’État socialiste, à sauvegarder dans les pires difficultés les intérêts de son peuple, constituer malgré l’assaut permanent un droit à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’emploi, etc… Tout en affermissant le rempart face au monde et en créant partout des conditions de soutien. Cette histoire est celle de la quasi totalité des États qui ont choisi le socialisme. Ils doivent répondre aux besoins du peuple et dans le même temps créer les conditions pour infléchir la marche mondiale en vue d’assurer la paix, le progrès social et la libération d’autres peuples.
On peut juger de l’histoire de l’URSS positivement ou négativement par exemple en matière de répression, il est difficile de ne pas noter que le contrat ci-dessus a été accompli en particulier face au rôle joué dans la deuxième guerre mondiale.
- LA POSTÉRITÉ DE CETTE DÉFINITION DU DROIT INTERNATIONAL ET DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE
Quand nous analysons la politique extérieure des différents États socialistes, nous voyons qu’ils respectent les bases intangibles qui ont été ainsi posées avec l’apparition de l’URSS. Un chapitre spécial mériterait d’être consacré à Cuba qui a véritablement innové en la matière et qui œuvre pour que soit respectées les bases “kantiennes” des institutions internationales et dans le même temps poursuit son adresse à tous les peuples du monde, aux exploités, élargissant la référence à la classe ouvrière jusqu’aux luttes d’indépendance et anti-coloniales.
Nous publions aujourd’hui une proclamation de Cuba affirmant son droit à la souveraineté qui ne dépend pas du bon vouloir d’un maître étasunien un peu moins mauvais que les autres, mais bien de la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté inaliénable de l’île.
Il faudrait analyser le rôle que Cuba en tant que pays dirigé par un parti communiste a joué avec le mouvement des non alignés et les luttes de libération nationale pour lier communisme et refus du néo-colonialisme. L’île a agi avec des principes toujours respectés, son alliance avec l’URSS et les pays socialistes n’a jamais été au prix de sa souveraineté, elle a agi avec mais jamais en tant que mercenaire et à toujours donné au communisme une définition élargie de l’exploitation capitaliste.
Donc, on peut considérer que l’innovation de l’URSS en matière de Droit international et de politique extérieure continue à caractériser le progressisme et le communisme, mais que les développements ont engendré des réflexions nouvelles. Comme on doit constater que la fin de l’URSS s’est accompagnée d’une régression fondamentale et en particulier face au sujet que nous traitons ici en matière de droit international qui est rapidement revenu au droit du plus fort.
Avec la chute de l’URSS, puis les politiques néolibérales, le fragile équilibre imposé par l’existence de l’URSS et qui avait abouti à la création d’organismes internationaux a été remis en cause de plus en plus profondément, ne serait-ce qu’à travers “le droit d’ingérence” et désormais l’abandon de traités et d’organisations qui ne manifestent pas assez leur soumission.
La dérive de certains partis communistes qui, en rupture avec la tradition internationaliste ont peu à peu accepté de se conformer aux propagandes de l’impérialisme accompagnant les viols de souveraineté doit être également étudiée, et malheureusement le PCF pendant plus de 20 ans s’est conformé à toutes les définitions de l’Empire en matière de “guerre juste”, de viol de la légalité internationale, de la souveraineté des nations, sous prétexte de lutte contre des dictateurs, y compris des partis frères.
Nous sommes dans une période historique où l’impérialisme détricote tous les traités, toutes les institutions qu’il a mis des siècles à élaborer avec sa constitution en classe dominante et où il fait peser toujours plus sur les peuples toutes les formes de guerre pour sa seule survie.
Mais nous sommes également dans une période historique dans laquelle surgit un multilatéralisme avec la question de savoir si celui-ci sera un nouvel avatar des dominations ou une coopération égalitaire.
La mondialisation est un fait sur lequel on ne reviendra pas mais il est clair que celle qui est à l’œuvre peut conduire à la destruction de l’humanité.
C’est au regard de cet échec et de la montée en puissance de forces issues des anciens pays colonisés y compris la Chine, qu’il faut considérer le point III à savoir les propositions de Xi Jinping.
Je suis restée volontairement sur la seule conception du droit international et des politiques extérieures des États, mais la pire violation des États-Unis réside dans sa capacité à imposer des sanctions économiques à des peuples, de procéder à l’asphyxie et au siège de pays qui ne lui ont rien fait d’autre que de se choisir souverainement un système politique que les États-Unis ont décrété amoraux selon une conception religieuse proche du monothéisme dans sa phase prosélyte la plus extrême. Grâce à leur puissance de feu et leur mainmise sur l’étalon universel le dollar de tous les échanges, ils peuvent pratiquer une conception extra-territoriale du droit du plus fort qui attaque en priorité des populations civiles. Dans le contexte de l’épidémie, “l’Amérique en premier”, le slogan de Trump, qui en fait signifie le capitalisme étasunien en premier, ces gens-là ont poussé jusqu’à l’extrême le refus de toute coopération et le déni du droit.
Il est indispensable de reconstruire l’ordre international et le faire en luttant contre le détricotage des institutions et des traités existant, en défendre l’esprit mais en mettant en œuvre des coopérations pour le bénéfice des peuples et des exploités. On doit le faire, en proposant des bases de coopération internationale en rupture avec l’hégémonie US et de ses vassaux, en tenant compte du multilatéralisme en cours, mais en l’élargissant à toutes les nations et à tous les peuples, la conscience des enjeux réels par les militants communistes est donc plus que jamais indispensable.
Danielle Bleitrach
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Cuba en géopolitique impériale | | Histoire et société
[…] fondamentale au droit international, voir notes sur le droitinternational et la géopolitique : https://histoireetsociete.com/2020/10/09/quelques-notes-sur-lidee-de-guerre-juste-et-le-droit-intern… (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoire et […]