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Chine : 44 entreprises cotées sont passées aux mains de l’État chinois en 2019

Un site qui étudie en priorité la Chine et qui fournit comme ici des informations intéressantes et qui confirment ce que que nous avons publié sur la relation de l’Etat au numérique, l’affaire Jack Ma s’intègre dans un processus continu visant à la fois à empêcher un pouvoir monopoliste de bloquer l’innovation et à acquérir un pouvoir supérieur à celui de l’État socialiste. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

par Clémence Mirgalet | Fév 11, 2020 | 0 commentairesXi JInping

Sur fond de guerre commerciale, le gouvernement chinois a initié un mouvement de grande ampleur de prise de contrôle de son industrie high tech en 2019. Par le biais des gouvernements provinciaux, d’entreprises d’État ou de fonds d’investissement public, l’État chinois est ainsi devenu actionnaire majoritaire de 44 entreprises cotées sur la seule année 2019.

Une volonté de préserver les fleurons technologiques nationaux des sanctions américaines

Selon plusieurs articles parus dans des media chinois spécialisés en finance, les gouvernements provinciaux et locaux ont levé environ 500 milliards CNY (72,7 milliards USD) depuis la fin de l’année 2018 pour venir en aide aux entreprises en difficulté du secteur privé. En réalité, seules 11 des 44 entreprises entrées dans le giron de l’État affichaient des résultats négatifs pour l’année 2018. Plusieurs d’entre elles affichaient même d’excellents résultats. Tout indique que le gouvernement a choisi ces entreprises pour les préserver des risques d’embargo et de la mise en place de tarifs douaniers punitifs américains. En effet, la rivalité sino-américaine s’accentue avec les décisions de l’administration Trump de placer plusieurs entreprises chinoises sous sanction, et de les priver de l’accès à certains composants produits aux États-Unis. Les États-Unis craignent de plus en plus que les entreprises technologiques chinoises rivalisent avec leurs homologues américaines dans des secteurs considérés comme stratégiques et pouvant porter atteinte à la sécurité de l’État.

Des entreprises actives dans des secteurs stratégiques pour l’État

Sans surprise, nombre de ces entreprises sont actives dans des domaines hautement stratégiques pour le pouvoir central, tels que la surveillance et les systèmes d’information. La somme de la capitalisation de ces 44 entreprises représente plus de 36 milliards USD. La plus grande d’entre elles est Xiamen Meiya Pico Information (厦门市美亚柏科信息股份有限公司) dont la capitalisation boursière représente 2,3 milliards USD. Placée sur liste noire par les États-Unis en octobre 2019, elle travaille aux côtés des officiels chinois en charge de l’application de la loi dans les enquêtes juridico-informatiques et la censure en ligne, et est désormais sous le contrôle de l’entreprise d’État State Development & Investment Corp. (国家开发投资公司).

Shenzhen Infinova (深圳英飞拓科技股份有限公司), rachetée par une entreprise d’investissement du gouvernement municipal de Shenzhen, produit des systèmes de surveillance pour l’application de la loi. Ses produits ont été vendus dans plus de 100 pays, notamment en Amérique du Nord et en Europe. Un autre fournisseur de systèmes de surveillance NetPosa Technologies (北京东方网力科技有限公司), a été acquis par le bras armé financier de la province du Sichuan.

Cette tendance des nationalisations s’étend au delà du seul secteur de la sécurité : Shenzhen Yinghe Technology (深圳市赢合科技股份有限公司) fabrique des équipements pour la production de batteries au lithium, une des industries promues dans le plan gouvernemental « Made in China 2025 » (中国制造2025). Yinghe a été achetée par le Shanghai Electric Group (上海电气集团股份有限公司), lui-même détenu par l’État. Ygsoft (远光软件股份有限公司), qui est à l’origine d’un logiciel utilisant l’intelligence artificielle pour les industries de l’énergie, est quant à lui passé sous la houlette du géant State Grid Corp. of China (国家电网公司).

Une logique de long terme visant à renforcer le contrôle de l’État sur le secteur privé

Source: Nikkei Asian Review

Cette prise de participation massive ne doit pas être vue comme un phénomène conjoncturel, mais bien comme une volonté de renforcement du contrôle de l’Etat sur les entreprises privées, initiée depuis le début du mandat de Xi Jinping. Comme le rappelle Richard McGregor dans son livre Xi Jinping: The Backlash (Penguin Books), Xi a passé une grande partie de son premier mandat à maitriser les grandes entreprises publiques. Succédant à Hu Jintao, il récupérait les suites d’une décennie d’expansion très rapide et de faible discipline interne dans le secteur étatique. Une des mesures mise en place a été de renforcer le rôle du Parti dans la gouvernance interne en multipliant les cellules et en assurant une place de choix pour ses représentants dans les conseils d’administration.

La stratégie de Xi a été d’initier la même chose au sein des entreprises privées. Dans un discours prononcé quelques mois avant sa prise de fonction en mars 2013, il soulignait le besoin d’augmenter le nombre de cellules du Parti dans les entreprises privées. De nouvelles réglementations étaient publiées dans la foulée, l’une d’elles appelant à « la participation du Secrétaire du Parti au sein de l’entreprise aux réunions de haut niveau ». Selon ses propres chiffres, le Parti semble avoir admirablement accompli cette tâche : 68% des entreprises privées chinoises étaient hôtes d’une cellule du Parti en 2016, 70% pour les entreprises étrangères.

Fraser Howie, co-auteur de Red Capitalism (John Wiley & Sons) explique que les grandes entreprises privées sont désormais des « entreprises supervisées par l’État ». « Toutes les grandes entreprises chinoises font désormais partie d’une des deux catégories : soit entreprises d’État, soit entreprises supervisées par l’État. Tout est fait pour que le secteur privé se sente redevable au Parti ».

Derrière ce contrôle croissant, l’objectif ultime du pouvoir reste inchangé : s’assurer que le secteur privé et les entrepreneurs individuels ne deviennent pas des rivaux dans le système politique. Le Parti veut de la croissance économique, mais pas au point de devoir tolérer des centres de pouvoir organisés alternatifs.

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