L’opportunité de quelques jours de vacances en Grèce a été aussi celle de repenser les concepts “politiques” tous plus ou moins inventés en Grèce. Une manière d’instaurer une nécessaire distance quand l’engagement a besoin d’être repensé, quand cela reste la seule manière de rester fidèle à celui-ci. Ce dont je vous ai parlé et qui m’apparait sinon plus indispensable que jamais à tout le moins correspondant aux possibilités du moment. Pour faire simple je dirais que la confiance c’est comme les allumettes, ça ne sert qu’une fois et franchement là ils ont usé la boite entière (format ménage). Je n’y reviendrai pas, c’est inutile. En revanche, il m’a semblé qu’un détour sur l’histoire et la question de la transformation des modes de production pouvait avoir quelque utilité y compris par rapport aux textes les plus récents sur la question publiés dans ce blog. Parce que dans le terme Kairos, la clé est dans l’articulation du temps et de l’action collective, les deux sont inséparables c’est l’objet de ce compte-rendu de lecture.
Illustration: le regard d’Ulysse d’Angelopoulos. Dans ce film, un cinéaste grec exilé aux Etats-Unis depuis 35 ans revient à Ptolenaïs, sa ville natale, pour y présenter l’un de ses films. Ce cinéaste se nomme simplement «A.» le réalisateur a lui aussi effectué le même voyage que son héros. Cependant, le véritable motif du retour de «A.» consiste à rechercher les trois bobines du tout premier film balkanique tourné à l’aube du cinéma par les frères Manakis. Cette recherche l’amènera à parcourir la péninsule des Balkans déchirée par la guerre dite de Yougoslovie par laquelle avait commencé, pour moi, la troisième guerre mondiale.
La contradiction de la lutte des classes ou celle des forces productives : le mode de production esclavagiste
Ce blog dans ses plus récentes publications témoigne de l’existence d’un débat possible sur la nature de la lutte des classes aujourd’hui, un débat qui s’esquisse sur tous les continents, à partir de situations les plus diverses et qui traverse le mouvement communiste et celui des forces progressistes : qu’en est-il de la question de la classe ouvrière, autant que celle de la difficulté pour les masses mécontentes de s’emparer de la perspective socialiste alors même que faute d’une issue les risques de fascisation et de guerre s’accroissent.
On peut relire à ce propos J.P. Vernant qui s’interroge sur le rôle révolutionnaire ou non des esclaves :
“les luttes des classes se nouent et se déroulent dans un cadre socio-politique dont par définition les esclaves sont exclus. On peut dire que tout au long de cette période ce n’est jamais directement sur le plan des luttes sociales et politiques que s’exprime l’opposition des esclaves à leurs maîtres. Il nous faut réfléchir, de ce point de vue, à ce que signifie une formule comme celle d’Aristote, ce témoin auquel Marx prêtait tant d’attention. Aristote voit dans l’esclave un instrument animé. C’est qu’aux yeux du Grec, l’humanité de l’homme n’est pas séparable de son caractère social ; et l’homme n’est social en tant qu’être politique comme citoyen (…) Est-ce à dire que l’opposition entre les esclaves et leurs propriétaires n’a pas joué un rôle essentiel dans l’évolution des sociétés antiques? En aucune façon. Mais cette opposition n’a pas pris la forme d’une lutte concertée opérant au niveau des structures sociales et politiques. Elle s’est exprimée par des conduites individuelles de révolte ; parfois quand les circonstances extérieures, les vicissitudes de la guerre le permettaient, par des fuites collectives ; mais il s’agissait toujours d’échapper à la condition servile, non de modifier l’état social en faveur du groupe dont on se sentait membre. En fait, c’est sur un autre plan que l’opposition a joué un rôle décisif : la résistance des esclaves – dans leur ensemble comme groupe social -, à leurs maîtres s’est manifestée au niveau des forces productives, ces forces productives dont les esclaves constituent précisément l’essentiel dans le contexte technico-économique de la Grèce ancienne. Sur ce plan, l’opposition des esclaves et de leurs propriétaires revêtira, avec la généralisation de l’emploi de la main d’oeuvre servile, le caractère de contradiction fondamentale du système de production esclavagiste. En effet dans ce système où le progrès technique se trouve pour l’ensemble bloqué ou au moins fortement freiné, l’extension de l’esclavage apparaît comme le seul moyen de développer les forces productives. Mais en même temps, l’opposition des esclaves à leurs maîtres, leur résistance, leur inévitable mauvaise volonté dans l’exécution des tâches fixées, contrecarrent ce progrès, lui imposent du point de vue du rendement des limites de plus en plus étroites, tandis que, sur le plan de la quantité des forces productives, la multiplication du nombre des esclaves ne peut se poursuivre indéfiniment sans mettre en danger l’équilibre du système social. Aussi peut-on admettre qu’à partir d’un certain stade l’opposition entre les esclaves et ceux qui les utilisent devient la contradiction fondamentale du système, même si, comme l’a dit Parrain, elle n’apparait pas comme la contradiction principale“(1)
Tout à fait d’accord et le nom de Charles Parrain (2) nous ouvre encore d’autres perspectives, on ne saurait en effet comparer le mode de production esclavagiste de la Grèce archaïque et classique dont parle J.P.Vernant au mode de production esclavagiste de Rome quand intervient Spartacus et la révolte des esclaves, des gladiateurs armés, face au déséquilibre social créé par les grandes latifundias et la manière dont les esclaves, affranchis assurent partout la gestion de l’empire, tandis que les armées romaines s’emplissent de barbares et les frontières sont gérées par les mêmes plus ou moins “romanisés”. Est-ce un hasard si l’idéologie chrétienne, la “personnalisation” de fait de l’esclave non par la citoyenneté mais par la religion intervient dans ces temps-là, ceux ou la contradiction entre forces productives et rapports de production a été porté jusqu’à la conscience de classe, celle de Spartacus dont Marx nous dit qu’à partir de ce moment où à la tête d’une troupe d’esclaves révoltés, il a tenu plusieurs années et mis en péril l’armée romaine, le mode de production esclavagiste était condamné. Il l’était par cette lutte mais y compris par la nécessité pour l’empire romain de mener des guerres de plus en plus lointaines pour se pourvoir en esclaves qui ne se reproduisent pas ou pas assez en esclavage.
Donc non seulement si nous voulons analyser l’évolution d’un mode de production, il faut partir de la contradiction forces productives et rapports de production, son développement qui est à la base à un moment déterminé de la lutte des classes. C’est-à-dire qu’il faut dialectiser, introduire des temporalités dans cette analyse du social. En sachant qu’il y différents temps qui coexistent en matière de relations à l’action et à la conscience historique des êtres humains.
Trois concepts pour le temps : Aiôn, Chronos et Kairos
Mon récent voyage en Grèce a été l’occasion d’une réflexion sur ces articulations de temps, non seulement parce que la plupart des concepts “politiques” ont été forgés en Grèce. Parce que, souvent, comme nous l’avons vu avec Chateaubriand, cette histoire a été ré-interprété face aux interrogations des lettrés sur l’histoire et sur la transformation des classes dominantes, mais parce que l’expérience historique récente s’est jouée dans ce pays d’une manière fondamentale à propos du nazisme. Et que cette expérience nous confronte à la permanence de celui-ci y compris aujourd’hui.
C’est-à-dire que quand il est question de la Grèce s’emboîtent différents “codes” mais aussi des événements socio-historiques qui invitent à penser à la fois au passé mais en alertant sur le présent. J’ai parlé de cette expérience actuelle, en une centaine d’années qui nous confronte à ce qu’est réellement l’Europe aujourd’hui.(3) La lecture tout à fait originale que l’on peut faire en Grèce de l’importance du phénomène nazi dans l’histoire actuelle de l’Europe avec la guerre civile dans laquelle la Grande-Bretagne, les Etats-Unis vont préférer les collaborateurs du nazisme aux résistants communistes. Une expérience qui sera renouvelée sous une autre forme par la coalition de gauche qui n’a réussi qu’a affaiblir le KKE pour mieux s’aligner sur l’UE et la dictature des marchés financiers. La manière dont cette structuration, cette synchronie a été réveillée pour empêcher le continent eurasiatique de se constituer aujourd’hui, à travers l’OTAN, l’ultime résistance de l’hégémonie étasunienne. J’ajouterai le seul endroit de la planète où les Etats-Unis paraissent avoir réussi leur coalition à travers l’OTAN, contre la Russie, mais surtout contre la Chine, mais au prix d’une balkanisation et d’une crise des nations au Moyen Orient.
Cette coalition européenne autour de l’OTAN rejoue le scénario du nazisme avec la russophobie d’un Zelensky, tout en prétendant s’opposer une fois de plus au mal absolu devenu cette fois Poutine et Xi, les nouveaux Hitler.
Il y a donc le Temps de ce qui n’a jamais été réellement éradiqué, un moment apparemment très court, celui du nazisme. La horde sauvage hitlérienne qui elle-même avait surgi de la dislocation de l’empire autrichien et des concurrences impérialistes de la première guerre mondiale avait connu un paroxysme génocidaire en Grèce. Un pays entier où rien ne paraissait avoir changé poussé à la famine s’était révolté dans un réflexe de survie et un parti communiste jusque-là groupusculaire s’était identifié à ce sursaut.
Cette permanence grecque mériterait à elle seule une étude. Elle concerne la langue puisque les textes du XIIIe siècle, ceux du sire de Joinville exigent en français une traduction alors que les textes de la même époque en grec sont compréhensibles dans le grec actuel. Mais ce qui nous parait intéressant c’est d’étudier les réformes et les projets de celui qui est considéré comme une sorte de père de la patrie à savoir Venizélos, à commencer par la réforme agraire après la première guerre mondiale qui avait transformé la Grèce en une nation de petits propriétaires. Ce qui avait joué un rôle à la fois dans la famine d’Athènes et dans la résistance, la production des céréales était dans les mains d’une multitude de petits exploitants dont chacun ne mettait en vente que ce qu’il voulait. Comme il est important de comprendre le rôle charnière entre balkanisation et dissolution de l’empire Ottoman, dans lesquels les rêves Hellènes de Venizelos interviennent pour créer les conditions d’éternels conflits qui trouvent leur prolongement aujourd’hui et face auxquels les communistes tentent d’apporter paix et amitié entre les peuples.
Nous sommes parfois dans un temps particulier que les lettrés de la Grèce classique auraient défini comme Aiôn : le temps cyclique. Aiôn était une divinité grecque associée au temps, au cercle englobant l’univers (selon les croyances grecques) et au zodiaque. C’est le temps des cycles, comme les saisons, la respiration, le sommeil, etc. Il n’a pas de bornes et peut également signifier la destinée, l’âge, la génération ou l’éternité. On retrouve notamment le terme Aiôn en géologie. Il désigne une période indéfiniment longue, telle que les phases géologiques de formation de la Terre. On le retrouve aussi bien dans les références à l’antiquité qu’à l’orthodoxie, tous leurs rituels.
Mais dans le même temps ce qui se passe en Grèce donne son plein sens à la rupture que fut le nazisme et en quoi il continue aujourd’hui à tracer les voies de l’Europe actuelle puisque pour achever la démonstration de ce qui s’est passé pendant et après la deuxième guerre mondiale, c’est ici et avant le “moment de Suez”(4) que les USA, la Grande-Bretagne en train de perdre sans le savoir son rôle dominant, ont choisi de soutenir les anciens collaborateurs contre la Résistance. L’URSS qui avait mis toutes ses forces dans sa survie n’était pas en état d’aller plus avant en Europe. Ignorer ce moment clé et ce qu’il avait continué à engendrer était ne rien comprendre à ce qui se jouait en Europe aujourd’hui. La vassalisation des anciennes puissances européennes confrontés aux chiens de garde des Etats-Unis que sont la Pologne, et tous les pays de l’ex-URSS et du pacte de Varsovie dans lesquels a été développé une haine du Russe qui ira jusqu’à porter l’OTAN contre la Chine pour empêcher l’Eurasie. Les grands perdants étant l’Allemagne et la France, qui sont en train de perdre définitivement ce qu’ils avaient cru pouvoir conserver de leur néo-colonialisme, et ces nations le perdent en Europe même, en Ukraine.
Le temps, celui de la chronologie est en train d’être remis en cause : dans la mythologie grecque, Chronos était le dieu représentant la personnification du temps, et notamment des douze heures du jour ou de la nuit. Le temps Chronos, c’est celui que nous connaissons tous, c’est le temps physique. Il permet de segmenter le temps en passé, présent et futur, grâce aux unités de mesure telles que la seconde, la minute, l’heure, etc. Ce temps est quantitatif et linéaire. C’est celui du quotidien, mais aussi celui de l’événement, de la chronique des puissants qui nous invitait après l’effondrement de l’URSS à ne plus avoir ni passé, ni avenir, seulement l’écoulement des jours et des heures, celui des chaînes en continu de l’actualité dans lequel un pseudo expert peut venir raconter n’importe quoi sous la dictature de l’interprétation de l’instant. Celui de la politique limitée au paroxysme de l’élection, des empoignades de chiffonnier entre équipes que rien ne différencie réellement. Et les partis ou plutôt les factions se rangeant en écuries derrière un champion fabriqué comme un produit de consommation.
La conscience du “moment” n’est pas une intuition, mais un raisonnement
La grande nouveauté d’aujourd’hui c’est que ces temps, celui du cycle, de l’éternel retour, des mythes, et la chronologie des puissants, de leurs affrontements et guerre sont dans un autre temps, celui que les Grecs définissaient comme Kairos : le temps métaphysique. C’est le point de basculement décisif, avec un « avant » et un « après ». Chronos était le temps chronologique, et le dirigeant, la classe dominante qui l’avait promu en faisait le “maitre de l’horloge” sur le mode présidentiel français avec ses institutions qui n’étaient surtout pas faites pour donner la parole au peuple mais pour l’empêcher au contraire de s’exprimer. Kairos était un moment particulier où l’heure normale était perturbée et où quelque chose de nouveau promettait – ou menaçait – d’émerger.
Est-ce un hasard si cette nouvelle perception du temps arrive de partout à la fois. Il y a eu l’épidémie, les problèmes climatiques, et actuellement de partout montent les refus des “réformes” contre les peuples, exigées par les marchés financiers, comme des ébranlements stupéfiants : par exemple les Etats-Unis et donc la monnaie universelle, les échanges en défaut de paiement potentiel…
A mon retour de Grèce, je me suis mise à lire la guerre du Peloponnèse de Thucydide, parce que cette approche historique, une des premières est celle qui lie la politique, celle des cités à la guerre, en faisant la plus large place au kairos : les stratèges qui interviennent dans ces guerres et dans celles qui opposeront les Grecs au Perses sont ceux qui ont cette conscience aiguë qui a caractérisé également les penseurs révolutionnaires communistes: « Maintenant est le bon moment pour agir », sans qu’il y ait d’éléments objectifs apparents aux autres hommes politiques validant cette affirmation. Le marxisme et le léninisme plus encore ne sont pas des “utopies”, ils n’inventent pas de monde idéal, de phalanstères, mais en revanche ils s’inscrivent dans le temps, celui des masses, celui du développement des forces productives, entravés par les rapports de production, celui des relations des êtres humains à la nature, à leur propre nature à l’intérieur des rapports de production, traduits par les relations de propriété, et par l’antagonisme capital travail pour les sociétés de classe. Le politique, le révolutionnaire est celui qui perçoit l’expression de la sensation du temps Kairos comme un temps “entre” deux époques. Un temps “qualitatif” qui détermine la “profondeur” de la vague qui monte… Ce n’est pas un hasard si cette conception du temps surgit dans l’autonomisation politique des cités par rapport à la fatalité du destin imprimé par les dieux, si la notion de kairos est indissociable du mot grec, elle est aussi indissociable d’un contexte qui est celui de la Grèce des Ve et IVe siècles av. J.-C.. C’est le guide politique et cela n’est pas éloigné du génie que l’on prête à Fidel Castro, il faut une très grande culture, beaucoup de connaissances générales qui permettent de saisir à la fois le caractère original de la situation, et une mise en perspective. Kairos relève du diagnostic et d’un raisonnement rationnel et pourtant il est capable d’affronter l’imprévisible et l’inhabituel.
En fait, cette capacité est peut-être simplement la capacité à percevoir plusieurs temporalités qui jouent ensemble et ne pas éliminer les contradictions mais au contraire les articuler comme dans l’idéal la Chine serait aujourd’hui capable de tirer de son expérience millénaire, de l’enfer de l’humiliation néocoloniale, du choix du socialisme, de la révolution culturelle, de l’ouverture à la mondialisation et à la modernité, au marché capitaliste sa capacité à continuer à jouer entre la mondialisation actuelle et à prévoir un système de remplacement. Mais revenons-en aux concepts qui aident à penser “le moment”, l’entre-deux.
Il y a beaucoup de choses à penser et à revoir dans ce temps de basculement historique, y compris le rôle joué par la guerre. Celle-ci apparait comme “naturelle” entre cités. Tant que n’a pas été fondée une organisation judiciaire comme celle de la “polis” qui arbitre au nom de l’Etat, les rapports entre les divers groupes familiaux, il n’existe pas de frontière nette entre vengeance privée et la guerre au sens propre du terme. Entre des représailles face à un vol de bien, de bétail, voir un rapt de femmes. D’ailleurs cela peut s’arrêter par un échange de femmes et la guerre ne régit pas les rapports de forces entre Etats mais les rapports interfamiliaux, une sorte de commerce. Il reste toujours à quelque stade que soit la guerre quelque chose de cet ordre-là, tant que la concurrence et les antagonismes sont à l’oeuvre, c’est ce qui a provoqué d’ailleurs l’urgence de la réflexion de Marx et Engels sur l’oeuvre de Darwin, comme celle de Morgan (4).
Dans le langage courant, on parlerait de point de basculement décisif, avec une notion d’un avant et d’un après au sens de Jankelevitch. Le kairos est donc « l’instant T » de l’opportunité : avant est trop tôt, et après trop tard. In fine : « Maintenant est le bon moment pour agir. » Au niveau du vécu le lien a été souvent fait avec la mélancolie parce qu’il est un ressenti, parce qu’il y a le danger de ne pouvoir agir ; est en quelque contenu dans l’opportunité le ratage mais c’est l’aspect “romantique”, celui de la classe condamnée. Ou après l’échec ce que l’on pourrait définir comme le principe de “consolation” auquel on peut par exemple comparer la philosophie de Gramsci. S’il y a un apport spécifique de Gramsci c’est d’avoir mesuré à quel point les anciennes façons de faire du monde mouraient et que de nouvelles luttaient pour naître, il n’y avait aucun moyen de rester neutre. Vous deviez décider si vous consacriez votre vie à changer ou à bloquer son chemin et c’est ce que poursuit avec toute la violence dont il est capable Pasolini. D’où le succès ambigu de Gramsci quand il s’agit d’accepter l’inévitable ou considéré comme tel de la contrerévolution, d’y voir une modernité à la manière de l’eurocommunisme, il peut être dévoyé dans une subjectivité contre-révolutionnaire parce que la tendance à l’intuition, à la subjectivité y prend le pas sur l’analyse concrète d’une situation concrète.
D’où la nécessité d’en revenir aux catégories objectives énoncées plus haut : forces productives rapports de production, et la manière dont elles déterminent la conscience et l’intervention active des êtres humains dans l’histoire, dans leur propre histoire.
Danielle Bleitrach
(1) Jean-Pierre Vernant Mythe et société en Grèce ancienne, librairie Maspero (1974). Editions la découverte Poche (2004) p.27 à 29
(2) Charles Parrain est aussi un grand nom de la confrontation entre forces productives et esclavage. Je garde un souvenir reconnaissant à son étude sur Marc Aurèle qui m’a définitivement débarrassé des “enflures” du stoïcisme en me faisant percevoir à quel point cet empereur et ses états d’âme était en fait un insupportable réactionnaire.
(3) Puisqu’il est question de J.P. Vernant et de son approche marxiste, il faut noter que dans ce même livre il fait le lien avec la Chine et se lance dans une comparaison entre Chine et Grèce qu’il serait bon de relire. En partant de l’idée fructueuse selon moi, que l’histoire des mentalités en Grèce et en Chine pouvait être mise en rapport avec les expériences historiques particulières qui furent celles du monde chinois et du monde grec dans l’Antiquité. C’est que les modes de pensée peuvent être compris en relation avec certaines formes et pratiques politiques, avec certains types d’activités, en un mot, que le mental n’est qu’un des aspects du social. (p.83)
(3) Le moment de Suez, c’est celui où la Grande-Bretagne découvre que désormais elle va devoir demander l’assentiment des Etats-Unis pour exercer les vestiges de sa puissance coloniale sur le monde. Là encore nous sommes en pleine actualité avec à la fois les illusions rituelles du couronnement de Charles III et la défaite du gouvernement conservateur se prenant pour Churchill avec à sa tête un échappé de Rudyard Kipling.
(4) j’en profite pour vous vanter à nouveau les écrits de Engels : l’origine de la famille, de la propriété et de l’Etat, il a jugé ces questions si importantes et la recommandation de Marx à l’article de la mort de devoir écrire là-dessus, qu’alors qu’il fait face à toute l’organisation de la social-démocratie, alors qu’il doit continuer à éditer le Capital de Marx, il consacre beaucoup de temps et une érudition incroyable à ce travail de Morgan sur les sociétés sans classe ou en train d’évoluer vers la propriété privée.
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Matthieu
A signaler, comme en écho à ce billet, le récent livre de David Muhlmann au titre de “Lénine en son temps: politique du moment opportun” qui explore le rapport de Lénine avec les différentes dimensions du temps.